Voyage onirique, entre Fantasy et SF
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Gros plan sur Le Mercenaire, peut-être visuellement une des plus belles sagas de BD.

Le Mercenaire
est une bande dessinée de Vicente Segrelles, scénariste et dessinateur espagnol qui va développer ce long récit de 1982, date à laquelle sort le premier tome, jusqu'en 2004, année de publication du chapitre final.
En France, Glénat a réédité l'ensemble dans une intégrale luxueuse comprenant trois tomes. L'éditeur nous dit qu'il s'agit d'une série emblématique au "succès mondial". Personnellement, je n'en avais jamais entendu parler. Je signale d'ailleurs que je dois sa découverte à l'excellent blog de Présence. Comme quoi, il n'y a pas que des conneries dans mon fil facebook...
Mais penchons-nous tout d'abord sur le pitch de cette série.

Nous suivons les aventures du Mercenaire, un héros droit et courageux, qui vit dans une vallée cachée au cœur de l'Himalaya et située au-dessus d'une épaisse couche nuageuse qui ne se dissipe jamais. Ce pays mystérieux bénéficie en outre d'un climat bien particulier (chaud et agréable) qui a permis de préserver une espèce de ptérosaures, aujourd'hui domestiquée et utilisée comme source de montures volantes. Le Mercenaire est au service de ce Pays des Nuages, protégeant les innocents et combattant notamment un ennemi récurrent, Claust l'alchimiste.

Dans un premier temps, l'on peut regretter l'aspect monolithique du personnage, au caractère finalement peu développé (une sorte de Bob Morane médiéval-fantastique en quelque sorte), ainsi que des intrigues d'un classicisme presque scolaire. Toutefois, Segrelles va peu à peu enrichir l'univers qu'il dépeint, construisant un monde relativement cohérent, et en tout cas fascinant, et basculant peu à peu vers la science-fiction. Et si les intrigues ont un déroulement attendu, elles ne sont pas dénuées d'une forme de subtilité, surtout pour l'époque (avec par exemple des personnages féminins "forts" qui dépassent largement le rôle de simples "demoiselles en détresse").
Notons une touche parfois sexy, avec de la nudité qui évite toute forme de vulgarité, et une violence non édulcorée (qui peut parfois être quelque peu "gore").


Mais là où l'auteur touche à l'excellence, c'est dans l'aspect graphique de ces albums. Les planches sont en fait des peintures à l'huile, en couleurs directes, qui donnent à l'ensemble une beauté et une atmosphère exceptionnelles (en plus d'un réalisme prononcé).
Tout est soigné, des magnifiques décors aux visages en passant par les vêtements ou armures. Loin du format classique (et quelque peu "étriqué") du "gaufrier" franco-belge, Segrelles utilise de grandes cases, parfois des pleines pages, propres à rendre toute la mesure de son talent (et de son savoir-faire, car on ne peint pas ainsi de manière innée mais après des années de travail).

Le Mercenaire fait partie de ces œuvres inclassables et marquantes, qui portent la signature de leurs auteurs. Le lecteur se surprend à s'attarder sur les planches, à admirer les détails d'une tenue, d'un paysage, le tout dans une atmosphère de rêve éveillé et hors du temps. Chaque case ou presque pourrait être un tableau. Et pas un truc moderne de kéké hein, un vrai tableau de Maître. Au sein de cet aspect très contemplatif surgissent parfois des pics d'émotion, lors de la mort d'un animal par exemple, qui doivent beaucoup à la narration graphique et à l'habileté de ce bougre d'auteur dont on découvre peu à peu l'implication et les effets visuels parfaitement contrôlés. 

Signalons que le troisième tome de l'intégrale comprend également une nouvelle illustrée, plusieurs histoires courtes et un cahier graphique. Chaque volume commence et se termine également par une belle double-page représentant à chaque fois une illustration différente. Une seule petite réserve : le lettrage, assez petit et surtout très fin, ce qui nuit au confort de lecture. La typo choisie manque d'ailleurs singulièrement de "caractère" pour de tels ouvrages. 

Une saga magistrale, à l'ambiance graphique exceptionnelle.
À savourer au calme, en prenant son temps et en se laissant emporter doucement au travers des nuages.








+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une claque visuelle !!
  • Le mélange fantasy/SF.
  • Les bonus de l'intégrale (dans le tome III).
  • L'aspect onirique.


  • Un personnage principal très monolithique.
  • Un lettrage perfectible.