Avant-Première : Low
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Loin au fond des mers, ce qui reste de l'humanité se meurt dans des cités englouties. Ce monde apocalyptique est celui de Low, une excellente série que l'on vous propose de découvrir tout de suite.

Décidément, la gamme Indies d'Urban Comics promet de bien beaux titres pour le début 2016. Après Descender, prévu pour janvier, c'est Low qui débarquera en février tout en bénéficiant également du prix de lancement très attractif de seulement dix euros.
Aux commandes, Rick Remender au scénario et Greg Tocchini au dessin.

Si Remender a écrit récemment, avec Deadly Class, une série acidulée et enthousiasmante, il n'a pas toujours été aussi bon, l'on pouvait notamment légitimement émettre des réserves sur l'insipide Fear Agent ou le poussif The End League. Eh bien rassurez-vous, Low ne ressemble à aucune de ces œuvres et se révèle aussi passionnant que bien réalisé.

Le récit se déroule des millions d'années dans le futur. Le Soleil a commencé à se transformer en géante rouge, rendant la vie impossible à la surface de la Terre. L'humanité s'est réfugiée depuis des millénaires dans les océans, mais la vie est loin d'y être simple. La nourriture se fait rare, l'air est vicié, et aucune solution ne semble pouvoir changer le funeste destin des survivants.
Sous le dôme protecteur de Salus vit Johl Caine, un illustre Timonier. Sa femme, Stel, n'a pas perdu espoir. Elle continue de surveiller les lointains échos des sondes spatiales envoyées il y a bien longtemps à la recherche d'un monde habitable. Mais au fond des mers, Salus ne lutte pas que contre la destinée. Après une rencontre avec des pirates, la famille Caine vole en éclat. Seule Stel, encore et toujours, ne va pas baisser les bras. Elle rêve de vengeance, de retrouver ses enfants, d'offrir un monde sain à une population résignée...


Autant le dire tout de suite, c'est du très très lourd, brillamment écrit et illustré.
Les dessins de Tocchini sont magnifiques, à la fois sensuels et élégants. Seuls les décors peut-être, un peu trop "surréalistes" parfois, manquent un peu de lisibilité. Les personnages et créatures marines possèdent par contre un charme certain.

L'histoire est d'une rare richesse. Déjà, le pari de décrire un futur si lointain est audacieux. Il s'agit de mettre en scène des sociétés qui ont évolué pendant des centaines de milliers d'années, donc de les rendre suffisamment exotiques pour marquer cet éloignement dans le temps tout en restant compréhensible et vraisemblable. Rien que sur ce point très casse-gueule, Remender s'en sort haut la main. La technologie, les croyances, les ennemis, tout cela est bien rendu et peu à peu dévoilé, tout comme la lente déliquescence de cette société corrompue par le vice et le désespoir.


La thématique, basée sur le "bas", le "fond", est travaillée de différentes manières, toutes complémentaires. Le fond des océans, bien sûr, mais aussi les baisses de moral, ou encore la bassesse (délicieusement horrible) de certains personnages, le renoncement qui engendre les pires actes, tout s'entremêle pour donner un sentiment diffus de perdition, de drame absolu, pour nous entraîner nous aussi au plus bas.

Malgré tout, il ne faudrait pas croire que tout est noir et plombant dans ces six premiers chapitres. Au contraire, certains moments sont vibrants de lyrisme et transcendés par un texte parfois poignant.
Bien que l'ambiance des scènes soit privilégiée, l'action est également présente. L'on assiste notamment à un combat de gladiateurs d'un nouveau genre, aussi épique qu'original.
Certains éléments, comme les scaphandres (sortes d'armures de combat liées à une lignée précise), sont également bien pensés et rendent compte d'une technologie avancée mais aussi d'un milieu et d'une mentalité spécifiques. Même la drogue en vogue (la "kompote") s'avère à la fois crédible dans ses effets et suffisamment étrange pour que l'on admette sans peine qu'elle est une mixture d'un lointain futur.
Bref, les ingrédients sont bons et le temps de cuisson idéal.


Au final, l'on est envoûté par la beauté des personnages féminins, émerveillé par d'immenses léviathans, fasciné par un monde aussi laid que fantastique. Le rythme ne faiblit jamais, les coups de théâtre s'accumulent dans une ambiance poético-morbide, et la dernière page tournée, l'on en vient presque à regretter que notre Soleil soit encore si jaune et si petit...

Une excellente bande dessinée qui devrait pouvoir rivaliser avec les plus grands classiques de la science-fiction si les auteurs poursuivent sur cette voie en maintenant cet extraordinaire niveau de qualité.

Sortie : 12 février 2016


Une âme qui se compromet meurt un million de fois à l'instant où elle le comprend. [...] Ne sers que ta propre vérité. Ne te compromets jamais. [...] Fais ce qui est juste jusqu'à la dernière seconde, même si le monde s'effondre autour de toi. Et si tu peux faire ça, mon fils, au moins tu auras fait la fierté de ton père.
Low, Rick Remender


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un monde original et fascinant.
  • Une narration tendue et efficace.
  • Une thématique intelligente.
  • Des planches d'une grande beauté.
  • Qualité de l'écriture.
  • Prix modique.

  • Un manque de lisibilité au niveau des décors.