The Endless
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The Endless est un film de Justin Benson et Aaron Moorhead.
Pour vous donner une idée de l'ambiance, regardez la bande annonce... ou pas.
Les deux réalisateurs sont américains, tournent des films un rien fauchés (par rapport aux budgets habituels des productions US) et se permettent ici le luxe d'interpréter eux-mêmes (de façon convaincante, ma foi) les deux protagonistes de l'histoire fantastique qu'il vont nous narrer.

Une histoire fantastique ne fait pas toujours une fantastique histoire


La couverture du boîtier...
Ne rêvez pas, ce genre d'effet très classe est
moins coûteux à réaliser sur une image statique!
Ah ça, j'ai déjà rédigé des paragraphes dont l'intertitre était moins parlant que ça, je l'avoue! Mais l'histoire est bien le problème de ce film, selon moi, car tout le reste tend à prouver qu'il est possible de s'en sortir avec peu de moyens pour produire une œuvre cinématographique tout à fait recommandable !
Commençons donc par les nombreuses qualités du film avant d'aborder ce qui (me) fâche.

L'image du film est agréable. Un filtre vaguement sépia semble appliqué de façon plus ou moins insistante à l'ensemble, donnant une touche un peu hors du temps à l'image ; ce qui colle bien au propos, comme on le verra. De plus, la plupart des images de nuit furent tournées en journée puis assombries. Cela donne des images très contrastées et très lisibles malgré l'obscurité ambiante de certains passages.

Les effets spéciaux, quant à eux, sont suffisamment subtils et imaginatifs pour que l'on ne sente pas trop l'indigence financière qui frappe cet aspect du long métrage, et c'est de façon assez intelligente que les deux comparses vont toujours nous présenter les traces du fantastique à travers des biais nécessitant des artifices peu coûteux. Tantôt la menace est dessinée, tantôt elle est suggérée, tantôt elle n'est que ténèbres, voire même ouvertement "cheap" à l'image, afin d'exposer un fantastique un peu troublant par ses effets inattendus.
Les seuls vrais effets potentiellement un peu coûteux apparaissent vers la fin du film et sont des compositions d'images en profondeur, un procédé superposant des images existantes à d'autres, loin de la création d'images de toutes pièces (CGI) dont les productions américaines usent et abusent de nos jours. Trois personnes y travaillèrent... vous voyez qu'on n'est pas dans un état d'esprit de blockbuster, là ! Je ne suce pas tout cela de mon pouce, c'est expliqué dans un intéressant making of d'une trentaine de minutes disponible sur le Blu-ray distribué par Koba Films (au prix de 14,99€) qu'il m'a été donné de voir.

Une mention spéciale est à décerner à l'ambiance sonore (par Yahel Dooley) et musicale (par Jimmy Lavalle). Le son habille habilement la créature invisible qui menace les héros du film et la musique qui semble composée d'autant de bruits que de notes parvient à transmettre tant d'émotions que je me suis parfois demandé ce qui resterait d'elles si on ne se fiait qu'au jeu des acteurs.

En effet, loin d'être dénués de talent, ceux-ci restent quand même souvent cantonnés à de grosses ficelles (le regard perdu dans le vide pour le questionnement philosophique, les lèvres entrouvertes pour la femme désirable...). Mais allez, soyons cléments et ne faisons pas la fine bouche : globalement, le jeu des comédiens me semble tout à fait honorable, allant du correct au vraiment réaliste selon les cas... ma préférence allant néanmoins à un personnage que l'on voit (trop ?) peu et dont le mélange de détresse et de colère est presque palpable, comme on dit chez Télérama quand on n'arrive pas à trouver une formule plus alambiquée.

Petit clin d’œil de ma part au comédien qui tire le plus son épingle du jeu malgré la brièveté de son rôle. 

C'est l'histoire de deux frangins qui avaient fui une secte... 


Le film commence quand Aaron (joué par Aaron) reçoit une mystérieuse cassette du camp Arcadia, une sorte de secte d'amateurs d'OVNI dont lui et son grand frère Justin (joué par... Justin) se sont enfuis dix ans plus tôt parce que Justin pensait qu'ils s'acheminaient vers un suicide collectif. 
OK, le pitch initial est aussi joyeux qu'un requiem mais avouons que Justin avait pris là une décision on ne peut plus sensée... que son petit frère lui reproche pourtant !
C'est que notre Aaron était trop jeune à l'époque de leur fuite, il ne garde du camp que des souvenirs heureux et il en veut à son frangin de les avoir arrachés à une vie simple, saine et peuplée de gens aimants, au profit d'une vie moderne insipide, compliquée et solitaire. Ah, ces jeunes ! Jamais contents !

Par contre, force est de constater que les membres du camp, pour des gens supposément suicidaires, semblent plutôt en bonne santé sur la vidéo... Alors, pour aider Aaron-le-pleurnichard à faire son deuil de cette "vie de rêve" dont il se souvient à peine, Justin-le-meilleur-grand-frère-du-monde accepte de l'emmener passer un jour et une nuit à Arcadia, histoire qu'il puisse, cette fois, en partir en faisant ses adieux et non s'enfuir nuitamment sous les regards d'une presse locale admirative, comme dix ans auparavant.

Ils sont accueillis bien gentiment par des gens qui, apparemment, n'ont pas pris une ride en une décennie et semblent péter la forme... mais bon, c'est l'air frais de la campagne, ça, ma bonne dame ; c'est plein de bonnes choses qui tendent les tissus de la peau et qui assurent un transit optimal !

Le camp est au bord d'un lac, dans une région boisée et très isolée ; l'ambiance y est un peu pesante et le film s'installe lentement, tissant peu à peu les rapports entre tous les personnages. Cette première partie est sans conteste une réussite. Les rapports humains y sont décrits avec précision et l'on a plus l'impression d'une sorte de documentaire captant des instants de vie que d'un film déroulant un scénario préétabli ; ce qui, pour cette première partie, est absolument idéal : ça renforce le trouble et on se prend à se dire qu'aucun plan, aucune image, aucun moment n'est fait pour nous mettre parfaitement à l'aise au sein de cette communauté "trop polie pour être honnête".

Bientôt, Aaron et Justin vont découvrir que d'OVNI il n'est point question mais que des vidéos et des photos des membres du camp et d'eux-mêmes sont trouvées de-ci de-là dans les environs. Eux-mêmes trouvent une cassette vidéo au fond du lac qui semble apparemment habité par un monstre... et là, ça commence gentiment à spoiler donc je vais arrêter de trop dévoiler l'intrigue. Pourtant, c'est aussi là que ça commence selon moi à coincer.

Oh oui, les mecs, les gens du camp en savent bien plus que vous ! Oh oui, ils vous en veulent tous de les avoir fui et
d'avoir donné d'eux à l'extérieur une image peu flatteuse de secte "ufolâtre" (et oui,
j'invente des mots si je veux !). 

Mais pourquoi donc suis-je fâché avec l'histoire, alors ?


À cause du traitement réservé au fantastique. Parce que j'aime ce genre et que j'apprécie assez peu qu'il soit utilisé comme il l'est ici.
Alors oui, je sais : la critique est quasi unanime, au sujet de ce film ; le fantastique, c'est le doute ; le fait qu'il revendique dès le début sa filiation lovecraftienne annonce d'emblée un fantastique assez... "indicible", pour reprendre le mot préféré de cet auteur lorsqu'il s'agissait de (ne pas) qualifier les horreurs entrevues par ses personnages. Mais bon... permettez quand même que j'estime qu'il y a parfois des pieds au Cthulhu qui se perdent!

Le film commence en mettant en exergue sur fond noir une citation de l'auteur Howard Phillips Lovecraft, le papa du désormais fameux mythe de Cthulhu, justement : "L'émotion la plus ancienne et la plus forte, c'est la peur, et la peur la plus ancienne et la plus forte, c'est la peur de l'inconnu."
Ben voyons ! L'inconnu... ah ça, pour être inconnu, c'est inconnu !

Je ne vais pas vous gâcher le plaisir du visionnage de la seconde moitié de ce film qui, pour bancale qu'elle semble être à mes yeux, pourrait tout à fait plaire à un spectateur n'ayant pas les mêmes exigences que moi en termes de fantastique. Après tout, les qualités filmiques initiales restent les mêmes. Mais permettez-moi juste, en restant flou, de soulever deux ou trois choses.

Voilà la tête de Justin après avoir plongé dans le lac et rencontré
ce qu'il qualifie de "monstre"... il n'en reparlera pourtant plus et ne semblera
guère traumatisé au-delà des deux minutes qui suivront. Logique !  
On a donc des photos et des enregistrements qui apparaissent comme des bonus dans un jeu vidéo.

On a une créature invisible de taille apparemment assez conséquente qui agit sur le réel sans pourtant sembler soumise aux lois qui affectent notre monde.

On a aussi, comme si ça ne suffisait pas, de nombreuses boucles temporelles de longueurs variables et circonscrites géographiquement par des repères ressemblant à de petits totems.
Toutes ces boucles sont présentées comme autant de prisons au sein desquelles on est libre d'agir comme on le souhaite mais dont on sait qu'elles vont inexorablement nous "rebooter" à intervalles réguliers (l'une d'entre elles permettant aux gens du camp Arcadia de ne pas vieillir, virtuellement, puisqu'ils sont coincés à une certaine époque).

Oui, ça fait pas mal de thèmes fantastiques. Mais ce ne serait rien si tous étaient liés... ce que l'on ne peut malheureusement que supposer.
On nous suggère assez ouvertement que la créature invisible est à l'origine des nombreuses photos et vidéos trouvées un peu partout. Au moins, ça fait un mystère partiellement levé. Mais c'est le seul qu'il eut à mon sens fallu garder mystérieux tant cette manie de filmer ou prendre en photos des humains captifs de boucles temporelles ridiculise cette créature... on nous la présente comme une force dévastatrice qui pourrait être particulièrement angoissante, mais on ne parvient plus à voir en elle autre chose qu'une sorte d'entité surnaturelle passionnée de télé-réalité... et ça discrédite pas mal la soi-disant inspiration lovecraftienne, non ?
On ne connaît absolument pas le lien qui unit la créature aux boucles temporelles. Les a-t-elle créées ? Ce serait vraiment une capacité extraordinaire qui pourrait amplifier l'aura de terreur qui émane d'elle, mais... non. Si ça se trouve, elle se baladait par là et est tombée sur ce phénomène rigolo. Alors elle s'est posée un moment pour suivre le programme et est devenue accro, comme un téléspectateur lambda devant une émission de Cyril Hanouna.

Voilà. C'est le fameux monolithe qui est sans doute important
dans la vie de la créature mais qui apparaît environ
deux secondes en tout et pour tout. 
Ajoutez à ça une sorte de totem indien gigantesque sorti de nulle part et un monolithe sculpté, et vous commencez à envisager le patchwork que nous offre la deuxième partie du film. Ledit monolithe est d'ailleurs dessiné à un moment par un des personnages et, sur ledit dessin, des formes étranges semblent l'envelopper ou en sortir... ces formes seraient-elles la créature ? Sans doute, oui. Que faut-il en conclure ? Rien ? Tout ? C'est son ancrage dans notre monde ? C'est son incarnation physique ? C'est une statue devant laquelle on l'a invoquée ? C'est ma grand-mère qui joue aux osselets sur le dos d'un poney ? Aucune idée !

Et tant qu'on y est, poussons le raisonnement un peu plus loin au sujet de ces fameuses boucles temporelles, vu qu'au sein de la rédaction, tous ces machins de voyages dans le temps, ça nous plaît beaucoup (cf. cet article ainsi que nos sélections UMAC 1 et 2 sur les voyages dans le temps au cinéma)... et qu'en plus, je vais m'en servir pour vous expliquer définitivement ce qui m'a déplu.
Les boucles temporelles suivent une logique proche de celles de Un jour sans fin (Groundhog day de Harold Ramis, la très sympathique comédie fantastique avec l'excellent Bill Murray) dans lequel le temps s'écoule au sein d'un espace-temps limité avant de revenir à son point de départ. Sauf que l'intérêt de Un jour sans fin réside dans le fait que seul le personnage interprété par Murray se souvient des boucles antérieures et qu'il peut donc à loisir tenter maintes façons de gérer cette journée qui n'en finit pas mais qui, pour son entourage, n'est qu'une journée comme les autres. C'est une configuration idéale pour une comédie puisque ça permet de gérer de façon de plus en plus drôle et absurde des situations vues maintes fois. C'est un principe de variations sur un même thème, en sorte.

Le regard terrifié et dément de "l'homme de la tente",
dont le supplice reste le moment
le plus angoissant du film.
Dans The Endless, tous les personnages sont des Bill Murray. Ils ont tous conscience d'être pris dans une boucle temporelle et ont donc tous conscience de leur emprisonnement.
L'idée est très intéressante, d'un point de vue émotionnel, dans un film se voulant angoissant car cela offre une forme d'enfermement assez inédite.
Dans le camp, la boucle est tellement longue que l'on peut y voir une façon d'accéder à une sorte de vie éternelle. Mais ailleurs, on voit des boucles tellement courtes ou dramatiques qu'elles ne sont que torture permanente pour les pauvres bougres qui y sont coincés, certains qu'ils sont de répéter sans cesse leur disparition et leur réapparition à une vitesse effrénée, sans plus rien pouvoir vivre d'autre.
Il y a là une idée absolument géniale pour un film d'horreur que cette menace de vivre en boucle, encore et encore, non pas le même mois, le même jour ou la même heure mais les dix mêmes secondes... jusqu'à la fin des temps... en en ayant conscience ! C'est d'ailleurs à mon sens le moment le plus terrifiant du film : celui où l'on comprend la vie de ce pauvre homme, dans sa tente, dont la boucle minuscule lui fait vivre un enfer inimaginable.

Dans un film de genre de qualité, c'est cette menace que l'on aurait dû craindre pour nos héros, la perspective absolument effroyable de vivre en boucle pour l'éternité deux ou trois secondes d'horreur. Voilà un véritable danger bien plus impressionnant que l'espèce de voyeur invisible que l'on nous offre comme ennemi à fuir à tout prix.
Mais non. Aaron et Justin se promènent entre les boucles temporelles sans jamais rester jusqu'à la fin d'une d'entre elles et sans jamais, donc, y rester coincés. Ils sont des spectateurs vaguement angoissés regardant le calvaire d'autres humains pris au piège, comme si ce danger ne les guettait pas eux-mêmes au nom de leur protection blindée en scénarium.
Pourquoi ça ? Parce que ce n'est pas à ça que sert ici le fantastique, ce n'est pas comme ça que les deux réalisateurs l'emploient... et c'est là que je me fâche.

Aaron constatant tout comme nous qu'il peut s'aventurer hors de la boucle...
Jamais il ne semble d'ailleurs risquer d'y être coincé.
Pour moi, le fantastique est une fin en soi. L'histoire doit le nourrir jusqu'à ce que l'on comprenne sa mécanique interne, sa logique qui (pour effroyable qu'elle puisse être) finit par acquérir un sens. Un sens souvent odieux, illogique, malsain, contraire à toute forme de raison, mais un sens implacable tendant vers une fin inéluctable et alimenté par un objectif clair et compréhensible.
À la limite, lorsque c'est bien fait, j'admets que le fantastique puisse parfois faire quelques pas de recul et se mettre au service du récit, n'être plus qu'un outil de narration.
C'est le cas ici. Dans The Endless, le fantastique n'est qu'un outil au service du propos du film. Il sert à mettre en évidence la valeur d'une vie certes pénible et amenant irrémédiablement au trépas mais authentique et concrète, plutôt qu'une hermétique existence sans fin certes rassurante mais artificielle... du coup, on voit l'utilité de la boucle temporelle du camp Arcadia qui tente longtemps Aaron pour son confort. On comprend moins l'intérêt des autres boucles et c'est quand on pense à la créature que l'on se rend compte que le fantastique ici n'est qu'un prétexte, une astuce, une anecdote dans l'histoire de la vie de deux frères...

Mais le fantastique, même utilisé comme simple outil, doit néanmoins toujours à mes yeux être traité avec tout le respect que mérite cet outil si on veut qu'il fonctionne. Il doit créer le doute, puis la tension, la peur et laisser subsister le doute même après sa potentielle disparition.
Ici, les deux réalisateurs prennent à deux mains la délicate clé à cliquet (chez moi, en Belgique, on appelle ça un "racagnac" !) qu'est le fantastique et la fracassent à plusieurs reprises contre une tête de clou en hurlant : "Tu vas rentrer, oui, saleté ?"
Le fantastique est ici un bidule mal maîtrisé dont on use pour combler les vides de l'histoire en mode "vas-y-que-je-te-raconte-n'importe-quelle-connerie-et-les-gens-inventeront-un sens-au-bidule-selon -leurs-goûts".
Et ça, en amateur de vrais récits fantastiques, je ne pouvais l'admettre. Que ce genre et cette idée si prometteuse de boucle temporelle où l'on est conscient de ses multiples sauts en arrière soient si peu et si mal exploités est une injure. Ce monstre sans queue ni tête, sans logique ni volonté claires, sans réelle autre raison d'exister que celle de bêtement foutre une créature dans l'histoire, est un vulgaire remplissage tout ce qu'il y a de plus vain.

Voilà pourquoi je suis déçu. Livrez-moi le même film avec l'unique boucle temporelle du camp, une explication vaguement logique au phénomène et retirez toutes les autres traces de fantastique et je signe à deux mains ! L'histoire de ces frangins, en dehors de ça, avait tout pour me plaire.
Mais là, mon goût pour ce genre s'est senti insulté. On ne remplit pas plus les creux d'une histoire avec des indices de fantastique sans aucune logique ni aucun objet qu'on ne le ferait avec des bribes d'une enquête policière sans résolution ou avec des débuts de romance sans concrétisation ni séparation.

Voilà. Première moitié du film : une réussite. Une parfaite maîtrise de l'étrange, des tensions, du rapport entre les frères...
Deuxième moitié... sans moi, merci ! Elle se termine d'ailleurs avec des prises de décision en contradiction totale avec tout ce que les héros ont montré d'eux jusqu'alors, et des dialogues faisant partie des plus mauvais qu'il m'ait été donné d'entendre dans une scène finale depuis que je suis en âge de regarder des films.

Si toutefois vous connaissiez ce film et que vous y aviez vu plus que moi. Si vous tenez à le défendre, si je suis un abruti n'ayant rien compris, n'hésitez pas à commenter cet article sur la page facebook UMAC. C'est avec plaisir que je bavarderai avec vous pour y recueillir vos avis.


 Regarde, Justin ! C'est la fameuse page du scénario qui explique ce qu'est vraiment la créature qui rôde dans le coin.
 Laisse donc ça où tu l'as trouvé, Aaron ! On n'en aura pas besoin, je t'assure ! On dira que c'est au public de l'imaginer.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un film visuellement très sympa malgré le petit budget.
  • Une maîtrise évidente du rendu de la tension, de l'angoisse.
  • Une idée très intéressante que cette pseudo-secte.
  • Les boucles temporelles courtes traitées comme autant de tortures.
  • Le jeu des comédiens assez convaincant.
  • Le genre fantastique mal maîtrisé, mal compris ou juste traité sans aucun respect.
  • Le remplissage des creux de narration avec du fantastique n'ayant aucune raison d'être.
  • La psychologie des personnages de moins en moins crédible au fil du film.
Savage Avengers : étonnant et détonnant !
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La nouvelle déclinaison de la franchise Avengers est pour le moins... surprenante.

Une preview de la nouvelle série de Marvel, Savage Avengers, a été dévoilée tout récemment. Au niveau des auteurs, l'on retrouve Gerry Duggan au scénario et Mike Deodato au dessin. Mais c'est surtout la composition de l'équipe qui a fait son petit effet.

Et pour cause, les personnages sélectionnés n'ont pas vraiment le profil habituel des Avengers. L'on découvre, au sein du groupe : Venom, Brother Voodoo, Wolverine, Elektra, le Punisher et surtout... Conan le Barbare !

Autant dire que c'est plutôt étrange, car même si les Dark Avengers (que l'on vous a présentés dans cet article) puisaient déjà dans des personnages borderline, voire carrément des super-vilains, il s'agissait d'un subterfuge (Bullseye par exemple se faisait passer pour Hawkeye). Là, chaque protagoniste joue son propre rôle, et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on s'éloigne franchement de l'équipe "type". Sans parler du côté anachronique généré par la présence de Conan.

En ce qui concerne le pitch, il tourne justement autour de l'univers (cf. cette Parenthèse de Virgul) du Cimmérien : les sorciers de l'époque du barbare ont trouvé le moyen de magouiller avec les adeptes de la Main. Ce qui, du coup, génère la création de cette équipe de choc pour les contrer.

Disponible le 1er mai en VO.
40 pages pour 4,99 dollars.


Cobra Kai - Saison 2
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YouTube vient de lancer la suite de son excellente série Cobra Kai !

Nous vous avions longuement parlé l'année dernière de Cobra Kai (cf. cet article), une série reprenant les personnages principaux de la saga Karaté Kid. La saison 2 vient tout juste de débuter, avec notamment le grand retour de John Kreese, ce qui devrait largement pimenter la rivalité entre Johnny Lawrence et Daniel Larusso.

Bon, pour être honnête, le premier épisode de cette deuxième saison s'ouvre sur un combat un peu poussif et très éloigné de l'aspect plus "réaliste" des confrontations présentes dans la saison 1. M'enfin, ce n'est pas une raison suffisante pour ne pas se ruer sur cette suite.

Rappelons que Cobra Kai s'éloigne très largement du manichéisme de Karaté Kid et se permet même le luxe d'inverser les rôles (Lawrence étant bien plus sympathique que Larusso) grâce à une écriture habile et intelligente.

Le premier épisode est disponible en accès libre, par contre, pour profiter de la suite, il vous faudra prendre un abonnement Premium.


Gros Plan sur les Dark Avengers
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Les Avengers sont actuellement sur le devant de la scène avec la sortie de Endgame, mais saviez-vous qu'une équipe de super-vilains les avait remplacés il y a quelques années ?
Tout de suite, on se penche en détail sur les Dark Avengers !

Après l'évènement Secret Invasion, l'univers Marvel bascule dans le Dark Reign (cf. notre chronologie Marvel). L'on assiste alors à l'avènement de Norman Osborn (alias le Bouffon Vert), qui va passer aux yeux de la population pour un héros et devenir le responsable de la sécurité des États-Unis. À ce titre, il prend la tête du HAMMER (organisation qui remplace le SHIELD, dissout) et fonde une nouvelle équipe de Vengeurs, dont les membres proviennent en grande partie des Thunderbolts (une équipe d'anciens super-vilains repentis) dont Osborn avait la charge.

Intéressons-nous maintenant à la composition de cette équipe de Dark Avengers. Osborn, plus manipulateur que jamais, a réussi à réunir du lourd, usurpant, par la même occasion, l'identité d'anciens héros.
Spider-Man est ainsi en réalité Venom ; Hawkeye n'est autre que Bullseye ; la nouvelle Ms. Marvel est en fait Opale (Moonstone) ; et le rôle de Wolverine est assuré par son propre fils, Daken. Il faut encore ajouter au groupe Sentry (cf. cette Parenthèse de Virgul), Arès (ce sont bien les vrais cette fois) et Noh-Varr, qui se fait maintenant appeler Captain Marvel.
Outre ces sept surhumains, précisons qu'Osborn lui-même n'est pas négligeable dans son armure d'Iron Patriot (sorte d'amalgame entre Iron Man et Captain America).
Autrement dit, l'équipe a carrément du potentiel, surtout avec des poids lourds comme Sentry ou Arès.


Dark Avengers, c'est aussi bien entendu une série, publiée à partir de 2009 et comprenant 16 numéros et un annual. L'on retrouve au scénario un Brian Michael Bendis (cf. notre dossier sur cet auteur) en grande forme, quant à la partie graphique, elle est assurée par Mike Deodato, qui va livrer des planches à l'esthétique poussée, flirtant parfois avec le sublime, et au découpage travaillé.
En France, ces épisodes furent publiés par Panini, à partir d'octobre 2009, dans le mensuel Dark Reign.

Outre des scènes de combat parfois spectaculaires, la série est marquée par le traitement habile des personnages, notamment leurs relations souvent houleuses et empreintes de cynisme. L'aspect psychologique est assez poussé, que ce soit pour Sentry dont on connaît les problèmes de schizophrénie, mais aussi et surtout Osborn, qui ressort certes vaincu de sa grande épopée, mais également grandi tant son génie, sa cruauté et sa capacité à influencer même de vieux briscards sont ici mis en avant. Et le tout est parsemé de quelques vannes, histoire de faire bonne mesure.


L'une des premières missions des Dark Avengers consistera à porter secours au Docteur Fatalis, souverain de Latvérie, qui subissait alors une attaque de la part de la Fée Morgane. En effet, Osborn ne pouvait rester l'arme au pied en assistant à la destruction de l'un de ses alliés. Rappelons que Fatalis était alors membre de la Cabale (sorte de "dark" Illuminati, cf. la note en bas de cet article), un groupe ésotérique fondé par Osborn et également composé à l'origine de Loki, The Hood, Namor et Emma Frost.

Les Dark Avengers vont être démantelés après la chute d'Osborn, marquant la fin de l'évènement Siège. Il s'agit d'une énorme confrontation entre les forces dirigées par Norman Osborn et Asgard, appuyé par ses alliés.
Une nouvelle équipe sera toutefois formée plus tard (après la saga Feat Itself), avec l'appui de l'AIM et de l'Hydra. Elle comprendra un "Wolverine" (Gorgone), un "Hulk" (Skaar, cf. Planet Hulk et ses suites), une "Ms. Marvel" (Deidre Wentworth), un "Hawkeye" (Trickshot, le propre frère de Clint Barton), un "Spider-Man" (en réalité une divinité péruvienne), une "Sorcière Rouge" (June Covington) et un "Thor" (Ragnarök, un clone de Thor déjà utilisé pendant Civil War).

Comme souvent en fiction, le côté "sombre" a son charme et ses avantages. Ces Avengers très "borderline" n'échappent pas à la règle et constituent une équipe aussi fascinante que redoutable.
Qui sait si elle ne se reformera pas de nouveau un jour ?


De la Soumission à l'Ordre Établi (feat. Dark Vador)
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Quand une petite fille démontre que l'on peut être à genoux et demeurer insoumis.


Avez-vous vu la vidéo de cette petite fille qui fait allégeance à Dark Vador, à Disneyland, lors d'un spectacle Star Wars ? C'est facilement trouvable sur YouTube. Elle s'appelle Sariah Gallego, elle a huit ans (avait huit ans en tout cas au moment des faits), et elle est absolument géniale.

La première fois que j'ai vu cette vidéo, j'ai cru que la gamine était impressionnée (elle est censée combattre Vador), ce qui serait aisément compréhensible, étant donné le public, le décor, son jeune âge, l'aura de Vador, etc.
En réalité, il n'en est rien. Une interview, très douce et sympathique, a pu nous démontrer, quelque temps plus tard, que Sariah était non seulement une fan absolue de Star Wars (elle possède des centaines de figurines articulées !) mais qu'en plus, elle avait largement préparé son coup. Elle a tout simplement décidé d'être un Seigneur Sith, ce qui, à son âge, est un petit exploit.

Entendons-nous bien, basculer du côté obscur n'a rien de bien réjouissant, pas dans la vraie vie en tout cas, mais ici (un combat arrangé où l'on fait monter le jeune public sur scène), il convient de décrypter un peu l'attitude de l'enfant.
Imaginez un peu. Vous avez huit ans. Vous êtes entourés d'adultes qui, pour vous, ressemblent à des géants, vous participez à un spectacle bien mis en scène, très calculé, dans lequel l'on attend que vous teniez un rôle précis et évident. Il faudra jouer au gentil, au Jedi, comme naguère l'on préférait tenir le rôle du cowboy plutôt que de l'amérindien, ou de l'Américain plutôt que de l'Allemand. Le tout sous le regard de la foule, complice.
Résister à ce genre de phénomène, de règle sociale tacite, est aussi peu évident que de proclamer tout à coup que la Terre est ronde alors que les autorités en place la pensent plate. Et pourtant, dans l'esprit sans malice de cette petite fille, dégourdie et courageuse, une idée a germé. Puisque ce sont toujours les Jedi qui gagnent, pourquoi ne pas rejoindre le camp adverse ?

L'attitude peut s'expliquer. Il ne s'agit pas de politique (l'enfant n'a pas envie de faire le Mal au sens où l'on pourrait l'entendre) mais d'empathie. Prendre parti pour le perdant, le faible, celui qui est critiqué et montré du doigt, est finalement une attitude digne et respectable, aussi précieuse que rare.
Et combien d'adultes peuvent s'enorgueillir de pouvoir le faire ?
Combien, quand tous choisissent un chemin facile, vont affronter la jungle et se frayer une voie à coups de machette ? Combien, alors qu'un individu est raillé, laissé de côté, montré du doigt, pourront faire fi de l'opinion des autres et lui tendre la main ?
S'agit-il vraiment ici d'un simulacre d'allégeance ou bien d'un pied de nez, extraordinaire, à un système de prêt-à-penser qui nie aux individus jusqu'au droit de raisonner en dehors de certains dogmes ?


C'est, à partir d'une petite bravade d'enfant, faire beaucoup d'extrapolations, sans doute.
Mais si l'on regarde, à travers l'Histoire ou les expériences scientifiques, la soumission des individus à l'autorité, réelle ou supposée, Sariah est non seulement une exception mais même une chance.
Attention, ne nous méprenons pas. Le respect de règles communes et d'une autorité est évidemment indispensable dans une société. Même Stanley Milgram, qui a mené à ce sujet des expériences faisant froid dans le dos (on peut notamment en voir un bref aperçu dans le film I comme Icare, dans lequel des cobayes pensent envoyer des décharges électriques, sous l'autorité d'un scientifique, à un pauvre bougre qui doit mémoriser des couples de mots), n'a jamais remis en cause cette nécessité.
Revenons tout de même un instant sur le processus de l'obéissance (faire ce que l'on attend de nous). Le premier stade d'obéissance est appelé état agentique. L'individu cesse d'agir en tant qu'entité pensante et devient l'agent d'une autorité qu'il respecte (personne n'aura l'idée saugrenue d'obéir à une autorité jugée néfaste ou incapable). Plus les agissements exigés de l'autorité sont en décalage par rapport à la morale de l'individu, plus l'individu compense par un niveau élevé d'anxiété. Néanmoins, il ne peut pas, de but en blanc, cesser d'obéir, car cela serait alors admettre, même à un niveau inconscient, qu'il avait tort, dès le départ, de suivre certains ordres.


— La disparition de la notion de responsabilité est la plus lourde conséquence de la soumission à l'autorité.

Stanley Milgram


Pour marquer le désaccord sans pour autant désobéir et ne plus suivre la norme, les individus peuvent simplement ricaner, développer des mécanismes de négation de la réalité ou même aider, en secret, les "victimes" de leur soumission à l'autorité.
Lorsque la tension liée au conflit résultant de la confrontation entre la morale individuelle et l'obéissance à l'autorité ne peut plus être baissée artificiellement grâce à des "soupapes" improvisées, l'obéissance cesse.
Milgram insiste notamment sur le fait que de tels conflits, et de tels processus d'obéissance, ne sont pas forcément générés par des sociétés exclusivement dictatoriales mais peuvent l'être, bien également, par des sociétés dites "démocratiques".

L'expérience de Stanford (du nom de l'université dans laquelle elle se déroula), si elle se limite au milieu carcéral, n'en est pas moins également édifiante. Il s'agissait de faire jouer le rôle, à 18 sujets, de prisonniers et de gardiens. Ils furent tous sélectionnés pour leur maturité et leur stabilité émotionnelle.
L'expérience devait durer deux semaines, elle s'arrêta au bout de seulement six jours. Tous les participants prirent rapidement leur rôle au sérieux. Un tiers des gardiens fit preuve de sadisme, deux prisonniers durent être évacués avant la fin de l'expérience en regard des traumatismes subis. Parmi les cinquante personnes qui encadraient ou avaient connaissance de l'expérience, une seule s'opposa, pour des raisons morales, à sa poursuite, ce qui permit d'y mettre fin alors que les conditions étaient déjà très fortement dégradées.

Dès le deuxième jour, il y eut une révolte, suivie de contre-mesures des gardiens qui se servirent d'extincteurs pour contenir les prisonniers puis, très habilement, les divisèrent en petits groupes afin de leur laisser penser que certains collaboraient plus que d'autres.
Spontanément, les gardiens utilisèrent l'accès aux commodités, tout comme la privation de nourriture, comme moyens de contrainte. Les gardiens allèrent si loin dans leur rôle que leur attitude a aujourd'hui un nom en science comportementale : l'effet Lucifer.
La jeune femme qui permit de mettre fin à l'expérience n'y était en rien liée... elle venait simplement interviewer les participants. Horrifiée par les conditions qu'elle découvrit, elle s'en ouvrit au professeur dirigeant l'étude qui, heureusement, y mit fin avant un quelconque drame.
Le film allemand Das Experiment, sorti en 2001, s'inspire de cette expérience de 1971 et en imagine les pires effets.

Le film Das Experiment explore les possibles conséquences de Stanford si l'expérience s'était poursuivie.

Milgram a démontré une capacité à obéir par rapport à une autorité reconnue. L'expérience de Stanford a démontré qu'une situation précise, avec des consignes vagues, pouvait également conduire un individu à se transformer en tortionnaire, et ce avec une rapidité extraordinaire, simplement parce qu'il pense se conformer au rôle que l'on attend de lui.
L'homme est ainsi fait.
Nous n'avons pour la plupart, contrairement à ce que nous croyons, que peu de réelles capacités à nous soustraire à notre environnement immédiat, à notre culture, à nos croyances, aux autorités que nous connaissons et reconnaissons.
Il est difficile de dire "non".
Il est difficile de se montrer différent.
Dans I comme Icare, c'est notre capacité à désobéir à un ordre inique
 qui est testée. Et vous ? Jusqu'où seriez-vous allé ?
À l'inverse, se laisser porter par le courant a du bon. Cela demande moins d'efforts. Cela permet d'être "comme tout le monde". De ne pas se faire remarquer. Et puis, après tout, arrêter une personne, ce n'est pas bien grave. Conduire un train, ce n'est pas bien grave. Signer un ordre, tenir un registre, rien que de bien normales occupations. Compter des gens. Rien.
Poser des barbelés, bah...
Fermer une cellule, distribuer des pyjamas...
Faire des tatouages. Rien, ou pas grand-chose, à l'évidence.
Ouvrir une valve, ce n'est rien non plus.

Dans ce monde terrifiant qui est le nôtre, une gamine de huit ans nous a donné une raison d'espérer. Sariah n'aurait jamais conduit un train, fermé une cellule, ou même ouvert un putain de robinet. Elle nage à contre-courant, elle se fout de ce qu'on attend d'elle, elle prend ses propres décisions.
Quand la plus terrible des autorités (celle des adultes à l'égard des enfants) l'exigeait, quand la plus terrible des situations (l'attente de la foule) l'exigeait, cette petite fille a dit :  Non ! Je me tape des Jedi. Je suis une Sith !
Beaucoup y voient une occasion de rire. Certains une raison de se morfondre. J'y vois personnellement l'inéluctabilité de la résilience. De l'opposition face aux dogmes. De la résistance face à la pression, voire à l'oppression.
Tant qu'il y aura ce genre de petites filles pour prendre d'autre Voies que celles adoubées par la bienséance, les États et la philosophie dominante, alors nul pays, nulle nation, nul groupe ne pourra imposer, de manière permanente, une domination néfaste quelconque.

Les Jedi ont besoin des Sith, comme le yin a besoin du yang. Non pour trouver une justification à leur existence ou pour s'offrir, de temps en temps, quelques duels joliment chorégraphiés, mais pour maintenir l'équilibre. La mesure. Le juste milieu.
Cette petite fille échappe à Milgram, elle échappe à Stanford, elle échappe à notre raisonnement courant. Non en agissant bêtement mais en nous montrant qu'après tout, tout ne dépend que de nous. Et de nous seuls.
En nous démontrant aussi que l'on peut être petit, que l'on peut même s'agenouiller, et paraître pourtant terriblement grand...

Il est des circonstances où ne plus se conformer à l'ordre établi devient héroïque.



La première version de cet article, I want to be a Sith Lord, a été publiée dans le webzine des éditions WEBellipses.

Logicomix
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Mathématiques fondamentales et philosophie sont réunies dans l'étonnant Logicomix qui retrace le parcours, bien réel, d'hommes cherchant à percer les secrets de l'univers.

Le petit Bertrand Russel est né au Pays de Galles, en 1872. Élevé d'une manière très stricte par ses grands-parents, il grandit à Richmond Park, dans une maison pleine de secrets. Il s'interroge sur l'absence de ses parents, sur les cris qui le terrifient la nuit. Il est intrigué par l'immense bibliothèque de son grand-père et se demande bien pourquoi certains de ses livres sont interdits. Il a besoin de réponses. De logique.
En 1939, alors que le monde s'apprête à basculer dans la guerre, Russel donne une conférence aux États-Unis sur le rôle de la logique dans les affaires humaines. Le petit garçon est devenu une légende, celui qui, en découvrant le paradoxe qui porte son nom, a mis à mal la théorie des ensembles. Celui aussi qui a consacré toute sa vie à chercher les bases logiques irréfutables qui permettraient aux mathématiques de reposer sur de solides preuves et non des axiomes intuitifs.
Devant un auditoire qui réclame son engagement dans le mouvement pacifiste prônant l'isolement des États-Unis et la non-intervention, Russell va conter une histoire extraordinaire. Celle d'une quête de la Vérité qui mènera nombre de chercheurs aux portes de la folie...

Voilà un comic atypique et passionnant. Le concept et l'histoire sont de Christos Papadimitriou et Apostolos Doxiadis. Les dessins sont l'œuvre de Alecos Papadatos. L'ouvrage a été publié en VO par Bloomsbury Publishing, sous le titre Logicomix : An Epic Search for Truth. Il a ensuite été adapté en français, en 2010, par les éditions Vuibert.


Tout d'abord, si vous êtes allergique aux mathématiques, n'ayez pas peur, il ne s'agit pas d'un essai abscons ou d'une sorte de "Logique pour les Nuls", mais bien d'une histoire, avec ses rebondissements, ses moments émouvants et son suspense. Les auteurs nous racontent en fait, essentiellement par le biais des souvenirs de Russell, les péripéties qu'ont connu la logique et les maths, de la fin du XIXème siècle jusqu'à la deuxième guerre mondiale. Pour cela, ils nous font croiser d'illustres personnages (Wittgenstein, Hilbert, Gödel...) et nous présentent certains de leurs concepts les plus importants. Pour ces derniers, s'il est vrai que les Principia Mathematica ne sont pas à la portée du premier venu (même des mathématiciens d'ailleurs), d'autres peuvent aisément se comprendre et rejoignent des notions philosophiques élémentaires.

Prenons par exemple le fameux paradoxe de Russell. Il fait apparaître une faille - de taille ! - dans la théorie des ensembles de Cantor. Un ensemble est une collection d'éléments ayant une propriété commune. Par exemple, l'ensemble des nombres pairs. L'on peut également parler d'ensembles d'ensembles. L'ensemble de tous les ensembles étant un ensemble, il se contient donc lui-même, ce qui ne pose pas de problème. Par contre, l'ensemble de tous les ensembles ne se contenant pas eux-mêmes aboutit à un paradoxe : si l'ensemble des ensembles qui ne se contiennent pas eux-mêmes ne se contient pas lui-même, il doit en faire partie. Et s'il en fait partie, il n'a plus rien à y faire.
C'est un peu comme le paradoxe du barbier qui doit raser uniquement les habitants d'un village qui ne se rasent pas eux-mêmes alors qu'il habite le même village. En toute logique, il ne peut ni se raser, ni ne pas se raser.
Bien entendu ce genre d'apories peut paraître absurde, car, intuitivement, chacun comprend qu'il existe surtout un problème d'énoncé auto-référentiel, mais lorsqu'il s'agit de trouver un langage universel pour soutenir les domaines scientifiques et prouver leur efficacité et la validité de leurs raisonnements, cela devient tout à coup essentiel.


Ludwig Wittgenstein, sous la plume de Apostolos Doxiadis.

— Les choses dont on ne saurait parler logiquement... sont les seules qui soient vraiment importantes.





Les auteurs réussissent, en plus de 330 pages, à suffisamment élargir leur propos afin de ne laisser personne sur le bord des planches. L'on parle de mathématiques, certes, mais aussi de philosophie, de libre-arbitre, de mysticisme et même de théâtre classique... autant de domaines qui s'entremêlent et tissent une toile intellectuelle impressionnante.
La thèse des auteurs, selon laquelle la plupart des grands logiciens étaient prédisposés à la folie, semble audacieuse mais souligne la nécessité, pour penser "autrement", d'être, sinon psychotique, du moins sacrément en dehors des normes.
Au niveau graphique, le style employé est très fluide, agréable, et certains effets permettent de souligner habilement les passages les plus importants, voire même d'apporter un autre niveau de compréhension.

Le final est simplement magnifique tant il est vertigineux. Les auteurs, au bout de leur voyage initiatique au cœur de la science, en reviennent à la littérature et se servent d'écrits anciens pour démontrer l'importance de la logique individuelle, le droit à l'erreur et la force des passions humaines, échappant à toute équation.
Ils ont également eu la bonne idée d'insérer à la fin un carnet de notes nous renseignant sur les différents personnages et, surtout, sur les principes et idées maniés tout au long du récit.

Instructif, original et prenant.
À conseiller notamment à ceux qui ont toujours vu dans les maths une source d'ennui mortel.




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une fascinante plongée dans l'Histoire, la philosophie et la logique.
  • Des moments d'émotion et de suspense qui font de ce récit bien plus qu'une simple BD de vulgarisation.
  • Un style graphique très cartoony, qui ne manque pas de charme.
  • Les notes explicatives.

  • La couverture de la VF n'est pas très engageante et ne rend vraiment pas justice à la narration, très loin d'être rébarbative.
Patrick Melrose, la mini-série
Par

Mais que vaut donc cette mini-série Showtime distribuée chez nous par Koba Films et comptant cinq épisodes adaptés des cinq livres de Edward St Aubyn : Never Mind, Bad News, Some Hope, Mother's Milk et At Last ?


Le cas Cumberbatch


Il faut arrêter de ramener Benedict à Sherlock,
vous voyez bien que ça l'affecte !  
Avant tout : oui, le rôle principal est tenu par Benedict Cumberbatch (si on était dans une publicité diffusée à la télévision française, un astérisque renverrait en bas d'écran à une traduction piteuse comme "Benoît Lot d'Encombrement"). Et si je commence par là, c'est parce que vous n'êtes pas sur UMAC pour lire une critique que vous pourriez trouver ailleurs... si ? Ben allez donc la lire ailleurs, alors ! 
Car autant vous prévenir : cette "critique/chronique/je-ne-sais-trop-quoi" va être foutrement subjective parce que je n'ai comme compétences en cinéma que celles qu'ont quasi tous les spectateurs. 
De plus, je ne compte pas étaler ma science dans un vocabulaire technique mal maîtrisé mais bien vous expliquer ce que j'ai pensé de cette mini-série que j'ai regardée en entier (et là, je jette un regard taquin à certains sites dont les pages sont ouvertes sur mon écran... et dont les rédacteurs doivent avoir regardé deux des cinq épisodes au grand maximum, au vu de leurs articles).
Le Benedict est un cas particulier au cinéma et dans les séries. Je ne vous cacherai pas que j'aime beaucoup ce comédien de théâtre passé au petit puis au grand écran. Le gars n'est plus jeune que moi que de 30 jours et c'est avec une expérience de vie pile de la même longueur que la mienne qu'il aborde donc ses rôles. Ça me permet de voir tout le talent qu'il déploie et le sens de l'observation dont il fait preuve. 
Pourtant, souvent, l'ami Benedict se voit remercié de ses performances par des avis de journaleux tels que "C'est comme un épisode de Sherlock mais sans Watson". Ouais, et ça, c'est comme une critique mais sans pertinence. Cumberbatch a un physique particulier, dégingandé mais néanmoins élégant, voire dandyesque. Le gars est forcément cantonné à des emplois qui lui correspondent, ce qui ne l'empêche pas d'apporter à chacun de ses rôles des variations suffisantes pour ne pas les rendre interchangeables. Reprocher à Cumberbatch de jouer le dandy cynique, c'est comme reprocher à Stallone d'avoir joué le mec à gros bras... Alors certes, vous pouvez avoir aimé L'embrouille est dans le sac (le remake de Oscar avec Stallone) où Rocky/Rambo campe le rôle auparavant dévolu à Louis De Funès. Oui, il y est plutôt bon. Eh bien si les contre-emplois vous plaisent, regardez donc Docteur Strange, Benedict Cumberbatch y campe le super héros de l'écurie Marvel de fort belle façon, ma foi, et laissez-moi apprécier Cumberbatch en mode "so british".

Accessoirement (et puisque j'ai prévenu que j'allais aborder cet article sur un ton très subjectif), ce n'est pas dans Sherlock ou Docteur Strange que j'ai découvert l'ami Ben'... mais bien dans une vidéo montrant le casting voix pour le doublage original du dragon Smaug, dans la trilogie Le Hobbit. Ces quelques secondes m'ont suffi : regardez cet extrait (ici), regardez son regard, l'ondulation de son cou, les changements de sa voix... ce gars "joue grand" sans surjouer, il ose en faire beaucoup sans dépasser les bornes, il trouve le ton juste et ose s'effacer au profit du rôle. En quelques secondes, je fus convaincu et conquis... bien plus par lui que par le fait de faire de ce livre très court une trilogie, d'ailleurs... mais c'est un autre débat !
Que l'on soit donc bien d'accord sur ce point : vous ne lirez pas de ma plume que Cumberbatch "fait du Cumberbatch" car vous ne lirez cela que de la part de gens imperméables à la finesse de son jeu et qui devraient retourner regarder des documentaires animaliers commentés par Alexa, l'I.A. développée par Amazon. 
Ceci étant dit, je trouve ici Cumberbatch aussi bon qu'à son habitude et même très à l'aise dans certaines formes d'humour que l'on ne lui connaissait pas encore.

Du coup : "Bravo, Benedict ! Great job!"


Le cas Patrick Melrose


Patrick Melrose est un dandy sarcastique, fils d'une riche héritière américaine et d'un aristocrate anglais autoritaire. Au moment où commence l'histoire, on le découvre accro à tellement de substances stupéfiantes que ses globules blancs dealent de la coke dans le bar clandestin de ses globules rouges. Auto-destructeur et grand adepte d'une autodérision qui confine à la haine de soi, Patrick est encore en pleine descente d'un trip bien chargé quand il apprend sans trop s'en émouvoir la mort de son paternel à New York.
Le début donne le ton... pourrait-on croire. Parce que la série, bien que restant toujours dans un registre cynique et nous présentant des personnages relativement dépravés ou déglingués, ne se privera pas pour changer de rythme ou d'ambiance à maintes reprises de façon souvent élégante. Cela est essentiellement dû aux maints flash-backs à différentes époques : on voyage entre 1967 et 2005 sans que cela soit jamais perturbant tant les codes graphiques et la colorimétrie (ouais, je sais, j'avais promis de ne pas sortir de termes techniques) sont adaptés à chaque période.

Le lancer d'urne funéraire...
Pas sûr de voir cette épreuve inclue aux J.O. de 2024.  
Dans un premier temps, Patrick va vivre le décès de son père comme une délivrance et tentera donc de se débarrasser de ses addictions, pour se libérer de tous les fantômes du passé qu'il espère bien réduire en cendres en même temps que son vieux... mais, de la même façon que se débarrasser de cette fichue urne funéraire sera compliqué, les souvenirs et les traumatismes de son enfance douloureuse ne se laisseront pas faire non plus et c'est un Patrick Melrose plus encore friand de psychotropes que l'on suivra par la suite durant tout ce qu'il espère être son parcours vers une vie normale, débarrassée de tout ce qui le ronge.
Parce que, en matière de traumatismes d'enfance, Patrick fait très fort "grâce" à son père qui n'a rien du papa modèle. Hugo Weaving a en effet ici le courage d'incarner un personnage qui s'adonne à ce que je pourrais sans doute appeler personnellement le plus abject des crimes dont un homme est capable. Au sein de cette caste britannique bourgeoise où l'entre-soi est roi et l'omerta fait loi, ce personnage détestable fait régner une sorte de silence pesant sur ses pratiques, silence dont on ignore s'il est motivé par l'ignorance ou une passive complicité. Dès l'épisode 2, ayant lieu durant l'enfance de Patrick, on est témoins de la façon dont son père a un impact négatif sur tout et tous... 

Mention spéciale aussi pour cet enfant jouant Patrick jeune.
Ses rares moments très expressifs étant ceux où il souffre,
son absence d'expressivité le reste du temps suggère
un repli sur soi très cohérent avec l'histoire.
Cette mini-série est donc l'adaptation par David Nicholls de l'œuvre à succès partiellement autobiographie (pauvre gars !) d'Edward St Aubyn.
La réalisation y est soignée et marquée, surtout, par un usage de couleurs très vibrantes. Le rouge est rouge, le bleu est bleu... la palette est aussi saturée de couleurs que les veines de Patrick de produits divers. Ça peut déplaire... moi, ce n'est pas mon truc. Mais j'avoue que c'est bien fait, que c'est bien dosé et ce n'est en rien un critère de disqualification.
On y voit quelques plans-séquence assez bien utilisés, des transitions jouant sur des rappels d'environnements ou d'objets... c'est bien foutu et l'écriture a de toute évidence nécessité le soin appliqué du réalisateur qui, sans rien inventer vraiment, rend une copie parfaitement honnête.
Là où la série est remarquable, outre sa distribution, c'est au niveau du rythme des épisodes. Le premier épisode est halluciné et, selon le réalisateur, inspiré de After Hours de Martin Scorsese, alors que le deuxième, narrant des souvenirs d'enfance de Patrick en Provence, ressemble davantage à un Godard ou à une adaptation perverse et sadique de l'œuvre de Marcel Pagnol.
Le rythme est sans cesse bousculé pour coller avec ce que l'image raconte mais, en plus, le découpage passé/présent/futur est une sorte de patchwork qui permet, par exemple, de faire intervenir Cumberbatch tout naturellement dès le premier épisode, ce qui eut été impossible dans un récit narré dans l'ordre chronologique.

Évidemment, parfois, certaines longueurs narratives dans une époque qui nous intéresse moins peuvent faire naître une frustration : on a très envie de connaître la suite de telle ou telle intrigue qui nous passionne mais on se bouffe à la place 15 minutes n'en finissant plus de ce dialogue certes bien écrit mais dont on n'a pas grand-chose à faire... c'est inévitable, avec ce type de construction entamant forcément plusieurs histoires à la fois. Que ce soit par saucissonnage temporel, comme ici, ou géographique (comme dans Game of Thrones, si vous voulez), ça crée des pauses narratives. C'est comme ça.

Oh, au passage, j'ai parlé des dialogues bien écrits. Et oui, c'est vraiment bien écrit, ciselé, cynique, fin, intelligent... mais du coup presque trop peu réaliste. Qui donc parle ainsi "à l'improvisade" ? Bon, je vous rassure, dans la bouche de riches bourgeois anglais, ça choque moins que dans celles des ados de la série Dawson. Mais quand même, certains passages sont vraiment "trop écrits" !

Une image floue de l'enfance de Patrick Melrose peut suffire à se faire une première impression...
Vous le sentez poindre, le malaise ? 

Le casting


Non, pas "Le cas Sting"... on ne parle pas du Dune de David Lynch, essayez de suivre, un peu !
Le casting de cette mini-série est assez prestigieux et joue de façon particulièrement propre et convaincante.
Hugo Weaving (le Mister Smith de Matrix) offre à Patrick Melrose un père à la cruauté n'ayant d'égal que la perversité et un charisme à la hauteur de la crainte qu'il inspire à son entourage.
Les femmes sont loin d'être laissées pour compte avec des rôles riches et non monolithiques.
Jennifer Jason Leigh joue la mère de Patrick, dominée par son époux et aveuglée par la peur qu'il lui inspire. Un rôle qui verra le personnage sombrer jusque dans un état de délabrement assez terrible et plutôt bien défendu par la comédienne.
Anna Madeley est la femme de Patrick, dévouée à son mari mais qui devra composer avec les démons de l'homme qu'elle aime.
Jessica Raine incarne un personnage que l'on croit d'abord un peu secondaire mais qui se révélera être une amie très proche de Patrick, à la fois soutien moral et point faible de celui-ci. Un rôle très changeant, tantôt ironique, tantôt dépressif.
Mais la meilleure performance féminine à mes yeux est celle de Holliday Grainger, qui incarne une jeune hippie rebelle et provocante qui finira par embrasser le matérialisme et le cynisme de la bourgeoisie anglaise, offrant d'ailleurs à Patrick Melrose un astucieux miroir inversé : l'heure de son ascension sociale coïncidence avec la chute de Patrick et c'est quand Patrick commence à s'en sortir qu'elle perd tout ce qu'elle avait convoité. 

Holliday Grainger, magnifique dans son interprétation comme à l'image.
Comment avoir un charme incendiaire sans une once de vulgarité ! 


Et donc, au final... ça vaut quoi ?


Les deux thèmes principaux sont sans conteste possible les addictions (et le difficile chemin vers la sobriété) et les violences familiales (je sais, c'est un terme très doux au vu des faits narrés mais je ne veux point "divulgâcher", comme le dit... euh... j'ignore qui dit ça, en fait !).
Je ne suis fort heureusement spécialiste d'aucun de ces deux thèmes mais je peux analyser un peu leur traitement : l'un comme l'autre sont présentés avec une pudeur toute anglaise. On voit leurs conséquences mais rarement l'acte lui-même.
Certes, on a droit à une aiguille s'enfonçant dans un bras en gros plan mais jamais en même temps que le visage de Cumberbatch, ce qui est plus neutre, plus distancié. Et quand il se pique en plan large, son bras plié cache la seringue. 
Pour les violences, en dehors de la scène où le petit Patrick se fait tirer les oreilles (ceux qui ont vu la série s'en souviendront forcément), tout n'est que suggestion pour les violences physiques et exposition pour les violences psychologiques ou morales.
Et cette élégance british de l'emballage était un choix absolument nécessaire pour se fondre dans l'hypocrisie ambiante du milieu dont la série dresse un portrait peu flatteur.

La haute société anglaise, façon Patrick Melrose,
c'est un milieu... absolument infect !
Pour nous aider à faire passer les thématiques abordées, on a eu le bon goût de nous les servir enrobées d'humour. Vous y trouverez bien entendu de la comédie de mœurs puisque la série entière est une satire de la haute société anglaise de la fin du XXème siècle, du comique de situation, du comique de mots en grand nombre avec les traits d'esprit de différents personnages et même du comique gestuel, à de rares moments (voire même du comique gestuel un peu foireux quand Patrick, défoncé au possible, s'étale de tout son long dans un restaurant).

Il y a évidemment des gens qui ne supporteront pas cette série : les thèmes abordés ne sont pas très "Disney-friendly", les dialogues sembleront parfois capillotractés à certains, la sobriété de jeu de plusieurs des acteurs pourra paraître fade aux habitués du surjeu façon US...
Mais pourtant si. Si, c'est bon. C'est vraiment bien foutu. Si je n'avais, personnellement, qu'un reproche à formuler, ce serait une sorte de "tout ça pour ça". On a au final le chemin jonché d'embûches d'un homme bien né mais détruit par la vie qui va chercher le bonheur en se délestant de tout ce qui faisait son milieu... c'est peu.
Mais c'est néanmoins tellement agréable à regarder et tellement bien joué que je ne peux que recommander l'achat de l'intégrale de cette série qui sortira le 2 mai en DVD et en Blu-ray chez Koba Films.

Non mais vraiment, ce thème... il fallait oser en faire une série, quand même !

+ Les points positifs - Les points négatifs
  • La distribution regroupant des acteurs et actrices de haut niveau.
  • L'audace d'aborder le thème de l'enfance maltraitée.
  • La réalisation peu inventive mais efficace.
  • L'humour indispensable à ce genre de thème (sans quoi ce serait vraiment impossible à traiter).
  • Pour me faire plaisir : Holliday Grainger.

  • Certaines longueurs.
  • Le découpage narratif qui peut perdre certains spectateurs parmi les moins attentifs.
  • Les scènes de défonce parfois montrées de façon trop facile et attendue... on a tous vu Trainspotting, c'est bon! 
The Unwritten
Par


Retour sur The Unwritten, un comic de fantasy lorgnant sur la métaphysique de l'écriture.

Tommy Taylor est le personnage principal d'une série de romans à succès qui met en scène un jeune magicien et a suscité un véritable engouement dans le monde entier, dépassant même en popularité le si médiatique Harry Potter. Les fans attendent avec impatience un hypothétique quatorzième tome, l'auteur ayant disparu depuis fort longtemps.
Tom Taylor, lui, est le fils de l'écrivain et la supposée source d'inspiration du personnage. Il enchaîne les festivals et les séances de dédicace, surfant sur un succès par procuration qui lui permet de vivoter mais qui possède aussi ses mauvais côtés, comme ces dingues qui, de temps en temps, le prennent vraiment pour ce qu'il n'est pas : un sorcier.

Un jour, une rencontre va bouleverser la vie de Tom. Une inconnue l'interpelle en public et révèle que l'une des photos censées le représenter étant enfant est en fait un fake. Elle laisse également entendre que le passé du jeune homme est bizarrement constitué de vides et d'éléments troublants. Il n'en faut pas plus pour déchaîner la colère des inconditionnels de la série, ulcérés d'avoir été menés en bateau par ce qui pourrait n'être qu'un imposteur. D'autres illuminés pensent expliquer le passé mystérieux de Tom par le fait qu'il serait en fait né avec les romans et tout droit issu des lignes couchées sur le papier par son créateur.
Tom Taylor va rapidement constater que, dans l'ombre, de bien dangereux personnages s'intéressent de très près aux mots et à leur puissance...

Publié pour la première fois en VF en 2011 chez Panini, The Unwritten est maintenant en cours chez Urban Comics (2 tomes disponibles à ce jour, dans la collection Vertigo Essentiels). La série compte 71 épisodes en tout et s'est même offert un crossover avec Fables. Et, comme souvent avec le label Vertigo (cf. ce dossier sur les encyclopédies comics), nous avons affaire à un titre original, bien pensé, à la thématique riche et passionnante.
Jetons tout d'abord un œil sur l'équipe créative. Au scénario, Mike Carey (Faker, Neverwhere, God save the Queen, X-Men Origins), un spécialiste de la fantasy et des univers étranges. Au dessin, Peter Gross. Bon, à l'évidence, ce n'est pas l'aspect graphique qui constitue l'attrait principal de cette série. Rien de hideux, simplement un style passe-partout, sans âme (si l'on excepte quelques représentations inspirées, comme celle du "monde de l'autre côté de la porte", très impressionnante).
Pour faire une comparaison, ça ressemble un peu à du Buckingham (le dessinateur, pas le palais). Mais rien de rédhibitoire, d'autant que la thématique offre largement de quoi s'intéresser à ce récit. Le style des planches consacrées à la "fiction dans la fiction" a cependant déjà plus de charme.


Carey évoque la puissance des mots et des histoires ainsi que la magie que manipulent les Conteurs, une vision passionnante qui met en avant cet incroyable pouvoir qui consiste à faire ressentir à distance, à un parfait inconnu, des émotions que l'on va générer par de simples lettres noircissant un banal papier. C'est la définition même de la magie. Pas celle des cabarets, la vraie, qui permet, par des signes et des symboles, d'influer sur le monde physique et l'humeur de nos semblables.

L'auteur va patiemment construire un habile jeu de va-et-vient entre la fiction et le monde réel, chaque chapitre commençant par quelques pages des aventures de Tommy Taylor avant de revenir sur les déboires du véritable Tom Taylor. La frontière entre héros de papier et de chair va cependant vite s'estomper et, à partir de ce moment-là, les portes de l'Imaginaire vont s'ouvrir sur de vastes interrogations philosophiques.
La réflexion porte bien entendu sur l'impact de la fiction sur la vie, mais elle va bien plus loin et questionne sur ce qui fait d'un être humain une "réalité" aux yeux des autres. Ainsi, sans photos, sans numéro de sécurité sociale, sans extrait de naissance ou inscriptions dans un vague registre administratif, est-il possible de démontrer aux autres sa propre existence ? Quelles sont les preuves que nous réfutons ou, au contraire, tenons pour crédibles, presque pas habitude, sans réelle réflexion sur leur importance ?
Plus grave encore - car signe des temps - la puissance de l'information, même erronée, et sa transformation en haine ou vénération de masse par une foule aussi terrifiante que versatile, donne à réfléchir sur nos réflexes et les aléas de la surcommunication.

Attention, ne vous laissez pas refroidir par l'aspect philosophique ou les connexions multiples avec la littérature, The Unwritten est une série qui est très facilement abordable, avec de l'action, du suspense, de vrais méchants et un personnage principal très attachant. Par contre, forcément, lorsque l'on s'intéresse un peu à l'écriture en général, c'est un pur bonheur tant l'on a l'impression de naviguer sur une mer ancienne et familière où il fait bon croiser quelques vieux capitaines au visage buriné par les embruns.
Les références littéraires sont en effet multiples, cela va de Mary Shelley à Conan Doyle, en passant par Oscar Wilde, George Orwell et même Rudyard Kipling auquel tout un chapitre est d'ailleurs consacré. Joli rappel de ce que les britanniques ont pu offrir aux Lettres.

Une excellente idée de départ qui permet d'envisager d'immenses possibilités et qui s'avère être une intelligente et pratique passerelle entre pop culture et écrits plus "institutionnels".
À ne pas rater.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un récit prenant et habilement construit.
  • Les nombreuses références littéraires.
  • L'aspect réflexion métaphysique sur l'écriture.
  • Un personnage principal attachant et fort bien écrit.

  • Un style graphique parfois un peu quelconque.