Avengers vs X-Men
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Un affrontement tragique et spectaculaire, c'est ce que Marvel annonçait fièrement lors de la publication de la saga Avengers vs X-Men. Tout de suite, on dresse le bilan de cette période mouvementée mais peut-être pas si réussie que ça.

Avengers vs X-Men (lancé en kiosque en France en novembre 2012) reprend le schéma des events Marvel modernes, avec une série principale (de 12 épisodes) et divers tie-ins, dont les AVX Versus, détaillant les affrontements entre les différents personnages (cf. la scène #18 de notre Anthologie des Combats Marvel pour découvrir celui opposant Thor à Emma Frost).
Mais tout d'abord, un petit point sur la situation de départ n'est peut-être pas inutile.
Les X-Men sont divisés. Alors que Wolverine a réouvert l'école de Xavier à Westchester, Cyclope, lui, est devenu le leader d'Utopia, une île-nation située au large de la côte ouest des États-Unis (cf. X-Men : Schism) et rassemblant la majorité des mutants.
Au sein des Avengers, les traces de la guerre civile (cf. Civil War) ont désormais disparu, Iron Man et Captain America travaillant de nouveau ensemble. Enfin, Hope, première mutante apparue depuis le Jour M (cf. House of M et ses conséquences), a bien grandi et vit maintenant sur Utopia.

Tout commence réellement lorsque Nova (héros cosmique néanmoins très attaché à ses racines terriennes) débarque en catastrophe sur Terre, annonçant une arrivée pour le moins inquiétante puisqu'il s'agit de la Force Phénix, une entité - déjà à l'origine de la fin tragique de Jean Grey -apportant avec elle destruction et... renaissance.
Cette force doit néanmoins trouver un hôte et tout porte à croire que l'heureuse élue est Hope.
Cap décide alors de débarquer en force sur Utopia afin de récupérer la jeune fille en question, histoire de la "mettre en détention, par sécurité". Évidemment, Cyclope ne cède pas (quel chef serait-il s'il livrait ainsi l'un des siens au premier venu ?), et Vengeurs et Mutants en arrivent à se mettre joyeusement sur la tronche.


Bref, une sorte de guerre civile bis, mais sans en avoir l'intensité ni la profondeur. La saga est issue du think tank Marvel, le scénario des deux premiers épisodes étant signé Brian Michael Bendis (cf. notre dossier sur l'auteur) et Jason Aaron (Scalped, Wolverine, PunisherMAX).
Les dessins des premiers épisodes sont de John Romita Jr. Vu le résultat, on ne voit pas trop ce qui pousse la Maison des Idées à miser encore sur ce dessinateur. Bon, ce n'est pas aussi catastrophique que sur Avengers, où là on frisait l'escroquerie, mais tout de même, ce n'est pas bien folichon. Nombreux problèmes au niveau des visages, des postures, des proportions même, sans compter cette fâcheuse tendance à en foutre le moins possible et à bâcler les décors. C'est du niveau d'un bon fanzine amateur. Sauf qu'on est quand même chez Marvel...
Heureusement, on ne va pas se taper Romita jusqu'au bout, Olivier Coipel prend le relai à partir du sixième épisode, et Adam Kubert à partir du huitième. Inutile de dire que c'est un soulagement visuel, les planches devenant subitement belles et inspirées.

L'histoire, elle, a pas mal de défauts. L'on est loin de la montée en tension de Civil War, avec les évènements dramatiques qui avaient tout de suite posé les bases de l'intrigue. La présentation de la Force Phénix est vite expédiée (et ne devrait pas avoir un bien grand impact sur le lectorat ne la connaissant pas déjà), Hope est au moins aussi transparente, ne parlons même pas du dialogue Summers/Rogers sur Utopia, à mille lieues de ce que sait (et peut) faire un Bendis.
Tout va bien trop vite et, forcément, les réactions semblent disproportionnées et maladroites. L'on semble revenu des dizaines d'années en arrière, avec le principe simpliste "moi pas d'accord, moi cogner", ressorti du placard sans même être dépoussiéré. À aucun moment l'on a l'impression que Cap tente de convaincre réellement Cyclope, en fait, il s'y prend si maladroitement que l'on a du mal à imaginer que c'est là la légende, le modèle même, que tous les héros pleuraient lors de sa mort (cf. Fallen Son). Même sans avoir un sens de la diplomatie particulièrement aiguisé, l'approche (du genre "on fait comme ça et c'est tout !") n'est pas des plus subtiles. Ce qui est gênant puisque l'on n'a plus du tout l'impression que la fatalité pousse les deux camps à l'affrontement, le lecteur est au contraire tenté de penser que Cap, en agissant comme un bourrin, précipite les choses.


L'idée d'un conflit entre Vengeurs et X-Men n'est pas mauvaise, au contraire, elle est même assez excitante, mais elle est ici si mal mise en scène, tant sur le fond que la forme, qu'elle en devient presque risible.
Comment imaginer que ces gens qui ont tout connu, qui ont surmonté tant d'épreuves, qui ont pleuré ensemble les mêmes pertes, qui ont eu à subir des persécutions médiatiques et gouvernementales, en viennent, en si peu de temps, pour si peu de raisons, à se déclarer une guerre ? Or, si cet élément déclencheur - la base même de la série ! - ne tient pas, tout s'effondre. Toute la difficulté était de nous faire croire à l'enjeu, à un drame shakespearien, et Bendis, dont on connaît pourtant le talent, n'y parvient pas.

Sur la forme, il y a parfois quelques maladresses également. L'affrontement, par exemple, entre Namor et la Chose aurait pu être dantesque, au lieu de cela, on a deux gnons dans la flotte et quelques répliques plates.
Heureusement, tout n'est pas à jeter non plus. Les hôtes de la Force Phénix qui remodèlent le monde et tentent de bâtir un meilleur avenir constituent une thématique plus qu'intéressante (qui se rapproche de ce que l'on a pu découvrir dans The Authority, cf. ce dossier). Certains combats (bien plus développés dans les AVX Versus) offrent parfois des confrontations épiques, avec graphiquement (pour peu que Romita ne s'en mêle pas) des scènes qui peuvent être impressionnantes.
Un brin d'humour également, apporté notamment par le Tisseur qui, entre autres, s'offrira une belle référence à Karate Kid. Et puis quelques moments émouvants, avec des personnages en sang, allant au bout d'eux-mêmes pour défendre leur idéal. Ou encore la scène, pathétique, entre Vision et Wanda.

C'est donc loin, sur l'ensemble, d'être un naufrage complet, et c'est d'autant plus rageant. Car si l'histoire se suit sans trop de problème, elle manque singulièrement de lyrisme, voire de simple logique par moment. Il n'aurait pas manqué grand-chose pour que cette guerre se justifie au lieu de paraître aussi artificielle. Même chose pour l'intervention de Xavier et le côté très manichéen (et anti-Summers) qui nuit franchement à la dramatisation.
Reste tout de même le personnage de Cyclope qui prend de l'ampleur et laisse enfin tomber son côté effacé et gentillet. Un peu juste tout de même pour vraiment vibrer de bonheur ou d'étonnement à cette lecture.

Un récit développant une thématique intéressante, mais qui se trimballe un lot de bons gros défauts.
À tester tout de même.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Le début de réflexion sur la puissance absolue.
  • Certaines scènes impressionnantes graphiquement et rendant bien le côté surpuissant du Phénix.
  • Un peu d'émotion tout de même...
  • ... et même un brin d'humour.
  • Les AVX Versus, constituant un bon complément.

  • Romita, à la ramasse.
  • Le côté artificiel du conflit.
  • Cap et Summers, agissant parfois de manière pour le moins illogique.
  • Une bonne grosse usine à gaz si l'on ne connaît pas au moins un peu les grandes lignes des évènements de ces dernières années.