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Illustration tirée de l'édition polonaise illustrée pour la nouvelle Serpents à sonnettes. |
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Les trois couvertures mystère de la première édition Hodder & Stoughton. |
- Deux crapules pleines de talent : une très longue nouvelle se déroulant à deux époques distinctes afin de connaître les circonstances qui ont fait de deux jeunes hommes sans avenir des sommités dans leurs domaines respectifs. Trop long et un peu poussif avec une chute prévisible, mais intrigant.
- La Cinquième Étape : la plus courte nouvelle met en présence deux inconnus dans un parc, l'un désireux de s'épancher suivant les préceptes des Alcooliques Anonymes. Là aussi, on voit venir la conclusion de loin mais c'est amené avec une redoutable sobriété (sans jeu de mots).
- Willie le tordu : petit récit qui laisse une forte impression de malaise, tant par sa construction que par ses personnages (Willie, un gamin aux goûts un peu glauque, sa famille qui ne le comprend pas et un grand-père souffreteux qui est son seul confident). Pour le coup, la fin surprend par sa brutalité morbide.
- Le Mauvais Rêve de Danny Coughlin : sans doute mon récit préféré, malgré son classicisme. Danny rêve d'un cadavre enterré derrière une ancienne station service. Perturbé, il veut en avoir le cœur net et finit par le trouver exactement là où il l'avait vu en songe. Sauf que les flics ont vite fait de le suspecter de meurtre, alors qu'il jure ses grands dieux n'y être pour rien. Un agent de l'État va alors s'évertuer à le faire condamner malgré le manque de preuves. Intense et terriblement prenant.
- Finn : le gosse le plus malchanceux du monde se voit kidnappé et torturé... par erreur, évidemment. Court récit assez réussi et déstabilisant, où la morale en prend un sale coup.
- Slide Inn Road : une famille prend un raccourci sur une route déserte dans le but de se rendre à des obsèques et tombe sur des voyous sans scrupules... Deux parents dépassés, des enfants déchainés et un vieux grincheux face à la méchanceté crasse et au mal ordinaire. Cela m'a fait penser à Signes de Shyamalan, il y règne une ambiance très spielberguienne. Pas mal du tout.
- Écran rouge : très court récit dans lequel un flic fait passer un interrogatoire à un homme qui vient d'avouer le meurtre de sa femme, prétextant qu'elle avait été "remplacée"... par des extraterrestres. Quelque chose ne fonctionne pas dans ce texte qui n'arrive pas à s'achever de manière satisfaisante.
- Le Spécialiste des turbulences : encore un court texte sur un homme qui exerce un métier aussi méconnu qu'indispensable. Il aimerait bien pouvoir arrêter, mais qui peut faire ce qu'il sait faire ? Déroutant, il laisse une impression d'inachevé sans qu'on puisse lui reprocher d'être incomplet.
- Laurie : un veuf âgé reçoit la visite de sa sœur dans sa propriété des Keys. Elle lui amène un petit chiot afin qu'il cesse de ruminer. Il n'en veut pas, évidemment, mais elle tient bon. Du coup, Lloyd va devoir faire avec... Une jolie histoire toute tendre et pleine de mélancolie sur la vie, la mort et le temps qui passe.
- Serpents à sonnettes : même contexte, un vieil homme vient passer quelque temps dans un îlot des Keys après la mort de sa femme et pour tenter d'oublier celle de leur enfant. Il a pour seule voisine une femme qui promène une poussette vide... mais l'est-elle vraiment ? King pousse ici le curseur sur le deuil encore plus loin tout en insérant un peu plus de surnaturel et de surprises. Trop long et souvent redondant, mais captivant. À noter qu'elle peut être considérée comme une (lointaine) suite à Cujo et se déroule à quelques centaines de mètres de l'histoire précédente (d'ailleurs Lloyd est même cité directement).
- Les Rêveurs : d'une facture étrangement classique, une nouvelle qui rappellera les grandes heures du fantastique à la Lovecraft (qui d'ailleurs est explicitement cité) dans laquelle un vétéran du Viêt-Nam se retrouve employé comme sténo (vous ne rêvez pas, ha ha) auprès d'un scientifique excentrique cherchant à explorer le monde des rêves... et ce qu'il y a derrière. Confortable dans sa structure surannée mais très troublant.
- L'Homme aux réponses : une sorte de conte philosophique faussement léger qui fait penser à du Dino Buzzati, avec un jeune diplômé de Harvard qui trouve sur son chemin un homme capable de répondre à toutes les questions contre un peu d'argent. Beaucoup de sincérité et de sensibilité mêlée d'un peu de nostalgie dans ce récit touchant, au ton très juste, un peu doux-amer. Sans conteste le texte idéal pour clore le recueil.
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Illustration tirée de la version polonaise illustrée pour la nouvelle Le Spécialiste des turbulences. |
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Ainsi commence une extraordinaire quête à travers les ténèbres. Au nom de l’amour. À n’importe quel prix…

Bien sûr, des dizaines de secrets sont révélés au compte-goutte, certains évidents, d'autres pas tant que cela : quel est donc le pouvoir de l'Inquisitrice ? Pourquoi ne peut-elle pas se lier avec Richard - qu'elle aime pourtant, c'est évident ? D'où le grand méchant Sorcier tire-t-il sa puissance ? Comment sait-il quel artefact ouvrir alors que le Grimoire unique est en possession de Richard ? Quel est le plan du Sorcier ?
Toutes ces questions trouveront leurs réponses et en engendreront d'autres en leur temps, dans une quête agréable comme un bon feuilleton, rythmée et parfois passionnante. Pas étonnant qu'elle ait donné lieu à une série TV qui n'a malheureusement pas eu le financement dont peuvent jouir d'autres adaptations comme La Roue du Temps (sur Amazon Prime), The Witcher (sur Netflix) ou surtout Game of Thrones (HBO).

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Wolverine. Bien que mis à toutes les sauces dans de nombreux hors-séries, one-shots ou arcs parallèles (menaçant par son omniprésence la sacro-sainte continuité Marvel), il n’a que rarement été galvaudé, un peu comme si ses nombreux scénaristes avaient eu trop de respect pour sortir complètement du cadre esquissé voici des lustres par ses créateurs, et presque définitivement établi par John Byrne et Frank Miller, chacun de leur côté. Certes, il a eu ses hauts et ses bas (ayant même, littéralement, connu l’Enfer) et a traversé toutes sortes de crises, mais sa propre série n’a jamais été médiocre : il faut avouer qu’il n’y a pas grand-chose à jeter dans le moindre des épisodes du Canadien griffu, même lorsque leur seule raison d’être était d’occuper le lectorat en attendant le prochain arc d’importance.
Une nouvelle mini-série parue en 2012 semblait partie sur ces bonnes bases, dans une collection réservée aux adultes (donc contenant ultra-violence et/ou propos obscènes) avec pour scénariste un certain Charlie Huston, qui était avant tout à l’époque écrivain de polars ou scénariste pour la télévision, mais qui s'était également fait la main sur Moon Knight. La vision forcément décalée d’auteurs qui ne sont pas issus du sérail des comic books promettait une approche différente, et sans doute une expérience nouvelle. Il est vrai que Wolverine semblait promis à la collection Max et que les éditeurs devaient avoir eu quelques retours de lecteurs demandant d’aller plus loin que ce qui était proposé au grand public.
On confie alors notre héros aux pinceaux de Juan José Ryp. Nous avons ici-même, maintes fois, évoqué les œuvres de ce dessinateur espagnol dont le talent et le souci du détail font irrémédiablement penser à Geof Darrow avec cependant une propension à se lâcher pour verser dans le gore (ses cases sont régulièrement inondées d’hémoglobine, la faute aussi à ceux pour qui il a travaillé, Warren Ellis en tête). Ce qu’il a proposé sur des mini-séries telles que No Hero ou Wolfskin ouvrait des perspectives alléchantes. Et il s'en sort à merveille dans la plupart des séquences dessinées, même si on peut regretter des visages féminins interchangeables, un défaut qui sera moins visible dans sa série Clone.
Synopsis : Un étrange groupe entreprend de déterrer un individu qui a passé 60 ans enseveli dans des sables mouvants en Louisiane – et qui est toujours vivant...
De fait, et dès le départ, Huston opte pour une forme de dérision, ce qui a le mérite de dérouter un peu le lecteur, surtout s’il s’agit d’un aficionado qui dévorait déjà les premières aventures de Logan à Madripoor, à l’époque où John Buscema s’amusait à lui faire affronter des dizaines d’adversaires. Ainsi, nous le voyons en train de draguer et de raconter à une minette comment il a été capturé par de sales types pas très futés qui l’ont traité comme un chien (dans tous les sens du terme). Et voilà plus loin le même Logan surpris à danser en boîte de nuit (détail qui alertera immédiatement ses potes X-Men par son incongruité).
On continue notre lecture, un peu éberlué, un peu groggy même. On a du mal à s’y faire, surtout que Wolverine, s’il déchiquette à tout va (oui, quand même), passe aussi beaucoup de temps à dialoguer avec force allusions et second degré salace. Il y a de l’irrespect dans l’air ! D’autant que ses adversaires, coriaces certes, semblent uniquement créés dans le but de le laisser découper, démembrer, taillader jusqu’à plus soif : des immortels dans leur genre, morts-vivants, améliorés ou mutés, forcément coriaces. Pas la première fois que Logan affronte des vampires, ou assimilés : déjà, alors qu’il se faisait appeler le Borgne, il avait eu affaire à un sinistre sire qui l’avait poursuivi longtemps de ses ardeurs sanguinaires.
Et pourtant… On finit par s’y faire. Le talent iconoclaste de Huston (spécialisé dans le roman noir) parvient à hisser le niveau de cette histoire, d’autant qu’il ne se prive jamais de mettre notre mutant dans les pires situations (c’est vrai qu’il a subi toutes sortes de tortures – de la crucifixion au mitraillage quotidien – mais rarement avec un tel acharnement, un tel goût pour la souffrance). Et Ryp d’y associer son talent pour faire gicler le sang (ou autres humeurs) et sauter les membres (ou autres morceaux choisis). La générosité avec laquelle Wolverine se lance dans la bataille quitte à y perdre une bonne partie de son corps est ici traitée avec autant de logique que d’humour noir :
Sa capacité de régénération se trouve ainsi au centre de l’intrigue et l’auteur va tenter de donner une explication rationnelle aux différences entre les époques : rappelez-vous, dans le one-shot de Frank Miller, Logan devait se bander les plaies lorsqu’il était lacéré par un katana, et s’en trouvait visiblement diminué alors que dans d’autres épisodes, ultérieurs, il a été incinéré, éventré ou réduit en bouillie pour s’en sortir plus ou moins rapidement.
L’ensemble se poursuit sur un ton délibérément adulte – donc en parfaite adéquation avec le cahier des charges de la collection, en compagnie de personnages plutôt fascinants (avec un succédané de Deadpool qui agace avant de séduire), beaucoup de violence et de l’hémoglobine par hectolitres : on laisse l’héroïsme de côté, et les motivations sont souvent floues. Il n’empêche, cela s’avère assez revigorant, caustique et parfaitement rythmé. Parfois pointe néanmoins un peu de frustration : les experts savent que Wolverine est un adepte du combat rapproché, et un expert dans nombre d’arts martiaux, or ce qu’on voit avant tout ce sont des gestes manquant d’ampleur et de lisibilité – en gros, il fonce souvent dans le tas – qui traduisent mal le slogan qui sert de titre à la série : « le Meilleur dans sa partie » (on l’a déjà vu plus affûté et roublard). C’est un peu cette facette un brin limitée de Logan sur grand écran qui rejaillit ici : un fauve un brin obtus qui fond sur sa proie. D’autres auteurs avaient su mieux nous dépeindre un être qui en remontrait à Captain America dans la science du combat, capable de vaincre n'importe qui même dépourvu de ses hyper-sens, fin tacticien et doté d’une expérience en arts martiaux extrêmement rare.
On verra néanmoins cette facette trop peu usitée à l’œuvre dans le second volume, Quarantaine brisée, des mêmes auteurs, qui vont cette fois ouvrir le récit à l’univers étendu autour de Wolverine : les X-Men bien entendu, avec une avalanche de sous-entendus très sexuels sur la relation entre Scott Summers et Emma Frost (cela se déroule avant Schism) ; mais également des mentions des Shi’ars et des Krees ainsi que d’autres dimensions desquelles sont issus deux chasseurs de primes extraterrestres... et gays. Huston s’amuse à incorporer d’anciens adversaires, souvent obscurs, et sa manière de plonger Logan dans la science-fiction a de quoi procurer de nombreuses scènes jubilatoires tout en poussant notre héros dans ses derniers retranchements, notamment avec ce virus "technécrotique Phalanx" - version zombie d'une infection techno-organique bien connue des lecteurs des revues mutantes. L’on pourra convenir que cela alourdit le script qui devient un peu moins équilibré, hésitant entre l’absurde et le gore, avec davantage de running gags. Cependant la fin devrait parvenir à satisfaire les amateurs du « Meilleur dans sa partie ».
Disponible en France dans une collection peu onéreuse, cela reste donc un bon investissement, qui essaie d’explorer dans sa globalité la potentialité inouïe du personnage : sa fureur contenue, certes, sa violence, son intransigeance mais également son charme (nous l’avions déjà évoqué mais il est vrai que Logan possède une capacité de séduction qui interpelle). La traduction de Jérôme Wicky n’est toutefois pas exempte de reproches et l’on peut en outre déplorer quelques coquilles.
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Image tirée du film Freejack de Geoff Murphy (1992) |