Activités paranormales et franches rigolades sur youtube
Publié le
28.1.17
Par
Nolt
Petit sujet particulier sur un domaine qui fait fureur sur youtube et amène un tas de
margoulins à truquer – plus ou moins bien – leurs vidéos : le paranormal
et, notamment, les « chasseurs de fantôme ».
Je commence par préciser que
je ne porte aucun jugement de fond sur le paranormal en général. Il existe d’ailleurs
parfois des sujets relativement bien faits (mais qui n’ont rien de
spectaculaires) qui traitent d’expériences réellement troublantes. N’oublions pas
non plus que la science elle-même défend des dogmes qui sont amenés à changer
et qu’elle ne pourra de toute façon jamais expliquer « tout », ne
serait-ce que l’existence de l’univers [1].
Faut-il croire aux esprits,
aux phénomènes de hantise ? Je n’en sais fichtre rien. Il convient
certainement de garder l’esprit ouvert et parallèlement d’éviter de tomber dans
la crédulité totale. Ce qui n’est peut-être pas chose facile pour de très
jeunes gens ou des personnes souffrant de troubles psychologiques ou de
difficultés passagères.
Il existe un chasseur célèbre
sur youtube, plutôt sympathique, dont le pseudo est GussDx. Il n’aborde d’ailleurs
pas que le seul domaine du paranormal mais aussi le gaming par exemple. Il a
été totalement décrédibilisé en avouant un jour avoir truqué l’une de ses
vidéos. Un peu dommage d’autant que le gars n’était pas un illuminé et que
certains de ses reportages avaient même parfois une certaine valeur culturelle ou
historique par rapport aux lieux visités.
Enfin bon, il s’est laissé
avoir au jeu du spectaculaire, mais il a avoué. Rien de méchant, personne n’est
à l’abri d’une erreur, et en plus, le mec assume.
Tout le monde n’a cependant
pas ce genre de remords ou d’intégrité. Il existe des spécialistes du fake qui
osent tout et se moquent bien en réalité du sujet qu’ils traitent ou des gens à
qui ils s’adressent. Et dans ce domaine, il en est un qui surpasse tout le
monde : Jery, chasseur de fantômes. Vous trouverez facilement sur youtube
des exemples de ses « enquêtes ».
Même si ça m’embête un peu de
lui faire de la pub, je ne résiste pas à l’envie d’évoquer le François Pignon
du paranormal. Parce que vous allez voir, ce n’est vraiment pas le plus doué de
la bande. Et ce qui est gênant, c’est qu’il en vient même à proposer ses « services »
à des gens apparemment en grande détresse. Et là c’est beaucoup moins drôle.
Alors, voyons un peu le
gaillard. Déjà, Jery, c’est monsieur 100%. Où qu’il aille, il rencontre
systématiquement des « phénomènes paranormaux », ah ben, ça serait con
de gâcher une vidéo. Il faut dire que pour lui, un plancher qui craque ou une
vague ombre au fin fond de la forêt, c’est une entité.
Oui, à ce compte-là, chez moi
aussi c’est Amityville, et la forêt derrière chez moi, c’est Blair Witch.
Bien sûr ce grand enquêteur ne
peut pas se contenter de petites choses banales comme ça, donc il truque ses
vidéos. Cela a déjà été démontré techniquement sur le net, des internautes ont
par exemple retrouvé des sons dont il s’est servi (il les a collés en stéréo sur
une piste mono, en inversant simplement le sens de lecture) ou encore ont repéré des coupures lors de scènes présentées comme tournées en continu. Mais, démontrer
techniquement ses élucubrations, c’est lui faire un bien grand honneur car, honnêtement,
rien ne va dans ses reportages et on se marre au bout de cinq minutes.
D’abord, c’est un bien piètre
acteur. Il faut le voir jouer l’étonnement ou la peur, dans le genre « j’en
fais des caisses », ça vaut le détour. Mais surtout, rien ne colle jamais,
tout est mal improvisé, plein d’hésitations, d’incohérences, d’énormités, c’est
un festival. C’est même souvent (involontairement) très drôle. Par exemple,
Jery s’est fait attaquer par Amon, un démon égyptien (qu’est-ce qu’il foutait
en France, on ne sait pas, peut-être avait-il eu vent de la réputation de Jery)
qui l’a méchamment griffé pendant son sommeil. Ooh ! Oui, les démons, ça
griffouille de nos jours, c’est plus ce que c’était.
Attention quand même, Amon, c’est déjà le
démon costaud et gradé, une sorte de général, chef de 40 légions démoniaques, à
l’origine des loups-garous, c’est pas le peigne-cul du coin, il a un joli CV.
Et en même temps, vu que c’est gratos, Jery n’allait pas prendre un sous-fifre.
Lucifer himself, ça aurait été trop gros, mais Amon, il s’est dit que ça
passait.
Bref, il se filme en nous
montrant son bide et de vagues traces de griffures (je l’imagine en train de se
lacérer avec le capuchon de son Bic… misère) et explique qu’il a peur (normal)
et qu’il hésite à retourner à l’endroit où il a rencontré le fameux démon
(normal, si un truc comme ça t’arrive, tu flippes sévère). Sauf que là, s’il
hésite, c’est dit-il parce « qu’il se connaît, s’il y retourne, il va lui
rentrer dedans ».
OK, le mec traite cette
affaire (un minimum dangereuse si elle était vraie) comme une embrouille avec
un voisin quoi. Il a peur de ne pas pouvoir se contenir en fait, haha.
Évidemment, Jery est très
courageux, donc il décide d’y aller, parce que « ça se fait pas d’agresser
les gens comme ça ». Et là, il se livre à une séance d’exorcisme à se
pisser dessus. Du jamais vu. Même dans une parodie, personne n’aurait osé ça. Il
parle au démon comme si c’était une racaille de quartier, il s’énerve tout
seul, tape un sketch hallucinant qui ferait passer Jim Carrey pour un
introverti qui joue tout en retenue.
Jery contre Amon reste pour
moi l’un des chefs-d’œuvre youtubesques comiques incontournables, c’est bien
simple, c’est beau comme du Azoulay. Mais il y a des gens qui, contre toute
attente, prennent ça au premier degré. Pourtant on ne peut pas dire que le mec
fasse des efforts niveau crédibilité.
Un truc qui est très difficile
à faire quand on ment (surtout quand on improvise, or Jery, c’est pas le
bosseur minutieux, c’est plutôt le glandeur près du radiateur), c’est de rester
cohérent. Et chez lui, ça ne loupe pas, c’est maladresse sur maladresse (je
rappelle que ses « truquages techniques » ont déjà été
démontrés, je ne reviens donc pas dessus et m’intéresse juste à son « jeu »
d’acteur et sa narration).
Par exemple, alors qu’il
explore une baraque abandonnée, il installe du matériel pour
permettre un contact avec des entités. Il s’adresse aux esprits, leur demande
de se manifester… et quand il entend un vague bruit, il joue le mec stupéfait,
puis dit qu’il va se barrer parce qu’il a peur. Donc, un démon légendaire, il
lui met un coup de pression comme si c’était un caïd de cour d’école, mais un
plancher qui craque, ça lui file la chiasse au point qu’il songe à détaler…
bizarre quand même. D’autant que c’est ce qu’il est soi-disant venu chercher.
En réalité, bien entendu, il
essaie juste de créer une ambiance, mais bêtement, sans se préoccuper de la personnalité
qu’il affiche dans d’autres vidéos. C’est un peu comme si vous aviez combattu
un dragon mais que vous sursautiez au moindre écureuil aperçu.
Des exemples de mensonges mal
gérés, il y en a des tas. De nouveau concernant cette même bâtisse, Jery raconte
une histoire, survenue « 10 ou 15 ans auparavant », que son oncle lui
aurait rapportée. En gros, le tonton tombe en panne, de nuit, devant la
baraque, là il entend des « hurlements » effrayants (abominables,
vraiment le truc qui lui glace le sang). Il essaie de faire du stop pour se
barrer, pas moyen. Finalement, il pousse sa caisse tout seul, et « au bout
de quelques dizaines de mètres, elle redémarre ». Le tonton rentre chez
lui, apeuré et convaincu d’avoir vécu une expérience paranormale terrifiante.
Elle n’est pas longue cette
anecdote hein, mais qu’est-ce qu’elle contient comme conneries…
Déjà, un truc comme ça, ça
marque un peu non ? Tu entends des cris épouvantables dans la nuit, alors
que tu es seul, en panne sur le bord de la route, il y a moyen de s’en souvenir.
Or là, il y a une fourchette de 5 ans quand même. On pourrait se dire que c’est
Jery qui ne sait plus trop la date, et non le tonton, mais Jery est passionné
par le paranormal depuis l’âge de… huit ans, car comme il l’expliquera dans des
vidéos « story time », il a vécu un tas d’évènements étranges
(ce qui est bien pratique pour faire une vidéo à la maison entre deux
explorations). Donc, un truc comme ça, soit on s’en souvient, soit on demande
des précisions, surtout si l’on sait que l’on va faire un sujet dessus.
Bon, je passe sur le mec qui
pousse sa caisse tout seul, ce qui est possible, mais au point de lui donner de
l’élan sur « plusieurs dizaines de mètres » et ensuite de la faire
redémarrer… c’est un putain de Golgoth le tonton.
Et puis le final, évidemment,
décrédibilise tout le reste. Parce que, si vous entendez des hurlements atroces
venant d’une maison, même abandonnée, de nuit comme de jour, vous faites quoi
vous ? Ben oui, vous téléphonez à la gendarmerie, parce que vous ne savez
pas en réalité ce qu’il se passe, quelqu’un se fait peut-être agresser ou pire.
Vous ne vous dites pas, « tiens, ça crie, ça doit être un fantôme ».
D’ailleurs, un comportement
sensé rajouterait du crédit à l’histoire, puisque l’on pourrait alors finir sur
« les flics sont venus et n’ont rien trouvé », quelque chose dans le
genre, hop, je termine en légende urbaine. Mais non, Jery veut simplement
placer ses hurlements sinistres, et comme il n’a rien préparé, il les balance
sans se soucier de l’habillage, de la cohérence du récit.
On pourrait continuer comme ça
longtemps, évoquer l’utilisation de la spirit box [2], du K II et du Mel Meter [3],
mais le simple babillage de Jery est si énorme et maladroit qu’il est déjà à
lui seul une source inépuisable d’émerveillement et de rigolade.
Allez, un exemple supplémentaire. Lorsqu’il s’adresse aux « entités », Jery leur
demande de s’exprimer, d’utiliser son matos pour parler, il va même plusieurs
fois toucher sa langue de son doigt en émettant des sons bizarres, comme s’il s’adressait
à un demeuré (ah mais, je vous jure, il faut voir ça, le mec est hallucinant). Heu…
je suppose qu’un esprit, en se désincarnant, ne devient pas complètement con
pour autant. Comment expliquer les mots (l’interprétation poussée que Jery en
donne en tout cas) de la spirit box si les fantômes sont crétins au point de ne
pas comprendre ce que « parler » veut dire ?
C’est comme ça tout le temps,
on navigue entre débilités et pseudo-spectaculaire. Parce que le mec n’a pas
juste combattu un démon, bah non, il a été aussi possédé, il a libéré des âmes
d’un ancien cimetière (il aime rendre service), il a été ceinturé chez lui,
dans l’escalier, par une apparition, il s’est même fait jeter des cailloux par
un esprit (certainement l’esprit le plus lucide de la bande, qui en avait plein
le cul du gaillard).
Attention, je ne me moque pas
de sa propre éventuelle crédulité, il n’est pas du tout crédule ce mec, c’est
un escroc, je me moque du fait qu’il soit malhonnête mais surtout extrêmement
maladroit et fainéant dans sa malhonnêteté.
Il n’est pas le seul à truquer
des vidéos, on voit ça tout le temps, en urbex [4] par exemple, où de jeunes
gens (souvent) mettent en scène de fausses agressions, la découverte de faux
cadavres, etc. Ce n’est pas très glorieux, mais ce sont la plupart du temps des
one-shots, sans véritable but. Qu’un adulte essaie de gagner sa vie sur de l’esbroufe,
en abusant les plus naïfs, c’est déjà plus douteux. Mais qu’il se propose en
plus « d’aider » des gens qui, certainement, souffrent réellement (de
la perte d’un proche, d’une dépression, peut-être même de véritables phénomènes
effrayants), ça devient non seulement malsain mais moralement puant. Et cerise
sur le gâteau, le type fait même genre de tenter de déceler, chez les autres,
les éventuels « fakes ». Sans complexe, à la Cahuzac.
Cela tourne même à l'horreur et au sordide extrême quand le type fait semblant de s'adresser à des enfants morts et leur parle comme s'il était dans une cour d'école et jouait avec eux...
Cela tourne même à l'horreur et au sordide extrême quand le type fait semblant de s'adresser à des enfants morts et leur parle comme s'il était dans une cour d'école et jouait avec eux...
Jery (ou Steve, ou Kevin, ou
Piou-Piou, peu importe son vrai nom) a certainement des tas de qualités. Il
pourrait sans doute même être drôle s’il assumait ses fictions. Mais ce n’est
ni un enquêteur, ni un exorciste, ni un spécialiste d’un domaine qu’il ne
connaît pas. Et encore moins un psychologue ou un mec bien intentionné, capable
d’aider une personne en réelle détresse.
La course au fric (ou à la
popularité), sur le net ou ailleurs, ne permet pas tout.
On peut ou non croire au
paranormal, on peut s’amuser du sujet ou le traiter avec sérieux, mais abuser
les gens les plus crédules, même pour gagner un ou deux abonnés, surtout sur un
sujet aussi potentiellement scabreux [5], c’est tout de même une belle attitude
de crétin sans principes. Il n’est ni le premier ni le dernier, mais de temps
en temps, ce n’est pas si mal de tenter de sortir certains d’une bouse qui peut
être amusante de loin, au second degré, mais qui peut vite boucher les sinus et
d’autres choses essentielles si l’on sniffe ça avec trop d’espoir et un
discernement altéré par la peine.
La fiction peut avoir un effet cathartique, pas le mensonge.
[1] Peu importe l’explication,
que ce soit un Big Bang précédé d’une origine mathématique, un dieu, une
percussion de branes dans un multivers, au bout du bout, il faudra un effet qui
soit sa propre cause, ce qui échappe totalement à notre logique humaine.
[2] Il s’agit d’un appareil,
assez bruyant, qui scanne des fréquences en continu. Cela permet de générer, au
milieu d’une sorte de bruit blanc, des sons aléatoires qui peuvent ensuite s’interpréter,
avec beaucoup de largesse, de manière « intelligible ».
[3] Il s’agit d’appareils
censés mesurer les perturbations ou champs électromagnétiques, un simple talkie-walkie
les fait monter dans le rouge. De plus, contrairement à ce que beaucoup
pensent, le fait que l’électricité soit coupée dans un bâtiment ne signifie pas
forcément qu’il n’existe aucun champ électromagnétique en son sein (d’ailleurs,
le propre matériel de l’enquêteur influe sur ce genre de gadgets, très
différents du matériel professionnel).
[4] Exploration urbaine, qui
consiste à visiter des lieux abandonnés et à filmer ou prendre des photos des
différents spots. Sur le fond, ça n’a rien de récent, qui n’a pas exploré étant
jeune une baraque abandonnée ou un fort ? (en Moselle, les accès à la
ligne Maginot ne manquaient pas il y a encore 20 ans, j’avoue que je suis moins
axé sur le crapahutage de nos jours)
La seule différence aujourd’hui
réside dans le fait qu’il faut montrer l’exploration, et donc générer des vues,
ce qui donne lieu à une surenchère souvent ridicule.
[5] Si vous abusez des pigeons
en leur vendant une méthode pour agrandir la bite, c’est tout de même moins
impactant que parler d’esprits et de communication avec l’au-delà, donc d’éventuels
proches. Exploiter l’idiotie ça reste de l’escroquerie, mais ce n’est pas comme
exploiter la souffrance. Même dans l'enculerie, il existe une échelle.