Écho #53 : Un Arcadia d'un mètre de long chez Hachette !!
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Attention les Matous, on vous propose du très lourd pour cette fin d'année : la version Galaxy Express 999 du légendaire vaisseau Arcadia du Capitaine Albator !

L'ensemble est une dinguerie d'un mètre de long, avec des éléments mobiles, lumineux et sonores, le tout télécommandé. Même la télécommande, avec un Albator derrière la barre de son vaisseau, est soignée et jolie. Et avec l'abonnement premium proposé par les éditions Hachette (pour 1,50 euros de plus chaque mois), vous avez en bonus le Cosmo Dragoon, autrement dit le flingue du capitaine, à l'échelle 1:1.

Qu'est-ce qu'on peut dire de plus ? Jetez un œil à cette vidéo, c'est tout simplement sublime.
Bon, le côté moins sympa, c'est qu'il faut assembler le tout, qu'il y a 125 numéros (4 chaque mois) et qu'il faudra 30 mois pour avoir l'entièreté du bazar (plus longtemps que pour construire une véritable maison en partant de zéro). Et au final, il vous en coûtera plus de 1500 euros. Ouch.

Ceci dit, si un fabricant vous proposait le même vaisseau assemblé, il serait sans doute vendu à plusieurs milliers d'euros, donc l'opération n'est pas si mauvaise. 
À vous de voir ! 

Abonnement et infos sur le site officiel.



Comparatif romans post-effondrement
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Que se passe-t-il lorsque des éléments aussi vitaux pour nos sociétés modernes que l'électricité ou le pétrole viennent à manquer ? C'est ce que l'on va voir aujourd'hui au travers de deux fictions fort différentes : Une Seconde Après, de William R. Forstchen, et La Théorie des Dominos, d'Alex Scarrow.

Nous avons déjà évoqué ici, de manière très sérieuse, les différentes façons de se préparer à un événement pénible, ce que l'on appelle en général une "rupture de la normalité", comme une pandémie, un effondrement économique, une guerre civile voire même un simple hiver un peu rigoureux (cf. cet article). La fiction a bien entendu déjà traité le sujet (notamment à travers la série Jericho, surtout dans sa première saison), mais celui-ci revient sur le devant de l'actualité après les recommandations (ridicules) de l'Union Européenne [1] (ce machin technocratique qui broie les peuples). Nous avons donc décidé de terminer l'année avec un comparatif entre deux romans assez angoissants mais relativement bien fichus.

Disons-le tout de suite, si le sujet est identique, les deux récits sont foncièrement différents. 
Dans Une Seconde Après, l'on suit un ancien colonel de l'armée, dans une petite bourgade américaine, après une attaque par IEM (impulsion électro-magnétique) ayant détruit tout (ou presque) ce qui fonctionne avec un moteur ou de l'électronique. Dans La Théorie des Dominos, l'auteur (que l'on connaissait déjà pour son ReMade), s'attache à décrire les péripéties vécues par les membres d'une même famille (le père, ingénieur, en Irak ; la mère et les enfants en Angleterre, tentant de rentrer chez eux) après une rupture des approvisionnement mondiaux en pétrole.

En ce qui concerne l'histoire de Forstchen, accrochez-vous. Car si l'ensemble est réaliste, même sans doute trop réaliste, l'aspect littéraire est assez terne, voire indigent. Les personnages sont à peine dessinés, l'intrigue recèle peu de rebondissements ou de moments palpitants et le "roman" s'apparente à un gros rapport militaire, souvent rébarbatif. En fait, d'un point de vue littéraire, ça n'a strictement aucun intérêt tellement c'est mal écrit (la traduction ne doit pas aider, mais le problème vient du texte original à la base). 
Surtout, c'est très dur et déprimant. Ceux qui connaissent UMAC savent que je n'ai pas pour habitude de mettre en garde sur de la fiction, encore moins d'être impacté par de l'imaginaire, mais là, c'est tellement brut, vraisemblable et sans effets romancés ou échappatoire, que ça en devient vraiment sinistre (surtout si l'on est un peu documenté sur le sujet et lucide sur l'état global de notre société). 
Cela peut donc faire l'effet, chez certains endormis, d'un électro-choc, mais ne vous attendez pas à passer un bon moment de lecture. C'est froid et douloureux. 

Scarrow, dans La Théorie des Dominos, heureusement, traite le sujet d'une tout autre manière, dans le sens où il parvient à romancer une situation crédible. Quand j'emploie le mot "romancer", c'est à dessein. Je n'entends pas par là qu'il fait n'importe quoi ou verse dans le "bisounoursisme", simplement, il s'arrange, comme tout bon auteur, pour que son histoire soit agréable à lire, malgré le sujet lourd et inquiétant.
Ici, le lecteur découvre des personnages bien bâtis, intéressants, avec une personnalité, des buts, un background, et surtout, leur évolution est basée sur une intrigue efficace, avec ses moments de suspense, de tension et de "rétribution" [2]. Scarrow prend soin également d'emballer son récit dans un contexte géopolitique global, fait de pratiques bien réelles et de complots "imaginaires" (car personne ne pourrait œuvrer contre le peuple, n'est-ce pas ?). 

Sur un plan plus pragmatique, les deux œuvres montrent, forcément, le résultat d'une disparition du confort et de la loi (ou plus précisément, de la force l'imposant). Et sans confort et sans loi, un type bien sympathique peut rapidement se transformer en menace. Ce qui est, d'un point de vue biologique, parfaitement normal et compréhensible. Ce qui est terrifiant pour nous, citoyens habitués à vivre dans un monde d'abondance (même les plus pauvres ont accès à l'eau courante, l'électricité, la nourriture, les loisirs, etc., ce qui paraîtrait déjà fou à des familles pourtant aisées du début du XXe siècle, qui n'est pas si loin), c'est la redécouverte des besoins primaires lorsqu'ils ne sont plus assurés par la coopération et la collectivité (ou la prévoyance). Ce n'est pas tant la violence (concomitante à toute forme de vie) qui est effrayante dans ces fictions, mais la fragilité de l'individu occidental moderne, incapable de faire preuve de résilience voire de simple bon sens dans une situation dégradée. 

Alors, à qui se destinent ces deux romans ? 
Forcément, La Théorie des Dominos est largement plus grand public (et bien mieux écrit). Le récit n'a pas de grosse faille, si ce n'est le côté très précipité des événements (et encore, si ça se trouve, Scarrow a raison, après tout, ce n'est pas comme si le pékin moyen était allé se battre il y a peu dans les rayons des supermarchés pour deux rouleaux de PQ et trois paquets de pâtes). Ça se lit bien, ça a le bon goût d'être trop spectaculaire pour paraître crédible, et la gestion du rythme et de la progression de l'histoire est parfaite.
Une Seconde Après, c'est la version sombre et au goût de vomi. Tout comme un reportage honnête sur un fait violent (guerre, événement météorologique hors du commun, attentat...), c'est flippant, ça empêche de se rassurer à bon compte et ça gratte fort et longtemps. Sans rien pour détourner votre attention de tout ce qui vous paraît (et est) insupportable. C'est lourd et malsain, ce qui en fait sans doute, par la force des choses, un mauvais roman en soi mais un très bon roman sur ce sujet précis.

Nous ne vivons plus depuis longtemps dans un monde manichéen régit par la douce certitude que le Bien triomphera du Mal. Ce pays, qui fut la France de nos Pères et qui fut autrefois grand, avec ses défauts, certes, mais aussi sa noblesse, est aujourd'hui devenu un souvenir, une illusion, un cadavre. Plus rien ne fonctionne, ni l'éducation, ni la justice, ni les services de santé, ni l'information, ni même le simple bon sens. Des incapables, inféodés à un pouvoir exogène et inique, dirigent ce qui reste d'un système à l'agonie, contre le peuple et contre la volonté de la majorité encore attachée à des valeurs essentielles. La question n'est pas de savoir si tout cela va s'effondrer, mais quand l'effondrement atteindra un point de non-retour qui annihilera le peu de camouflage et d'artifices qui masquent encore la vérité aux plus naïfs ou aux plus optimistes. Ce jour-là, quand le mince vernis de civilisation encore maintenu sur des lambeaux nationaux tragiques s'évaporera sous le souffle du réel, bien des gens, aujourd'hui persuadés d'être braves et policés, deviendront moins braves et bien moins policés. Se préparer à ce crépuscule inéluctable ne permettra pas juste à certains de survivre mais à certains villages, certaines zones, de maintenir un semblant d'humanisme dans les ténèbres. Encore faut-il, pour combattre ces ténèbres, admettre leur existence. Ces deux romans ne convaincront pas les plus attachés au monde imaginaire qu'ils pensent immuable, car ce n'est pas leur but, mais ils permettront sans doute à ceux qui ont un doute de se dire que prendre quelques mesures de précaution n'est plus si absurde... après tout, même l'UE le conseille. De manière débile, parce que c'est l'UE, mais même ces guignols ne peuvent plus cacher le fait que nous nous apprêtons à vivre des moments difficiles. Des moments que seuls des vieillards aujourd'hui ont connu (et dans un monde bien moins fragile à l'époque).
Tout cela n'est pas très joyeux, mais la vérité l'est rarement.


Tout va bien. Tout va bien. Tout va bien. Tout va bien...



[1] Les technocrates de l'UE, après avoir planché sur le sujet, ont récemment recommandé aux moutons dont ils ont la charge d'avoir des stocks et du matériel leur permettant d'avoir... trois jours "d'autonomie" chez eux. Objectif évalué comme "ambitieux" par des journalistes incultes (désolé pour le pléonasme). En effet, trois jours d'autonomie, ce n'est pas de l'autonomie. C'est comme des vacances de trois minutes ou une formation de trois secondes, ça n'a aucun sens. Quel demeuré ne pourrait pas rester chez lui durant trois jours sans mourir de soif ou de faim ? On ne peut même pas souffrir réellement de la faim en trois jours. Bref, pour mériter ce nom, une autonomie valable se compte au minimum en semaines, et idéalement en mois. Et évidemment, en réalité, ça ne se calcule pas aussi simplement, on peut fort bien avoir une autonomie en eau potable d'un an, en nourriture de trois mois et en matériel d'hygiène de trois semaines. Il est rare que tous les éléments coïncident parfaitement. 
[2] Grosso modo, une "rétribution" consiste à donner au lecteur ce qu'il est en "droit" d'attendre par rapport à ce qui a été installé. Pour prendre un exemple simple, personne ne tombe de sa chaise d'étonnement lorsqu'un "méchant" se fait défoncer après avoir fait des saloperies pendant une flopée de chapitres. Cela ne doit pas être systématique, et c'est en fait plus complexe que ça, mais c'est un peu une manière de relâcher la pression et de respecter une logique narrative. 


Chroniques des Classiques : Plus noir que vous ne pensez
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Jack Williamson est sans conteste un des papes de la SF. Aux côtés d’Edmond Hamilton, il s’est illustré dans ses récits flamboyants de space-opera, principalement avant-guerre, des textes qui mirent des décennies avant de parvenir chez nous nantis de traductions plus ou moins réussies. Entretemps, avec sa Légion de l’Espace, il s’était fait un nom outre-Atlantique et avait emmagasiné pas mal de succès. Dans la décennie suivante, il sut mieux que la plupart de ses confrères s’adapter à de nouveaux courants de pensée et, au lieu de sombrer dans l’oubli avec des histoires stéréotypées, il s’efforça d’explorer d’autres tendances tout en demeurant obstinément fidèle à la science-fiction. Ainsi, c’est entre 1941 et 1949 qu’il publia les deux œuvres phares de sa bibliographie, lesquelles eurent un impact notable sur la production des écrivains de la génération suivante. Si Les Humanoïdes se rapproche sensiblement d’une bonne partie de l’œuvre d’Asimov, Plus noir que vous ne pensez s’aventure dans un autre secteur des littératures de l’Imaginaire, secteur traditionnellement catégorisé dans le Fantastique ou le Merveilleux. Il faut également saluer le fait que, de 1929 à 2005 (un an avant son décès), il n'a jamais cessé d'écrire et de publier dans son genre de prédilection.

 

RÉSUMÉ : Une expédition revient du désert de Gobi avec un coffre qui contient un terrible secret, la preuve que depuis cent mille ans un clan occulte, dissimulé parmi les vrais hommes, travaille à la perte de l'humanité. Le Professeur Mondrick, chef de l'expédition, annonce que le messie de ce clan, « l'Enfant de la Nuit », doté des plus grands pouvoirs, va bientôt apparaître parmi les hommes. Will Barbee, journaliste, assiste à l'arrivée et y rencontre une superbe femme rousse, April Bell, dont il tombe amoureux. Il va mener son enquête et découvrir progressivement sa véritable nature et le secret qui la lie à la découverte du professeur Mondrick.

 

Il s’agit tout simplement d’une réécriture des mythes liés à la lycanthropie et aux vampires, mais traités sous un biais plus scientifique. Si l’hypothèse de races antédiluviennes, antérieures à l’Humanité, fait écho aux écrits d’un Lovecraft ou d’un Howard, l’explication de leurs pouvoirs et de leur survie à travers les âges est plutôt révolutionnaire pour l’époque. Par exemple, cette faculté d’utiliser les probabilités pour faire advenir un événement, disparaître aux yeux de tous, se transformer ou traverser la matière est assez stupéfiante en soi, et permet d'éviter de recourir à la magie et autres mystérieux pouvoirs qui expliquent habituellement les capacités surhumaines des monstres de la littérature. D'ailleurs, Williamson ne s'arrête pas là et évoque également la génétique pour appuyer ses thèses qui font appel aux mêmes principes que les tenants de l'histoire ésotérique. C'est assez troublant si on le remplace dans son contexte, alors que c'est devenu monnaie courante depuis les années 60 : un amateur de la saga Underworld sourira sans doute s'il oublie que le roman dont nous parlons a été rédigé des décennies auparavant.

 


Reste la manière. Et c’est là que le bât blesse. Car dans sa traduction française surannée, Plus noir que vous ne pensez s’avère lourd, lent et bavard, bourré de redondances dans un style assez rébarbatif. Les descriptions se prolongent et multiplient les subordonnées, les qualificatifs pleuvent et noient l’intrigue tandis que l’auteur prend un malin plaisir à répéter systématiquement les mêmes tournures de phrase (pour évoquer la troublante April, véritable fantasme ambulant avec sa chevelure rousse, son teint pâle et ses yeux verts – ou pour décrire le mystérieux « coffre de bois peint en vert », terrifiant McGuffin qui contiendrait l’arme capable d’anéantir la race millénaire ayant engendré les mages, loups-garous et autres sorcières qui ont hanté nos contes). Convenons tout de même que ces scories sont sans doute, en partie du moins, dues au fait que le roman a d'abord été publié en 1940 dans des pulps (ces magazines imprimés sur du papier bon marché, aux couvertures aguichantes), sans doute sous forme de feuilleton, avant d'être édité plus tard en format broché.

L’histoire en elle-même suscite l’intérêt par sa façon de traiter ces anciens mythes fantastiques en tentant de leur conférer une assise scientifique. Des tentatives qui se multiplieront dès la génération suivante (avec des auteurs comme Philip José Farmer) et sur lesquelles s'appuieront bon nombre de scénaristes du cinéma fantastique dans les décennies suivantes. 

Cependant le texte date et a très mal vieilli : le suspense servant de point de rupture à la base du récit (Mais qui donc est cet Enfant de la Nuit qui viendra, tel un Messie noir, sauver ces êtres face à l'implacable férocité des humains ?) est éventé dès le premier chapitre et aucune des tentatives de l’auteur de nous faire croire au contraire de ce qu’on a lu (la nuit, le héros journaliste se transforme et parcourt les rues sous une forme animale ; le jour il est persuadé d’avoir rêvé tout cela malgré toutes les preuves qui s’accumulent sur ses agissements nocturnes) ne fonctionne sur l’esprit d’un lecteur du vingt-et-unième siècle, largement habitué à ce suspense d’un autre âge. 


Au temps pour la chute et le twist final, donc !
Restent quelques idées intéressantes et des personnages dépeints avec fougue dans ce qui apparaît aujourd’hui comme une certaine niaiserie bienveillante (la rousse flamboyante mais dangereuse, la matriarche aigrie, le médecin placide, le héros incrédule qui malgré les preuves s’arc-boute dans le refus d’accepter sa nature et son destin et se perd en tergiversations). Les amateurs de jeux de rôle penseront sans doute à une forme de "grosbillisme" assez truculent : en effet, le personnage principal, lorsqu'il se métamorphose, prend l'apparence non seulement d'un splendide loup gris, mais également d'un... tigre à dents de sabre préhistorique, capable en outre de rattraper un pick-up lancé à toute vitesse ! Je vous laisse deviner ses autres capacités de transformation (les images sélectionnées pour cet article vous en donneront un excellent aperçu), néanmoins l'on ne peut pas nier que ça a, incontestablement, de la gueule.





+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une relecture osée et révolutionnaire (pour l'époque) de vieux mythes fantastiques.
  • Un texte un peu trans-genre, à la lisière du fantastique et de la science-fiction, dans la lignée de La Couleur tombée du ciel de Lovecraft.
  • Des personnages archétypaux mais décrits avec passion.


  • Une intrigue qui s'enlise dans les descriptions et les dialogues.
  • Un suspense qui ne tient pas la route.
  • Un héros manquant cruellement de charisme.
Écho #52 : Watchmen Urban Limited
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Bon, on ne va pas en faire des caisses hein, c'est Watchmen, on commence à connaître. 
Cette version est très jolie et très (trop !) chère. Mais elle est impressionnante, c'est sûr.
Pas contre, quand tu achètes six fois la même histoire, il est possible que tu aies le cul qui commence à fumer un peu. Dans ces cas-là, on entonne la chanson du pigeon !
Et tout en alexandrins, s'il vous plaît. 
Histoire que les plumes servent à autre chose que se les faire arracher.

Sur mes belles étagères qui ploient sous les BD
Quelques Pop de travers jettent un regard glacé
À l’inconnu curieux laissant traîner sa main
Sur des bustes hors de prix ou le dos des bouquins
Merci encore messieurs pour mes 26 Matrix
Et toutes ces éditions de Tintin, d'Astérix
Je n'sais plus où les mettre mais je chéris ces doubles
Je suis prêt à payer en sesterces ou en roubles
Tout n’est qu’un long flashback des années 80,
Car c’est dans le passé que l’on est vraiment bien !
Tenez dame Amazon, prenez donc mon argent,
En échange de plastique et d’un peu de bon temps !
Je garde même la boîte car elle est collector,
C’est sûr c’est un peu cher mais il m’en faut encore !
Les produits dérivés sont nos meilleurs amis,
Figurines et répliques vont enchanter nos vies !
Bob Morane, Ric Hochet, Goldorak, Albator
Sont réellement pour moi le plus beau des trésors
J’entasse dans l’euphorie, frénétique, j’accumule 
Je suis un doux pigeon que l’on plume sans scrupule...






Lone Sloane - L'intégrale Stellaire
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Sortie aujourd'hui de Lone Sloane - l'Intégrale Stellaire de Philippe Druillet.

Attention, voici peut-être la plus importante sortie de cette année en matière de BD. Non seulement parce que l'ouvrage est en lui-même exceptionnel (24 x 32 x 5 cm, pas loin de 4 kilos, plus de 700 pages) mais aussi parce que la saga qu'il contient, et surtout le style de Druillet (cf. Druillet - Lovecraft), sont aussi fous qu'exceptionnels.
Gros plan sur une œuvre gigantesque mais difficile d'accès. 

L'énorme pavé publié par Glénat contient neuf parties comprenant : Lone Sloane, le mystère des abîmes ; Les 6 voyages de Lone Sloane ; Delirius I & II ; Gaïl ; Salammbô (et ses suites Carthage et Matho) ; Salammbô - Les NusChaos ; et enfin une neuvième partie regroupant cinq courts récits. 
L'élément central est donc Lone Sloane, un personnage qui en réalité hante ces planches plus qu'il ne les habite. En effet, la narration très particulière et le côté minimaliste des histoires font que l'intérêt de cette œuvre est ailleurs.

On est clairement ici dans les débuts de la BD destinée aux adultes (années 70/80). La science-fiction est alors teintée d'exotisme baroque, parfois d'érotisme. Mais Druillet va aller bien plus loin, offrant au lecteur une expérience visuelle hors du commun. Le dessinateur va en effet concevoir une suite de tableaux impressionnants, tout en s'affranchissant des codes narratifs habituels. Les illustrations s'étalent souvent sur deux pages et sont massives, détaillées, tourmentées. Le lecteur se perd ainsi dans les planches plus qu'il ne les lit. L'expérience est fascinante mais le choc graphique ne sert pas spécialement l'immersion dans le récit, très chaotique. Cependant, à la manière d'un trip psychédélique, l'on finit pas être emporté dans les visions démentes de l'auteur et s'y perdre, ébahi et quelque peu décontenancé. 




Lone Sloane (sauf la première partie, très embryonnaire encore) est donc à la fois une œuvre à la beauté baroque, brutale et enivrante mais aussi une plongée dans un style âpre et déstructuré, qui ne conviendra certainement pas à tout le monde. Il faut aborder ce recueil comme une recherche de sensations, voire une expérience métaphysique, et non une histoire construite et logique. Cette lecture demande un réel effort, une certaine maturité aussi sans doute, mais sort clairement des sentiers battus.

Sur le fond, la saga parle de dieux, de sorciers, d'âmes volées, de naufragés stellaires, de robots titanesques, elle contient également une relecture du célèbre Salammbô de Flaubert et même une référence poussée au monde d'Elric. Autant de prétextes pour bâtir un monde peuplé de vaisseaux organiques, de cités majestueuses et de personnages fantasques aux visages torturés. 
Druillet a d'ailleurs impressionné en son temps les plus grands. Goscinny a parlé de "maître" ayant explosé le cadre de la BD traditionnelle, et Hergé a notamment évoqué la création d'une dimension nouvelle pour la BD, "peut-être celle de l'onirisme", ce en quoi il n'avait pas tort. 

L'ouvrage contient également de-ci de-là quelques textes, de Druillet ou d'autres auteurs, à l'intérêt variable. L'on apprend en les lisant que Druillet voulait un personnage principal "humain" pour que les lecteurs puissent s'identifier à lui... ah là, ça sonne un peu comme une fausse note, car s'il y a un personnage qui ne donne lieu à aucune identification, c'est bien Lone Sloane (le ton du récit, la narration froide et elliptique, le côté irréel et peu développé du personnage, la priorité laissée au dessin gênent, sinon empêchent, une telle identification). Mais bon, dans le même texte, on apprend aussi que Druillet considérait Godart comme une "merde". Du coup on se dit que même s'il ne comprenait pas tout ce qu'il faisait, il avait quand même bon goût.

Une œuvre à part, d'une folle audace sur le plan graphique, mais qui se révèle être un voyage poétique et contemplatif plus qu'une histoire possédant une intrigue classique. Selon les goûts, ce sera donc proprement imbuvable ou clairement fantastique. 










                                                                                                           



La première partie, alors que Druillet se cherche encore et respecte une structure classique au niveau des cases.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Visuellement très impactant.
  • Le côté onirique et métaphysique.


  • Très déstructuré et donc difficile à suivre si l'on s'attend à une histoire traditionnelle.
  • Une intégrale qui aurait certainement gagné en praticité à être déclinée en deux tomes tant elle se manipule difficilement (ça reste un livre quand même, on devrait pouvoir le parcourir aisément). 
  • Le lettrage, minuscule sur certaines planches et nuisant au confort de lecture.