Écho #9 : Luther Strode 3 - l'Héritage
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Nous voici à la fin de la trilogie de Justin Jordan & Tradd Moore, entamée avec Un bien étrange talent (Delcourt 2012) et poursuivie avec La Légende (Delcourt 2015), suivant le parcours extraordinaire d'un jeune geek devenu, grâce à une méthode de culturisme, un véritable surhomme dont les nouveaux pouvoirs seront très vite mis à l'épreuve. Mais le monde super-héroïque nous serine depuis Stan Lee qu'ils impliqueront forcément des tonnes de responsabilités - et les emmerdes qui en découlent...

On aura pu tout au long de cette œuvre au pitch consensuel - mais qui s'est avérée plus intéressante que prévu - assister à une radicalisation du style graphique, jouant sur le dynamisme, la symétrie, un encrage plus brut et une exagération volontaire des postures alors que le propos, lui, s'affadissait légèrement, optant au final pour une quête œdipienne : dans cet ultime volet, le gentil Luther cherche en effet à démanteler l'organisation criminelle de Caïn (parangon des assassins) tout en espérant que chaque membre de cette secte millénaire fasse amende honorable. Tâche impossible, rêve d'idéaliste, mais heureusement, il a à ses côtés une Petra (sa petite amie gothique) toujours aussi dingue (de lui comme des armes à feu) qui parvient parfois à lui montrer le monde sous un visage plus réaliste. Car suite aux terribles drames qui ont émaillé le premier volume et l'ont poussé à l'exil, l'existence de Luther n'a été que poursuites sanglantes et tueries : après sa soif légitime de vengeance est donc venu le temps de la rédemption.

Les amateurs de bastons homériques seront servis, chaque adversaire étant évidemment plus puissant et coriace que le précédent, jusqu'au duel final qui donne à ce tome des allures de Dragon Ball quasi-mystique et un brin cynique. 

Paru en 2017 chez Delcourt, 192 pages d'action teintées de rouge.



Boîte des Irréductibles #4 : Astérix et les Normands
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Quatrième opus de la collection Hachette consacrée aux Gaulois avec cette fois Astérix et les Normands !

Les Normands sont de puissants guerriers, craints par tous les peuples. Toutefois, ces hommes rudes et bourrus ont un regret : ne pas connaître la peur, ce sentiment censé leur "donner des ailes" et leur permettre de voler. Leur chef, Olaf Grossebaf, décide alors de monter une expédition afin de trouver quelqu'un qui pourrait leur enseigner la peur.
Pendant ce temps-là, Goudurix, le neveu d'Abraracourcix, débarque tout juste de Lutèce pour un petit séjour dans le village des irréductibles Gaulois. Son père souhaite en effet endurcir le jeune homme et en faire un vrai guerrier. Astérix et Obélix vont ainsi être chargés de l'entraînement de Goudurix, plus motivé par les chars "sport", la musique et la fête que par l'idée de se former à l'art de la guerre dans un patelin de ploucs...

Encore un classique avec cet album, sans voyage lointain pour Astérix et Obélix qui sont tout de même confrontés à un peuple étranger. Là encore, la "formation" de Goudurix et l'étrange quête des Normands vont donner lieu à des gags référencés teintés d'anachronisme.
Comme toujours, l'album est accompagné de nombreux bonus (sur la genèse du récit, la Gaule en chansons ou encore le calva). Toujours quelques pièces inédites intéressantes, comme des dessins publicitaires. 
Bien entendu, une nouvelle figurine accompagne le tout. Il s'agit cette fois du Corse Ocatarinetabellatchitchix (c'est drôle mais c'est long à écrire !). 

Une formule toujours aussi efficace, que ce soit pour cette réédition grand format d'un classique ou le rédactionnel, apportant un réel plus.



Le Château de Hurle
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Lorsqu’à la mort de son père, Sophie est chargée de s’occuper de la boutique de chapeaux familiale à la Halle-Neuve. Elle se fait une raison : après tout, au pays d’Ingarry, l’aînée de trois filles n’a aucune chance de réussir ce qu’elle entreprend. Ses deux sœurs seront donc placées (l'une chez un pâtissier renommé, l'autre chez une magicienne) afin d’accomplir leur destinée tandis qu’elle moisira là en faisant de son mieux pour satisfaire la clientèle. Cependant, en ce jour de la Fête de Mai, Sophie devra changer ses plans : en effet, la terrible Sorcière du Désert vient de lui jeter un sortilège pour une raison qu’elle ignore. La voici à présent vieille et rabougrie. Il lui faut quitter sa chapellerie et chercher un refuge ailleurs : pourquoi pas au château ambulant de Hurle, dont on dit qu’il dévore le cœur des jeunes filles ?

À la lecture de ce résumé, les cinéphiles auront immédiatement reconnu la trame d'un des films les plus célèbres et estimés des studios Ghibli : Le Château ambulant. Ils n'auront pas tort, car Miyazaki s'est ouvertement inspiré du roman de Diana Wynne Jones pour le scénario de son long-métrage d'animation, roman considéré comme un classique de la littérature jeunesse outre-Manche. Sa lecture a posteriori entraîne donc une vision altérée du récit. 

Ce dernier propose une histoire très riche, pleine de rebondissements et partant dans de nombreuses directions, au point de laisser parfois le lecteur dubitatif : s’il est écrit suivant les préceptes d’un conte de fées traditionnel, avec ses héros, ses adjuvants, ses ennemis et sa quête, il se perd parfois dans certains méandres qui, en agrémentant davantage le tissu de la narration (tout en contribuant à orner la toile de fond), ont tendance à embrouiller le texte, au point que les motivations de certains des personnages apparaissent floues. Cela dit, cette impression est peut-être due à la traduction d’un ouvrage qui aurait été facile d’accès s’il s’était débarrassé de certaines scories. L’auteur fourmillait sans doute d’idées et a cherché à les placer dans une histoire qui n’a que l’apparence du conte pour enfants – il fait partie de cette longue litanie d’ouvrages spontanément apparus en France dans la liste des collections « Jeunesse » alors qu’ils faisaient naguère partie des catalogues adultes (comme Le Seigneur des Anneaux). Il est vrai que la littérature jeunesse a connu une embellie qui lui fait étiqueter comme tel à peu près tout et n’importe quoi depuis le succès phénoménal des Harry Potter. Pour le meilleur et pour le pire. 


Or ce livre est bien répertorié comme « livre pour enfants », édité chez Pocket Jeunesse sous le numéro J1273 avec un bandeau précisant « À partir de 11 ans ». Certes, la trame n’est pas des plus originales, et les péripéties de Sophie Chapelier se suivent sans déplaisir, d’autant que les lieux et les personnages ont ce pittoresque non éculé par les adaptations de Walt Disney. Et puis, ce château qui bouge, dont la porte principale ouvre sur quatre destinations différentes (dont une située dans un autre monde), est en soi une merveille d’imagination. Car l’histoire mêle avec malice quelques éléments du bestiaire des contes à d’autres plus fantastiques, au sein d'une ambiance manifestement poétique. Les énigmes qui parsèment l’ouvrage ne sont pas des plus aisées et peuvent échapper à la compréhension des plus jeunes, lesquels préfèreront se rabattre sur la psychologie de Calcifer, le charmant démon du feu dont le pacte passé avec Hurle (Howl dans la version originale) constitue la pierre angulaire de l’histoire ; sur Hurle lui-même, magicien séduisant mais à la sombre réputation, au caractère fantasque et capricieux ; sur Sophie, jeune femme morose mais volontaire, soupe au lait mais pleine de compassion. L’aventure de sa vie est traitée à travers son point de vue, ce qui fait que certaines notions sont éludées. Et sous les coups de théâtre, les expérimentations de Michael (le jeune adjoint de Hurle), les soucis qu'éprouve Sophie pour sa famille et la menace grandissante de la Sorcière, pointe l’ombre de sentiments très forts : Diana Wynne Jones écrit sur l’amour et ses avatars, les excès des jeux de séduction et des cours enfiévrées, sur les belles promesses et l’innocence des premiers émois et surtout sur ce jeu de dupes permanent qu’est la quête de l’âme sœur. Car tous les personnages recherchent l’amour, mais aucun ne sait s’y prendre.

Un ouvrage intéressant, donc, mais qui se confronte à un problème qui est de taille : l’adaptation de Miyazaki. Si le cadre, les personnages et les enjeux sont à peu près les mêmes, le génial réalisateur nippon a sensiblement dévié de la ligne directrice à mi-parcours, simplifiant la narration et modifiant même les caractéristiques de certains personnages (au lieu du pays natal de Hurle, l’une des portes du château mène dans son passé ; Calcifer voit ses origines réécrites ; les sœurs de Sophie sont carrément mises sous l’éteignoir et l’Épouvantail à tête de navet voit son rôle subtilement changé, de même que les différents avatars de chiens - les amoureux du Chien asthmatique ne le retrouvent pas dans le livre). Du coup, il faut bien l’avouer, le film d’animation s'avère nettement plus cohérent en dépit d'autres ellipses discursives, et cela bien que la relation particulière entre Hurle (Hauru dans l’anime) et Sophie ait été maintenue.

Au final, le livre est plaisant, dégageant un charme désuet tout en cultivant le paradoxe d’être plutôt moderne et parfois inventif. Un côté très britannique qui le distingue des contes populaires continentaux et dont on comprend qu’il ait charmé Miyazaki, toujours sensible aux traditions européennes. 


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un conte inventif, bourré de fantaisie et de personnages fascinants.
  • Une romance puissante, au service de ses protagonistes.
  • Le charme inégalable des récits merveilleux d'antan.
  • L'idée de lire le texte à l'origine d'un des grands classiques de l'animation.


  • Une structure un peu complexe qui peut perdre le lecteur.
  • Des éléments épars rendent soudain la lecture plus ardue que prévu.
  • On peut admettre que l'adaptation en animation soit supérieure à l'original. 
Quand une écervelée donne des leçons de morale
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Notre société pré-apocalyptique (ou en tout cas, en état de mort cérébrale quasi totale) semble s’accommoder fort bien des déclarations "Canada Dry" (qui ont l’apparence de l’intelligence, mais n’en contiennent jamais). 
La dernière en date est celle de Blanche Gardin, qui refuse de participer à LOL, une émission produite par Amazon.

Elle refuse beaucoup cette dame-là. 
En 2019, elle avait déjà refusé une décoration de Chevalier des Arts & Lettres pour… « protester contre la politique du gouvernement concernant les sans-abris ».
Pfouah…
Ah, il faut 5 minutes pour la digérer celle-là, hein.
Mais c’est quoi le putain de rapport ? Ça va changer quoi ?
Si on prend un exemple d’artiste engagé, Mike Ward, un humoriste très célèbre au Québec, a financé la construction de mini-maisons pour les sans-abris. Alors, ce n’est pas parfait, ça reste du précaire, du provisoire, mais ça va vraiment changer leurs conditions de vie, surtout en hiver. 
Là un refus de décoration, c’est simplement une manière de se mettre en avant, de se faire reluire sans risque, sans rien faire ni débourser. Infect !

Dans la même veine, bouffie de prétention et de moraline, elle se fend d’un long texte où elle condamne très maladroitement un peu n’importe quoi.
L’un de ses arguments, totalement ahurissant, est que ça la « gêne de toucher 200 000 euros alors que l’association pour qui elle jouerait ne toucherait, elle, que 50 000 ».
Wow… j’ai la tête qui tourne tellement c’est con…

Mais, Blanche, rien ne t’interdit de faire l’inverse. De redonner 150 000 à l’association. Ou même l’intégralité de ce pognon dont tu n’as visiblement pas besoin. Là, non seulement ton association (si tu en soutiens une, mais j’imagine que oui) n’aura rien, mais tu n’as fait que donner 200 000 euros à un autre pseudo-artiste dans ton genre. Cette somme que tu aurais pu utiliser selon tes convictions, tu l’as perdue bêtement. 

Cette fille est tellement demeurée que ça en devient effrayant.
Mais le pire, c’est que les gens, évidemment, la soutiennent en masse sur le net. Certains louant même son incroyable « humanisme »… mais, quel « humanisme » ? Elle n’a rien fait, si ce n’est se vanter en public de perdre 200 000 euros qu’elle aurait pu utiliser en aidant les pauvres dont elle semble tant se soucier. 

Et le reste de sa logorrhée verbale est pire encore. En vrac, elle va faire référence au changement climatique, aux camps de concentration, à la fraude fiscale, aux emplois pénibles et aux livreurs de burgers… (ça a l’air délirant, mais c’est 100 % véridique).
Alors, évidemment qu’il y a des sujets importants dans ce qu’elle ahane maladroitement (ne serait-ce que le climat, que l’on a suffisamment détraqué pour engendrer notre propre disparition), mais en quoi ce qu’elle fait serait utile ? En quoi refuser de participer à une émission sur une plateforme va faire avancer tous ces sujets ? 

Cette imbécile fait exactement comme ces gens qui engueulent leurs gosses en leur intimant de finir leur assiette « parce qu’il y en a qui ont faim ». Ben oui mais, si ton gamin finit son assiette, ça ne va pas aider les gens qui ont faim en fait. Et, si pour éviter de se rendre malade ou de finir en surpoids, il préfère arrêter de se goinfrer, ça ne changera rien non plus. Les deux domaines ne sont pas connectés. 
Pour Blanche Gardin, c’est exactement pareil. Les arguments qu’elle avance ne sont pas connectés avec son refus (tout à fait compréhensible, elle fait bien ce qu’elle veut) de participer à un projet. 

Ce qui est fou, c’est que personne ne relève ça. Toutes les réactions que j’ai pu voir étaient « pour » ou « contre » son refus et la manière dont elle l’annonce. Mais il n’y a rien, dans ce qu’elle fait, qui permet de générer une telle position. Sa réaction, au mieux idiote, au pire révélant un besoin viscéral de se faire discerner de faciles louanges et bons points pour flatter son incommensurable ego, est totalement hors de propos. 
Je crains d’ailleurs qu’elle soit plus opportuniste que conne. Car elle parvient tout de même à identifier et amalgamer les sujets qui vont toucher le grand public. Et, comme naguère Goebbels (qui avait fort bien identifié les leviers permettant de remuer les foules), elle s’adresse non à l’intelligence du peuple mais à ses émotions. C'est ici le ventre que l'on flatte, non l'esprit. 

Une personne respectable, souhaitant simplement suivre ses principes, l’aurait fait dans la dignité du silence.
Une militante réelle, souhaitant vraiment aider ses contemporains, aurait pris l’argent et l’aurait redistribué (d’autant qu’il s’agit d’à peine une journée de « travail », si tant est que se prélasser dans un appart avec des amis soit considéré comme du travail).
Une héroïne aurait accompagné cette redistribution d’argent d’un appel à la résistance, à l’intelligence, à l’engagement concret. Elle aurait été une source d’inspiration, minimisant ses propres actes et encourageant les gens à qui elle s’adresse régulièrement à changer les choses, un peu, à leur façon, selon leurs moyens.
Mais non, Gardin n’est ni respectable, ni militante, ni héroïque. C’est une comédienne hors-sol, qui pense que, une fois atteint un certain niveau de confort, refuser des sommes astronomiques est un acte chevaleresque. 

Je vais terminer par une transposition du problème dans un autre secteur.
Bien souvent, j’entends autour de moi des gens critiquer les footballeurs (que je déteste, surtout les footeux actuels) parce qu’ils gagnent trop d’argent. Et je vois aussi souvent ces gens faire la comparaison avec les médecins, les chercheurs, etc., qui eux devraient être payés plus.
Ce genre de raisonnement fallacieux tend à connecter des éléments qui sont par nature différents et n’ont pas de rapport entre eux. Si les footballeurs (enfin, certains) gagnent beaucoup d’argent, c’est parce que le milieu du football génère beaucoup d’argent. C’est pareil pour les acteurs d’ailleurs. Il ne s’agit pas d’un jugement de valeur, ces gens sont payés avec l’argent que leur activité génère. Et les médecins aussi (et personne n’aura envie de payer 5000 euros une consultation pour que les toubibs puissent s’acheter des Ferrari).
Ce n’est pas la rémunération le problème, c’est la vénération.
Que quelqu’un d’inutile touche beaucoup d’argent parce que son activité futile génère une adhésion de masse, ça ne me pose aucun problème. Par contre, faire de ces gens des stars ou, pire, des maîtres à penser, là, ça devient dangereux. Ce n’est pas parce que Blanche Gardin est connue ou riche que ses propos sont pertinents. Et ce n’est pas parce qu’elle essaie de convaincre la Terre entière qu’elle est une bonne personne qu’elle l’est réellement.

Un certain Louis Pauwels a dit un jour qu’un individu de qualité exigeait tout de lui-même. Et qu’un individu sans qualité exigeait tout des autres. 
Je crois, sans trop de risque de me tromper, savoir à quelle catégorie Gardin appartient.


Écho #8 : Toutes les morts de Laïla Starr
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L'an dernier, nous vous faisions déjà l'éloge d'un album remarquable de Ram V, aussi splendide visuellement qu'impressionnant par sa narration : These Savage Shores, qui débarquait en France (chez HiComics) auréolé de l'excellente réputation de Toutes les morts de Laïla Starr. Nous nous étions promis de jeter un œil sur cet autre récit afin de déterminer si ce scénariste méritait d'être suivi ou s'il n'était qu'un artiste un peu chanceux. 

Cette fois, l'auteur né à Mumbai évoque l'épopée terrestre de la Déesse de la Mort, virée du Ciel sans ménagement puisque, avec la prochaine découverte de l'immortalité, elle n'est plus d'aucune utilité. Réincarnée dans le corps d'une jeune suicidée (la Laïla du titre), elle est bien décidée à retrouver son statut divin - même s'il lui faut pour cela empêcher que l'humanité accède à la vie éternelle, en supprimant un certain Darius qui fera la découverte susdite dans un futur proche. Pas de bol, la voilà fauchée par un camion peu de temps après avoir rouvert les yeux... 
   
Force nous est de reconnaître que nous voici face à un autre petit chef-d'œuvre, qui réussit à transcender le cadre de son dessin - étonnamment très européen, avec ses silhouettes sylphides et sa palette de couleurs surréelle (Filipe Andrade propose des cases mi-psychédéliques à la manière d'un Fluorescent Black, mi-pastel façon Moebius) - pour nous accrocher dans une histoire forte, pleine d'humour et de tendresse, nous proposant un angle de vue inédit sur la vie, le destin et la finalité de toute existence. Ram V parvient à nouveau, au travers d'un récit extrêmement bien écrit, d'une finesse redoutable mais sans aucune pédanterie, à trouver une justesse de ton remarquable. 

L'édition française chez Urban (2022) reprend les cinq épisodes de la mini-série dans un format très franco-belge (128 pages avec couverture cartonnée solide dans la collection "Urban Indies" - la même que le Dernier des Dieux par exemple) et une traduction de bon aloi pour moins de 20 €. Elle est à lire de toute urgence.



Fluorescent Black
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À force de le citer comme référence dans plusieurs articles, que ce soit du fait de son style agressif ou son format peu fréquent, il était nécessaire de faire le point sur l'album considéré par de nombreux libraires spécialisés comme le meilleur de 2011, écrit par MF Wilson, dessiné par Nathan Fox et édité en France dans la collection "Milady Graphics" chez Bragelonne.

Voilà le topo : 
En 2085, les progrès de la bio-ingénierie ont fait de Singapour une cité parfaite, Biopolis, peuplée d’êtres génétiquement purs - c'est-à-dire non pollués par la moindre tare physique. Tous ceux qui ne répondent pas aux critères particulièrement stricts sont impitoyablement rejetés à l’extérieur, dans des villes-ghettos dans lesquelles le moindre organe sain vaut de l’or et où une contre-révolution génétique a engendré des mutants dans toute la biosphère : entre les moustiques transgéniques et les lierres hallucinogènes, l’espérance de vie y est faible et le désespoir règne. Pourtant, des clans de rebelles luttent encore pour leur survie… Au départ, Max et sa bande ne voient que la perspective d'un profit facile en acceptant une mission grassement payée dans Biopolis, mais ils vont vite comprendre qu'ils ont fourré leur nez crottés dans un engrenage aussi retors que mortel.  

Pur produit du comic book underground (au départ, les épisodes étaient publiés dans le magazine Heavy Metal de 2008 à 2010), présentée dans un somptueux album au format inhabituel, l’œuvre est aussi intrigante que son apparence. Des couleurs flashy, très old school, viennent percuter la rétine alors que cette histoire d’anticipation lorgne vers la dystopie et le cyberpunk, puisant dans le vivier des récits les plus puissants et désespérés des années 70. On y retrouve certaines des préoccupations de l'énorme Tous à Zanzibar : cadres et objectifs identiques, personnages écrasés par leur destin, un peu comme si la menace de révolution génétique qui sous-tend toute la seconde partie du formidable roman de John Brunner trouvait son accomplissement visuel dans ce récit. Mais les amateurs de SF évoqueront sans doute d'autres références incontournables à la lecture de ce volume imposant, d'Andrevon à Gibson en passant par le Silverberg des Monades urbaines, à moins qu'ils ne suscitent les visions de certains mangas assez similaires dans leurs préoccupations comme Akira ou Gunnm (cf. à ce sujet l'excellente synthèse Comment la science-fiction peut-elle se renouveler au cinéma ?).


Dense et enlevée, l'histoire s'avère prenante dès les premières pages : le style graphique surprend, certes, mais n'empêche pas l'intérêt et la curiosité. On passera sur ce pseudo-jargon « singlish » qui n’intervient que dans certaines interjections (encore une autre influence des auteurs de SF des années 70) pour s’apercevoir que l'ensemble de l'intrigue se suit d'ailleurs sans trop de difficultés, même malgré les multiples flashbacks et changements de points de vue. En fait, la trame est désormais connue, c’est uniquement le cadre qui diffère : plus bouillonnant que Gattaca, plus coloré que Blade Runner, mais toujours des lendemains qui déchantent et ce constat que, décidément, l’Enfer est pavé de bonnes intentions.



Nathan Fox
ne dédaignant pas les illustrations pleine page, on profite vraiment du format XL, même si les crayonnés, aux traits volontairement lourds et appuyés, ne permettent pas toujours de comprendre l’intégralité des actions, d’autant que les protagonistes, avec leur physique anguleux, ne rendent pas la tâche facile et que l'encrage généreux brouille quelque peu nos perceptions. Néanmoins, on ne peut qu’être séduit par cet album flamboyant mené sur un rythme trépidant qui narre une évolution possible de l’Humanité en quête d’absolu, quitte à abandonner en chemin ses propres rejetons. 



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une édition impressionnante par la taille comme par le contenu.
  • Une dystopie bouillonnante dont les sombres desseins sont contrastés par les innombrables lueurs d'espoir d'individus n'ayant plus rien à perdre.
  • Un style graphique dynamique, une colorisation inhabituelle qui servent le propos.
  • Malgré des sujets maintes fois abordés, l'impression d'avoir entre les mains un objet rare.


  • Des dessins qui ne privilégient pas l'esthétique mais plutôt l'impact, rendant les personnages peu agréables et les cases parfois indéchiffrables.
  • Pas de réédition en vue, un ouvrage désormais difficile à trouver neuf.
Écho #7 : Marvel Gold
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Nouvelle collection chez Panini : Marvel Gold.

De quoi s'agit-il exactement ? Eh bien, ce sont 10 tomes, axés sur les équipes de super-héros Marvel, vendus au prix de lancement de 3,99 € l'unité.

Ce sont des comics plutôt récents. Dans le lot, on retrouve : Dark Avengers, Uncanny Avengers, Uncanny Inhumans, les Gardiens de la Galaxie, Secret Avengers, X-Treme X-Men, X-Force, Thunderbolts, Squadron Supreme et Secret Warriors

Étrange, les Inhumains deviennent "Inhumans" mais les Gardiens restent les Gardiens... C'est d'ailleurs pareil pour les noms de personnage, Œil de Faucon est devenu "Hawkeye" depuis un bon moment, mais Dents de Sabre par exemple ne se transforme pas en "Sabretooth".
Difficile de trouver une logique là-dedans.

Ce sont des volumes qui font environ 220 à 230 pages, donc pour le prix, c'est clairement intéressant. Reste bien entendu le problème de l'adaptation. On est chez les vendeurs d'autocollants, donc sans atteindre les sommets d'une Coulomb (cf. cet article), on a ici des traductions qui vont du "bon" au "franchement pas terrible". 
À vous de voir.

Sinon, l'emballage est plutôt joli, avec des covers dorées et les dos des tomes qui forment une fresque. Quelques pages de rédactionnel présentent un peu le contexte et les équipes (on aurait aimé un petit topo en plus pour chaque personnage, mais bon, c'est déjà pas mal pour du Panini).
Déjà disponible, uniquement dans les Carrefour (le prix augmentera après le 30 septembre).

À découvrir si vous n'êtes pas trop regardant sur la qualité du texte.




Écho #6 : Conte de Fées
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Hey les Matous, ça ronronne ?

Il ne vous aura pas échappé que l'on apprécie beaucoup Stephen King par ici (cf. cet index). Du coup, on ne peut pas passer à côté de son tout nouveau récit, qui vient juste de sortir en VF et qui s'intitule Conte de Fées.

Ce pavé de plus de 700 pages met en scène l'histoire d'un jeune garçon qui découvre un passage vers un univers dans lequel le Bien et le Mal se livrent une lutte acharnée.

Bon, de toute façon, avec cet auteur, on sait que l'on ne sera pas déçus, on va forcément plonger avec délice et fébrilité dans ce monde parallèle et ressentir tout un tas d'émotions.

Notons que l'éditeur, Albin Michel, a particulièrement mis en valeur ce roman, grâce à une couverture satinée disposant d'un élégant texte en relief. L'ouvrage a également la particularité, comme l'on peut le voir sur la photo ci-dessous, de contenir des illustrations ouvrant chaque chapitre. 

Tout cela semble donc très bien parti. On se retrouve vite pour la chronique complète !

Miaw !



Batman : DC Vampires 1/2
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Après "Agrougrou, les zombies",  "Agrougrou, les vampires".
Bientôt "Agrougrou, les momies" ou "Agrougrou, les loups-garous" ?


DC nous avait servi en maxi-série un univers horrifique intelligemment nommé DCeased qui avait le bon goût de mêler la chair pourrie et les super-héros. Nous voici dans un autre univers où nos super-humains rencontrent des suceurs de sang. Bien. On connaît le menu, on ne va pas s'étendre des siècles sur la recette... mais comment est-ce cuisiné ? Eh bien... de la plus banale façon qui soit. Et c'est bien triste, à vrai dire. Où sont les épices, DC ? Où sont les arômes ?

DC Vampires, c'est l'histoire de la propagation du vampirisme au sein des super-slips et des vilains. Et c'est rapide. Très. Trop. 
Très vite, la seule chose à laquelle ça fait penser, c'est une sorte de "touche-touche" ou de "jeu du chat" (comment appelle-t-on ça, chez vous ?).
Machin a été mordu. Qui sait qu'il a été mordu ? Qui va-t-il mordre ? 
Machin a été tué. Par qui ? Par un traître qui va dénoncer un innocent mais c'est tellement prévisible qu'on ne s'est même pas fatigué à vous le faire deviner : on vous l'a montré !

Si vous aimez les Battle Royale, ça pourrait néanmoins vous plaire. James Tynion IV et Matthew Rosenberg connaissent bien les interactions entre les personnages de l'univers et en jouent avec un peu de vice et pas mal d'humour.
Mais sorti de ça, c'est scénaristiquement aussi intéressant qu'une partie de balle au prisonnier.
Et ne vous montez pas le bourrichon inutilement : on a tous envie de voir l'homme chauve-souris avec des crocs, comme sur la couverture, hein oui ? Bah non. Oui, c'est un vol manifeste d'un fantasme de gosse (tous les fantasmes ne sont pas sexuels, bande de tordus !) : Batman ne devient pas un vampire.
Eh ouais : dans un univers où ça aurait été possible, l'homme-pipistrelle ne devient même pas un damné suceur de sang. D'accord, il ne faut pas nécessairement suivre les attentes des fans (c'est même souvent la pire des idées) mais quand le reste de ton bouquin n'amène pas grand-chose, offre-leur au moins une sucrerie, bon sang !
Laissons là le scénario... car il n'est pas l'unique souci caché derrière cette mensongère couverture (on ne s'en remet pas, ici).

Que d'émotion ! La fameuse expressivité tant vantée de ce dessinateur, sans doute.
Et son sens du détail, aussi. Quel exemple de maîtrise. Je me sens floué, par rapport à la couverture.
En effet, le dessin est assuré par Otto Schmidt. Le gars a déjà bossé sur Green Arrow (et on voit qu'il l'aime, ce personnage) et Harley Quinn. D'aucuns trouvent son dessin dynamique, coloré, expressif. Certes. Mais inconstant, aussi. Et parfois moche. Parfois même anatomiquement improbable. Quant à la mise en couleurs flashy, admettons que ça plaise à certains ; mais dans un récit vampirique, ça fait passer Buffy contre les vampires pour une œuvre gothique d'une noirceur insupportable au point de vouloir s'empaler le cœur sur le premier crayon bien taillé venu.
Ce constat est plus flagrant encore lorsque les planches du gaillard côtoient sans prévenir celles (incroyablement maîtrisées et esthétiques) d'un Simone Di Meo, par exemple.


Juste pour le plaisir, voici une case de Di Meo, non représentative de l'ensemble de ce tome, malheureusement... Admettons que ça a une autre gueule.

Terminons néanmoins sur un point positif, outre l'intérêt de ce premier tome (sur deux) pour les amateurs de ce type très précis d'histoires, on y retrouve aussi les deux one-shots DC Vampires : Hunters et DC Vampires : Killers qui sont de facture parfaitement honnête.

Au final, que faut-il donc penser de cette sortie ?
Urban fait une nouvelle fois un travail d'édition difficilement critiquable et même intelligent. Les deux one-shots, les couvertures alternatives en pleines pages en fin de recueil...  On a clairement de la chance d'avoir un tel éditeur pour s'occuper de DC en francophonie. Rien à redire de ce côté : on connaît une "maison des idées" qui pourrait aisément jalouser le travail d'adaptation remarquable que cet éditeur fait pour Detective Comics (oui, on oublie trop souvent la signification de ces initiales).

Ici, c'est surtout le matériau de base qui pêche par son indigence. C'est dommage : les plus geeks parmi nous méritaient meilleur traitement de cette improbable immersion de l'univers DC dans la thématique vampirique. 
Il y aurait tant à raconter, tant à faire.
Une fois encore : regardez simplement la couverture avec ce Batou assoiffé de sang et osez prétendre que le dilemme du vampire porté à son paroxysme dans un récit sombre et torturé ne vous aurait pas tenté ! Osez affirmer que confronter le refus de tuer catégorique de Batman à un besoin vital de mordre des carotides n'ouvre pas d'emblée tout un champ d'exploration de sa psyché qui éveille votre curiosité...
Eh bien, nous n'aurons pas cette histoire. Pas cette fois. Nous aurons même tout son contraire : une sorte de blague peu innovante et parfois poussive dont la seule réelle surprise est la déception qu'elle engendre.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Les illustrations de couverture sont de vrais nids à fantasmes de geeks et offrent des artworks de qualité ouvrant des perspectives intéressantes.
  • Quelques rares gags font mouche.
  • L'intégralité du tome s'échine à se torcher avec les promesses alléchantes des couvertures.
  • Le scénario est d'une vacuité navrante.
  • Les dessins oscillent entre "indignes de DC" et "dignes des WC".



Écho #5 : le Necronomicon
Par


Ph'nglui mglw'nafh Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn...

Voilà un livre à consulter à la nuit tombée et à la lueur d'une bougie : le célèbre Necronomicon !

Évidemment, cet ouvrage imaginaire (plus vraiment imaginaire ceci dit) provient de l'univers agité et effrayant de Lovecraft. L'ouvrage est cité à plusieurs reprises dans les nouvelles formant le fameux mythe de Cthulhu, mais il est aussi central dans la saga Evil Dead par exemple. Le grimoire est depuis devenu légendaire et est apparu dans nombre de films ou de jeux (comme Alone in the Dark). Stephen King lui-même y fait référence dans son roman Les Yeux du Dragon. D'une manière générale, il a durablement impacté la pop culture. Lui donner corps devenait alors presque inévitable, ce qui fit la librairie ésotérique new-yorkaise The Warlock Shop, en 1977. C'est cette version (aux origines romancées et diverses) qui est reprise ici. 

Les Éditions Bragelonne ont donc adapté en français ce gros (1,44 kg) et épais (888 pages) bouquin.
Il comprend :
- Les Noms morts : l'histoire secrète du Necronomicon et les circonstances de sa découverte.
- Le Necronomicon en lui-même.
- Un livre de sorts à utiliser à vos risques et périls (allant du franchissement de Portes permettant de rejoindre le domaine de puissantes entités au simple et plus trivial booster permettant d'augmenter vos capacité sexuelles).
- Les Portes du Necronomicon : un document revenant sur les origines des sorts décrits.
- Un cahier d'illustrations en couleurs.

Ce n'est pas donné (45 euros), mais l'aspect grimoire est très bien rendu, avec une jolie couverture, douce au toucher et très épaisse, et un papier bénéficiant d'un aspect vieilli de circonstance. Voilà qui permettra de frissonner un peu en replongeant dans le passé trouble et terrifiant des Grands Anciens !

Notons que ce livre est bien évidemment un objet de collection mais qu'il est aussi considéré par certains comme une véritable passerelle vers l'occultisme, ce qui l'entoure d'une aura de mystère supplémentaire.
Et bien entendu, si en tant que Maître de Jeu, vous pouvez le brandir durant une partie de L'Appel de Cthulhu, ça devrait faire son petit effet !

Alors les Matous, êtes-vous prêts à découvrir ce qui n'aurait jamais dû être révélé ?
Miaw !




Écho #4 : Pinhead
Par



Hey les matous ! On veut frissonner un peu ?

Eh bien, préparez-vous à affronter carrément les Enfers et les Cénobites, grâce à cette édition particulièrement luxueuse de deux courts romans de Clive Barker !

Bragelonne rassemble dans cet ouvrage le célèbre Hellraiser, suivi d'une autre histoire (écrite 30 ans plus tard) située dans la continuité de la première : Les Évangiles Écarlates
De la Dark Fantasy bien gore, permettant de retrouver le célèbre Pinhead (et sa bonne tête de vainqueur), mais aussi Harry d'Amour, détective de l'étrange apparaissant dans divers récits de l'auteur.

Ne vous attendez pas à des moments épiques et des bouffées d'émotion à la Stephen King, on est ici dans un style (et un procédé) plus direct et plus aride. Mais malgré tout, l'univers décrit a durablement marqué la pop culture et hanté les cauchemars de nombre de lecteurs. 

Cette édition bénéficie d'illustrations signées Fortifem, un collectif formé par Jesse Daubertes et Adrien Havet. Le style colle parfaitement à l'ambiance sulfureuse instaurée par l'auteur, les dessins parvenant à retranscrire le côté menaçant, fascinant et ésotérique des Cénobites. 

Un recueil de 528 pages, disponible au prix de 39 euros. 

Miaw !


Écho #3 : Dark Wood Tarot
Par


Hello les Matous ! 

Une petite news aujourd'hui pour vous parler d'un superbe tarot : Dark Wood !

Le tarot, c'est bien entendu un jeu, c'est aussi un support (supposément) divinatoire, mais c'est aussi devenu l'occasion de créer de véritables œuvres d'art, souvent basées sur une thématique particulière et bénéficiant de superbes illustrations.
C'est le cas pour ce Dark Wood, de Sacha Graham, illustré par Abigail Larson. Le thème choisi ici est celui d'une sorcière traversant une forêt sombre et parsemée de secrets et rencontres. Les dessins, dans un style fantastico-cartoony, sont sublimes. Quant au contenu de la boîte (illustrée et plutôt grande : 14,5 x 22 cm), il est soigné et très complet.

Pour 29 euros, Véga (l'éditeur de ce tarot) propose en effet, outre les 78 cartes, un sac satiné pour protéger les cartes, et surtout un livre (papier glacé, illustrations grand format) de plus de 300 pages, expliquant la signification de chaque lame (une interprétation traditionnelle, ainsi qu'une interprétation axée sur l'ombre, donc plus spécifique à ces cartes). 
Ce guide détaille également différentes manières d'effectuer un tirage, le tout en donnant des conseils pertinents et en restant très ouvert et astucieusement didactique. 

Précisons, en ce qui concerne les tirages divinatoires, qu'il s'agit là de métaphysique. Mieux, de métaphysique personnelle. Si vous vous en servez et que ça marche, vous ne pourrez jamais le "prouver" et ça n'aura de sens que pour vous. Ce qui est très bien comme ça (cf. cet article pour ceux qui souhaiteraient pénétrer plus avant dans ce domaine). 

Miaw !




Spiritualité, scientisme et magie
Par

 

Avant une petite news "Écho" de Virgul portant sur un tarot divinatoire, il m'a semblé intéressant de définir quelques termes et d'effectuer un "état des lieux" de ma propre réflexion sur le vaste et passionnant domaine de la spiritualité, histoire d'être clair avec nos lecteurs et de ne pas les embarquer dans du sensationnel ou du paranormal de bazar. Une spiritualité que certains redécouvrent aujourd’hui au travers de « religions » new age et autres pratiques teintées de traditions fragmentaires et de rituels mal compris. Il faut dire que notre civilisation, aussi avancée pense-t-on qu’elle soit (au moins sur le plan technologique), est clairement en retard sur le plan spirituel. À cause essentiellement de deux doctrines très différentes mais également néfastes.

La première calamité qui s’est abattue sur la société occidentale est l’avènement de la religion monothéiste. Il est même étonnant qu’un tel dogme ait connu un aussi grand succès tant il s’agit là d’une philosophie des « perdants », des pleurnicheurs et des masochistes. « Les derniers seront les premiers », « bienheureux les pauvres en esprit » et autres « pauvreté évangélique » ont installé durablement dans l’esprit des gens que la piété et l’élévation spirituelle passaient par une auto-flagellation constante et la contemplation de rites sinistres et déprimants. Oublié le culte sain et serein de la nature, relégués aux oubliettes les anciens dieux qui ne condamnaient pas d’office, effacées les joies des rituels passés qui permettaient à l’individu de s’unir au sacré sans le craindre.
Bien entendu, le dogme chrétien a perdu une grande partie de son influence de nos jours, mais il a été remplacé par une autre religion monothéiste, tout aussi excluante et exigeante : le scientisme. 

Attention, le scientisme n’est pas la science. Ni les scientifiques. Certains scientifiques ne sont pas scientistes, et beaucoup de scientistes ne sont nullement des scientifiques. La science est nécessaire et parfaitement efficace en son domaine (et nous l'avons d'ailleurs déjà abordée, pour tenter d'en vulgariser certains pans, ici même). Par contre, le scientisme, qui est la déification de cette même science, venant décerner des points de vertu dans des territoires qui ne sont pas les siens, est une dérive dangereuse. Tout ne se résume pas à des équations et des phénomènes reproductibles. Et l’être humain ne peut se décrire, et décrire son monde, en fonction du seul assemblage de ses molécules. Or, depuis le déclin de la religion chrétienne, le scientisme a pris la relève, remplaçant un dogme masochiste par un dogme nihiliste guère plus enthousiasmant. La représentation rigoriste du monde a été remplacée par une « vérité » très partielle et tout aussi austère, dégageant dans le même mouvement développement spirituel, panthéons, magie, paranormal et autres sujets tabous de la sphère, de plus en plus réduite, de la bienséance intellectuelle. 

Et pourtant, c’est une approche tentante, il faut l’admettre. Pourquoi ? Parce qu’étant terne et désenchantée, elle paraît plus « vraie ». Et lorsque l’on baigne dans une telle culture depuis son plus jeune âge, il est difficile, voire pour certains impossible, de s’en extraire pour ne serait-ce que l’évaluer sereinement. Par son pragmatisme désespéré, le scientisme a permis le développement et le règne d’une société inique, absurde, ivre de sa technologie mais insoucieuse de sa propre perdition. Un exemple ? Notre modèle économique actuel, qui n’est jamais remis en cause par aucun responsable politique (en tout cas, aucune action concrète n’est engagée pour le modifier), se base sur une croissance infinie et exponentielle. Ce qui semble bien entendu ahurissant. Comment augmenter « tout, tout le temps » dans un monde fini aux ressources limitées ? Eh bien, le grand tour de passe-passe de cette théorie, c’est le… progrès technologique, ce frère attardé de la science (même s’il la précède parfois). Cette théorie délirante et destructrice, qui empoisonne notre monde (au sens propre), n’est basée sur rien d’autre que la foi en ce dieu « science » qui viendra nous sauver lorsque nous aurons fini de dévaster notre unique habitat. L’on peut détruire les forêts, détraquer le climat, remplir de plastique les océans, épuiser les sols et saturer l’air de polluants, il y aura certainement une avancée scientifique qui viendra nous sauver d’un coup de baguette magique. Du moins, c’est ce que pensent les économistes (qui ne connaissent rien de la science) et une grande partie de la population (qui ne la connaît pas plus mais lui accorde une foi inébranlable et fanatique).
Il ne serait pas plus intelligent de ravager notre monde tout en pensant qu’un dieu quelconque va venir nous sauver la mise in extremis. Les dieux ont leurs limites, la science aussi. 

Tout en installant ce genre d’idées criminogènes dans l’esprit de la populace, le scientisme s’est mis, comme toute religion, à régenter la vie intime des gens. Et quoi de plus intime que votre vie spirituelle ? Il est une nouvelle mode à l’heure actuelle, celle de la zététique. Moi-même, j’ai un temps suivi cette piste, que je trouvais intéressante. Et tout n’est pas à jeter dans l’art du doute, notamment lorsqu’il s’agit de confondre un escroc ou une pratique dangereuse. Mais là encore, appuyée par le scientisme dont elle est l’émanation directe, la zététique se permet de donner des leçons dans des domaines qui lui échappent de par leur nature même. L’on peut par exemple citer l’idée zététique consistant à mettre au défi quiconque de prouver l’existence de phénomènes paranormaux par des moyens scientifiques. Ce qui est parfaitement stupide. Je ne dis pas que les phénomènes paranormaux existent, simplement, si c’est le cas, il est évident que les outils scientifiques ne peuvent s’y appliquer. Cela reviendrait à demander à un ami, qui vient de vous annoncer qu’il est éperdument amoureux d’une jeune femme, de vous le prouver à l’aide d’une caisse à outils. L’on ne peut prouver l’existence de la magie par des méthodes scientifiques. Tout comme l’on ne peut prouver que le personnage imaginaire cité plus haut est amoureux. Est-ce pour autant que la magie et le sentiment amoureux n’existent pas ?
Là encore, il faut bien s’entendre sur ce que recouvre le terme « magie ».
Si vous pensez à des sorts spectaculaires, avec projection de boules de feu et autres éclairs qui sortent des doigts, vous pouvez vous épargner de futiles recherches, cette magie-là, effectivement, n’existe pas. 

La plupart des ouvrages traitant de magie la définissent comme l’expression d’une volonté permettant une modification du réel qui n’aurait pas eu lieu naturellement. Bien des domaines faisant intrinsèquement partie de la technique magique ont d’ailleurs une efficacité reconnue, que ce soit l’autosuggestion, la visualisation, la méditation, l’hypnose, etc. Mais la magie ne se limite pas à cela. En réalité, le fait de la segmenter en des domaines distincts et appauvris est là encore un effet du scientisme, qui ne peut admettre rituels et sorts qu’en les réduisant à une somme d’éléments étudiables scientifiquement. C’est un peu comme si vous préconisiez une autopsie pour savoir ce qu’est la vie. En ouvrant le cobaye pour regarder à l’intérieur, vous l’avez tué. Vous n’étudiez plus la vie mais un cadavre. Découper la magie en sous-domaines (qui ne sont même pas essentiels), c’est oublier, méconnaître ou mépriser ce qui fait son cœur et son efficacité.

Un scientiste vous expliquera vos sentiments par la libération d’endorphines et un savant jeu de réactions chimiques à l’intérieur de votre cerveau. Et, sur le strict plan scientifique, il n’a pas tort. Mais pensez-vous réellement que l’important, pour un être humain qui éprouve de l’amour, de la haine, de la joie ou de la peur, c’est de savoir qu’il s’agit d’une réaction explicable scientifiquement et réductible à de la chimie ? C’est absurde, sans la spiritualité, sans la métaphysique, sans les croyances intimes, la vie intérieure et le développement personnel (voire civilisationnel), l’Homme ne serait qu’un robot organique dénué d’aspirations. Or, c’est l’aspiration qui fait l’Homme.
Prenez n'importe quel livre, si l'on en fait une description scientiste, c'est une certaine quantité de papier et une certaine quantité d'encre. Mais est-ce que quelqu'un de sensé se risquerait à décrire un roman d'une telle manière ? Évidemment non. Ce n'est pas parce qu'une description n'est pas fausse qu'elle est juste. 

Bien sûr il ne s’agit pas d’abandonner rationalité et pragmatisme. Tout comme l’on ne peut être perpétuellement dans le matérialisme, l’on ne peut être à chaque instant dans le spiritualisme. Il s’agit de trouver un équilibre permettant de se construire, de se protéger des effets néfastes de la société tout en en faisant partie et en profitant de ses avantages.
Que vaudrait réellement une vie basée uniquement sur la réussite matérielle et la compréhension froide et technique de l’agencement des atomes ? La plupart des systèmes philosophiques, à travers le monde et les époques, proposent un cheminement conduisant à cet indispensable éveil spirituel, à l’harmonie avec l’univers, à la réalisation profonde de l’individu, devenu plus que lui-même. C’est le cas des budo japonais et de leur satori, c’est le cas du bouddhisme et de son nirvana, c’est même le cas de l’alchimie (qui est loin d’être une pseudo-science) dont le but ultime est la transformation (au sens spirituel) de l’alchimiste lui-même.

Le scientisme n’est pas une fatalité, sa vision morne et dénuée de sens du monde non plus. Le scientisme, qui répétons-le est une vision pervertie de la science, ne peut remplacer une nécessaire quête spirituelle. Nous avons besoin, pour nous réaliser pleinement, de réenchanter le monde, de nous reconnecter avec la tradition passée et les pratiques ésotériques.
Le scientisme condamne ce genre de pratiques parce que la science ne peut les cerner et échouera toujours à le faire, tout comme un tournevis serait inutile pour décortiquer un sentiment. Et il ne s’agit pas d’une question de progrès mais de nature. La science ne peut par exemple expliquer la présence de l’univers parce que dans sa logique terre-à-terre, tout effet à besoin d’une cause. Ce que l’on comprend bien instinctivement d’ailleurs. Aussi, quelle que soit l’explication à la présence de cet univers, que ce soit un univers présent « de tout temps », une origine mathématique du Big Bang, une percussion de branes dans un multivers ou même un ou des dieux, rien ne sera satisfaisant d’un point de vue scientifique car l’on finira par aboutir soit à une nouvelle question insoluble, soit à un effet qui sera sa propre cause, ce que n’admet pas la science. La science s’arrête donc où commence le questionnement véritable, alors que l’on passe de la physique à la métaphysique. Le scientisme, lui, interdit ce basculement. Et force est de reconnaître que l’habitude, la pression sociale, les railleries, la fainéantise et le conformisme rendent difficile toute exploration spirituelle qui paraît aujourd’hui, à l’aune du scientisme, au minimum farfelue alors qu’elle est essentielle et naturelle.

Les scientistes ont un réflexe sectaire et conservateur tiré directement du milieu scientifique, qui n’est nullement ouvert et bienveillant, contrairement à l’idée que s’en fait le grand public. Toute idée nouvelle, tout progrès audacieux dans un domaine est toujours systématiquement nié et raillé en premier lieu par les scientifiques. Le nom du Big Bang, pourtant reconnu comme la base du modèle physique actuel, provient d’une moquerie d’un scientifique anglais qui ricanait bêtement en réfutant l’idée que l’univers puisse commencer dans un « gros boum ». Les scientifiques, il y a encore quelques décennies, niaient la possibilité de l’existence d’autres galaxies. Ne parlons même pas de la vie extraterrestre, dont l’existence est aujourd’hui considérée comme probable sinon certaine alors qu’elle donnait lieu à une mise au ban de la société scientifique il n’y a pas si longtemps. Et ce sont bien des scientifiques qui ont déclaré que faire voler des objets plus lourds que l’air était impossible. La science passe son temps à se tromper et le scientisme ne cesse pourtant de lui accorder une confiance absolue et de bannir des domaines entiers, des recherches, des idées, sous prétexte qu’ils sont considérés comme « impossibles » ou peu sérieux. Mais selon la logique scientifique (qui a son utilité à échelle humaine et dans le domaine physique), l’existence même de l’univers est impossible. Or, il est là…

Encore une fois, il faut le rappeler, il n’est pas question de conspuer la science et les scientifiques mais bien de critiquer le scientisme, doctrine vénérant une science imparfaite qui n'est qu'un outil. Ce scientisme prive l’humanité de sa spiritualité. L’on avance mieux et plus vite avec deux jambes qu’en sautillant sur une seule. La magie ne s’oppose pas à la science, elle la complète. Sans elle, le monde est inachevé et incohérent. Et dans la longue quête spirituelle de tout homme, en route vers sa propre réalisation, la magie et le divin demeurent des bâtons de marche essentiels.

Le scientisme, en désenchantant le monde, en recouvrant la magie véritable de railleries et d’équations, en imposant au monde une inertie coupable faite d’habitudes grotesques et de fausses certitudes, a enfoui sous d’immenses strates d’explications fallacieuses et rapides les connaissances naturelles de l’Homme et sa capacité à ressentir et manipuler la magie.
Prenons un autre exemple. Je ne suis pas versé dans l’astrologie, et je suis même persuadé que la majorité des gens qui la pratiquent sont des charlatans. Ceci étant dit, il s’agit d’un support comme un autre, il n’est pas « faux » ou « inutile » s’il résonne dans l’esprit de celui qui l’utilise avec honnêteté et noblesse. J’ai vu il y a encore peu de temps un scientiste expliquer que l’astrologie était sans fondement parce que l’attraction des astres qui sont pris en compte était négligeable à de telles distances. Bien entendu, mais il ne s’agit pas d’effets physiques, ce sont juste des symboles. Encore une fois, inutile de sortir l’équerre ou le compas, ces outils ne s’appliquent pas dans ce domaine. 

Personnellement, j’utilise des runes pour diverses pratiques. Est-ce que je pense pour autant que les runes elles-mêmes ont un pouvoir ? Non. Ce sont des symboles, ils font partie d’un tout, d’une culture, d’une pratique. Les runes n’ont de sens, et n’acquièrent du pouvoir, que dans un cadre précis, quand elles sont manipulées par des gens qui les ont étudiées, sans a priori, et ont pris le temps de se concentrer, de visualiser leur demande, de se mettre dans un état d’esprit particulier. Sont-elles efficaces ? Absolument. Une analyse scientifique permettra-t-elle de le prouver ? Certainement pas, c’est impossible, tout comme il est impossible de démontrer, à l’aide d’un compteur Geiger, que vous éprouvez de la joie. 

Si vous ne croyez pas à la magie, c’est bien dommage, car vous vous privez d’une ressource naturelle précieuse, mais c’est votre droit. Certains sont plus versés dans la physique que la métaphysique et se sentent peu à l’aise dans ce qui demande une approche plus instinctive et spirituelle. Mais ne pas apprécier un domaine et ne pas admettre qu’il existe sont deux choses différentes. Si vous réfutez l’existence de la magie parce que vous faites inconsciemment ou non confiance au scientisme actuel, c’est une erreur. Une erreur d’autant plus étrange que les scientistes n’ont aucun mal, en physique quantique par exemple, à reconnaître l’aspect magique de l’univers (même s’ils répugnent à appeler ça comme ça). La position d’une particule dépend par exemple du fait que l’on cherche ou non à connaître cette même position. C’est l’observateur, en quelque sorte, qui « force » la particule à se situer dans l’espace. C’est parfaitement contre-intuitif et même délirant selon la logique humaine, pourtant, cela ne pose aucun problème aux scientistes. Par contre, il leur est impossible d’admettre qu’un même observateur puisse avoir également, à l’aide de rituels, une influence sur des événements macroscopiques. Cela ne semble pourtant pas si délirant en comparaison des mystères et des merveilles de l’univers. 

Bien entendu, il faut insister sur le fait que la magie a ses limites, ses règles, ses nuances. Il est impossible de trouver les bons numéros du loto à l’aide de la magie, mais il est tout aussi impossible de les deviner à l’aide de la science. L’existence de limites ne prouve en rien la non-existence d’un domaine.
Il convient également de préciser que, dans le domaine de la spiritualité et de la métaphysique, le prosélytisme n’a aucun sens. La démarche est forcément personnelle. Mieux, la magie et le divin relèvent de l’intime, il n’est pas naturel d’en parler à tout bout de champ avec le premier venu. Là, il ne s’agit plus de pression sociale mais de simple bon sens. Votre rapport aux dieux et aux forces naturelles vous regarde, il peut être inexistant ou au contraire être très présent dans votre vie, mais il s’agit avant tout d’une démarche intérieure. Rien n’interdit d’en parler avec des gens bienveillants et ouverts, mais même dans ce cas, il s’agira de généralités et non de votre pratique personnelle. Tout cela pour dire que je ne défends aucune « école » de pensée, encore moins une pratique codifiée et régentée par une quelconque « autorité ». Même si l’on peut s’inspirer de certains ouvrages, chacun construit son propre domaine spirituel, « sur mesure » et unique. Cet état d’esprit se retrouve notamment dans la wicca, en tout cas lorsqu’elle est correctement présentée (je conseille cet ouvrage notamment). Quoi que vous fassiez (on parle bien ici des actions liées au domaine spirituel hein, pas de frapper votre voisin ou rouler à 200 km/h en ville), à partir du moment où vous êtes animé de bonnes intentions, c’est permis. Si c’est ce que vous « sentez » et ressentez, si ça « marche » pour vous, alors c’est ce qu’il convient de faire (que l’on parle de rituels, du choix de l’appellation d’un « principe » supérieur ou d’une simple communion avec la nature).

Dans ma conception du domaine métaphysique, la magie est une partie de la spiritualité. Il n’est pas nécessaire de l’utiliser, c’est en quelque sorte l’outil qui va avec ce domaine, qui fonctionne dans la réalité non physique. Un rituel n’est pas forcément magique, dans le sens où votre but n’est pas de modifier la réalité (il s’agit alors de s’unir aux dieux et à la nature, de simplement se détendre et se sentir bien, etc.), mais il peut l’être.
Mais du coup, qu’est-ce que la magie véritable et quelles sont ses limites ?
Difficile de répondre de manière exhaustive à ces questions, mais il est néanmoins nécessaire d’éclaircir un peu le sujet.
Encore une fois, il faut bien comprendre que la magie n’est pas spectaculaire. C’est un ensemble de techniques qui ont été peu à peu segmentées et rationalisées pour en extirper le côté spirituel et ne conserver que ce qui permet de mettre en lumière une trace physique d’efficacité. Mais, se priver de la métaphysique, donc du spirituel, n’a rien d’une idée de génie. Encore une fois, ça limite l’être humain à un assemblage d’atomes, ce qu’il est, mais il n’est clairement pas que ça.

Un rituel magique demande un minimum de préparation. Je ne vais volontairement pas rentrer dans les détails, mais vous allez choisir un moment où vous êtes certains d’être tranquille, vous allez aménager un autel, effectuer quelques gestes de purification, mettre éventuellement une musique d’ambiance, vous concentrer, visualiser votre objectif, contrôler votre respiration, prononcer certains mots. Tout cela en mélangeant des éléments vus, lus, appris, expérimentés, modifiés, pour aboutir à une pratique personnelle et unique. Le simple fait de vous lancer dans un tel rituel a déjà des effets physiques multiples. Vous modifiez votre rythme cardiaque, votre tension, votre respiration, votre activité mentale. Vous prenez également le temps de vous concentrer sur un sujet, un but, et de le visualiser. Il ne s’agit pas, comme dans certains films, d’agiter une baguette magique pour obtenir instantanément un effet, mais de commencer à pousser les choses dans le bon sens et à se mettre dans le bon état d’esprit.

Je rappelle que la magie ne peut pas s’expliquer par la seule addition de domaines physiques (comme la méditation, l’hypnose, etc.), mais l’on va tout de même procéder ainsi pour prendre un exemple quelque peu terre-à-terre. Imaginons que votre rituel visait à obtenir une somme d’argent dont vous avez besoin ou à séduire une personne dont vous êtes amoureux. Vous y avez réfléchi, consacré du temps, vous avez même conçu tout un cérémonial pour atteindre votre objectif. Vous vous êtes mis dans un état d’esprit très particulier. Cela peut ne serait-ce qu’augmenter votre confiance en vous et vous inciter à aborder la personne qui vous intéresse ou vous pouvez passer devant un bureau de presse et décider de jouer au loto. Attention, il est important de bien comprendre que la magie ne peut être efficace si l’on n’est pas soi-même actif. C’est la même chose pour la science. Un marteau, c’est très utile pour planter des clous, mais si vous ne lui insufflez pas une impulsion, le marteau ne va rien faire seul. Dans ce cas précis, c’est le rituel qui vous a marqué suffisamment pour modifier votre état d’esprit, soit en vous donnant un regain de courage soit en vous faisant remarquer un détail que vous n’auriez pas forcément noté. Cet exemple est forcément limité et simpliste, mais cela permet d’aborder la complexité du domaine et ses effets « mesurables » (bien qu’il soit impossible de les mesurer réellement, de par leur nature). Surtout, cela ne décrit en rien la magie dans son ensemble, encore moins son impact. 

La plupart des gens ne croient pas en la magie parce qu’ils imaginent une magie de fiction. Et parce qu’ils ignorent que cela demande du travail. Et le travail n’est jamais populaire. On préfèrera toujours un « raccourci » (même bancal) plutôt qu’un investissement payant mais exigeant. Et, j’en suis persuadé, la plupart des gens ont abandonné les Anciens Dieux parce qu’ils ne comprennent pas leur véritable nature. Il s’agit de symboles, de forces naturelles sur lesquelles l’on met un nom, parce qu’il faut bien les désigner, mais qui nous dépassent. Or, le fait que ces forces soient hors de notre champ de compréhension ne signifie pas qu’elles n’existent pas. Ou que l’on ne puisse pas établir, même partiellement, une connexion avec elles. L’existence de l’univers est et restera hors de notre champ de compréhension, or il existe et nous interagissons, même faiblement, avec lui.

Voilà pour cette (trop) longue mais nécessaire « mise au point ». À ce stade, si je vous ai perdu, c’est que je m’y suis mal pris ou que ce domaine ne vous intéresse pas. Mais si j’ai éveillé votre intérêt, j’espère pouvoir aller un peu plus loin lorsque j’en viendrai à aborder certains livres passionnants, qui demandent néanmoins un peu d’informations pour les aborder sereinement et efficacement. 
À bientôt !