Thanos : la Fin de l'Infini
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Moi, quand je vois les noms de Jim Starlin ou de Thanos, je fonds. C'est plus fort que moi. Certes, je reconnais volontiers que tout ce qu'a fait Starlin n'est pas génial et tout ce qui concerne Thanos n'est pas synonyme de comic book palpitant ou transcendantal (l'Ascension de Thanos, quoique vachement ambitieux dans sa démarche, était quand même bien raté). Mais j'avoue apprécier l'acharnement presque maladif de l'auteur à continuer d'explorer la cosmogonie marvellienne, ouvrant en permanence les champs des possibles en repoussant les limites de l'univers décrit, tout en essayant de donner une volonté, un dessein cohérent et intelligible aux êtres qui président à nos destinées en s'armant d'allégories et de métaphores. C'est un peu comme si Starlin se sentait trop à l'étroit avec les Avengers ou les FF et qu'il avait besoin d'insérer dans ses histoires abondamment métaphoriques et profondément christiques des Célestes qui se balancent des planètes à la gueule ou des demi-dieux qui éradiquent des civilisations entières en un claquement de doigts. C'est quasi du grosbillisme (les anciens rôlistes reconnaîtront le terme), cette course effrénée vers plus de pouvoirs et plus d'espace pour en user. Et qui de mieux que Thanos pour peupler ce genre de fanfaronnades ? 

Toutefois le Titan fou n'est pas aisé à manipuler, même par son créateur. Il n'a jamais été aussi délicieusement déstabilisant que face à Captain Marvel, ou, plus tard, à Adam Warlock, parmi les très rares qui ont été capables de le faire douter. Il a déjà obtenu le pouvoir ultime, l'a perdu, aurait pu le regagner mais a déjà compris que l'intérêt était ailleurs, que l'omnipotence, c'était pas son truc - tout en se ménageant des dizaines de garde-fous et en tentant de conquérir le cœur flétri de sa bien-aimée, la Mort elle-même. En avance sur son temps, et sur tous ses adversaires, même - et surtout - ses alliés opportuns.
Cette fois, Thanos a (comme d'hab') fort à faire, et la partie semble même perdue d'avance : Annihilus, boosté par sa source de pouvoir infinie (il lui a suffi de pécho Warlock, en fait), est désormais irrésistible et plus rien ne semble pouvoir stopper la nouvelle vague d'annihilation qui s'apprête à fondre sur le Posivers (ou Univers positif, pour les deux qui ne suivent pas). Thanos va bien trouver quelques irréductibles qui sont prêts à tenter le tout pour le tout, mais il semble bien que, cette fois, les dés soient jetés. A moins qu'un imprévu se glisse dans les rouages de cette partie d'échecs cosmique ?

Moins fumeusement ésotérique que l'Entité de l'Infini, ouvrage abscons servant d'intermédiaire, la Fin de l'Infini essaie de remettre cette saga sur des rails plus concrets, tout en dévoilant des deus ex machina tout-puissants ou presque (Starlin nous livre même l'identité de l'entité ["l'identité de l'entité", tiens c'est marrant, ça !] au-dessus du Tribunal Vivant !). Il y a un côté Dragon Ball Z avec cette volonté de personnifier la divinité, tout en la divisant systématiquement en portions cohérentes (comme pour le coup du Gant de l'Infini) et cette certitude qu'il y aura toujours quelqu'un de plus fort, de plus puissant que celui qui est au sommet du Panthéon. Mais c'est simplifier un peu trop la démarche d'un auteur cohérent qui privilégie systématiquement la réflexion à l'action, le cheminement intérieur aux combats explosifs. C'est à dessein que ses personnages principaux sont les reflets d'archétypes bibliques, luttant non pas pour un trône, mais pour se trouver un but dans l'existence.
Sinon, je disais que l'album était rassurant. On retrouve par moments la dynamique de la Révélation de l'Infini et surtout cette sorte de morgue qu'on aimait déceler chez Thanos lorsqu'il parvenait à ses fins face à des personnages pourtant plus puissants que lui (voir la Quête des Joyaux de l'Infini, superbe prélude à la trilogie Infinity Gauntlet), cette singulière manière qu'il a de manipuler des êtres aux pouvoirs incommensurables en les faisant adhérer à son propre dessein, sans pour autant le révéler tout à fait. 


On a la joie de redécouvrir un Thanos fin stratège, conquérant et convaincant, qui possède chaque fois un coup d'avance et un plan B, voire C, et qui ne cache pas, ici, son admiration pour quelques rares êtres qui ont partagé ses aventures. Premier changement, complété par un autre qui donne tout son sel à notre histoire : Thanos affiche au grand jour son amour total pour Maîtresse Mort, laquelle, enfin, le lui rend bien. Ben oui, Thanos aussi a envie de faire des papouilles. L'Amour est bien plus fort que tout.
Encore un peu lourd dans ses rebondissements, mais satisfaisant dans sa lecture moins métaphorique.

+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Thanos. 'nuff said.
  • Une intrigue plus intelligible conçue pour boucler la boucle avec les premiers volets de la saga.
  • Warlock n'occupe plus que la portion congrue et ça fait du bien (il passait son temps à chouiner).
  • Vous croyiez qu'Eternité et Infini étaient nos monarques cosmiques ? Allons, ce ne sont que des sous-fifres.
  • Un récit assez mouvementé et plutôt bien dosé en affrontements.

  • Malheureusement rien de bien nouveau : Thanos, même surclassé, s'en tire toujours.
  • Beaucoup de références à des événements passés : le lecteur assidu appréciera, le profane risque d'être largué.
  • Ça fait bizarre quand même de voir le Titan fou conter fleurette...