Les Marqués #2
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On conserve la même recette à base de magie, de culture geek et punk-rock, de tatouages et de filles de 200 ans affichant un physique d'ado mais on secoue le cocktail plus fort, nettement plus fort, au point d'éclabousser partout autour du shaker comme un sagouin de barman parkinsonien formé par un épileptique.


Marqués #2
est la suite de... Marqués #1 (admirez la cohérence d'ensemble du projet, au niveau des titres, déjà... parce que vous en trouverez moins en feuilletant cet album). On retrouve donc naturellement notre petite Saskia, toujours aussi aveugle mais néanmoins capable de voir (ta gueule, c'est magique !) et désormais affublée d'yeux synthétiques cachant sa cécité pour les gens qu'elle croise. Oui, bah, elle n'est plus aveugle, quoi, c'est bon ! Ce ne serait pas terriblement "validiste", comme approche du handicap ? J'dis ça, j'dis rien, moi, hein ! Non, je rigole ; c'est juste ridicule d'offrir à un personnage une caractéristique encombrante pour la faire ensuite disparaître magiquement, voilà tout.

Globalement, ce qui a été dit dans la première chronique sur l'atmosphère, le dessin, la mise en couleurs ou les inspirations n'a pas changé. Ne nous répétons pas.
Néanmoins, il est important de noter que, si le tome 1 parvenait à distiller ses mille idées en gardant une certaine unité narrative, il n'en est rien pour cette suite.
On sent bien que l'ambition fut de créer un univers à travers plusieurs petites histoires successives mais plus le tome approche de son terme et plus tout est précipité, au point d'en devenir parfois brouillon et ridicule de maladresse.
On imagine aisément le bidule qui a dû être bouclé à la va-vite suite à l'annonce de la mort de la série.
Ce n'est pas compliqué : la plupart des problèmes de ce tome sont conclus dans les deux dernières planches, à l'aide d'une présentation du futur des principaux protagonistes, façon "que sont-ils devenus". C'est triste de s'être autant dispersé ; le premier tome était prometteur mais aucune promesse ne fut tenue.

En vrac, Que trouvons-nous dans cet album ?
Pour commencer nous avons évidemment la suite de l'histoire de Liz, devenue plus ou moins abrutie depuis les événements du 1. Ça, d'accord, c'est logique.
Nous avons ensuite l'explication de l'identité de Lovecraft, le majordome qui nous faisait penser à Lurch dans La famille Addams. C'est amené par le biais d'un flashback où l'on comprend qu'il s'agit bel et bien du Maître de Providence mais que, suite à des événements d'une ironie assez malheureuse, il se retrouve désormais enfermé dans un corps difforme et parasité par une créature d'un autre plan... c'est vaguement intéressant mais long et honteusement caricatural, tout ça pour expliquer la mythologie d'un personnage secondaire et la résurrection d'un second protagoniste dont on n'aura dès lors plus rien à battre !
Ça continue avec l'apparition en plein Manhattan de monstres gigantesques apparemment liés à un leprechaun qui devient vite la priorité de nos sorcières... tout ça les amène dans un monde parallèle où une jeune cliente de leur boutique d'articles magiques préférée a été tenue en esclavage durant une année entière. Mais comme le temps y passe plus lentement, à son retour sur Terre, seules quelques heures se sont écoulées et elle a développé pour nos héroïnes et pour Lady Killdare (ah oui, parce qu'il y a un crossover avec Lady Killdare parfaitement inutile) une haine farouche. Cela pourrait faire d'elle une grosse méchante bien puissante qui deviendrait la nouvelle Némésis de nos héroïnes, mais... bah non. Et pourtant, elle est remontée, hein, la gamine ! Mais non.
Ajoutez à ça l'inspection académique qui déboule en la personne d'Eden. Un personnage hyper puissant, influent et important qui arrive à vingt pages de la fin du second tome de la série, c'est louche, non ? Parce que second, ça veut bien dire deuxième et dernier ! Eden aura en effet quelques œufs à peler avec la directrice de notre petite école de sorcières, vu la quantité de catastrophes racontées en deux tomes sous la supervision de Mavin ; lesquelles ont occasionné plus de morts que dans n'importe quelle assemblée depuis des décennies... mais on s'en fout, la série est sur le point de se clore.

Je retiens de ce tome un gâchis au goût amer. Je le glisse dans ma bédéthèque avec la ferme intention de ne jamais le voir en sortir à nouveau... alors que le premier tome, lui, en sortira à coup sûr pour être à nouveau feuilleté.
Étrange sensation d'insatisfaction, d'occasion manquée... ils tenaient un truc et l'ont laissé s'échapper, connement. Tant pis, ma foi.
L'idée de mélanger technologie et magie que le premier tome présentait comme enjeu principal pouvait sans difficulté tenir sur la longueur et offrir un univers opposant traditions et modernité, croyances et sciences, archaïsme et transhumanisme... 

Pourquoi avoir abandonné une piste si prometteuse pour nous faire un "Buffy chez les tatoués" ? 
Aucune idée ! Mais ce n'était guère inspiré !

C'est d'autant plus triste qu'il y a de-ci de-là des idées amusantes ou sympathiques que l'on aurait en effet apprécié voir mieux exploitées. Mais non, elles sont esquissées puis abandonnées au profit d'une suite d'enfilages de perles et d'une bouillabaisse d'idées peu intéressantes ou usées jusqu'à la lie et balancées aléatoirement. À trop vouloir en faire, on ne fait rien de bien, disait le plombier-menuiser-archéologue-thanatopracteur-vétérinaire-proctologue qui a fait le gâteau de mariage de ma voisine... la salmonelle, ce fléau !



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • La série commençait bien.
  • La partie graphique conserve ses atouts.
  • Scénaristiquement brouillon et confus, ça ne vaut pas une série des années 1980 !
  • Un beau gâchis qui se conclut dans la précipitation...