Crusaders 1/3 - La colonne de fer
Par

Merci aux auteurs de Crusaders.


Crusaders est une bande dessinée de science-fiction dont le premier des trois tomes est sorti le 9 mai 2019 aux éditions Soleil. Le plan de vol est établi par le scénariste Christophe Bec, déjà auteur d'autres ouvrages chez le même éditeur (Prométhée, Olympus Mons, Eternum... le monsieur a la tête dans les étoiles !et le tracé de la trajectoire est esquissé par le dessinateur Leno Carvalho, talentueux autodidacte brésilien qui s'essaie ici à sa première franco-belge après avoir tâté du marché US (Station, Zombies Tales, The Bionic Woman).

La première partie de ce triptyque à venir m'a rappelé une conversation frustrante qu'il m'est arrivé d'avoir... trop souvent à mon goût.



— Même en science-fiction, il faut rester crédible : il n’est pas possible de voyager très loin dans l’espace en raison du temps que cela prendrait, il faudrait de véritables vaisseaux-colonies où se succéderaient des centaines de générations d’humains.
 Ou voyager plus vite que la lum…
 Ce n’est pas possible.
 Oui mais si on trouvait le moyen de…
 Ce n’est pas possible ! 
Je suis d’un naturel patient mais ce genre de personnes à l’imagination bridée, ça m’énerve. Ce sont des gens de cet acabit qui ont dû se gausser de Jules Verne en son temps lorsqu'il écrivit De la Terre à la Lune… mais l’Histoire a pourtant donné raison au bon Jules.

En science-fiction, il faut un minimum de science, un vernis scientifique qui crédibilise suffisamment la narration pour suspendre temporairement notre esprit critique et offrir à l’imagination des auteurs un univers cohérent dans lequel se déployer. Mais une fois que c’est posé, si le récit a, par exemple, développé une explication plausible à des voyages grandes distances à une vitesse défiant les lois physiques communément admises à l’heure actuelle, il est de bon ton d’accepter l’explication et de laisser dès lors l’histoire suivre son cours. Malheureusement, trop d’auteurs se sentent cloisonnés par ce que cautionne notre science… et oublient donc que dans "science-fiction", il y a aussi "fiction".

C'est pour cela que je commence cet article par un merci.
En suivant un peu la logique du film Contact (avec Jodie Foster), l'on nous offre ici une astuce scénaristique simple mais élégante pour passer outre les limites de notre science et pouvoir ainsi faire voyager quelques humains d'élite à 32 milliards d'années-lumière de leur colonie natale sur Titan : ils usent pour cela d'une technologie alien qu'ils ne maîtrisent que mal et comprennent à peine. Du coup, l'inexplicable est inexpliqué car il est inexplicable pour les personnages eux-mêmes. Bien joué ! Ce n'est pas révolutionnaire mais c'est assez convaincant pour "faire taire Jean Terre-à-terre".

C'est "space", comme histoire, non ? 


À dire vrai, c'est encore difficile à dire en l'état. Nous avons là entre les mains le premier de trois livres et celui-ci prend son temps pour exposer un long incipit se concluant par ce qu'il est sans doute judicieux de considérer comme le début de l'action réelle de cette histoire.
 Ben du coup, ça raconte rien, c'est nul.
 Bien sûr que si, voyons : ça raconte la situation initiale et l'élément perturbateur... Tu as fait une longue crise de narcolepsie pendant toute ta scolarité ou quoi ? 

Nous suivons Natalia Tarkovski, fillette vivant dans une colonie sur Titan (la plus grande lune de Saturne) quelques dix générations après que les United States of Earth (on n'y est pas encore, je le crains) aient décidé de résoudre la surpopulation terrienne et la raréfaction des ressources en s'envoyant en l'air vers d'autres planètes. Enfin... quand je dis "s'envoyer en l'air", c'est on ne peut plus incorrect puisque les humains de Titan sont désormais "fabriqués" sur place par synthèse cellulaire dans des utérus artificiels.
Et là, on sent que le scénariste aime ce type de sujet puisqu'il glisse un petit détail (pour le moment encore anecdotique, sera-t-il exploité ?) en suggérant que ces humains pourtant "artificiels" continuent entre eux à se définir selon leurs origines génétiques et à se chambrer selon les clichés que l'on y accole généralement. C'est une façon, aussi, d'expliquer que notre Natalia est génétiquement sibérienne... et à vrai dire, son tempérament semble en effet correspondre à celui qu'il faut aux femmes russes pour vivre dans cette nordique région.

Comme quoi, on peut vivre à l'époque des "États-Unis de la Terre" et n'en avoir pas encore fini avec les préjugés ethniques. C'est un détail mais c'est bien vu.
Alors attention, hein... on a en effet des esquisses de relations interpersonnelles mais le scénario n'en a pas grand-chose à faire ; c'est la grande histoire qui l'intéresse... on n'est pas dans l'excellent UW1 de Denis Bajram (chez le même éditeur) qui prenait tout son temps pour raconter la grande histoire du futur à travers des événements à l'échelle humaine. Mais bon, Bajram avait six tomes pour raconter son histoire, lui... en trois tomes, on va à l'essentiel.

Le papa de Natalia est très pédagogue et nous révisons donc avec notre petite héroïne les bases de l'univers de l'histoire et... de l'Univers tout court aussi, puisque papa aime à expliquer à fifille les fondamentaux de l'astrophysique dont nous aurons besoin (n'ayez pas peur, ça reste digeste). C'est une BD généreuse en phylactères chargés... on n'a pas encore atteint le célèbre "Blake et Mortimer level" mais on s'en approche dans certaines cases.  

Natalia grandit et se voit chargée d'une mission unique dans l'histoire de l'Humanité : rejoindre l'armada des Crusaders.
Les Crusaders sont cinq vaisseaux gigantesques que les autorités de Titan ont construits sur base de plans reçus dans un message codé en provenance d'une petite galaxie primitive très massive.
Une sélection tant physique que psychologique amène Natalia a prendre le commandement de l'armada et c'est alors qu'elle et les équipiers sous ses ordres se lancent dans l'inconnu. À bord de vaisseaux dont ils méconnaissent la plupart des capacités, vers une très lointaine destination dont on ne sait rien, pour répondre à l'appel d'êtres dont ils ignorent tout, les voilà à la merci d'un scénario qui les dépasse... comme les dépassera tout ce qu'ils découvriront au fil des pages dans un étalage de démesure très bien servi par le dessin de Carvalho.

Sans doute voués à quelque grand dessein... dans quelques grands dessins.


Parce que oui, quand on fait de la SF sur des feuilles de 23x32cm, il faut bien trouver des astuces pour que l'immensité de l'univers puisse être un peu ressentie, et pour ça, rien de tel que des illustrations en pleine page.
On trouve cinq belles doubles pages, une page pleine et plusieurs grands fonds de pages illustrés. Cette BD respire, bien que coincée dans ses cases... comme on respire dans l'espace, enfermés dans nos combinaisons spatiales (rhôôô, je suis un poète !).
Par contre, ne vous attendez pas à des trouvailles particulières à ce sujet, on ne joue pas ici avec le langage de la bande dessinée, on a une utilisation très sobre et classique de l'espace (haha !) de chaque planche... on est loin du travail de recherche et du métalangage de Benoit Dahan avec Dans la tête de Sherlock Holmes dont je vous parlais il y a peu ! Allez me lire ça de suite... l'article, oui mais surtout l'album !
Toujours est-il que le dessin est beau et efficace, tout y est maîtrisé et agréable à l’œil. Les couleurs sont bien utilisées, l'esthétique des bases spatiales, de la technologie extraterrestre et même du cosmos lui-même est efficace.
Carvalho a bien intégré les codes du trait réaliste franco-belge actuel, à tel point que l'on pourrait confondre son dessin avec celui de bien d'autres dessinateurs... ce n'est pas vraiment un reproche puisque c'est joli mais je préfère quand même les dessinateurs revendiquant davantage une patte personnelle.


Du coup, un sans faute ?


Ben non... désolé, mais non.
Il y a une bête petite chose que je suis bien obligé de lui reprocher. Un truc anodin mais qui se révèle avoir pris une importance démesurée au fil de ma lecture : le manque de lisibilité de certains flashbacks.
Je suis sûr que bien des bédéphiles seront prêts à se moquer de moi mais certaines des (nombreuses !) analepses de la bande dessinée m'ont forcé à revenir un peu en arrière parce que... je n'avais pas pigé qu'il s'agissait d'une scène antérieure à la narration principale. 
Il y a un paquet de périodes de narration et plusieurs points de vue, le tout entrecoupé de retours en arrière et jamais un code particulier ne nous avertit qu'on remonte dans le temps... pas de "filtre de couleur", pas de bandeau exprimant l'époque, rien.
Suis-je idiot ? Peut-être. Mais on ne m'ôtera pas de l'idée que c'est presque vicieux, autant de sauts dans le temps sans rien pour nous les annoncer.
Ce n'est pas compliqué, la relecture de cet album m'a semblé dix fois plus agréable que sa lecture pour cette seule raison : j'avais la chronologie en tête et donc plus aucun frein ne venait gêner ma perception de l'histoire.


Et donc, de la bonne SF ?


Je vais lister quelques mots que vous croiserez et qui fleurent bon la science-fiction : wormhole, courbure de l'espace-temps, point Lagrange L2, forces gravitationnelles... On n'est pas dans un Boule et Bill !
Oui, c'est de la SF qui convainc assez pour que l'on puisse y croire. Elle s'offre même le luxe d'avoir une héroïne fan des Star Trek classiques. Ajoutez à ça un peu d'ironie avec des habitants de Titan très vite confrontés à une réalité... titanesque, et vous obtiendrez un album qui, sans être parfait, donne bien envie de voir poindre le tome 2.




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une SF affranchie de la science actuelle.
  • Un scénario intrigant.
  • Une héroïne qui a ses défauts ; l'imperfection, ça renforce la crédibilité. 
  • Un dessin soigné et bien mis en couleurs.
  • Certaines planches vraiment très esthétiques.

  • Des flashbacks incessants parfois peu clairs à la première lecture.
  • Une psychologie des personnages trop peu développée.
  • Une BD parfois un rien bavarde et docte dans les phylactères.
X-Men : Origins
Par


Les origines des X-Men revisitées.

Ah, le bon vieux temps des Strange "Spécial Origines"... cela permettait de faire le point sur les personnages tout en embarquant au passage une poignée de lecteurs nouveaux et curieux. Comme toujours avec ce genre de recette, cela marche plus ou moins bien et le résultat dépend surtout du talent des auteurs et non de la supposée facilité d'accès à un univers dont la complexité embarrasse décidément souvent les éditeurs qui en ont la charge.
Conservant ce principe, la Maison des Idées a lancé, il y a quelques années, une série de one-shots revenant sur les origines de certains des plus célèbres mutants. Panini avait à l'époque publié ces épisodes en deux tomes, dans la collection 100% Marvel, puis, le tout avait été réédité en 2014 dans un Marvel Select moins onéreux, que nous allons détailler ici (plus récemment, ces épisodes ont également été publiés à nouveau, dans un Deluxe).
En tout, onze célèbres mutants sont présents : Cyclope, Iceberg, Jean Grey, Beast, Emma Frost, Colossus, Diablo, Gambit, Wolverine, Sabretooth et Deadpool.

On commence par Colossus, avec Chris Yost au scénario et Trevor Hairsine aux dessins.
Bon, vague histoire d'espionnage, avec des agents soviétiques qui tentent de mettre la main sur le petit Piotr, plus une intervention du quasi omnipotent Xavier (qui souhaite d'ailleurs qu'on l'appelle absolument "professeur" et non "monsieur", ça y est, il a pété les plombs).
Pour une entrée en matière, c'est plutôt faible.

On enchaîne avec Diablo (Nightcrawler donc), par Adam Freeman & Marc Bernardin (scénario) et Cary Nord & James Harren (dessin). Classique récit de cirque, avec de gentils hurluberlus exploités en tant que monstres et de très méchants (et stupides) exploiteurs. Les scénaristes ont ici visiblement du mal à rendre leurs "vilains" crédibles. Tout est tellement évident, téléphoné et déjà vu que l'on a du mal à aller jusqu'au bout.
L'idéal aurait été de s'adresser à tous les lecteurs, donc autant aux vieux briscards qu'aux nouveaux venus. Là, il n'est même pas certain que cet essai s'adresse réellement à quelqu'un.


On vous l'accorde, ça commence mal. Heureusement, le reste va tout de même relever le tout.
Emma Frost tout d'abord, par Valerie d'Orazio au scénario et Karl Moline au dessin.
Mine de rien, c'est plutôt bien fichu, pas si monolithique que ça (notre brave Emma passant tout de même par pas mal d'émotions) et relativement complet. C'est même raccord avec certains éléments publiés en Marvel Age, une collection en VO qui est revenue (bien plus longuement) sur l'enfance de la miss (cf. cet article).
Voilà qui permet en tout cas de relever le niveau, en s'attardant sur la jeunesse de la télépathe et en permettant de briser un peu l'apparente froideur du personnage. Le tout en plus avec de très belles planches.

On passe ensuite à Gambit, avec Mike Carey au scénario et David Yardin et l'excellent Ibraim Roberson aux crayons. L'épisode est bien réalisé et même sacrément complet (l'on découvre notamment les Maraudeurs de Sinistre et leur mission contre les Morlocks), avec une petite intrigue sympathique au niveau de la présentation du personnage, et ensuite une sorte de rappel de ce qu'il est ou peut faire. Bref, cela permet de bien découvrir le cajun, ses pouvoirs et une partie de ses ennemis.

Vient ensuite le tour de Scott Summers. Au scénario, Stuart Moore, au dessin, Jesse Delperdang. Toutes les "premières fois" de Cyclope sont passées en revue : découverte de son pouvoir, première confrontation avec Magneto, première passation de pouvoir entre Xavier et lui, et même... première paire de lunettes. Une mise en bouche sympathique, sans plus. Il manque notamment quelques explications au début, lors de la scène de l'attaque de l'avion. Ce n'est pas essentiel mais les nouveaux lecteurs se demanderont sans doute ce que ce vaisseau venait faire là. L'épisode a par contre l'avantage de montrer un Cyclope qui pourrait bien se révéler un juste et bon compromis entre la niaiserie idéaliste du professeur Xavier (qui ne respecte d'ailleurs son propre idéal que quand ça l'arrange) et la radicalisation de Magneto.


Au tour d'Iceberg à présent. C'est cette fois Roberto Aguirre-Sacasa qui s'occupe du scénario, secondé par Phil Noto aux crayons. Histoire classique, sans grande surprise, mais bien menée. L'auteur y exploite notamment le rejet que suscitent les mutants, mais il a le bon goût de faire ressentir ce sentiment (mélange de crainte, de dégoût et de haine) à un personnage qui n'est pas l'abruti de service et n'a rien de caricatural.
Quelques doubles planches pas dégueulasse. Certaines cases paraissent néanmoins un peu troubles, comme si l'encrage ou les couleurs "bavaient" un peu.
Malgré tout, là encore, une lecture plutôt agréable et une bonne présentation du personnage.

On passe à Jean Grey, avec un scénario de Sean McKeever et des dessins de Mike Mayhew. Ce dernier réalise un travail extraordinaire : les planches sont simplement sublimes et réellement impressionnantes, non seulement par leur réalisme mais également leur composition.
Le récit est très bien mené également, avec une vraie progression psychologique du personnage, une mini-scène d'action bien fichue et finalement une très bonne présentation de Jean, qui la rend attachante et très séduisante.
Du très bon boulot, mais rien de surprenant de la part de McKeever qui s'était déjà illustré sur Sentinel ou Spider-Man loves Mary Jane, des séries secondaires mais qui possédaient des qualités indéniables.

C'est le brave Henry McCoy, alias Beast, qui débarque ensuite, avec un épisode écrit par Mike Carey et dessiné par J.K. Woodward. Là encore de très jolies planches et une bonne mise en scène des origines du Fauve. Seul petit bémol, l'intervention du Conquistador, un vilain un peu kitsch dont la présence respecte certes la continuité mais n'apporte pas grand-chose. L'on aurait largement préféré que l'aspect vie quotidienne soit plus poussé, d'autant que Hank est censé avoir tout de même pas mal souffert des quolibets sur son physique, ce qui n'apparaît pas tellement ici.
Rien de bien méchant cependant et, au final, une histoire sympathique qui devrait largement contribuer à humaniser McCoy auprès des lecteurs qui ne connaissent pas bien le personnage et sont habitués à ne le voir que comme une grosse boule de poils au QI élevé.


On attendait beaucoup de l'ami Wolverine, évidemment, ne serait-ce que pour justifier son statut de vedette. Malheureusement, Chris Yost ne parvient pas à écrire autre chose qu'une sorte de résumé confus du passé du Griffu. Il y a bien quelques références aux jeunes années de Logan (rééditées à de nombreuses reprise, cf. cet article) ou à l'Arme X, mais l'ensemble reste (peut-être volontairement) complexe et fragmenté. Même les scènes de carnage, censées pourtant être bestiales, manquent leur but et n'ont qu'un impact très limité, sauf pour l'aspect graphique, Mark Texeira parvenant à leur donner un côté brut et violent visuellement réussi.

On poursuit avec Dents de Sabre. Le début commence fort bien, avec un Victor Creed très jeune, mais déjà sadique et fascinant. C'est probablement cette piste qu'il aurait fallu continuer d'explorer. Au lieu de cela, Kieron Gillen développe une sorte de chassé-croisé ennuyeux et absurde entre Creed et Wolvie, à base de bastons sans fin.
Décevant.

Et enfin, on termine par Deadpool, avec une entrée en matière déjantée, typique du bonhomme. Le mercenaire veut en effet contacter des scénaristes afin de lancer un projet de film sur sa vie. Une bonne occasion d'en dévoiler certaines parties.
L'astuce trouvée par le scénariste, Duane Swierczynski, est plutôt bonne et a le mérite d'expliquer, en quelques scènes clés, le passé du mutant.

Difficile au final de tirer un bilan général de ce Marvel Select. Les épisodes sont très inégaux, autant sur leur aspect graphique que leur valeur informative. Certains peinent même à seulement divertir et se révèlent lourdingues, alors que d'autres mettent parfaitement en valeur les personnages et leur insufflent une bonne dose d'humanité.
Quelques coquilles ou maladresses au niveau de la traduction, mais ça reste dans les limites du tolérable.

Un ensemble finalement moyen mais qui bénéficie d'un prix avantageux et constitue un bon tour d'horizon des mutants les plus célèbres.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Les épisodes sur Frost, Grey ou Beast, émouvants et profonds.
  • De superbes dessins, notamment de Mayhew ou Moline.
  • Petit prix pour la version Select.

  • Les épisodes sur Wolvie, Diablo ou Colossus, plutôt plats et blindés de clichés.
  • Un passé qui reste trouble pour certains personnages.
  • Le côté trop quelconque de certains récits.
Bêtisier Marvel
Par

Mise à jour de notre grand Bêtisier Marvel !
Vannes, chambrage, ratés, chutes ou tenues bizarres sont au menu.

Plus de 70 gags maintenant en tout, et surtout de nouvelles illustrations. Bref, de quoi passer un bon moment en vous remémorant quelques scènes mythiques ou insolites.

Comme d'habitude, vous pouvez vous rendre dans notre rubrique Dossier pour accéder au Bêtisier, ou bien tout simplement cliquer sur l'image ci-dessous.

Enjoy !


Green Lantern : The Sinestro Corps War
Par


Après Green Lantern : Origine Secrète, suite de la "mise à niveau" en ce qui concerne la mythologie Green Lantern avec The Sinestro Corps War, une saga épique faisant office de prélude à l'évènement Blackest Night.

Sinestro fut l'un des meilleurs éléments du Green Lantern Corps. Cependant, après la découverte d'agissements peu en phase avec la philosophie des Gardiens, il est banni et envoyé dans un univers d'antimatière. Aidé par les habitants de Qward, Sinestro va alors fonder son propre Corps et forger des anneaux basés sur la puissance de la Peur, symbolisée par la couleur jaune.
Aujourd'hui, après avoir recruté de nombreux guerriers, Sinestro peut enfin passer à l'offensive. Oa, la planète d'origine des Gardiens, est visée, ainsi que Mogo, la planète vivante sans qui les anneaux des Lantern ne peuvent plus trouver de nouveaux propriétaires. Le combat fait rage, bientôt, la peur commence à s'instiller partout dans l'univers et le cœur de ses habitants.
Pourtant, le véritable but de Sinestro et du puissant Anti-Monitor n'est pas Oa mais la Terre, centre du Multivers. Alors que les Gardiens modifient le Livre d'Oa afin d'autoriser les Lantern à employer la force létale, une ancienne prophétie semble sur le point de s'accomplir. Un affrontement gigantesque entre les différentes forces émotionnelles de l'univers pourrait bientôt aboutir à la fin de toute forme de vie, plongeant le cosmos dans une nuit noire et éternelle...

Cette saga est disponible en version originale sous forme de deux TPB. Ceux-ci contiennent les épisodes Green Lantern #21 à #25, Green Lantern Corps #14 à #19 ainsi que le Green Lantern : Sinestro Corps Special. En ce qui concerne la version française, Urban Comics a publié ce long récit dans le tome #2 de sa collection Geoff Johns présente Green Lantern - Intégrale (la sélection des épisodes diffère cependant un peu : sont présents les Green Lantern #14 à #25, Green Lantern Corps #14 à #18, plus le Sinestro Corps Special, le tout dans un bel album de plus de 500 pages, pour 28 euros).
Pour ce qui est du scénario, l'on retrouve à la barre Geoff Johns, Dave Gibbons et Peter J. Tomasi. Les dessins sont l'œuvre de Ethan Van Sciver, Ivan Reis, Patrick Gleason, Angel Unzeta, Pascal Alixe, Dustin Nguyen et Jamal Igle.


Ce crossover est important à plus d'un titre. Tout d'abord, cela permet aux auteurs d'introduire le fameux concept de spectre émotionnel (cf. notre dossier à ce sujet). En gros il s'agit de forces liées à des émotions primaires que divers groupes peuvent utiliser grâce à des anneaux leur permettant de concentrer cette puissance. Par exemple, les Green Lantern, qui sont au centre du spectre, tirent leurs capacités de la Volonté, une émotion symbolisée par la couleur verte. Plus l'on s'éloigne de ce centre, moins l'utilisateur d'un anneau aura de contrôle sur lui, comme par exemple pour les extrémités que sont la Rage (rouge) et l'Amour (violet). L'on apprend également l'existence d'une prophétie, appelée Blackest Night, on découvre les premiers disciples de l'Espoir (bleu) et l'on aperçoit même une image fugitive présentant une étrange et inquiétante lanterne noire.
Autrement dit, voilà un récit qui semble indispensable si l'on veut suivre par la suite Blackest Night, l'un des plus gros events cosmiques de DC Comics.

Au-delà de l'aspect purement pratique, car riche en informations, la saga se suit avec intérêt à condition, bien entendu, d'apprécier les gros trips cosmiques. Johns et ses collègues ont bâti une énorme superproduction, avec un tas de personnages (et de morts !), de nombreux combats et des effets de lumière souvent fort beaux (l'avantage de se battre à coups d'énergie lumineuse, ça en jette un peu plus qu'un lance-pierre).
L'action n'empêche pas une certaine profondeur et une dimension métaphysique intéressante, le spectre émotionnel et les différents Corps étant un peu à la série Green Lantern ce que la Force et les Jedi/Sith sont à Star Wars.


Dans les qualités propres à ces épisodes, l'on peut notamment citer la facilité avec laquelle l'on parvient à suivre les évènements et à bien cerner les différents protagonistes. Ce n'était tout de même pas gagné d'avance (et c'est ce qui fera terriblement défaut à Blackest Night). Et enfin, l'on peut noter également quelques petits traits d'humour sympathiques. Attention, ce n'est pas Benny Hill hein, on est d'accord, mais l'incompréhension de certaines races extraterrestres devant l'insubordination et l'ironie typiquement terriennes génère parfois des répliques plutôt amusantes.
Bref, voilà une histoire importante et bien écrite.

Le deuxième volume VO contient en plus un entretien entre les éditeurs et auteurs, avec anecdotes à la clé.
Pour être encore plus complet, l'on peut également se procurer un troisième TPB, intitulé Tales of the Sinestro Corps. Il n'est pas indispensable pour comprendre l'histoire mais propose des épisodes qui viennent enrichir des parties sur lesquelles l'on est passé un peu vite précédemment. Et surtout, ce volume contient Green Lantern/Sinestro Corps : Secret Files #1, qui est en fait une sorte de mini-encyclopédie. Au menu : des fiches de personnage (très nombreux Lanterns et membres du Sinestro Corps) et des explications, assez limpides, sur les Gardiens, les entités comme Ion et Parallax, les anneaux et leur fonctionnement, Oa, les Star Sapphires, bref, une base de données fort utile et à laquelle vous pourrez vous référer par la suite en cas de besoin.
Dernière petite précision si vous optez pour la version anglaise, ces recueils sont disponibles en deux versions, avec cover souple ou cartonnée.

Du très bon comic cosmique, épique, esthétique, dépaysant et très agréable à lire.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un récit passionnant et facilement compréhensible malgré la profusion de concepts et de personnages.
  • Des planches magnifiques.
  • Les petites touches d'humour.
  • Une saga fondatrice de la vaste mythologie des Lantern Corps.
  • Les informations de la mini-encyclopédie contenu dans les Secret Files.

  • RAS.
Artbook John Howe
Par


Un magnifique artbook consacré au travail de John Howe était sorti en 2004. Pour célébrer les 15 ans de cette publication, les éditions Nestiveqnen lancent une campagne de financement participatif afin de rééditer l'ouvrage, agrémenté de pages supplémentaires.

John Howe est spécialisé dans la fantasy, il est notamment l'auteur de nombreuses illustrations tirées de la célèbre saga de Tolkien, Le Seigneur des Anneaux, mais il s'est aussi attelé à mettre en images les univers de George R.R. Martin ou Robin Hobb.
Et il est peu de dire que ses dessins sont franchement somptueux.

Cette nouvelle édition bénéficiera d'une biographie, d'une maquette légèrement différente, et surtout de 16 planches supplémentaires.
En tout, il s'agira de plus de 230 illustrations, commentées et enrichies d'anecdotes diverses, le tout au format 25 x 32.

L'on peut dores et déjà commander ce livre sur la page Ulule consacrée au projet. N'hésitez pas à jeter un œil à cette vidéo pour en savoir plus.



A God Somewhere
Par


Superbe récit que ce A God Somewhere, qui montre l'évolution tragique d'un homme dont la vie est bouleversée par les pouvoirs qu'il acquiert subitement.

Eric Forster a un projet : acheter, avec son meilleur ami Sam, un bateau afin de passer un peu de bon temps ensemble. Il propose également à son frère Hugh et son épouse Alma de faire partie de l'aventure. Ensemble, ils passent une soirée tranquille à discuter de leurs futures virées. Ce sera leur dernier moment d'insouciance...
Dans la nuit, l'immeuble d'Eric explose. Ce dernier est miraculeusement indemne. Mieux que ça, il se sent bien, serein, "complet". Rapidement, il se rend compte qu'il possède maintenant des dons extraordinaires. Il peut voler, est doté d'une force exceptionnelle et semble invulnérable.
La presse et le monde politique s'empressent autour du héros afin d'en savoir un peu plus sur ce bien réel Superman.
Mais quelque chose a changé dans l'esprit d'Eric. Son pouvoir a modifié sa vision des choses. Peu à peu, il s'éloigne de ses proches et s'enferme dans un délire mystique.

Le scénario de ce comic, issu de la gamme WildStorm, est de John Arcudi, les dessins sont de Peter Snejbjerg. Ce dernier possède un style brut et expressif, reposant notamment sur le travail des ombres et des effets de lumière. Cela donne des planches très esthétiques, avec cependant une représentation très crue, voire gore, de la violence.
La thématique, quant à elle, n'a rien de bien révolutionnaire. Moore, avec le Dr Manhattan dans Watchmen, avait déjà en son temps livré une vision comparable d'un homme qui, peu à peu, en devenant l'égal d'un dieu, se détache de l'humanité. Plus récemment, Ellis, avec No Hero ou Black Summer (cf. ce dossier), ou encore Waid, dans Irrécupérable, ont traité le genre super-héroïque avec une approche réaliste (pour peu que l'on accepte le postulat de départ), bien souvent en prenant en compte l'impact des surhumains sur la société mais également l'effet de leurs propres pouvoirs sur leur psyché, un angle psychologique que l'on retrouvera également chez Marvel avec le personnage de Sentry par exemple.


Nous sommes donc sur un terrain largement défriché mais Arcudi parvient néanmoins à rendre son récit original et prenant.
Les rapports entre les quatre personnages principaux sont notamment très bien décrits et évitent les clichés. Malgré le lien familial qui unit les deux frères, l'on sent un peu de jalousie chez Hugh, bien avant l'apparition des pouvoirs de son frère d'ailleurs. Sam, qui fantasme de manière assez malsaine sur Alma, est également un personnage aussi touchant que complexe. Il profite un peu de la célébrité de son ami, condamne par la suite ses actes, mais conserve pourtant un lien fort avec lui.
Lorsque la situation dégénère vraiment (à ce moment, le basculement total d'Eric semble un peu rapide), ce qui se produit est si impensable, si injuste, si choquant que cela entraîne essentiellement une question, qui deviendra obsédante pour Sam : pourquoi ?

Une interrogation qui n'a pas forcément de réponse claire mais entraine une réflexion sur l'absence totale d'empathie liée à un état de conscience particulier, mais également sur la véritable nature des super-héros (souvent trop rapidement considérés comme "bons" et capables de gérer leur différence).
La dérive mystique d'Eric est également des plus intéressantes car, là encore, elle permet de s'interroger sur la véritable "psychologie" (si tant est que le terme convienne ici) d'un dieu. Une entité qui est capable de créer la multitude de merveilles de l'univers, de contempler les galaxies en se disant "bon moi-même ! c'est moi qui ai fait ça !", peut-elle se soucier du destin de l'Homme ?

Pour donner une idée d'échelle, la Terre est un point minuscule de 12 760 km de diamètre. Pluton, la planète la plus éloignée du Soleil, est située à un saut de puce ridicule de 5,9 milliards de km. Il faudrait voyager pendant plus de quatre ans à la vitesse de la lumière pour atteindre l'étoile la plus proche, Alpha du Centaure. Et pour parcourir notre galaxie, la Voie Lactée, d'un bout à l'autre, toujours à la même vitesse, il faudrait 100 000 ans. On estime qu'elle contient environ 200 milliards d'étoiles. Et toute cette immensité inconcevable n'est rien, juste une minuscule poussière en comparaison de l'univers et des amas et superamas de galaxies. À cette échelle, que vaut la destruction du milliardième de grain de sable qu'est la Terre ? Et donc, pire encore, de quelques-uns de ses habitants ?
Le Mal existe-t-il encore lorsqu'il est dilué dans l'indicible terreur mathématique qui se cache derrière l'infinité de zéro qui sert à mesurer d'infimes parties de l'univers ?

Cet aspect (la relativité des actes et de leurs conséquences) aurait pu être davantage creusé, mais il a tout de même le mérite d'être présent.
L'ouvrage de 150 pages, publié en VF par Panini en 2011, contient quelques croquis en bonus et bénéficie d'une traduction correcte. Il est encore facilement trouvable d'occasion à un prix correct.

Une œuvre de qualité mélangeant de subtils rapports humains et d'inquiétantes interrogations métaphysiques.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une thématique fascinante.
  • Un style graphique brut et efficace.
  • Des personnages fort bien écrits.

  • Pas vraiment un point forcément négatif, mais un parti pris et une ultra-violence assumée qui destinent ce récit à un public adulte uniquement.
Loki
Par


Retour sur un graphic novel mettant en scène Loki, le dieu du mensonge.

Loki Laufeyson règne sur Asgard, le royaume des dieux.
Il a enfin vaincu Thor. Certains le pressent d'ailleurs d'en finir avec lui et de le mettre à mort. Mais est-ce seulement ce que voulait vraiment Loki ? Plus que jamais solitaire, il repense à son enfance, à la mort d'un père, abattu par Odin qui, plus tard, l'adoptera. Il songe également aux humiliations subies. Car c'est ainsi que se nourrit la haine d'un être, fut-il un dieu. À coups de quolibets, de railleries et de quotidiennes méchancetés arrosant et entretenant une graine que tous voudraient mauvaise.
Mais alors que l'on imaginait le cœur de Loki uniquement rempli de haine et de malice, voilà qu'en fait, il déborde d'une peine enfantine.

Si l'on connaît bien Thor, membre du panthéon des dieux nordiques et illustre personnage du vaste univers Marvel, on a moins l'habitude de côtoyer son demi-frère, Loki. La mini-série de Robert Rodi et Esad Ribic nous conte, pour une fois, une saga de son point de vue.
L'idée est originale et même excellente. Le personnage prend tout à coup une tout autre stature. Moins monolithique, il en devient émouvant alors que Thor et les siens, Dame Sif surtout, apparaissent parfois terriblement odieux et insensibles. Le final est à l'image du destin de Loki, pathétique et inéluctable. Tout comme Balder le lui dira, il existe de nombreux mondes dans lesquels vivent d'autres Thor, d'autres Loki, tous différents, mais tous unis par la même destinée, telles les branches d'un même arbre. Des paroles bien amères venant résumer le destin de ce héros contrarié, condamné à jouer les super-vilains.


Il s'agit de l'une de ces sagas, rares, qui permettent de découvrir un autre aspect d'un personnage, de creuser sa personnalité, de l'enrichir, tout en préservant son essence. Une sorte d'histoire annexe qui, mine de rien, servira énormément à donner de l'amplitude aux autres récits où Loki incarne son rôle de salopard manipulateur.
Une belle manière aussi de tenter de s'éloigner du manichéisme parfois ridicule des comics super-héroïques.

Au niveau graphique, c'est tout bonnement superbe. Ribic livre des planches somptueuses et parfaitement construites. Les personnages sont à la fois grandioses et réalistes, le dessinateur parvenant même à sublimer la laideur de certains. Les décors sont imposants, les couleurs parfaitement choisies viennent les magnifier. Même les angles de vue et les ombres sont parfaitement employés.
Le monde dépeint en devient magnifique et teinté de cet aspect onirique et crépusculaire qui convient parfaitement à Asgard.

Ce récit a été publié en 2005 par Panini, dans sa collection Graphic Novel. Il n'est plus disponible en neuf en VF et son prix, raisonnable à la base (14 euros), s'est envolé depuis jusqu'à atteindre des sommets ridicules (entre 60 et 140 euros), une pratique entretenue par la politique éditoriale pour le moins singulière de Panini France (l'ouvrage est toujours disponible en neuf chez Panini Allemagne par exemple).
Donc, à moins d'un coup de chance, ou de maîtriser l'anglais (ou l'allemand), il va falloir vous armer de patience si vous ne voulez pas engraisser de vils spéculateurs.

Un comic visuellement magnifique et très bien écrit, qui permet d'insuffler une profondeur rare à un Loki que l'on ne verra plus jamais de la même façon ensuite.
Conseillé.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Des peintures sublimes.
  • Une manière intelligente et originale de traiter le personnage de Loki.
  • Le panthéon nordique façon Marvel.

  • Difficile de trouver l'ouvrage en VF à un prix raisonnable.
Liberty Meadows
Par


Humour, bestioles déjantées et psychologue sexy sont au menu de Liberty Meadows.

Liberty Meadows est une série de strips, écrite et dessinée par Frank Cho (Hulk, New Avengers, Shanna), qui avait déjà été adaptée en France (sous le nom Psycho Park) par Vent d'Ouest dans une version colorisée et à la traduction parfois contestée.
C'est ensuite Canto Editions, revenant au noir & blanc, qui a publié deux tomes, en apportant un meilleur soin à l'adaptation des gags. Il faut dire que l'humour de Cho repose sur des références souvent typiquement américaines et peu connues du lectorat français. Il y a donc deux choix possibles au niveau du texte : trouver des équivalents français pour favoriser l'immersion (ce que Vent d'Ouest avait apparemment fait) ou tenter de rester le plus fidèle possible à l'œuvre originale en renvoyant, lorsque cela s'avère nécessaire, à des notes pouvant éclairer le lecteur sur un point qui pourrait lui échapper.

Les deux approches ont leurs avantages et leurs inconvénients mais j'avoue préférer celle que Canto développe ici. Non seulement parce que des références trop françaises peuvent sembler, dans certains cas, inappropriées mais aussi parce qu'après tout, lire une BD américaine (ou japonaise, ou italienne...) c'est aussi se plonger dans la culture d'un pays dont on apprend, peu à peu, à connaître les codes et maîtriser les particularités. Et avouons-le, avec la grande influence exercée par les séries et les films US, nous sommes plutôt bien armés pour nous confronter à l'humour d'outre-Atlantique.
Précisons également que l'éditeur se montre particulièrement didactique puisqu'il explique clairement ses choix et ce qui les a motivés.


Passons maintenant au contenu. Liberty Meadows est en fait le nom d'un refuge pour animaux dans lequel travaillent Frank, un vétérinaire un peu timide, et la magnifique Brandy, psychologue pour animaux. Oui, heu... entre autres particularités, les animaux présents suivent une thérapie. Et ils parlent, entre eux mais aussi avec les humains. Parmi eux, l'on trouve par exemple Ralph, un ours nain, ou Leslie, une grenouille en mal d'habitat.
Les gags sont en gros de deux types : du slapstick [1], forcément très visuel, ou des vannes plus recherchées, basées sur les dialogues. Tout ne fonctionne pas toujours à 100% mais l'ensemble est tout de même plutôt drôle et agréable à lire (les fans de Peanuts ne devraient pas être trop déstabilisés).

Cho se montre très à l'aise et emploie souvent des effets basiques tout en s'autorisant parfois à jouer avec la structure même des strips (les cases ou le "gutter" [2] devenant alors des éléments à part entière du gag). L'on passe du truc le plus simple (une chute par exemple) à une situation plus complexe, basée sur les relations sociales, le tout servi par un style fluide et particulièrement efficace, surtout au niveau des expressions des personnages.
Si la traduction de Benjamin Rivière est irréprochable (car exempte de coquille, intelligente et assumée), l'aspect global du comic est moins enthousiasmant. La cover et le grand format font un peu penser à... un cahier de coloriage. L'on peut également regretter l'élégant format à l'italienne, particulièrement adapté aux strips, choisi à l'époque par l'ancien éditeur et remplacé ici par un standard européen.
Malgré tout, le plus important n'est pas l'emballage et l'ouvrage reste donc hautement recommandable, d'autant plus que les séries humoristiques américaines ne sont finalement pas très nombreuses en VF.

Si la tristesse ou l'effroi sont provoqués presque universellement par les mêmes causes, l'on est loin d'avoir tous le même sens de l'humour. Pour peu que vous accrochiez à celui de Cho, vous passerez un excellent moment dont le sel et le sens sont préservés par une adaptation sérieuse.



[1] Le slapstick est un genre d'humour, très visuel, basé notamment sur une violence volontairement exagérée.
[2] Littéralement "gouttière". Espace séparant les cases dans une BD.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Des personnages attachants.
  • Un mélange bien dosé de deux styles d'humour fort différents.
  • Le soin apporté à l'adaptation.

  • Exit la colorisation, pourtant tout à fait honnête, de la première édition.
  • Un format un peu cheapouille.
Dans la tête de Sherlock Holmes : L'affaire du ticket scandaleux 1/2
Par


Ma courte présence en ces pages m'a amené à donner mon avis sur la série britannique Patrick Melrose mettant en scène Benedict Cumberbatch, aussi interprète du savoureux Sherlock de la BBC. Mais je me suis également prêté à cet exercice au sujet de la bande dessinée The Wendy Project, où l'on explore le fonctionnement mental d'une jeune fille endeuillée en entrant dans son esprit...
C'est donc presque logiquement que je mêle ici les deux en parlant d'une bande dessinée où l'on entre dans la tête du mondialement célèbre Sherlock Holmes, l'un des héros de fiction les plus (si ce n'est le plus) adaptés au monde !

Attention, toutefois : en guise de préambule, je tiens à signaler qu'il s'agit là du tome 1 de cet épisode inédit des aventures de Sherlock Holmes et du docteur Watson. L'histoire s'étendra sur deux albums et le premier n'offre qu'une première partie d'enquête et aucune résolution. Vous voilà prévenus!

Élément Terre

La terre... car il faut bien entendu revenir là où cet album plonge ses racines pour en saisir la pertinence et la légitimité.
Tout comme les auteurs le mettent en exergue, Sir Arthur Conan Doyle avait, dans Étude en rouge, fait dire à son enquêteur fétiche : "Voyez-vous, je considère que le cerveau de l'Homme est à l'origine comme une petite mansarde vide. L'ouvrier adroit prend grand soin de ce qu'il met dans sa mansarde, dans son cerveau."
C'est cette métaphore qui vaut à cette bande dessinée toute l'originalité de son approche : nous n'allons pas, contrairement à la démarche choisie par Doyle, avoir droit un récit des événements narrés par le docteur Watson mais bien à une enquête vue entièrement par les yeux de Holmes qui, dès que cela sera possible, usera du visuel de ladite mansarde pour représenter le travail mental du célébrissime locataire du 221B Backer Street.

Comme The Wendy Project, du même éditeur (Ankama), Dans la tête de Sherlock Holmes propose dès la couverture une vue de profil de la silhouette de son héros (ici représenté de façon architecturale pour coller à la métaphore susmentionnée) et nous offre ce qui se passe à l'intérieur... Mais cet album va plus loin encore puisque la couverture est découpée et donne à voir la page suivante représentant la mansarde que nous allons apprendre à bien connaître (on verra souvent un petit Holmes fureter dans cette mansarde à la recherche de liens logiques entre les indices, allant d'une pièce à une autre dans cette tête représentée comme une vue en coupe d'un grenier débordant de documentation).
Un procédé de trompe-l’œil très sympathique qui, toutefois, me fait un peu craindre pour la longévité de l'objet même si l'exemplaire en ma possession ne présente aucun signe de faiblesse.
Même si c'est insignifiant, je tiens aussi à dire qu'en raison de cette découpe, j'ai lu cette BD posée à plat sur mon bureau, pour ne pas que, machinalement, mes doigts jouent avec ce trou dans la couverture en tenant l'ouvrage, au risque d'en abîmer les bords... C'est un détail mais j'aime parler de l'objet-livre et les auteurs, Cyril Lieron et Benoît Dahan, semblent tant avoir, eux aussi, prêté attention au moindre détail que c'est leur rendre hommage que de faire part de cette réserve. Dans cette position, toutefois, je fus sans doute plus attentif que si je m'étais avachi quelque part avec le livre en mains. Je doute fort que cela ait été anticipé par le duo en question mais l'effet n'en reste pas moins finalement positif.

Élément Eau

L'eau... avec ce récit qui s'écoule non pas comme un gentil ruisseau en rase campagne mais comme une vieille pluie chargée de tous les fluides qu’exsude un centre urbain du XIXème siècle s'insinuant entre les pavés d'une ruelle londonienne.
Le récit débute lorsque l'on amène à Watson un confrère médecin désorienté ayant été trouvé en habits de nuit en pleine rue. L'incongruité de la situation attire l'attention de Holmes et parvient pour un temps à le détourner de ses paradis artificiels.
Au fil de l'enquête que mèneront nos deux comparses pour comprendre l'infortune du sympathique docteur, ils découvriront que cette escapade nocturne cocasse dont le docteur n'a plus aucun souvenir cache en réalité une tentative d'enlèvement.
De fil en aiguille, guidés par les talents de logicien de Sherlock, nous allons découvrir les rouages d'une machination plus vaste en cherchant des indices dans la salle de spectacle où furent sélectionnées les victimes, aux abords d'un cimetière, dans un hôpital, une morgue...
Le scénario est d'un grand classicisme pour tout amateur du détective britannique et il est malaisé d'en dire davantage tant que l'on n'a entre les mains que la première moitié de ce récit. Sachez simplement que l'idée consistant à voir la scène par les yeux de Holmes fonctionne à merveille et que la fidélité au matériau d'origine démontre un respect particulier du scénariste Cyril Lieron pour l'œuvre de Conan Doyle. Ajoutons à cela que la brève apparition du pauvre Lestrade nous le montre plus pathétique et ridiculement poussif que jamais (mais c'est bien le regard de Sherlock, après tout !) et que la BD a le bon goût d'être moins lourdingue que moi et de n'utiliser le terme "élémentaire" qu'une seule fois... et il n'est même pas destiné au "cher Watson", qui plus est!

Élément Air

L'air... le vide, les espaces. Puis son absence, l'encombrement, l'étouffement. Benoît Dahan aime jouer avec l'aération de ses planches, tantôt épurées tantôt surchargées. Dans cette bande dessinée, il existe un dialogue constant entre le fond et la forme, le propos et la façon de le transmettre. C'est bien là (et de loin) ce qui m'a le plus fasciné : on sent une vraie interaction entre l'écrit et le dessiné. On a sans cesse l'impression d'assister à un florilège d'idées originales en termes de mise en page, de forme de cases, de colorisation et, à chaque fois, lesdites idées sont pertinentes par rapport au propos, comme si écriture et dessin se complétaient et qu'aucun des deux n'était davantage au service de l'autre. Dahan est sans conteste un très bon dessinateur avec une patte personnelle et qui nourrit un goût particulier pour la très saine activité consistant à "se jouer de" et "jouer avec" tous les codes du neuvième art. Tantôt les cases s'organisent comme les vitres d'une fenêtre d'esthétique victorienne, tantôt elles se désagrègent pour sous-entendre les effets d'une drogue, tantôt elles s'organisent toutes autour d'une image centrale qui elle n'est pas cerclée de son bord noir... chaque planche offre une trouvaille ou une audace visuelle. Mais ce n'est jamais gratuit : cela vient toujours se mettre au service de l'idée développée par le scénario de Lieron : on est dans la tête de Sherlock Holmes !
Pour figurer le fil des pensées du grand homme, les pages sont littéralement parcoures d'un fil rouge, symbolisant la piste suivie par nos enquêteurs. Fil rouge passant entre les cases, s'enroulant autour d'elles, accrochant de petits inserts en médaillon représentant chaque indice collecté. Très vite, il nous accompagne et nous indique naturellement, inconsciemment, le sens de lecture de ces planches à l'anatomie bédéistique si particulière.

Élément Feu

Le feu... celui de la passion qui anime les auteurs !
Le papier, de sa couleur sépia à son grammage, donne l'impression de tenir entre vos mains un ouvrage plus précieux que les 14 € que vous aurez déboursés pour vous le procurer.
Chaque environnement a droit à sa teinte dominante (par exemple, les pensées de Holmes, dans sa mansarde, ont une dominante bleue ; là où le théâtre est majoritairement d'un rouge rappelant les lourds rideaux de velours).
Le physique anguleux de ce Sherlock est très clairement inspiré de celui de Peter Cushing (à qui le livre est d'ailleurs dédié), interprète du personnage dans Le chien des Baskerville produit par la Hammer en 1959.
À plusieurs reprises, de petites trouvailles amusantes vous demandent de "jouer" avec l'objet-livre en vous suggérant, par exemple, de rapprocher deux parties d'une même image à deux pages différentes (en recourbant les pages pour qu'elles se touchent)... un peu comme Holmes rapproche deux idées éloignées pour créer un lien entre elles. À dire vrai, j'aurais même apprécié avoir encore un peu plus de ces petits "jeux" tant ils sont originaux et bienvenus. Et pourtant, je ne suis guère friand de cela en temps normal. 
Tout dans cet ouvrage semble avoir été longuement réfléchi afin de faire mouche. Bien des trouvailles ayant forcément nécessité réflexion et temps prouvent qu'il ne s'agit pas là de ce que l'on pourrait appeler une "œuvre alimentaire" comme il en existe trop, mais bien d'un travail d'amoureux de la bande dessinée.

J'ai bien décelé trois erreurs orthographiques et une petite coquille maladroite dans l'album mais je ne doute pas que cela sera corrigé dès la seconde édition. Car oui, j'ose espérer que les bédéphiles auront assez de pénétration et de sagacité pour voir en cet album une des bonnes surprises du rayon BD en cette année 2019, j'ose espérer que les ventes seront à la hauteur de l'investissement et de la passion des auteurs ! 
Pour ma part, j'attends la suite avec impatience, tant pour connaître la conclusion de cet épisode que pour être témoin des nouvelles inventions graphiques de ce dessinateur plein de personnalité.
Et là, mon regard est attiré à nouveau par la couverture... Il semble que L'affaire du ticket scandaleux soit le titre d'un épisode... Se pourrait-il alors que Dans la tête de Sherlock Holmes soit promis à devenir une série comprenant maints chapitres ?
Si c'est le cas, on est preneur !




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une adaptation de Sherlock Holmes respectueuse du matériau original.
  • Une utilisation (et un détournement) des codes de la bande dessinée au service du récit.
  • Une intrigue intéressante.
  • Une charte graphique attrayante.
  • Un bel objet atypique.

  • Quelques rares coquilles.
  • Il faut attendre pour lire la conclusion de l'enquête...
  • Il eut peut-être été amusant de pouvoir encore un peu plus jouer au détective...
  • Non, rien d'autre... vraiment ! Si vous aimez la BD, lisez-moi ça ! Et au trot !