Thanos : la Fin de l'univers Marvel
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Dans un volume plus épais que ceux de la même collection (environ 40 pages de plus que La Fin de l'Infini ou La Révélation de l'Infini), Jim Starlin reprend avec une joie manifeste les personnages et les thèmes qui l'avaient amené à écrire ses sagas liées à Infinity Gauntlet.
Du coup, les sceptiques peuvent légitimement estimer qu'il ne s'agit que d'une nouvelle version fondée sur les mêmes structures narratives, les mêmes retournements et les mêmes enjeux. Soyons honnêtes : il n'y a pas grand-chose de neuf. Mais ce déferlement d'adversaires tentant de mettre la main sur le pouvoir absolu ou d'empêcher un autre de le maîtriser (ce qui revient au même) possède quelque chose de jouissif qui entraîne aisément le lecteur familier des conflagrations cosmiques.

L'histoire qui nous est narrée ici est antérieure aux volumes précédemment cités, il y est même fait une brève allusion dans La Révélation de l'Infini où l'on apprend qu'en tentant de s'opposer à l'avènement d'un certain Akhenaton, Thanos a tout simplement annihilé l'univers. Voyons voir comment il a pu en arriver là, le bougre ayant la fâcheuse manie d'ébranler le tissu de la réalité chaque fois qu'il est contrarié.

Comme toujours, dans un premier temps, Thanos observe le cosmos et plus particulièrement le moindre événement susceptible d'en altérer la structure. Ce faisant, il rumine également ses précédents échecs tant dans sa conquête du pouvoir ultime que ses tentatives de séduire la Mort, préparant plusieurs coups d'avance pour parer à la moindre éventualité ; c'est ce qui lui permet d'être légèrement avantagé lorsque la menace Akhenaton se manifeste : l'ex-pharaon qui avait bouleversé l'Egypte antique (tentant d'imposer une religion monothéiste au cours de la XVIIIème dynastie, soit 13 siècles avant notre ère) revient sur Terre réclamer ce qui lui revient de droit (à savoir l'empire qu'il dirigeait de fait 4 millénaires auparavant), armé d'un pouvoir si gigantesque qu'il fait pâlir les entités régissant notre réalité. Sa volonté est toute-puissante et il impose sa loi sans que rien ne puisse s'y opposer, nanti d'une puissance inconcevable.
Les gouvernements terrestres ne peuvent que se plier à ses desiderata, et les super-héros ne trouvent aucune parade. Et c'est toujours aussi stupéfiant de voir des cadors comme Éternité ou Galactus totalement désarmés devant ce nouveau super-être alors qu'un Docteur Fatalis, pourtant plusieurs crans en dessous dans l'échelle cosmique, mais doté d'une ambition et d'une volonté inébranlables, parvient aisément à s'emparer de certains des secrets du Pharaon mégalo. Les lecteurs du second volet de La Guerre de l'infini se souviendront qu'il était également sur le point de s'emparer de la source du pouvoir du Magus (bien aidé par Kang) alors même que Thanos et Éternité étaient réduits à l'impuissance. Rien de bien nouveau, je vous l'ai dit.


Et, du coup, c'est encore sur notre bonne vieille planète que va se jouer le destin de l'univers !
Revoilà les super-héros terriens tentant de barrer la route à un despote sidéral capable de terrasser tous les Célestes d'un seul coup. Sans la maestria visuelle et la légère folie métaphysique de Starlin, ce serait apocalyptiquement niais, mais notre auteur visionnaire parvient à faire basculer le ridicule dans le grandiose.
Contrairement à la première Saga de l'Infini, alors que les combats avaient autant d'ampleur (et étaient perdus d'avance), on ne s'y attarde guère ici : malgré toute leur volonté, leur agressivité et leur légitimité, que peuvent franchement nos champions trop humains face à un danger de ce calibre ? Honnêtement, rien, à part mourir dignement. Jim Starlin se complaît ainsi dans ces fantastiques réunions de héros en pleine page (parfois en double-page), comme autant de collections d'individus extraordinaires épinglés sur la toile de l'existence. Des individus qui constatent bien vite que leur sort est d'être implacablement balayés, et Thanos lui-même n'est en mesure que de retarder (un tout petit peu) l'échéance. Sauf qu'il a en lui quelque chose de supérieur à toutes les créatures, une personnalité farouche qui en a fait, et plus souvent qu'à son tour, le point nodal des bouleversements cosmiques, pierre angulaire tout autant que pierre d'achoppement. Et c'est cette volonté seule qui fera pencher la résolution du conflit vers l'inespéré, l'impossible.


Et vous n'en êtes qu'à la première moitié de l'album, qui prendra ensuite un peu plus de temps pour narrer le destin de cet être unique, lequel, plusieurs fois, a tenu dans sa main de quoi éradiquer toute existence. Grandeur et décadence en accéléré, plus dure sera la chute... Par son énième coup de poker, Thanos se retrouve à l'épicentre des possibles, point de convergence des dimensions. Son irascibilité l'a sauvé et a sans doute sauvé le monde, mais sera peut-être aussi sa perte.


L'épilogue permet ensuite à Starlin de s'appesantir sur des considérations plus eschatologiques, voire ontologiques, sans doute un peu fumeuses, avec des monologues abscons visant à orienter le récit vers une vision personnelle du destin de Thanos, laquelle sera ensuite développée dans une seconde saga dans laquelle Adam Warlock, sorte de double lumineux de Thanos, aura à prendre sa part.
Un album qui donne plus d'ampleur aux récits suscités et renforce, si besoin était, l'essence de cet être singulier, capable de tout et davantage.

Rien de bien nouveau, mais des ouvertures intéressantes et des moments de grandeur fascinants.




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Thanos, à la fois sauveur et fléau cosmique. Inégalable.
  • Des visions dantesques, des conflagrations cosmiques, un récit bigger than life.
  • Starlin à son meilleur, entre mythe et réalité.

  • Guère de nouveauté dans le déroulement, presque auto-parodique.
  • Des super-héros bien trop impuissants, incapables de faire pencher la balance (à part Fatalis).
  • Un épilogue de complaisance, servant à alimenter le mythe et la saga à venir.
Chroniques des Classiques : Un cantique pour Leibowitz
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En 1960, l'ancien ingénieur radio de l'US Air Force Walter M. Miller écrivit Un cantique pour Leibowitz. Ce fut le seul roman qu'il publia de son vivant, succédant à une série de nouvelles de SF qui lui valurent la reconnaissance de la profession. Peu après, il cessa d'écrire pendant plus de trente ans, vécut en reclus avant de se suicider alors qu'il travaillait à la suite de son roman. 
Tout autant qu'Abattoir 5 pour Kurt Vonnegut, Un cantique pour Leibowitz lui a directement été inspiré par un événement survenu au cours de la Seconde Guerre mondiale auquel il avait participé : le bombardement de l'abbaye de Monte Cassino. Ce traumatisme, il tenta sans doute de l'exorciser autant qu'il le put, jusqu'à ce qu'il parvienne à produire ce roman, récompensé par le prix Hugo en 1961 et unanimement considéré comme un des meilleurs ouvrages sur le thème post-apocalyptique. Il faut croire que la glorieuse stupidité des hommes a de quoi fournir au monde suffisamment d'éléments pour créer des œuvres d'une richesse et d'une densité inégalables (outre Vonnegut, on peut aussi citer Isaac Asimov et son superbe Les Dieux eux-mêmes).

Ce roman est construit en trois étapes, trois âges suivant une conflagration nucléaire qui n'a laissé aux survivants qu'amertume rémanente et déserts vitrifiés. Alors qu'un ordre monastique, s'opposant à une violente vague d'autodafés, a décidé de préserver quelques lambeaux de culture prédiluvienne (l’Apocalypse atomique étant considéré comme un Déluge de Flammes accompagné du démon Retombées) afin que la civilisation nouvelle puisse apprendre de ses erreurs passées, espérant qu'elle ne les répéterait pas, l'Histoire des hommes se met, irrésistiblement, à balbutier. Mais au lieu de nous proposer une vue d'ensemble de générations destinées à reproduire les mêmes errances ayant conduit à ce quasi-anéantissement, Miller choisit un point de vue particulier et c'est donc blottis dans une petite abbaye des déserts de l'Utah que nous assistons à cette lente résurgence de l'Humanité. C'est là qu'un jeune novice fait la connaissance d'un étrange ermite et découvre des objets enfouis sous des ruines, objets datant manifestement d'avant le Déluge de Flammes. Malgré l'opposition d'une partie de ses supérieurs ecclésiastiques, il va se donner pour tâche de recopier par le menu les textes incompréhensibles qu'il a mis au jour, afin de poursuivre l'œuvre de Leibowitz, ce visionnaire dont la confrérie tente d'obtenir la canonisation.

On disait que Dieu, pour mettre à l'épreuve l'humanité devenue aussi orgueilleuse qu'au
temps de Noé, avait ordonné aux sages de l'époque, [...] de construire de grandes machines de guerre, [...] des armes d'une telle puissance qu'elles contenaient le feu même de l'Enfer. Et Dieu avait permis que ces mages plaçassent ces armes entre les mains des princes, en leur disant : "Nous n'avons construit cela pour vous que parce que les ennemis ont eux aussi de telles machines et pour qu'ils sachent que vous les avez et qu'ils aient peur de frapper. [...]
Mais les princes, ne tenant aucun compte des paroles des sages, pensèrent tous : "Si je frappe assez vite, et en secret, je détruirai les ennemis dans leur sommeil, personne ne m'attaquera en retour et la Terre sera à moi."
Car telle était la folie des princes. Et ce fut le Déluge de Flammes…

Suivant un cycle déjà connu par tous les amateurs d'Histoire, le monde autour de l'abbaye évoluera peu à peu, passant des Temps sombres (similaires au Moyen-Age post-romain) à une Renaissance scientifique propice aux révolutions culturelles, avant l'avènement d'une ère moderne dotée d'une technologie encore supérieure à celle du XXème siècle (des colonies existent même sur d'autres planètes). Chaque partie du roman s'achève sur une image similaire, une forme de point d'orgue récurrent illustrant à merveille l'amertume baignant le récit. Car malgré les beaux discours, les promesses, les prophètes, les sages et les poètes, l'Homme finira par s'anéantir dans un cycle sans fin d'où n'émergera qu'un espoir, encore plus infime qu’autrefois.
Les hommes doivent s’embourber dans l’erreur avant de la distinguer de la vérité... à condition de ne pas accepter l’erreur avec avidité parce qu’elle a meilleur goût.
Carte de l'Amérique du Nord à l'époque du roman.

Bien moins pessimiste que Quinzinzinzili de Régis Messac, le texte de Walter M. Miller propose une solution qui, quoique fondée sur des arguments solides, s’avérera vouée à l'échec tout en avançant quelques possibilités de changements opportuns. Malgré des personnages décrits par le menu, parfois pittoresques, souvent humbles ou glorieux, il s'agit avant tout d'un roman sans véritable héros, se voulant écrasé par une forme de destin implacable, doté d'une écriture agréable, enrichie de nombreuses citations latines tirées des canons catholiques et non dénué d'un certain humour teinté d'amertume.
Son écriture élégante et sensible sait souligner le long labeur des hommes de science et des hommes de foi, s'attachant à d'infimes petits détails qui nous permettent d'évoluer aisément dans ce monde aux repères faussés. Perturbant lors de son changement d'époques, cruel dans sa gestion des personnages principaux, le livre procure des sensations inhabituelles mais sait merveilleusement délivrer certains messages d'une pertinence troublante.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un chef-d'œuvre incontestable du genre.
  • Une écriture sensible, un point de vue humain, voire humaniste.
  • Roman cathartique qui alertera ceux qui voudront bien accepter le message.

  • Roman sans héros, dont les personnages principaux sont destinés à se noyer dans un destin amer.
Trailer Spider-Woman
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Jessica Drew fait son retour en force chez Marvel !

La Maison des Idées vient de dévoiler le trailer de la nouvelle série (de comics) Spider-Woman.
Aux commandes, Karla Pacheco au scénario et Pere Pérez au dessin.
Bon, niveau infos, on ne peut pas dire qu'on apprenne grand-chose avec cette bande annonce. En gros, Jessica traverse une mauvaise passe, elle accepte un job qu'elle aurait mieux fait d'éviter, et... elle va avoir des ennuis, forcément.

La scénariste, le dessinateur et le responsable éditorial s'envoient des fleurs, ils nous disent à quel point ils sont contents de bosser ensemble, blabla, ils sont impatient que ça sorte (c'est pour bientôt : le 18 mars), et Pacheco nous précise qu'elle a essayé d'emmener le perso dans une toute nouvelle direction tout en conservant l'essence du personnage (histoire de contenter tout le monde), bref, une promo super-calibrée et tiédasse dont on retiendra surtout deux éléments : un nouveau costume pour Spider-Woman et le nom du premier ennemi d'envergure qu'elle va affronter (Octavia Vermis).

On vous laisse découvrir le style graphique (bien différent de celui des covers, signées Jung-Geun Yoon) avec le trailer ci-dessous.
Espérons que les nouvelles aventures de ce membre important de la "Spider Family" soient à la hauteur de son parcours et du potentiel du personnage !





Invisible Man
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Le remake de l'Homme Invisible sort la semaine prochaine au cinéma.

Invisible Man, réalisé par Leigh Whannell, est un thriller fantastique qui (tout comme le Hollow Man de Verhoeven) prend le parti de montrer le côté terrifiant d'un tel "pouvoir".

Tout commence alors que Cecilia Kass parvient à échapper à son tyrannique et richissime compagnon, un peu scientifique fou sur les bords (une sorte de Reed Richards version dark). Le si sympathique gaillard se suicide alors et laisse à son ex une petite fortune, à une condition : elle ne doit pas être déclarée mentalement inapte.
Or, des événements très étranges commencent à se produire dans l'entourage de la jeune femme. Bientôt, elle se rend compte que le savant, pas si mort que ça, a trouvé le moyen de devenir invisible et qu'il est bien décidé à se venger d'elle.

Une nouvelle adaptation du roman de H.G. Wells (publié en 1897), à découvrir dans les salles le 26 février.
Par contre, attention, la bande-annonce ci-dessous dévoile quasiment l'intégralité de l'intrigue, une "mode" de plus en plus courante.


Rewind : Henri, Porte des Lilas
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Retour de la rubrique Rewind se penchant sur un vieux tube. Après le Brigadier Sabari d'Alpha Blondy (cf. le premier article, ici), on aborde une zik radicalement différente.

En 1981 sort le tube Henri, Porte des Lilas de Philippe Timsit (rien à voir avec Patrick).
Le titre, joliment nostalgique de nos jours, est déjà à l’époque quelque peu douloureux et mélancolique, malgré une mélodie enlevée, notamment sur le refrain.
Il s’agit en effet d’une histoire un peu amère : un ancien musicos, parti faire son service militaire, se rend compte qu’entre-temps l’un de ses potes est devenu la star du rock en France. Il tente alors de reprendre contact avec lui et de lui quémander du taf.

Les paroles évoquent un moment crucial pour la musique ("avec nos guitares électriques, on a fait changer la musique") et plus spécifiquement l’époque des "yéyé". Un rock pourtant soft (mais perçu comme ô combien transgressif) prend alors le dessus sur les gentilles ballades. Les rockers sont encore en costard, mais on sent que la tenue les gratte.
La chanson parle aussi, mine de rien, de la difficulté de vivre de son art (plus précisément ici de la musique, forcément, Henri étant bassiste).

Mais, là où ça devient encore plus intéressant, c’est que Philippe Timsit évoque de vraies personnes dans sa chanson, même s’il est difficile de démêler le vrai du faux entre les différentes théories et rumeurs.
Le "Henri" de ce titre pourrait en effet être soit Aldo Martinez, ancien bassiste des Chaussettes Noires (qui s’adresserait alors à Eddy Mitchell), soit Henri Leproux, créateur du Golf-Drouot, le "temple du rock" (qui pourrait éventuellement s’adresser à Johnny Halliday). Il semblerait en réalité que l’hypothèse Aldo soit la bonne, notamment si l’on tient compte d’une interview que l’intéressé aurait donné à Jukebox Magazine et dans laquelle il expliquerait la création de la chanson et sa gêne devant un Timsit le faisant passer pour un paumé alors qu’il parvenait à vivre de son travail.

Enfin, amusante anecdote concernant les paroles, tous les sites, de YouTube à Bide et Musique, retranscrivent ainsi les paroles de l’un des couplets :
Y avait des filles plein les coulisses,
Tu voulais pas faire comme Elvis.
Ce qui n'a aucun sens... qu’est-ce qu’il est censé faire, Elvis, que l’autre évite ?
En fait, il s’agit d’une hallucination auditive, la véritable retranscription, qui elle a du sens, est :
Y avait des filles plein les coulisses,
Tu roulais par terre comme Elvis.

Oh, ben du coup, c’est compréhensible maintenant !



SuperGroom
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Sortie ce mois du premier tome de SuperGroom, la version super-héroïque de... Spirou !

Ce premier opus, de 88 pages, s'intitule Justicier malgré lui et est paru chez Dupuis le 7 février.
Comme vous l'avez compris, il s'agit d'une version super-héroïque (et parodique) du célèbre personnage. La justification de cette "évolution", exposée en début d'album, est d'ailleurs plutôt bien trouvée et amusante : Spirou, passé de mode, inconnu des plus jeunes, jalouse le succès des héros de comics, tel que Batguy. La déprime n'est pas loin et, pour reprendre la main, Spirou a l'idée de créer le buzz grâce à SuperGroom.
Malheureusement, tout ne se passe pas comme il l'avait prévu...

Écrit par Vehlmann et dessiné par Yoann, ce spin-off de Spirou s'avère bien sympathique et doté d'un humour légèrement acide qui convient bien au concept.
À tester !

13,95 euros/format 26,8 x 20 cm






Le saviez-vous ?

Ce n'est pas la première fois que Spirou se frotte à des super-héros américains et qu'il fait preuve d'un humour corrosif, il a notamment rencontré Spider-Man et Wolverine dans l'album parodique The Gutter (de nos amis Cyril Durr et Sergio Yolfa), dont vous pouvez voir un court extrait ci-dessous (et deux épisodes complets ici).






The Open House
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Et si quelqu'un s'était introduit chez vous ? C'est le point de départ de The Open House.

On ne peut pas se protéger de ce qui est déjà à l'intérieur. Voilà en gros l'accroche de ce film, réalisé par Suzanne Coote et Matt Angel, qui signent également le scénario. Enfin, l'absence de scénario.
Tout commence lorsque Logan, ado hanté par la mort accidentelle de son père, emménage avec sa mère, Naomi, dans une belle demeure appartenant à sa tantine. La maison est située dans un coin paumé et, particularité du lieu, tous les dimanches, Naomi et son fiston doivent débarrasser le plancher pour laisser la place à des visites d'éventuels acheteurs. Très vite cependant, des événements étranges vont attirer l'attention de la petite famille. Quelqu'un semble en effet s'être introduit chez eux...

Bon, sur le principe, c'est classique mais plutôt sympa. D'ailleurs, l'atmosphère inquiétante est plutôt bien installée, avec des fausses pistes, des scènes tendues et des personnages finalement attachants. Le problème vient de la conclusion de cette histoire. Qui n'a en réalité pas de fin.
Alors, certains peuvent estimer que ce qui suit est un "spoiler", mais on vous assure que non, ça ne gâchera rien du tout. Il n'y a rien à gâcher, ou plutôt, c'est la fin en elle-même qui gâche tout. Le film se termine sur la pire fin possible : il y a bien un tueur, mais on ne sait pas qui il est, d'où il sort, ce qu'il voulait, on ne verra même jamais sa trogne.
En fait, c'est si maladroit sur la forme que l'on a l'impression d'un premier jet de scénario écrit pas un auteur amateur. Les portes "ouvertes" ne sont pas "refermées" (comprenez par là que les espèces de sous-intrigues ne sont pas résolues), on ne sait pas qui fait quoi, ni pourquoi, et l'on a un peu l'impression d'avoir perdu son temps à regarder un machin incompréhensible.

Tiens, je n'ai plus d'eau chaude. Que faire ? Oh, je sais ! Je vais aller relancer la chaudière dans cette cave sombre et sinistre dont j'ignore tout.
Voyons, de quoi ai-je besoin ? Je pense qu'une serviette et une lampe-torche feront l'affaire ! Et encore, pour la serviette, je ne suis même pas sûre.

Pourtant, avec un effort minimum au niveau de l'écriture (et terminer ce que l'on développe, ce n'est pas trop demander), l'on était prêt à embarquer dans le truc, voire même à passer sous silence les scènes maladroites frôlant le ridicule, comme la mère qui va rallumer la chaudière dans une cave inconnue à poil et pieds nus (bah oui, pourquoi enfiler des fringues ou des chaussons quand on peut s'ouvrir tranquillement le panard sur un vieux clou rouillé qui traîne ?), ou encore le fiston qui, terrorisé, bute la mauvaise personne. Bon, sachant qu'ils ne sont que deux dans la baraque, on vous laisse deviner que c'est sa propre mère qu'il poignarde. Par contre, quand il s'agit de se défendre contre le vrai méchant, là, il préfère pleurnicher en attendant la mort.
Il serait pas un peu con Logan ? Hmm ? Ben, si, un peu quand même.

Le seul intérêt finalement de ce long métrage (outre le début qui n'est pas mal du tout), c'est de rappeler de manière douloureuse qu'il convient toujours de boucler une histoire. On ne peut pas tout laisser en plan, même sous prétexte d'originalité (en tout cas, pas comme ça). Tout le début du récit est basé sur la question simple (mais inquiétante) : qui s'est introduit chez nous ? La réponse ne peut pas être "on sait pas, on s'en branle".
Il convient de préciser cependant un peu. Si le récit était basé sur autre chose que cet inconnu qui rôde, alors, oui, la réponse à la question "qui c'est ?" pourrait être "on s'en fout, c'est pas important". L'intrus pourrait être un simple élément déclencheur d'une intrigue portant sur tout autre chose, ça pourrait être le prétexte pour que les deux personnages principaux se déchirent, dévoilent quelque chose, etc. Mais pour que ce soit possible, il faut bâtir le récit en conséquence. Si tout est basé sur cette présence, elle ne peut pas être ignorée, surtout d'une manière aussi légère.

Bref, un bon gros ratage.

— Ouiiin, ouiiin, j'ai été attaqué par un méchant ! Et en plus j'ai buté ma mère parce que je sais pas faire la différence entre
un psychopathe de 1,80 m et une petite brune gentille que je croise tous les jours, ouiiin, je suis trop con, tuez-moi !!
— T'inquiète, ça vient.




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Le cadre.
  • L'ambiance parfois inquiétante (en tout cas dans la première moitié du film).

  • Une fin bâclée, absurde et puant le j'm'en-foutisme.
  • Des effets usés jusqu'à la corde.
  • Quelques scènes frôlant le ridicule.
Spider-Man : L'Histoire d'une Vie
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La mini-série Spider-Man : Life Story vient tout juste de sortir en VF. On voit tout de suite ce que ça donne !

Le concept est plutôt intéressant : il s'agit de retracer toute la vie de Peter Parker, alias Spider-Man, de ses débuts dans les années 60 à nos jours. Mais avec ceci comme différence de taille : le personnage vieillit normalement.
Là, il nous faut faire un point sur la notion de temps dans l'univers Marvel. Les personnages ne sont pas figés, ils vieillissent bien, mais très lentement. Lorsque Parker se fait mordre par une araignée, en 1962, c'est alors un adolescent. De nos jours, on estime (ce n'est pas toujours très clair et l'on peut même découvrir des infos contradictoires dans certains comics) qu'il a entre 25 ans et le début de la trentaine. Et surtout, étant donné que les événements du monde réels (élections de tel ou tel président, guerres...) ont lieu également sur la Terre-616 (l'univers Marvel classique), il est nécessaire, pour les lecteurs, d'adopter un processus (souvent inconscient) permettant ce que nous avons théorisé, sur UMAC, comme la réduction de la dissonance cognitive appliquée à la fiction (cf. cet article). Dit comme ça, ça a l'air très compliqué, mais en réalité, il s'agit juste d'une doublepensée (à la manière de ce qui se fait dans le roman 1984) permettant de faire cohabiter des faits contradictoires.

Ici donc, plus besoin de jongler avec un temps dilaté pour les personnages et des événements se déroulant en temps réel puisque les protagonistes vieillissent normalement. Bien entendu, ce n'est pas la première fois que l'on peut lire les aventures d'un Tisseur qui prend de l'âge. L'on peut citer notamment le joli et crépusculaire Spider-Man : Reign, qui mettait en scène un Parker solitaire et à la retraite dans une société dictatoriale.
Le scénariste, Chip Zdarsky, va faire défiler les grands événements du marvelverse (et les aventures marquantes de Spidey) tout au long de ces 6 épisodes. Or, 6 épisodes, même s'ils font 30 planches au lieu du standard actuel de 20, ça reste tout de même très peu pour couvrir presque 60 années de sagas diverses et variées.


De la mort de Gwen Stacy à La Dernière Chasse de Kraven, en passant par les Guerres Secrètes organisées par le Beyonder, la Saga du Clone ou encore Civil War, l'auteur se lance dans un tour d'horizon aussi vaste que déstabilisant. Chaque époque (un chapitre couvrant une décennie) est survolée, sans possibilité d'installer une intrigue solide ou de développer les personnages. Il y a bien diverses variations (parfois importantes) qui apportent quelques surprises et influent sur la continuité classique, mais tout cela va trop vite et reste trop embryonnaire pour avoir un impact émotionnel réel.

Graphiquement, l'on retrouve aux crayons un Mark Bagley qui fait office de vieux briscard puisqu'il a notamment participé à la Saga du Clone citée plus haut et qu'il a également été aux côtés de Brian M. Bendis lors de son long run sur Ultimate Spider-Man (cf. ce dossier). L'on peut toutefois noter que son travail ici est quelque peu inégal. Si certaines scènes dégagent dynamisme et puissance, quelques cases sont par contre vraiment dépouillées niveau décor. Certains visages peuvent aussi parfois sembler approximatifs. Rien de honteux, mais ça n'aide pas toujours à créer la tension dramatique déjà difficile à faire naître à cause du rythme de la narration.

Du coup, l'impression est mitigée. L'idée a un potentiel énorme, mais malgré certaines audaces (Captain America qui prend une position plutôt inattendue pendant la guerre du Vietnam par exemple, ou la vie de famille très chaotique de Parker et son attitude discutable), l'on est en face d'un gros What if ? qui, malgré son ambition, ne prend pas le temps de véritablement développer les sous-intrigues qui apparaissent plus comme les déclinaisons anecdotiques de faits marquants plutôt qu'un tout cohérent.
Les fans comprendront les références mais risquent d'être déçus par le manque de lyrisme de l'ensemble, alors que les nouveaux lecteurs vont se perdre rapidement dans un dédale confus et, au final, pas si intéressant que ça.

Dispensable, dommage.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une bonne idée de départ.
  • Des variations originales.
  • Le traitement de la vie privée de Parker.
  • Traduction correcte.

  • Des personnages et situations trop peu développés.
  • Un manque de souffle épique et d'effets dramatiques.
  • Un récit au final assez confus.
  • Des dessins parfois perfectibles.
Retroreading : Roadmaster
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Retour sur un roman relativement peu connu de Stephen King : Roadmaster.

Sous son titre original, From a Buick 8, ce roman sorti en 2002 aux États-Unis est resté plusieurs semaines (comme souvent avec les œuvres du plus célèbre habitant du Maine) dans la liste des best-sellers. Il ne figure cependant pas parmi les récits les plus connus de King. Il faut dire que, même si plusieurs projets ont été initiés avant d'être annulés, aucune adaptation filmée de cette histoire n'a encore vu le jour (un nouveau projet de long métrage serait en cours pour une sortie cette année).
Les scénaristes et le futur réalisateur risquent cependant de faire face à un défi de taille, tant cette intrigue s'avère atypique.

Voyons en gros le pitch.
Ned Wilcox est un jeune garçon dont le père, policier, a perdu la vie dans un accident de la route. Ned traîne du coup dans les locaux de la compagnie D, une unité de flics du fin fond de la Pennsylvanie. Il réussit même à s'y faire embaucher l'été pour réaliser de menus travaux. Sander "Sandy" Freemont Dearborn, le chef de la compagnie, va alors se prendre d'amitié pour le jeune homme. Ce dernier s'intéressant à une Buick en train de dépérir dans le hangar de la compagnie, Dearborn va lui raconter ce qu'il sait à propos de cet étrange véhicule, retrouvé en 1979 dans une station-service.
En fait, bien qu'elle soit arrivée à la station en roulant, il ne s'agit pas d'une véritable voiture mais d'une sorte de maquette grandeur nature : le volant ne bouge pas, le tableau de bord est factice, etc. Surtout, des phénomènes étranges ont lieu depuis sa découverte. La Buick génère des éclairs lumineux, la température chute parfois brusquement lorsqu'on se trouve à proximité de la caisse, et de son coffre s'échappent de temps à autre d'étranges et dangereuses bestioles...

On ne le répétera jamais assez, King n'est pas le "maître de l'horreur" décrit parfois par certains journalistes (qui en général ne le lisent pas). Bien des auteurs sont plus horrifiques que lui (nous allons bientôt voir ça, par exemple, dans un autre retroreading que l'on vous prépare et qui sera consacré cette fois à un roman de James Herbert). Ce qui caractérise King, c'est l'émotion intense qui se dégage de ses récits. Émotion obtenue grâce à la construction minutieuse des personnages, à la psychologie fouillée et aux réactions très humaines et vraisemblables.
C'est également le cas ici, avec cette histoire très mélancolique et étrange. Dans Roadmaster, le surnaturel surgit par à-coups, pour simplement intriguer ou cisailler des destins. Et bien que le suspense soit là, il ne faut pas s'attendre à de l'action classique : la plupart du temps, il ne se passe... rien (d'où la difficulté d'adapter ça à l'écran). Mais attention, pas d'action, ça ne veut pas dire "pas de contenu".

Non seulement la galerie de personnages (assez réduite) est parfaitement bien installée par l'auteur, mais la construction du récit, par petites touches surnaturelles, est un modèle du genre. C'est donc bien l'ambiance particulière qui va être mise en avant. Les anecdotes défilent, décrivant tantôt un phénomène inexpliqué, d'autres fois des créatures bizarres, venues d'un autre monde. King joue ici avec nos nerfs, dépeignant une menace diffuse mais néanmoins angoissante.
Certains ont parfois durement jugé ce livre, arguant qu'il était ennuyeux ou trop long. Et pourtant, l'on est ici au cœur de l'univers de "maître" King. Et ce n'est pas parce qu'il n'y a pas un gros chien enragé pour défoncer votre caisse ou des vampires pour vous poursuivre que c'est ennuyeux pour autant. Simplement, l'essentiel ici est plus dans les esprits et les dialogues que dans les fusillades ou les courses-poursuites. Les créatures insensées qui surgissent parfois dans notre monde ou encore cette faille vers un univers lointain et très différent du nôtre (que l'on va entrapercevoir) sont des plus fascinantes et permettent de conserver intact l'intérêt du lecteur, pour peu qu'il ne soit pas réfractaire à ce style, basé sur l'atmosphère étrange et les interrogations métaphysiques et laissant de côté (enfin, presque) le gore et l'action trépidante.

Roadmaster se rapproche finalement assez de Brume (du même auteur), en moins spectaculaire, plus "localisé", mais tout aussi bon (voire même complémentaire).
Notons enfin que le roman se rattache très indirectement à l'univers de La Tour Sombre, notamment à cause de ce passage vers une autre dimension (un espace vaadash) et du multivers qu'il suggère.

Vivement conseillé.




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Le style King dans toute sa splendeur.
  • Des éléments surnaturels fascinants.
  • Une construction minutieuse des personnages.

  • Un récit à "taille humaine", quelque peu "contemplatif", qui pourrait dérouter certains, surtout s'ils s'attendent à un remake de Christine.
Samson
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Parfois, la vie est taquine. Aujourd’hui, l’antithéiste que je suis va se frotter à un film, sortant chez Saje Productions, que l'on doit à Bruce MacDonald. Tourné en 2017 et s’inspirant des quatre chapitres du livre des Juges faisant référence à ce héros biblique qu’est Samson, le pauvre film ne démarre pas avec ma bienveillance acquise d’avance.

Dans la vie, nous faisons tous des choix et avons tous des besoins. Moi, j’ai fait le choix de ne pas croire en Dieu car je n’ai jamais eu besoin de ce que je considère n’être qu’une béquille, un doudou rassurant. Les religions agissant autour de moi ont même fini par m’insupporter au point que, depuis quelques années, le terme « athée » ne puisse plus me définir. Je suis un antithéiste. Il n’y a qu’une seule croyance que j’accepte donc sans preuve : celle de la non-existence de Dieu. Là où il y a place au doute chez l’athée, il n’y en a pas une seule chez moi. Ceci étant posé…

Comme dit plus haut, dans la vie, nous faisons tous des choix et avons tous des besoins. Moi, j’ai fait le choix étrange de mater Samson. Et je n’en avais aucun besoin… J’en avais juste une malsaine envie !
Prêt à me jeter sur le moindre défaut comme un inquisiteur sur la première rebouteuse venue, motivé à déglinguer la bigoterie du film comme un curé de campagne dans un camp de scouts, j’insère la galette dans le lecteur et le menu se lance. Sont accessibles le film, un court making-of, le clip de la chanson principale (Home, de The Cloud… pas ma came mais joli, même si ce public en transe me rappelle un peu trop le télévangélisme pour m’être sympathique), le réglage audio en 5.1 ou 2.0 et un choix de langue (anglais et français… ah bon, pas d’hébreux ?). Rien de très généreux mais un contenu honnête.

Le film démarre et force est de constater que le ton initial me fait sourire… mais pas comme je l’aurais imaginé. Je ne suis pas en train de me moquer, j’affiche un sourire qui me semble plutôt motivé par la nostalgie. Étrangement, ce personnage de Samson est ici présenté comme étant gouailleur et espiègle. Le film s’ouvre sur un larcin perpétré dans la bonne humeur par Samson et son frère au détriment des Philistins. C’est enjoué et frais, c’est filmé de façon très classique, presque scolaire et, il faut bien l’admettre : c’est assez beau.

Samson en mode dragueur : un peu de beauferie, mesdemoiselles ? #balancetamachoiredane
Mince alors. Ce sentiment étrange de nostalgie, je le reconnais lorsque les deux frangins sortent de la ville pour rejoindre leur village hébreu : le début du film dégage ce parfum d’aventure difficilement imitable de notre bon vieux cinéma des années 80, celui de mon enfance. Samson, ici, est certes un colosse mais dont la masse musculaire nous est encore cachée et chez qui l’on trouve surtout une joie de vivre proche du Aladdin de Disney. Maladroitement charmeur, doté d’un humour plus lourd que ses pecs, le gars m’est sympathique. Bravo, le film. Ta scène d’exposition vient de faire naître en moi le doute : vais-je t’aimer alors que tu me causes d’un épisode biblique ? Vas-tu réussir ce… miracle ?

La suite de l’histoire est connue et relativement fidèle aux Écritures (voyez la majuscule comme une convention utile à la compréhension, pas comme une marque de respect… oui, c’est mesquin mais j’y tiens). Pour ceux qui ne connaîtraient pas l’histoire, je vous résume le truc à la grosse louche.
Samson est né hébreux et costaud. Et tout son peuple le considère comme étant l’élu, le Néo, le bras vengeur du dieu vivant, celui qui va les libérer de l’oppression des Philistins. Papa et Maman sont d’ailleurs bien lourdingues à le lui répéter sans cesse… mais ça a le mérite de l’apprendre aux plus incultes des spectateurs du film.
 
On y apprend aussi très vite que Samson a été livré à la naissance avec trois recommandations : ne pas l’exposer à la lumière du jour, ne pas le nourrir après minuit, ne pas le mettre en contact avec de l’eau. Euh, non… Ne pas boire de vin, ne pas toucher de mort et ne pas se couper les cheveux (ses sept tresses, dans la Bible… mais le responsable des perruques du film a décidé de s’en battre les steaks). Si Samson venait à transgresser ces trois interdits, Dieu se détournerait de lui. Parce que bon, Dieu est comme ça : il veut être sûr qu’on lui obéisse. Pas comme cette pauvre cruche d’Eve qui croqua la pomme… c’est sa faute à elle si (comme on le verra) les femmes sont si bien traitées dans la Bible !

Un jour, Samson a le malheur de tomber amoureux d’une femme. Cette jeune femme fait partie du clan des Philistins, leurs ennemis jurés ! C’est pas de bol, hein ?
Lorsqu’ils apprennent cette idylle, assortie d'un projet de mariage et tout et tout, les parents de notre héros musculeux sont sous le choc… C’est vrai, quoi ! Leur gosse est un cliché ambulant : balèze comme un taureau mais avec un cœur d’artichaut. N’y-avait-il pas assez de femmes dans Israël ? Quelle idée d’aller s’amouracher d’une ennemie?
Ce que les parents ne savent pas, c’est que tout cela est l’œuvre de Dieu. Bah oui, il a un plan pour le Samson, Dieu ! Il tricote gentiment, peu à peu, un prétexte pour déclencher une guerre contre les Philistins, une raison pour motiver ce grand dadais de Samson. Et vous allez voir que quand il s’agit de tracer des plans, Dieu, il ne lésine pas sur les effets dramatiques !

Samson contre le lion...
Dans un gros plan pratique permettant de ne pas remarquer le gars qui agite le faux lion au-dessus de l'acteur.
Sur le chemin qui le mène au village de Thimna, Samson se fait attaquer par un lion (dans le film, il est seul et dans les Écritures, il est avec ses parents… différence sans grand intérêt, mais soit !). Aidé par l’esprit de Dieu, Samson parvient à faire faire aux os du félin un « crac » un peu lugubre et révélateur d’une subite perte de santé de la bêbête. Cet extrait n’est pas très vegan friendly, plaignez-vous à l’auteur de la Bible pour toute réclamation.
Plus tard, Samson passe de nouveau par là et découvre qu’un essaim d’abeilles s’est installé dans les entrailles de feu le roi des animals (non, pas « animaux », je le dis comme Renal… quoi, « Renaud » ?).
« De celui qui mange sort ce qui se mange, et du fort sort le doux. » nous dit alors Samson. Euh… ouais. Si tu veux… Ah oui, j’avais oublié, Musclor et son frère sont des fans de devinettes et charades en tous genres.

Lors de son mariage avec sa Philistine de fiancée, Samson fait le malin et répond aux provocations du prince philistin en acceptant un défi d’énigmes… Ah ben les gars n’ont pas encore Mario Kart, hein, ils se testent comme ils peuvent… et clairement, dans un octogone, même Booba et Kaaris ensemble ne tiennent pas le temps d’un pet face à Samson ! Et les pets Samson sont les plus traîtres, c’est bien connu. Oui, c’est de l’humour beauf… Je regarde un film tiré d’un épisode biblique, les gars, il faut bien que je me défoule en vulgarité ou je vous sors deux blasphèmes à la ligne. Et l’actualité semble prouver que le moment est mal choisi pour ça.
Samson parvient à répondre à l’énigme du prince et lui en soumet une à son tour. L’enjeu : quarante tuniques du peuple du perdant. Les gars, ce sont des fashion victims !
Et qu’est-ce qu’il lui balance ? « De celui qui mange sort ce qui se mange, et du fort sort le doux. »
Comme les Philistins sèchent sur la charade de tonton Samson (comme de juste, vu que… mais dans quel monde c’est une énigme, ce truc ?), ils somment l’épouse de Samson de lui extirper la réponse par une ruse très fine : « Obtiens auprès de ton mari la solution de l’énigme. Sinon, nous te brûlerons toi et ta famille. ». C’est très tactique, c’est finement joué, je dis ! Ah, les gars, ils savent causer aux bonnes femmes, y’a pas à dire. La Bible et sa délicatesse !

Dalila, elle fait rien qu'à écouter aux portes ! Même quand il n'y en a pas !
Dans le livre saint, Samson encaisse sept jours de pleurnicheries de sa nana avant de craquer et de balancer la prétendue solution de sa prétendue énigme qui n’a pas le moindre foutu bon sens.
Dans le film, elle lui sort un : « On ne devrait pas avoir de secret l’un pour l’autre » et bim, l’autre agneau d’un jour crache le morceau : "Gnèèèè, du miel dans la carcasse du lion."
Dans le film, la perfide Dalila, épouse du prince philippin… euh, philistin… a espionné la conversation et va cafter à son mec. Dans les Écritures, c’est la femme de Samson qui le trahit.
Là, c’est plus gênant scénaristiquement que l’absence des parents de Samson lors de son combat de lutte gréco-romaine contre le cousin de Simba vu que ça déculpabilise totalement Madame Samson et rend Dalila encore plus vicelarde.

Dans la Bible, Samson découvre avec stupeur que sa femme qui l’a trahi a ensuite épousé un autre homme, un Philistin et sort le très célèbre : « Cette fois, je ne serai pas coupable envers les Philistins, si je leur fais du mal » (Ouais, texto ! La Bible, ce livre de paix et d’amour où être cocu justifie un génocide à mains nues).
Dans le film, les Philistins capturent sa femme et son beau-père. Du coup, il part les sauver.

C’est là qu’on sent que le gars est un stratège comme on n’en fait plus. Il part chasser 300 renards, les attache deux par deux par la queue, leur flanque le feu au cul et laisse ces torches animales au milieu des plantations des Philistins, histoire de les priver de leurs récoltes en faisant tout brûler. Et ça, c’est pas vegan friendly non plus… l’auteur va avoir des soucis sur Twitter !
Dans la Bible, lorsque les Philistins apprennent ce que Samson a fait, ils se disent « œil pour œil, flamme pour flamme » et rôtissent la meuf de Samson sur le bûcher, façon merguez party mais avec un seul musclé, Samson, qui regarde la scène sans pouvoir agir…

Le film, lui, se doit d’être plus logique et sait que ça clocherait de voir notre colosse regarder son aimée se faire un cosplay de la Torche Humaine sans réagir. Du coup, ils imaginent les Philistins balançant la gourgandine et son papa du haut des remparts de la ville directement dans le feu allumé par Samson en mode « Yolo, bien fait pour ta g… ! ».

Cruel ? Disproportionné ? Ah ben oui mais bon… ce n’est qu’une bonne femme dans un récit biblique, hein. Cette engeance est à la source de tout Mal, les gars. Le serpent, la pomme, tout ça… On ne va quand même pas les traiter avec respect ! D’ailleurs, dans la Bible, elle n’a même pas de nom, la pauvrette. Niée jusqu’à sa simple identité. Alors, les filles, ça fait quoi de savoir que la Bible se fait recaler au test de Bechdel ?
Le film, lui, a été plus sympa et l’a baptisée Taren. Mais elle crame quand même, au bout du compte, alors pour ce que ça change !

Dans la Bible, effrayés par cette escalade de violence, les potes de Samson le livrent aux Philistins. Merci, les copains !
Dans le film, Samson se sacrifie. C’est bien plus héroïque.

J'appelle cette scène une "mêlée à la Néo"...
Un gros tas d'ennemis sur le héros qui se concentre et boum ! les envoie voltiger comme des fétus.
Dans la Bible, ses liens se détachent comme par magie suivant la volonté de Dieu. Samson ramasse alors une mâchoire d’âne qui traînait à terre (parce que la déco, à l’époque, c’était spécial) et massacre à lui seul 1000 ennemis !
Dans le film, un Philistin bute son père devant lui. Du coup, Samson est tout colère et brise ses liens, échappant à son exécution et commençant à se fritter avec beaucoup d’ennemis. Sans doute pas mille, non… Mais on en voit un paquet s’empiler à ses pieds quand même.

La golden shower consacrant Samson comme Juge...
Après cette victoire, Samson récolte un max de likes sur les réseaux sociaux et on le nomme donc Juge. Il remplit cette tâche pendant 20 ans, période pendant laquelle le pays se porte bien : la force de Samson devenue légendaire suffit à tenir à l’écart les gars un peu chauds du slip.

Jusqu’au jour où Samson tombe à nouveau amoureux…d’une certaine Dalila. Une autre Philistine ! Oui, le gars cherche les ennuis !
Dans le film, elle est la compagne du prince, en plus… Ce type, niveau amoureux, a un karma abominable !
Pas bêtes, les Philistins somment Dalila de convaincre Samson de lui dire d’où lui vient sa force qui fait passer Dwayne Johnson pour un clone de Lorànt Deutsch. Saoulé par l’insistance de son crush, Samson finit par perdre patience et lui avoue tout : « Si je me coupais les tifs, ma force m’abandonnerait, je deviendrais faible et je serais pareil à tout autre homme. »
Durant son sommeil, elle fait donc raser les sept tresses de la tête de Samson.
Dans le film, elle coupe les cheveux elle-même en pleurnichant parce que bon, elle l’aime quand même, son gros bêta.
Dès que notre héros se réveille, affligé d’un nouveau look capillaire piteux, il se rend à l’évidence : Dieu l’a abandonné… Bah oui, Dieu n’aime que les hippies, c’est connu !
Les Philistins chopent donc le colosse et… lui crèvent les yeux. Parce que. Parce que ça faisait un moment que la Bible n’avait pas raconté une saloperie et qu’il faut bien tenir le lecteur en haleine.
Samson est finalement amené dans une prison au cœur d’une cité philistine.

Samson, façon wrecking ball.
Quelques années passent et, alors que ses ennemis le font défiler devant eux dans un temple pour se féliciter de l’avoir vaincu, Samson s’adresse à Dieu et lui demande, une dernière fois, de lui accorder la Force (car la Force est puissante en lui... ben quoi ?). Dieu doit être distrait parce qu’il se trompe de bouton et rend en effet ses pouvoirs à Samson. Ce dernier pousse alors des colonnes porteuses au point de les faire tomber. S’ensuivra la chute de l’ensemble de l’édifice qui s’écroule sur des milliers de Philistins.
Samson y laisse également sa vie. Mais ça galvanise son peuple…

Youplà, vous connaissez tout de la vie de Samson.
Vous avez compris le plan de Dieu ? Brillant, non ? Bon… il lui faut sacrifier des brouettées d’innocents pour parvenir à ses fins mais on ne fait pas d’homme laid sans couper des cheveux… Mais avouez que laisser occire l'amour de son élu pour qu'il ait soif de vengeance, c'est un plan génial... Bon, on repassera, niveau "Dieu est Amour", pour le coup, mais la cohérence, c'est très surfait ! La Bonté de Dieu, c'est un gadget du Nouveau Testament, ça (vous savez... ce truc de lopettes avec Jésus dedans). Ici, c'est l'Ancien Testament, avec Samson. C'est plus burné !

Que dire du film ?


Eh bien, c’est un cas épineux.
Le traitement fait penser à une sorte de film de super héros chrétien… Personnellement, je l’ai ressenti comme l’épisode un d’une sorte de Biblic Cinematic Universe.
C’est catchy et le jeune public devrait adhérer sans peine à l'histoire de l'ascension puis de la chute de ce surhomme, même si ils sont habitués à plus impressionnant.
Ce qui m’étonne, c’est la quasi absence du divin… Dieu est quasiment traité ici comme un gadget donnant de la force, la potion magique d’Obélix ou le « Shazam » de Billy Batson.
Du coup, même pour moi, ce film est parfaitement digeste.
Mais venons-en aux faits et parlons de l’objet filmique.

À la réalisation, nous avons Bruce MacDonald… que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam, c’est le cas de le dire. En dehors de certaines petites idées vaguement originales, la réalisation est archi classique et du coup d’une lisibilité sans faille. Ça se regarde comme n’importe quel action movie des années 80 ou 90 ; vous savez, ceux avec ces gros plans excessifs au moment des bagarres épiques pour ne pas avoir à trop en montrer, ce qui égorgerait le budget.
Du coup, ce n’est pas désagréable mais c’est sans surprise.

De superbes paysages en décors naturels.
Par contre, il faut insister sur les décors car eux, étonnamment, sont terriblement bien choisis et particulièrement bien filmés. Car oui, si la réalisation est banale, l’image, elle, pour ce genre de production est vraiment très belle. Les extérieurs, tournés en Afrique du Sud, suggèrent à la perfection l’ancienne Israël telle qu’on se l’imagine. D’ailleurs, pour un modeste DVD des familles (non, pas de version Blu-ray pour ce Samson), la qualité de l’image est vraiment irréprochable avec une colorimétrie de bon goût et des noirs sculptés comme le six pack du héros.


Venons-en aux comédiens.


Avec la barbe, Taylor James est étrangement moins crédible...
C’est Taylor James (vu dans Mamma Mia, Blitz et Artemis Fowl) qui campe le personnage donnant son nom à ce film et, si son corps d’acteur de péplum est parfait pour le rôle, son jeu est parfois en deçà de ce que l’on pourrait attendre. Rien de très gênant si on cherche un divertissement, vraiment handicapant si on s’attendait à une prestation comme celle de Victor Mature dans la version de 1949 de Cecil B. DeMille. Mais on sent que la prod’ est plus au niveau de « Cécile, t’as pas un billet de mille ? » que de celui de Cecil B. DeMille, c’est évident. Malgré tout, l'évolution du personnage est visible : de moins en moins rigolard, de plus en plus ténébreux. Ce n'est en rien subtil mais le job est fait.

Non mais si mais bon... Si, elle est belle quand même, hein !
Dalila, elle, est interprétée par Caitlin Leahy (comédienne apparaissant dans quelques séries). On est très loin de Hedy Lamarr qui l’incarna en 1949 mais quelle actrice actuelle peut bien rivaliser avec le charme et l’intelligence de cette femme ? Pour rappel, outre une beauté à couper le souffle, la dame pouvait s’enorgueillir d’être une des deux personnes à l’origine d’un système de codage des transmissions par étalement de spectre, ancêtre des techniques toujours utilisées actuellement pour les liaisons chiffrées militaires, la téléphonie mobile ou la technologie Wi-Fi. Du coup, vous me lisez peut-être grâce à elle...
Par conséquent, l’amie Caitlin est très belle et bien gentille mais ni la façon dont son rôle est écrit (bien platement, ma foi) ni son interprétation n’effaceront ne serait-ce qu’une mèche de cheveu de Hedy Lamarr.

"Mais comment ma carrière a-t-elle pu déraper à ce point ?"
Le père de Samson est interprété par feu Rutger Hauer (oui, le répliquant de Blade Runner !) qui joue là un de ses derniers rôles. Rien de bien extraordinaire mais il n’y avait rien d’extraordinaire à en faire… Vous trouverez bien des critiques encensant sa performance mais il vient de décéder… ceci doit expliquer cela.





La femme qui ne valait plus trois milliards sinon le budget aurait explosé.
La mère de Samson, c’est Lindsay Wagner (oui, bande de geeks, c’est Super Jaimie !). Pas sûr que l’honorable dame se vante longtemps de ce qui semble n'être ici pour elle qu’un cacheton alimentaire tant on la voit peu.







Impossible pour moi de ne pas penser
à Prince of Persia - Sands of Time dès que je vois ce look !
Jackson Rathbone nous offre un prince philistin, Rallah, qui est peut-être le personnage le plus distrayant du film. Vicieux, imprévisible dans ses actes au point d’en devenir cinématographiquement prévisible tant ses coups de folies sont d’un absolu classicisme du genre. Le comédien semble impliqué et soucieux de défendre ce personnage. Il est dedans et n'en bouge pas !






Il a l'air embarrassé, hein ?
On le serait à moins ; son rôle est pour ainsi dire inutile.
Billy Zane, lui, incarne un despote philistin… le roi Balek. Il porte terriblement bien son nom, le pauvre. Parce que ce roi qui reste assis à papoter dans toutes ses scènes au point que c’en est même presque gênant pour lui, on s’en… Balek.






Samson sans Dalila

Vous l’aurez compris, on a là de l’action, de l’action et de l’action…
Le film s’appelle Samson et non plus "Samson et Dalila", comme celui de 1949… on est dans le divertissement pur et efficace. Le film, dès sa jaquette estampillée Saje Distribution, vous offre le dos hypertrophié du rôle-titre et il ne vous ment pas : on va le suivre. Lui et juste lui.
Ses liaisons amoureuses seront contées comme autant d’événements de l’histoire mais ne constitueront pas le cœur de l’intrigue. Oubliez les grands élans amoureux, le charme sensuel de Dalila… ici, ce n’est pas le thème.
Ici, c’est la bagarre. La bagaaaaaaaarre !

Samson S.A. , entreprise d'aménagements de parcs et jardins.



+Les points positifs-Les points négatifs
  • La relative fidélité au texte original... C'est bon pour la culture générale, du coup.
  • La réalisation honnête.
  • Les scènes d'action soignées.
  • L'image de bonne qualité
  • Le mythe intemporel.
  • Les décors superbes.
  • La musique efficace et toujours à propos.

  • L'absence de profondeur dans le traitement des sentiments.
  • La psychologie peu profonde des personnages.
  • La religion vue comme une sorte de magie...
  • Le casting intéressant mais parfois maladroitement exploité (Billy, spéciale dédicace à toi !).