Escroquerie Artistique et Pilleurs du Net
Publié le
3.11.15
Par
Nolt
Les faux artistes qui se servent du travail d'autrui étant malheureusement légion, il n'est peut-être pas inutile de faire une petite piqûre de rappel après un nouvel exemple récent de comportement scandaleux.
Il y a quelque temps, UMAC avait été menacé de représailles judiciaires (comme beaucoup de sites d'ailleurs) par le soi-disant artiste Benjamin Spark, sous prétexte que nous dénoncions ses pratiques douteuses (cf. cet article). J'avais alors pris la décision de ne pas céder (à l'inverse cette fois de beaucoup de sites) et de maintenir les propos tenus, surtout qu'il me semblait que ce Spark avait bien plus de comptes à rendre à la justice que nous.
Pas de suites depuis, mais la pratique qui consiste à voler une œuvre, sans même citer son auteur (professionnel ou amateur), continue dans l'indifférence presque générale.
Dernier cas en date, une association reprenant un dessin "modifié" pour faire la promotion d'un colloque. Et lorsqu'on lui fait remarquer cette pratique peu glorieuse, le responsable se défend d'une très étrange manière.
Mais commençons par le début.
Le dessin original, d'un artiste italien présent sur deviantart, représente un Actarus accolé à un Goldorak. L'affiche "créée" à partir de ce dessin, par Ideealizse, une infographiste française, se contente de reprendre ce même dessin en y appliquant un effet géré par un logiciel.
Voilà le résultat ci-dessous.
Contrairement à Spark, qui lui utilisait des coulures plutôt qu'un effet polygonal, l'alibi de la parodie (qui ne tenait pas une seconde, cf. notre article sur le droit d'auteur et l'exception qu'est la parodie) n'est pas ici avancé, mais les propos tenus valent quand même le détour.
Le responsable du colloque (qui a peut-être validé ce choix d'affiche en toute bonne foi), au lieu d'admettre la tromperie dont il a été victime, tente de la justifier. Notamment en affirmant que "toute œuvre artistique sur Goldorak plagie d'une certaine façon l'imaginaire de Go Nagai".
Hein ?
J'avais pas dit qu'elle était belle celle-là ?
Pis attention, c'est de la connerie à tiroirs.
Premier sens, première énormité : le mec se défend en disant que, de toute façon, oui, c'est du vol, mais vu que tout le monde le fait... ça n'a pas d'importance. Belle mentalité de margoulin.
Mais évidemment, non, toute œuvre n'est pas forcément un pillage du travail d'autrui.
Ce qui nous amène au deuxième sens de ces propos, qui mettent sur le même plan un hommage (donc un travail réel et personnel, utilisant un personnage connu dont on ne détient pas les droits) et un plagiat, qui consiste à voler un dessin original (parce que l'on n'a pas les capacités d'en réaliser un) pour ensuite le modifier d'une manière ridicule afin de pouvoir foutre son nom dessus.
S'inspirer d'un travail n'a jamais voulu dire que l'on était en droit de simplement "dégrader" la création d'autrui, comme certains semblent le penser.
Spark, Ideealizse, même combat, même sens de l'opportunisme, même cynisme, même absence de talent et de savoir-faire (cf. d'autres exemples édifiants sur cette page). Même fainéantise serais-je tenté de dire. Car enfin, si l'on veut absolument apporter sa vision dans un domaine artistique, on prend le temps d'apprendre à le maîtriser, qu'il s'agisse de dessin ou d'écriture.
A-t-on déjà vu un scribouillard voler le dernier Stephen King en modifiant quelques paragraphes ou simplement la fin, tout cela pour vendre sous son nom une histoire qui ne lui appartient pas ?
C'est peut-être pour bientôt remarquez, car si nous laissons ces pratiques perdurer et ces faux artistes s'enrichir grâce au pillage, nous ouvrons une voie bien dangereuse.
Il est extrêmement difficile et long de se lancer dans un domaine artistique, surtout si l'on souhaite en vivre. Cela demande des sacrifices, un apprentissage, un tâtonnement, des remises en cause, une volonté de fer, pour un résultat très aléatoire. Que l'on soit dessinateur, scénariste, romancier, nos travaux ne seront peut-être jamais publiés. Et s'ils le sont, ils ne rapporteront, la plupart du temps, que très peu d'argent (cf. notamment cet article qui revient sur les chiffres de vente et la réalité de l'édition).
Alors, attention, je ne fais pas partie de ces illuminés qui souhaitent par exemple que les auteurs soient rémunérés par rapport au tirage (avec de l'argent imaginaire) et non par rapport aux ventes. Si, comme tant d'autres, je me suis engagé sur une voie hasardeuse, je l'ai fait en toute conscience de son âpreté. Mais je me refuse à ne pas réagir quand des artistes, connus ou non, sont ainsi dépossédés de leur travail et que d'autres s'enrichissent après avoir modifié un contraste ou appliqué un effet.
C'est inacceptable.
Imaginez l'amateur qui galère depuis des années, s'améliore peu à peu, apprend à peaufiner son art, sans pour autant parvenir à percer, et qui tout à coup voit sur le net que ce qu'il a mis des années à construire, patiemment, honnêtement, c'est un autre qui s'en sert, sans efforts, pour en retirer notoriété et pognon... ou si vous n'avez pas la fibre artistique, imaginez que vous vous tapez une journée de labeur, au bureau, à l'usine, au magasin, et qu'épuisé, sur le trajet de la maison, un type parvient à encaisser à votre place le fruit de votre travail. Et ce pendant une semaine, un mois, plus peut-être. Ah ben ça peut irriter. On a connu des délocalisations de molaires pour moins que ça.
Ideealizse, pas plus que Spark, ne sera jamais une artiste. Parce que pour se réclamer de cette caste si étrange, il faut avoir expérimenté par soi-même. Il faut créer réellement. Et, peut-être le plus essentiel, il faut ressentir. Etre capable d'imaginer les émotions d'autrui, de personnages même imaginaires. Or, voler ainsi, même des inconnus, révèle plutôt un cœur froid, un esprit de traviole et des valeurs en berne.
Une œuvre se crée. Par le travail acharné, l'inspiration, le génie, peu importe, mais elle résulte d'une émanation profonde de l'artiste.
Étaler de la cancoillotte sur les Montres Molles de Dali n'a jamais fait d'un opportuniste un peintre. Et je pourrais m'enregistrer en rotant sur le dernier Maiden que je ne serais pas chanteur ou musicien pour autant.
Un auteur se doit nécessairement d'être auteur de quelque chose, froisser une page ne fait pas d'un abruti un écrivain. Rendre un dessin flou grâce à un procédé que l'on n'a même pas inventé ne fait pas d'une voleuse une artiste.
L'art, c'est d'abord de la technique, du travail. Quant à l'alibi artistique, il ne permet pas tout. Et certainement pas de déposséder ceux qui ont déjà si peu.
05/11/2015 : précisions concernant les organisateurs du colloque
J'ai reçu un mail aujourd'hui des organisateurs du colloque sur Goldorak. Ceux-ci me semblent réellement dépassés par la situation et sincèrement désolés.
Ils m'ont notamment fait savoir qu'ils retiraient l'affiche incriminée et allaient contacter une autre artiste. Enfin, ils ont également précisé qu'ils s'étaient excusés envers le véritable créateur de l'image.
Bien qu'ils m'aient demandé, très gentiment, de retirer l'affiche de l'article, cela me semble difficile, car elle est tout de même en grande partie au centre de ce que nous dénonçons ici.
Je tiens cependant à préciser que si elle doit desservir quelqu'un, c'est Ideealizse et non les organisateurs du colloque, qui semblent avoir compris qu'un travail original, même sur un personnage dont on ne détient pas les droits, est différent d'un vol et de l'exploitation commerciale du travail d'autrui.
Avec un peu de chance, d'autres suivront la même voie et refuseront d'exposer des plagiats ou de travailler avec des personnes de basse morale.
** bonus facebook **
Juste un petit truc, suite à cet article (plutôt bien accueilli et partagé), un olibrius (oui, j'aime bien ce terme) déboule de nulle part et me dit que bon, il est "partagé" parce qu'il trouve que la nana en question apporte une valeur ajoutée au dessin.
Wow.
Je me dis que c'est sans doute un gamin, donc je tente de lui montrer un truc simple : je prends sa photo de profil, et je la modifie en 30 secondes. Pédagogue, carrément !
Une minute après son post, je lui balance le truc, espérant qu'il comprenne, en lui disant que, voilà, je n'ai rien fait réellement, mon interprétation de son avatar est une escroquerie.
Sa réponse ? Je suis trop "impartial".
Ok... c'est pas gagné...
J'ai aussi eu droit à un autre fan de la miss qui réclamait le droit à "l'inspiration", parce qu'apparemment, chier sur un dessin pour se l'approprier, c'est de l'inspiration maintenant pour certains connards...
Bon ben lui, autant vous dire que je ne lui ai pas fait de dessin.
Il y a quelque temps, UMAC avait été menacé de représailles judiciaires (comme beaucoup de sites d'ailleurs) par le soi-disant artiste Benjamin Spark, sous prétexte que nous dénoncions ses pratiques douteuses (cf. cet article). J'avais alors pris la décision de ne pas céder (à l'inverse cette fois de beaucoup de sites) et de maintenir les propos tenus, surtout qu'il me semblait que ce Spark avait bien plus de comptes à rendre à la justice que nous.
Pas de suites depuis, mais la pratique qui consiste à voler une œuvre, sans même citer son auteur (professionnel ou amateur), continue dans l'indifférence presque générale.
Dernier cas en date, une association reprenant un dessin "modifié" pour faire la promotion d'un colloque. Et lorsqu'on lui fait remarquer cette pratique peu glorieuse, le responsable se défend d'une très étrange manière.
Mais commençons par le début.
Le dessin original, d'un artiste italien présent sur deviantart, représente un Actarus accolé à un Goldorak. L'affiche "créée" à partir de ce dessin, par Ideealizse, une infographiste française, se contente de reprendre ce même dessin en y appliquant un effet géré par un logiciel.
Voilà le résultat ci-dessous.
cf. les précisions en fin d'article quant au retrait de l'affiche par les organisateurs du colloque |
Contrairement à Spark, qui lui utilisait des coulures plutôt qu'un effet polygonal, l'alibi de la parodie (qui ne tenait pas une seconde, cf. notre article sur le droit d'auteur et l'exception qu'est la parodie) n'est pas ici avancé, mais les propos tenus valent quand même le détour.
Le responsable du colloque (qui a peut-être validé ce choix d'affiche en toute bonne foi), au lieu d'admettre la tromperie dont il a été victime, tente de la justifier. Notamment en affirmant que "toute œuvre artistique sur Goldorak plagie d'une certaine façon l'imaginaire de Go Nagai".
Hein ?
J'avais pas dit qu'elle était belle celle-là ?
Pis attention, c'est de la connerie à tiroirs.
Premier sens, première énormité : le mec se défend en disant que, de toute façon, oui, c'est du vol, mais vu que tout le monde le fait... ça n'a pas d'importance. Belle mentalité de margoulin.
Mais évidemment, non, toute œuvre n'est pas forcément un pillage du travail d'autrui.
Ce qui nous amène au deuxième sens de ces propos, qui mettent sur le même plan un hommage (donc un travail réel et personnel, utilisant un personnage connu dont on ne détient pas les droits) et un plagiat, qui consiste à voler un dessin original (parce que l'on n'a pas les capacités d'en réaliser un) pour ensuite le modifier d'une manière ridicule afin de pouvoir foutre son nom dessus.
S'inspirer d'un travail n'a jamais voulu dire que l'on était en droit de simplement "dégrader" la création d'autrui, comme certains semblent le penser.
Spark, Ideealizse, même combat, même sens de l'opportunisme, même cynisme, même absence de talent et de savoir-faire (cf. d'autres exemples édifiants sur cette page). Même fainéantise serais-je tenté de dire. Car enfin, si l'on veut absolument apporter sa vision dans un domaine artistique, on prend le temps d'apprendre à le maîtriser, qu'il s'agisse de dessin ou d'écriture.
A-t-on déjà vu un scribouillard voler le dernier Stephen King en modifiant quelques paragraphes ou simplement la fin, tout cela pour vendre sous son nom une histoire qui ne lui appartient pas ?
C'est peut-être pour bientôt remarquez, car si nous laissons ces pratiques perdurer et ces faux artistes s'enrichir grâce au pillage, nous ouvrons une voie bien dangereuse.
Il est extrêmement difficile et long de se lancer dans un domaine artistique, surtout si l'on souhaite en vivre. Cela demande des sacrifices, un apprentissage, un tâtonnement, des remises en cause, une volonté de fer, pour un résultat très aléatoire. Que l'on soit dessinateur, scénariste, romancier, nos travaux ne seront peut-être jamais publiés. Et s'ils le sont, ils ne rapporteront, la plupart du temps, que très peu d'argent (cf. notamment cet article qui revient sur les chiffres de vente et la réalité de l'édition).
Alors, attention, je ne fais pas partie de ces illuminés qui souhaitent par exemple que les auteurs soient rémunérés par rapport au tirage (avec de l'argent imaginaire) et non par rapport aux ventes. Si, comme tant d'autres, je me suis engagé sur une voie hasardeuse, je l'ai fait en toute conscience de son âpreté. Mais je me refuse à ne pas réagir quand des artistes, connus ou non, sont ainsi dépossédés de leur travail et que d'autres s'enrichissent après avoir modifié un contraste ou appliqué un effet.
C'est inacceptable.
Imaginez l'amateur qui galère depuis des années, s'améliore peu à peu, apprend à peaufiner son art, sans pour autant parvenir à percer, et qui tout à coup voit sur le net que ce qu'il a mis des années à construire, patiemment, honnêtement, c'est un autre qui s'en sert, sans efforts, pour en retirer notoriété et pognon... ou si vous n'avez pas la fibre artistique, imaginez que vous vous tapez une journée de labeur, au bureau, à l'usine, au magasin, et qu'épuisé, sur le trajet de la maison, un type parvient à encaisser à votre place le fruit de votre travail. Et ce pendant une semaine, un mois, plus peut-être. Ah ben ça peut irriter. On a connu des délocalisations de molaires pour moins que ça.
Ideealizse, pas plus que Spark, ne sera jamais une artiste. Parce que pour se réclamer de cette caste si étrange, il faut avoir expérimenté par soi-même. Il faut créer réellement. Et, peut-être le plus essentiel, il faut ressentir. Etre capable d'imaginer les émotions d'autrui, de personnages même imaginaires. Or, voler ainsi, même des inconnus, révèle plutôt un cœur froid, un esprit de traviole et des valeurs en berne.
Une œuvre se crée. Par le travail acharné, l'inspiration, le génie, peu importe, mais elle résulte d'une émanation profonde de l'artiste.
Étaler de la cancoillotte sur les Montres Molles de Dali n'a jamais fait d'un opportuniste un peintre. Et je pourrais m'enregistrer en rotant sur le dernier Maiden que je ne serais pas chanteur ou musicien pour autant.
Un auteur se doit nécessairement d'être auteur de quelque chose, froisser une page ne fait pas d'un abruti un écrivain. Rendre un dessin flou grâce à un procédé que l'on n'a même pas inventé ne fait pas d'une voleuse une artiste.
L'art, c'est d'abord de la technique, du travail. Quant à l'alibi artistique, il ne permet pas tout. Et certainement pas de déposséder ceux qui ont déjà si peu.
05/11/2015 : précisions concernant les organisateurs du colloque
J'ai reçu un mail aujourd'hui des organisateurs du colloque sur Goldorak. Ceux-ci me semblent réellement dépassés par la situation et sincèrement désolés.
Ils m'ont notamment fait savoir qu'ils retiraient l'affiche incriminée et allaient contacter une autre artiste. Enfin, ils ont également précisé qu'ils s'étaient excusés envers le véritable créateur de l'image.
Bien qu'ils m'aient demandé, très gentiment, de retirer l'affiche de l'article, cela me semble difficile, car elle est tout de même en grande partie au centre de ce que nous dénonçons ici.
Je tiens cependant à préciser que si elle doit desservir quelqu'un, c'est Ideealizse et non les organisateurs du colloque, qui semblent avoir compris qu'un travail original, même sur un personnage dont on ne détient pas les droits, est différent d'un vol et de l'exploitation commerciale du travail d'autrui.
Avec un peu de chance, d'autres suivront la même voie et refuseront d'exposer des plagiats ou de travailler avec des personnes de basse morale.
** bonus facebook **
Juste un petit truc, suite à cet article (plutôt bien accueilli et partagé), un olibrius (oui, j'aime bien ce terme) déboule de nulle part et me dit que bon, il est "partagé" parce qu'il trouve que la nana en question apporte une valeur ajoutée au dessin.
Wow.
Je me dis que c'est sans doute un gamin, donc je tente de lui montrer un truc simple : je prends sa photo de profil, et je la modifie en 30 secondes. Pédagogue, carrément !
Une minute après son post, je lui balance le truc, espérant qu'il comprenne, en lui disant que, voilà, je n'ai rien fait réellement, mon interprétation de son avatar est une escroquerie.
Sa réponse ? Je suis trop "impartial".
Ok... c'est pas gagné...
J'ai aussi eu droit à un autre fan de la miss qui réclamait le droit à "l'inspiration", parce qu'apparemment, chier sur un dessin pour se l'approprier, c'est de l'inspiration maintenant pour certains connards...
Bon ben lui, autant vous dire que je ne lui ai pas fait de dessin.