Crossed 2
Par


Le premier volume de Crossed avait déjà fait parler de lui : brutal, iconoclaste, outrancier, il abordait le thème bien galvaudé (ces derniers temps) de la survie post-apocalyptique avec un cynisme débridé : Garth Ennis, quasi en roue libre, explosait les codes tout en demeurant dans un cadre bien connu (un groupe de survivants essaie de s'en sortir dans un monde où les infectés se livrent aux pires atrocités), semblable à celui de la série Walking Dead, tout en usant d’un procédé radicalement différent. Nolt vous en a parlé plus longuement ici. (Voir aussi la suite par Moore, bien moins réussie.)

Résumé : Un mal étrange et contagieux s’est répandu dans le monde entier, poussant les infectés à commettre les pires atrocités sans aucun tabou. Les meurtres et viols déciment la population et les rares qui parviennent à y échapper sont condamnés à se terrer et à tenter de s’organiser comme ils le peuvent. Mais comment faire ? Éviter les zones peuplées et avancer sans jamais regarder en arrière, quitte à abandonner tout espoir, voire toute humanité…

Dans le tome précédent, un groupe de survivants s’était formé et avait tenté de trouver un moyen d’accéder au nord du continent, dans le vain espoir que les « infectés » ne survivraient pas au froid : mais ils avaient eu la surprise de trouver un groupe organisé de ces êtres malfaisants, bien décidé à en finir avec eux…

Avec le second volume, on a d’abord la surprise de trouver un récit moins ouvertement violent et sanglant, moins débridé et soumis à ces flashbacks qui établissaient la genèse douloureuse de ce groupe d’humains disparates unis par la seule volonté de survivre. Ensuite, on se rend compte de ce que l’auteur veut faire passer, on se remémore les premiers chapitres. 


Très vite, on sent venir l’issue, de plus en plus inévitable : la longue marche façon The Road devient une course-poursuite implacable. Les rencontres fortuites, parfois mortelles, parfois providentielles, se font de plus en plus rares et les informations de plus en plus sujettes à caution. Ennis dispense les éléments liés à la source de l’intrigue au compte-gouttes, et se garde bien d’entrer dans les détails : peu importe le pourquoi de ce cataclysme, même si les personnages s’interrogent (attaque terroriste ? punition divine ?) ; peu importe aussi le comment, seules comptent les implications immédiates (combien de temps tiendront les arsenaux et centrales nucléaires devant ce déferlement ?). 

Et, par-dessus tout, il s’applique sur les conséquences morales des actes que chacun des survivants (dont le groupe se réduit irrémédiablement) se verra contraint de perpétrer pour sauver sa peau. Là-dessus, on ne peut qu’être admiratif de la liberté de ton employée et d’une certaine finesse dans l’évolution des caractères, même si l’usage un peu trop évident d’un journal de bord militaire orientera trop aisément les ultimes relations.



Un peu comme le second volet de Kill BillCrossed 2 apparaît comme la facette adulte d’un récit d’une redoutable acuité : moins engoncé jusqu’à l’écœurement dans la barbarie terrifiante du premier volume français, moins trépidant, parfois presque contemplatif, il permet de poser un regard plus lucide sur ce qui reste à l’humanité et les raisons qui lui sont nécessaires pour perdurer. Dans ces moments-là, enfin, les personnages commencent à prendre la consistance qui leur manquait et leur irrémédiable perte engendre forcément un sentiment de désespoir. 

Jacen Burrows semble trouver son rythme de croisière dans ses dessins alternant les outrances, les moments de tension, des pauses presque poétiques et quelques cases bien rythmées boostées par un encrage ostentatoire.

Violent, sanglant, dérangeant, profondément pessimiste : à lire en toute connaissance de cause.
Paru en France chez Bragelonne sous le label « Milady Graphics » en 2011, difficile à trouver à l'heure actuelle. Une intégrale ultérieure regroupe les deux premiers volumes édités chez nous.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Âpre.
  • Sanglant.
  • Iconoclaste.
  • Garth Ennis.


  • Terriblement désespéré.
  • À ne pas mettre entre toutes les mains.