30 ans et demi - "Pour les adultes qui ont gardé leur âme d'enfant"
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Ce nouveau trimestriel  à destination des trentenaires et quadras — mais pas que — est disponible depuis le mois de juillet à la suite d'une campagne de financement participative sur la plateforme Ulule. Les différents rédacteurs ont déjà œuvré au sein de plusieurs revues (Comic Box, Animeland, Dixième Planète…) et avec ce magazine, ils s’appuient sur la fibre nostalgique de la génération Y [1], un esprit ludique et positif [2].

Ce numéro n'est pas vraiment le premier. En septembre 2013 [3], 30 ans et demi était présent dans les kiosques. Entre ces deux livraisons, les responsables ont procédé à un changement de diffuseur et à la création d'une société d'édition afin de s'affranchir de toutes ingérences commerciales.
30 ans et demi traite de plusieurs domaines de l’imaginaire (cinéma, animation, jeux vidéo, bande dessinée…). Il propose même une recette de cuisine à base d’un ingrédient issu d’une marque célèbre (vache qui rit…), un tour du côté de la High Tech jusqu’à une très dispensable rubrique sexy où l'on espère voir aussi des hommes.

Le parti pris — celui de regrouper les cultures Geek, comme le rédacteur en chef Rui Pascoal les qualifie [4] — rappelle que ces médias s’influencent les uns les autres et qu'ils ont toujours été imbriqués et consommés en simultanés par plusieurs générations. 30 ans et demi s’inscrit dans cette logique, mais se veut un poil caricatural, proche du lecteur en évidant un discours trop intellectuel [4]. La nostalgie caractérise l’ensemble des chroniques , cependant les journalistes restent ouverts sur l’avenir, refusant un passéisme mortifère.
L'idée de 30 ans et demi se rapproche énormément d'un autre magazine, Geek le mag, une couche de Club Dorothée en plus.

Cette fameuse nostalgie est devenue depuis plus de deux décennies un filon juteux pour une partie de l'industrie culturelle. Sans doute connaissez-vous les compilations musicales Méga 60, Méga 70, le merchandising autour de Salut les copains !, les soirées où l'on chante des génériques TV, les adaptions en films de vieilles séries du petit écran (Chapeau melon et bottes de cuir...), les émissions en prime-time avec moult stars has been…
Le premier numéro de cette nouvelle mouture de 98 pages dispose d'un sommaire impressionnant suivant deux axes forts : un entretien avec Alexandre Astier - avec un retour sur la série qui l'a mis sur le devant de la scène : Kaamelott – et 22 pages consacrées aux studios Ghibli [5]. Le tout est complété par une foultitude de sujets, le plus souvent sur deux pages, d’œuvres récentes ou non [6].
Si les articles sont agréables à lire, quelques-uns souffrent d’un défaut d'analyse et d’une écriture trop consensuelle. Un lexique aurait été utile pour les néophytes : gashapon, HQS... afin de ne pas interrompre le flux de la lecture pour ouvrir un dictionnaire en ligne. Des précisions sur certains animes qu’on ne suit pas forcément (Battle of god...) n'auraient pas été de trop et de rares coquilles (accent oublié, espace manquant, une lettre de trop à la fin d'un mot...) ont échappé aux yeux des correcteurs. Quelques phrases sonnent étrangement puisqu’elles se rapportent au numéro de 2013 indisponible [7].

Le magazine, très sympathique à picorer, gagnerait à exploiter une thématique fédératrice sur son ensemble. Toutes ces pages consacrées à Ghibli, Nadia et Jules Vernes auraient pu être complétées par des papiers dédiés à la BD City Hall, au film d’animation Laputa et pourquoi pas, au steampunk en général. Les prochains numéros mériteraient d’être plus étoffés avec des présentations d’œuvres moins connues (Torpedo, Cybersix, Tex, Diabolik…), des topos sur les phénomènes de société (fanart, fandom), un sujet sur les romans autoédités (par exemple Les Mondes d’Amarande de Myriam Morand, résultat de toutes ces influences populaires), des technologies comme le vectrex, la mode de l'électronique, les débuts d'internet grand public… pourquoi pas le prodige transgénérationnel Dr who. Et pour pousser le vice : courrier des lecteurs, concours de belles enveloppes, petites annonces…

Replacer tout ce corpus d’œuvres hétéroclites et cultes dans leurs contextes historiques apporterait un regard neuf sur le passé. Les cultures évoluent dans le temps et changent de direction au fil des événements. La chute du mur de Berlin, la dislocation du bloc soviétique, la guerre du Vietnam, l'explosion de la bulle économique du Japon ont façonné et remis en question le contenu des médias. La manière de raconter, de dessiner, de développer les icônes et les égéries ont crû dans ce terreau. Il ne s'agit pas d'écrire des pages d’analyses soporifiques, mais des articles se penchant sur ces différents prismes pour apporter un éclairage nouveau sur des produits culturels que les enfants des années 70 à 90 ont absorbés ou rejeté à l’époque de leurs sorties et qu’ils adulent aujourd’hui sans forcément comprendre les raisons souterraines de cette appétence. 30 ans et demi est le genre de magazine dont la ligne éditoriale peut être développée, fructifiée. 

Avec 30 ans et demi, nul doute que découverte et redécouverte sont au rendez-vous pour tous. Le magazine peut être lu et apprécié par toute la famille, pour partager souvenirs et anecdotes et s'échapper des points de vue sectaires. Les numéros suivants ne pourront que bonifier le concept si le succès est au rendez-vous. Pour le moment, il n’est disponible qu’en France dans certains points de vente. Vous pouvez demander la liste directement sur Facebook.

30 ans et demi, 5.95€, par les Neology Productions.

[1] Terme qui regroupe grosso-modo les personnes nées entre les années 1980 et 2000.
[2] Comme décrit dans l'éditorial du premier numéro de 2015.
[3] Le numéro sorti en 2013 proposait sur 82 pages un dossier Les mystérieuses citées d'or, les séries TV X-Or et Walking Dead, la marque Lego, une interview de IAM, un portrait de Stephen King, Goldorak, Picsou... ainsi qu’un billet d'humeur de Corbier : "nostalgie quand tu nous tiens".
[4] Entretien sur France Bleue.
[5] Avec les interviews de Hayao Miyazaki, Isao Takahata, un compte rendu de l'exposition à la galerie Art ludique, les présentations des films Le vent se lève, La princesse Kaguya, Souvenirs de Marnie et du jeu vidéo Ni wo Kuni.
[6] Du côté des livres, Une histoire d'homme de Zep, un topo sur Wolverine et son hypothétique décès, Dragon ball Super (dont le papier me semble un peu confus entre le manga et l’anime), et un entretien avec un dessinateur français : Alexis Tallone. L'animation s'intéresse à Nadia, le secret de l'eau bleue dans un article des plus consensuels (il n'est pas fait mention du pourquoi du comment des épisodes humoristiques mal animés, brisant le rythme du récit …), Les nouveaux héros de Disney, les jeux vidéo avec Mr Hiroshi Yamachi (Nintendo), Battle of Olympus, Mylène Farmer, Vladimir Cosma...
[7] Exemples p.50 :"il dessine à chaque numéro" et p.73 : "voir nos news high-tech du #1 de notre magazine".
 
+ Les points positifs - Les points négatifs
  • La variété des sujets.
  • De gros dossiers.

  • Difficulté de se le procurer en dehors de la France.
  • Approfondir les sujets.