Batman : The Knight / Batman : Dark City tome 1
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Qui de l'homme ou de la chauve-souris importe le plus dans une histoire de Batman ? 


Eh bien, les récentes sorties Urban répondent à cette interrogation de la plus belle façon qui soit : les deux, tant que c'est bien fait.
Oui, les deux peuvent passionner le lecteur.
Chroniques croisées, pour le prouver, de Batman : The Knight (BTK) et Batman : Dark City (BDC).
 
BTK
narre (enfin) cette période de la vie de Bruce Wayne mille fois évoquée mais jamais illustrée in extenso : son parcours initiatique ayant fait d'un jeune orphelin traumatisé et révolté contre les injustices le fameux Chevalier Noir s'étant fixé l'inflexible mission de purifier Gotham de son vice endémique.
Le jeune Bruce veut se donner les moyens de mener à bien cette tâche qu'il s'est choisie et cherche pour cela à devenir le meilleur dans tous les domaines qui lui seront utiles pour exercer son activité nocturne à venir de justicier masqué.
Il va donc abandonner un temps la protection de son fidèle Alfred et parcourir le Monde pour s'initier à moult disciplines auprès des maîtres de chacune d'elles.
À Paris, il apprendra le vol de haut vol (la formule est moche mais on assume) avec Lucie, l'Ombre Grise. Il y rencontrera aussi un autre mentor, Henri Ducard, un chasseur d'hommes expérimenté que l'on a vu il y a peu bien plus âgé dans Batman : La dernière sentinelle.
En Corée du Nord, sur le Mont Paektu, il suivra les enseignements de Maître Kirigi qui lui enseignera les arcanes des arts martiaux les plus efficaces et létaux (aspect que refusera de mettre en pratique Bruce, pour ne pas franchir la ligne qu'il s'est fixée). Il y rencontrera aussi un jeune homme se faisant appeler Anton qui veut lui aussi combattre le crime, faire de son corps tout à la fois une arme et une forteresse.
En Russie, l'ex-agent du KGB Avery Oblonsky va apprendre aux deux jeunes hommes les arts de l'espionnage, du déguisement autres faux-semblants.
Au Canada, ils vont ensemble se former à la chasse et au tir auprès de Luka Jungo, La Marque Suisse. C'est lors de cet épisode qu'Anton dévoilera sa véritable nature de tueur de sang froid, entrant pour la première fois en opposition brutale avec Bruce.
De retour seul en Amérique, Bruce va être formé à la prestidigitation et à l'escapologie par Giovanni Zatara. C'est aussi là qu'il apprendra auprès de la fille de celui-ci (la fameuse Zatanna) que la magie existe bel et bien mais exige des sacrifices qui sont les seuls que le jeune Wayne ne peut se permettre ; telle sera donc l'unique faille dans son armure : un domaine entier qu'il doit choisir de ne pas maîtriser (et qui expliquera son alliance maintes fois renouvelée avec Zatanna dans d'autres aventures à suivre) !
À Shangaï, Skyspider lui apprend la voltige et le parkour.
Pour terminer sa formation, Bruce subit l'entraînement mental du docteur Daniel Captio, l'homme le plus intelligent du Monde, afin d'apprendre à maîtriser la peur pour l'infliger et ne plus la ressentir. C'est là qu'il sera provoqué en duel par La Main du DémonHarris Zuma, le bras droit du terrible Ras' Al Ghul
Invités à rencontrer Al Ghul, les deux jeunes aspirants justiciers se retrouvent enfin dans les Collines de Cristal d'Abu Dhabi pour y découvrir le maître de la Ligue des Assassins et sa fille Talia... et comprendre que derrière Anton se cache Minkhoa Kahn, le futur Ghost-Maker, ce que les fans savaient depuis longtemps bien entendu.

Nous voyons déjà d'ici les Jean-Kévin de base hurler à qui voudrait l'entendre que UMAC vient de spoiler les 302 pages de ce comic écrit par Chip Zdarsky et dessiné par Carmine Di Giandomenico. Mais c'est parce que Jean-Kévin n'a pas encore compris que ce très bel album n'invente quasiment rien : il met juste en scène des épisodes souvent survolés mais jamais compilés de la genèse du héros né de l'imagination de Bob Kane et Bill Finger (oui, on parle tout le temps de Stan Lee mais les autres créateurs de héros ont bien le droit d'être parfois cités eux aussi, mince !).

Alors, faut-il lire cet album ?
C'est parfois évidemment très prévisible (puisque l'on connaissait pas mal ce passé de Bruce ici illustré) et un peu trop vite emballé ; on a souvent trop l'impression de lire une répétition d'apprentissages comme assemblés dans un recueil de nouvelles...
Et si le dessin est consensuel et devrait plaire à la plupart, la mise en page est d'un classicisme assez affligeant par moments, pour un comic mettant en images l'apprentissage au combat d'un des super-héros majeurs de l'industrie.

C'est néanmoins un album d'un grand intérêt en ce qu'il explique la supériorité de Bruce Wayne en bien des domaines et en ce qu'il valide l'idée selon laquelle, malgré ses origines plus qu'aisées, l'alter ego Batman n'est pas un caprice de riche mais bien un projet sur le long terme construit par un gosse à la volonté sans faille et bien plus méritocrate qu'aristocrate.
Là où bien trop de Masques héritent de pouvoirs dont ils doivent se montrer dignes, Bruce n'hérite que d'une fortune mais bâtit de lui même à force de persévérance une supériorité légitime qu'il deviendra ensuite impossible de remettre en question lorsqu'il enfilera la tenue de chauve-souris.
 
Réflexion personnelle de GriZZly : c'est précisément pour ça que je soutiendrai toujours que la réplique de Justice League où Bruce affirme que son super-pouvoir est d'être riche est une des innombrables preuves de l'incompréhension de ce personnage par Snyder (ce qui n'est pas le pire défaut de ce réalisateur). La fortune de Bruce n'est qu'un adjuvant mineur. Toute la période actuelle montrant un Batman ruiné par le Joker prouve d'ailleurs que même sans une fortune colossale, Wayne ne cesse pas d'être Batman. Les super-pouvoirs de Bruce Wayne ne sont ni ses véhicules ni ses gadgets et croire cela comme le fait Joss (mais bon, le gars a le cerveau aussi ralenti que ses séquences préférées) est d'une imbécilité crasse ! Les vraies capacités surhumaines de Bruce Wayne résident en une volonté inébranlable, une endurance phénoménale, un sens du sacrifice inégalable, une abnégation à toute épreuve, un stoïcisme inédit, un sens du devoir et du dévouement à nul autre pareil et une intelligence tactique forgée au feu des épreuves. Il est l'homme lambda qui a ambitionné de combattre les monstres. Il est le faible qui se fait fort et terrifiant pour faire taire la terreur imposée par la force. Il est le rempart humain contre toutes les calamités existantes ou possibles... et même contre lui-même, comme nous le confirme le second comic dont nous allons traiter de ce pas !


Car Batman est le meilleur en bien des disciplines et est devenu, de fait, l'homme le plus dangereux du Monde ! Batman doit donc impérativement, puisqu'il anticipe tout, avoir prévu des contre-mesures pour s'arrêter lui-même s'il en venait un jour à dépasser les bornes. Et c'est précisément ce protocole qui va s'enclencher dans le tome 1 de Batman : Dark City... un robot-tueur créé expressément par Bruce lui-même pour éliminer Batman s'il venait à vriller... un robot connaissant tout de Batman et de tous ses alliés, apte à mener sa mission à bien en faisant fi de toutes les dispositions auxquelles son créateur pourrait bien penser puisqu'il les aura toutes anticipées. La Némésis ultime de Batman : une mécanique de combat infaillible !

Pas besoin de chinoiser : on sait que ce tome 1 est juste le nouveau tome de Batman Rebirth  (dont il rassemble les épisodes 125 à 130) dessiné par le phénoménal Jorge Jiménez et toujours scénarisé par... Chip Zdarsky ! D'où l'interrogation de notre chapeau : est-il plus intéressant de traiter l'avant-Batman ou l'après-ruine de Bruce Wayne ?

Dans ce tome 1, Urban nous offre comme toujours un résumé vous permettant de raccrocher les wagons si vous n'aviez pas accroché à l'arc Joker War. Alfred est mort, Bruce est dans la dèche... vous savez tout ça ! Comme tout cela est contemporain aux Robin Infinite, le Robin faisant fonction n'est pas Damian Wayne, bien occupé à botter des culs dans un tournoi d'arts martiaux, mais notre très cher Tim Drake, le Robin le plus stable et le plus rangé de tous. Et c'est intéressant, parce que Zdarsky fait s'exprimer Bruce sur ce brave Tim, et le vieux mentor se dit fier de l'homme que ce petit moineau est devenu ; ce qui en dit long sur le ton de ce nouvel arc où Bruce Wayne se reproche pas mal d'avoir fait des émules !
Accusé à tort du meurtre du Pingouin, Batman va donc se voir pourchassé par Failsafe, la fameuse machine programmée pour le tuer. Une machine conçue après les épisodes de la Tour de Babel, dans Justice League, où il fut reproché à l'Homme-Pipistrelle (toutes les anaphores ne se valent pas, en terme de charisme) d'avoir mis au point des stratégies pour mettre hors d'état de nuire chaque membre de la JL, sauf lui. La paranoïa n'est que de la prudence poussée à l'extrême mais les potes de Batou n'avaient pas très bien pris, à l'époque, ce stock de kryptonite dans la Batcave ! Les fans remarqueront même le retour d'un aspect de la personnalité de Batman très intéressant et déjà abordé dans Le Dossier Noir, dans le run de Grant Morrison, une sorte de Batman 100% pur, soulagé des failles de Bruce Wayne.

Si les cinq premiers épisodes (125 à 129) sont relativement crédibles (en tenant compte que Bruce Wayne est un humain au-delà de toutes les normes), autant vous prévenir : le sixième épisode est tellement over the top que ça prête à sourire. Que le batsuit soit capable de permettre à son porteur de rejoindre la Terre depuis la stratosphère semble quand même pas mal audacieux. Mais alors qu'il se prend déjà 9 G dans la tronche, il survit entre autre grâce à... son slip posé sur la bouche en lieu et place de son masque respiratoire qui n'a pas résisté à l'entrée dans l'atmosphère. Autant dire qu'on en est vite à se demander si Zdarsky n'est pas carrément dans le second degré. Il voudrait se moquer de ce qu'est devenu le personnage ces dernières années qu'il ne s'y prendrait pas autrement. Ce phénomène de Jorge Jiménez arrive avec talent à faire passer ça comme s'il s'agissait d'une énième péripétie sur laquelle il n'est pas loisible de se pencher bien longtemps mais... quand même ! C'est culotté, si je puis me permettre !

Quelques flashbacks ponctuent le récit, dessinés et scénarisés par d'autres artistes. Ces passages sont pour le moins dispensables et coupent même le rythme du récit principal à des moments inopportuns ; sans doute pas l'idée du siècle, donc !

Pour le reste, disons que le scénario nous amène avec efficacité à enfin nous faire douter de la capacité de Batman à surmonter un ennemi. Ce Failsafe semble avoir réponse à tout... et le final est tendu comme un string de Wonder Woman... oui, elle porte des strings, si si ; nous avons nos sources, que croyez-vous ? Au niveau graphique, le dessin de ce beau gosse de Jiménez (non mais sans déconner, faites une recherche sur ce gars, il pourrait incarner Batou aussi bien qu'il le dessine) continue de l'installer comme une future légende incontournable de la profession !


Durant ce mois consacré à Chip Zdarsky, Urban nous gratifie donc à la fois des origines de Batman et des dernières nouvelles que nous avons de lui sous la plume de ce seul auteur. Autant dire que chacun de ces tomes a son intérêt particulier et légitime et ses défauts bien à lui.
BTK a pour lui d'enfin compiler les années d'apprentissage de Bruce mais c'est attendu et au final trop peu imaginatif. 
BDC est un nouveau cycle facile à aborder pour les novices mais qui a le bon goût de s'appuyer sur des événements passés bien connus des fans de longue date. Toutefois, en dehors de sa seule trame narrative, il n'apporte pas grand-chose.
Au final, voilà peut-être leur point commun : la naissance d'une interrogation.
"Que peut-on bien encore apporter d'autre à la mythologie de Batman, en dehors de la redite ? Explorer son passé comme son futur a déjà été fait... que reste-t-il ?"



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Deux très bons albums.
  • Le dessin est maîtrisé dans les deux mais la mise en page est plus significative dans BDC.
  • L'écriture est fluide et prenante dans chacun d'eux mais BTK est sensiblement plus répétitif et attendu.
  • BDC, donc, remporte la manche... mais de peu. 
  • Une mise en page un peu trop tranquille et inadaptée au propos, dans BTK.
  • Une histoire trop linéaire, dans BDC.
Cats & Guns #1 : Colt SA1911
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Nouvelle rubrique consacrée aux armes et répliques !

Le sujet a été rendu tendancieux par des gens sectaires qui ne connaissent rien ni aux armes ni à la législation les encadrant, mais il s'agit d'un domaine tout à fait passionnant. L'on peut bien entendu s'y intéresser pour de nombreuses raisons et en faire divers usages, mais dans notre cas, nous allons nous intéresser au tir de loisir et à l'aspect collection, avec même quelques infos historiques lorsque le sujet s'y prêtera. L'on pourra également à l'occasion s'intéresser à des armes (réelles ou non) ayant particulièrement marqué la pop culture (cf. cet article).
Mais pour commencer, il nous a semblé bon de choisir un modèle récent, abordable financièrement et qui a de la gueule : le Swiss Arms Colt SA1911 !

Attention, la manipulation des armes (et même des répliques) nécessite une grande rigueur et une prudence extrême. Il est notamment impératif de suivre les règles de sécurité que nous vous rappellerons à la fin de chaque article.

Commençons par une présentation générale.
Il s'agit d'un modèle à propulsion C0², tirant des billes en acier de 4,5 mm. Une double sécurité, très courante sur ces modèles, est présente. Le chargeur, qui accueille la sparclette de gaz, a une capacité annoncée de 17 billes. Cette arme est un semi-automatique d'une puissance de 1,6 joules. Les organes de visée sont fixes et marqués par des points blancs. On peut noter la présence d'un rail picatinny permettant de fixer un viseur laser ou une lampe tactique sous le canon (un équipement assez peu utile au final à mon sens, vu l'usage prévu). Enfin, le canon est fileté et permet de fixer un silencieux, encore moins utile. 

En ce qui concerne les finitions de ce Colt 1911, elles sont quasiment parfaites. L'engin a de la gueule et est vraiment superbe en version tan. Avec ses 930 grammes, cette version full metal qui est très loin de faire "cheap" aura tout à fait sa place dans une collection. 



Allez, on va faire une petite séance de tir histoire de tester le binz. J'ai utilisé une cible cartonnée Gamo de 14 x 14 cm, placée à environ 10 mètres. Les conditions du test en extérieur étaient assez mauvaises : pluie, vent et j'avais plutôt froid (j'ai eu la très bonne idée de ne pas prendre de veste), donc je ne me suis pas trop attardé.
Très bonne prise en main, prise de visée aisée également, pour un résultat plutôt correct : tous les tirs sont dans la cible, 5 sur 10 sont dans la partie noire. Le mouvement de la culasse apporte une petite sensation agréable, et le fait de pouvoir tirer sans recharger à chaque coup, comme sur un airsoft spring [1], assure quand même un confort appréciable. Reste le principe du consommable (les cartouches CO²) que je n'aime pas beaucoup.
Je n'ai pas essayé de plinking, mais ça doit certainement être assez sympa (attention tout de même aux rebonds). 

Le grand point fort de ce pack, c'est son prix : 80 euros.
Pour cette somme, vous avez l'arme elle-même, 100 cibles 10 x 10, 1500 billes 4,5 mm et 5 sparclettes. Il existe aussi un pack qui remplace les cibles par 10 sparclettes au lieu de 5. 
Quand on voit les prix de certaines répliques airsoft, à 150 ou 200 euros (ou à 50 balles mais en plastique), l'on ne peut qu'être séduit par cette offre très raisonnable.

Attention cependant, j'ignore si je suis tombé sur un modèle ayant un défaut, mais le boulon de serrage de la sparclette a... faussé son propre pas de vis. Et sans bourriner hein. Hop, retour à l'envoyeur du coup. Argh. Mais n'ayant pas trouvé d'écho sur le net d'un éventuel problème récurrent, j'imagine que j'ai joué de malchance. 
Dommage, car sans ce pas de vis merdique, on était proche de la perfection.

Il me reste à vous mettre en garde sur la manipulation de ce Colt 1911. Il s'agit d'une arme catégorie D, et qui peut faire de sérieux dégâts. Même s'il s'agit d'une arme destinée au tir de loisir, et non à la défense, ce n'est pas un jouet. Les règles de sécurité, exposées dans l'encadré ci-dessous, sont à respecter impérativement. Je vous mets une photo du porte-cible, en vous montrant l'impact de ces billes en acier. Si jamais vous (ou l'un de vos proches) preniez ce genre de projectile dans l'œil, je vous assure que ce n'est pas la bille qui céderait... alors, prudence. Réfléchissez à chacun de vos actes avant de faire n'importe quoi et ne vous laissez surtout pas distraire. 

Voilà pour cette première revue, la prochaine risque de prendre un peu de temps (pour cause de déménagement). En attendant, soyez prudents et n'oubliez pas, ce sont les gens qui sont dangereux. 
Les armes, elles, sont neutres. 


[1] En airsoft, le terme "spring" désigne les répliques qui fonctionnent grâce à un mécanisme à ressort, actionné par l'utilisateur, par opposition aux "AEG" (automatic electric gun) utilisant des batteries. 



Un résultat plutôt bon, surtout au vu des conditions météorologiques.
Il y a certainement moyen de faire mieux en prenant son temps et
en ne s'habillant pas comme en été en plein hiver... 

Histoire que vous preniez cette arme au sérieux : les impacts pointés en bleu sont le
résultat, sur le porte-cible, de tirs de plombs 4,5 mm à l'aide d'une carabine à air comprimé
d'une puissance de 10 joules. Les impacts pointés en rouge sont issus de billes d'acier tirées
à l'aide d'armes bien moins puissantes sur le papier, mais très dangereuses si on commence
à les considérer comme des jouets. Avec une munition acier, il n'y a pas (ou peu) de déformation
à l'impact, donc l'énergie transférée est plus grande. D'où les "cratères".






 Les Règles de Sécurité


Une arme est toujours considérée chargée. Même si elle ne l'est pas. Ça a l'air bizarre, mais c'est très compréhensible. Si vous commencez à développer deux types de comportement, l'un avec des armes considérées chargées, l'autre avec des armes considérées non-chargées, vous allez, un jour, vous tromper. C'est juste une question de temps. Et les erreurs, avec les armes, ne pardonnent pas. Alors, même si vous êtes certains que votre flingue est déchargé, en fait, non, il est chargé. Toujours.
On ne pointe pas une arme en direction de quelque chose que l'on ne veut pas détruire. Si votre canon se retrouve en face de votre télévision ou, pire, de l'un de vos proches, ou de votre foutu pied, alors vous ne savez pas manipuler votre arme. Même dans le stress des combats, les soldats apprennent par exemple à effectuer leurs déplacements sans pour autant "viser" leurs collègues. Se retrouver avec une arme (considérée chargée) pointant vers quelqu'un dans un stand de tir devrait aboutir à une sanction immédiate et définitive.
On ne se balade pas avec le doigt sur la queue de détente. L'index reste hors du pontet tant que la décision de tir n'est pas prise.
- Lorsque la décision de tir est prise, il faut être certain de sa cible et de son environnement immédiat. Il ne suffit pas de simplement viser un carton, il faut être certain que rien ne se trouve derrière, que la balle sera stoppée, que personne n'est en train de faire l'imbécile à côté (ou pas très loin), etc. Vous êtes responsable de tout ce qui se passe entre la décision de tir et l'impact.
- Outre ses 4 règles de sécurité basiques, l'on peut ajouter également le port de lunettes de protection, même avec des répliques airsoft.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Le prix.
  • Les finitions et le côté esthétique.
  • Très bonne prise en main.
  • Semi-automatique.
  • Le pack très complet.


  • Le principe des cartouches C0², assez casse-couille sur le long terme.
  • Le pas de vis vraiment merdique du boulon de serrage de la sparclette.
Gurvan
Par


Une histoire mettant en scène des soldats-clones plus intéressants que des Storm Troopers, ça vous tente ?


Très souvent, nos articles commencent par un résumé-apéritif de l'album dont on traite. Mais, cette fois, permettez qu'il débute par un petit rappel courtois au sujet de la dessinatrice de ce Gurvan. En effet, si cet album est arrivé sur l'un de nos bureaux, c'est parce qu'il est dessiné par Livia Pastore, très sympathique artiste qui avait déjà eu la gentillesse de nous accorder une interview exclusive lors de la sortie du troisième tome de Sirènes & Vikings qu'elle avait illustré.
Favoritisme ? Aucunement ! Intérêt légitime. La demoiselle a en effet un trait qui nous avait beaucoup plu et nous nous étions engagés à garder un œil sur la suite de sa carrière. Voilà qui était bien inspiré puisque son nouveau bébé (dans le cas présent, un bébé éprouvette) prouve une nouvelle fois qu'elle mérite amplement notre attention.

Ceci étant dit, nous voici avec un récit de science-fiction un peu "à l'ancienne" (mais on y reviendra) d'après les romans de Paul-Jean Hérault (les sagas Cal de Ter, Gurvan, La Treizième Génération), adapté par Mathieu Mariolle (De sang froid, l'adaptation de Foot 2 rue, la saga dérivée de Thorgal Kriss de Valnor, Le Dernier Secret d'Hitler) et dessiné par notre copine susmentionnée... que du beau monde, donc !

Quelque part dans les profondeurs infinies et insondables de l'espace intersidéral (c'est pompeux et inutile mais j'avais envie de l'écrire ainsi), une colonie sous-terraine génère artificiellement des soldats de la Coalition terrienne ; tout plein de clones cultivés in vitro dont le patrimoine génétique partiellement aléatoire les prédispose qui à être fantassins, qui navigants, qui... pilotes, comme notre héros Gurvan.

En tant que futur pilote d'intercepteur, il va bientôt, dès la fin de sa formation au sein du Materédu, devoir prendre part à des combats spatiaux terriblement meurtriers. Cependant, même si les chances de survie de Gurvan et ses semblables sont minimes, ce dernier nourrit un rêve : survivre à sept ans de conflit et pouvoir ainsi être réformé et finir son existence sur la planète de son choix. Pour Gurvan, le choix est fait, il veut rejoindre nulle autre que la Terre, la planète d'origine de l'Humanité ! Toutefois, personne ne connaît qui que ce soit ayant survécu aussi longtemps. C'est là qu'est l'os !


À dire vrai, il y a même un os plus gros que ça dont la moëlle aura un goût bien amer mais dont ces pauvres gosses ignorent encore l'existence : leur ennemi n'est pas tel qu'ils le croient et... leur état-major leur ment tellement qu'on dirait un community manager de Panini prétendant que leur travail atteint systématiquement des sommets en matière de qualité éditoriale (il paraît qu'on est des anti-Panini primaires ; je ne contredis jamais les gens, moi... c'est une perte de temps ; je me conforme à leurs attentes, c'est plus marrant).

Ajoutons que cette BD tisse des liens tout à fait crédibles entre ses protagonistes et que les réactions des personnages sont compréhensibles au vu de leurs personnalités respectives. Sans doute pourrait-on penser que c'est bien là le minimum syndical mais c'est loin d'être aussi réussi dans toutes les lectures qui nous passent entre les mains.


Au niveau du dessin, Livia Pastore nous revient avec ses personnages reconnaissables et expressifs aux postures et anatomies réalistes. 
Les décors sont assez épurés, tout comme les scènes de batailles spatiales et, dans un premier temps, cela nous a un rien décontenancés. Nous aurions presque pu penser à une astuce destinée à réaliser rapidement le tour de force de couvrir de cases plus d'une centaine de planches mais nous ne voulions pas croire à cela de sa part. Lorsque les environnements changèrent, il fut évident que cette sobriété était réservée à l'espace et aux intérieurs de vaisseaux, créant des visuels que n'auraient sans doute pas renié Hérault et les autres auteurs de science-fiction en 1980... 

Une fois ce premier sentiment de vide dans certaines cases dépassé et justifié, on retrouve tout ce qui nous plaît dans le travail de cette jeune Italienne et l'on se surprend à tourner les pages avec avidité. Très petit bémol, peut-être, pour le traitement un peu simpliste des explosions et autres flammes... mais globalement, dessins et mise en couleurs (de Hugo S. Facio) demeurent séduisants et ont cette "vibe" old school (but old is cool) indéfinissable qui colle bien à ce propos que l'on sent venu d'un âge où la SF se voulait encore porteuse d'un message politique à peine voilé.


Au chapitre des interrogations qui ne sont même pas des reproches, il faut signaler deux ellipses temporelles un rien brutales dont le découpage peut pousser à chercher les deux planches potentiellement manquantes entre la case en bas à droite de la page de gauche et celle en haut à gauche de la page suivante... ce n'est qu'une maladresse mais ça sort un brin du récit.

Gurvan est une œuvre que son auteur initial a voulu antimilitariste et un brin cynique...  Son adaptation est fidèle à ce ton. Écrite en 1987, elle a la bienveillance mâtinée de cruauté que l'on observait dans d'autres œuvres de l'époque. On y retrouve quelques aspects de Starship Troopers (le film de Verhoeven de 1997, pas le roman controversé de Robert Heinlein qui en fut l'inspiration) et de Enemy mine (jamais ce film de 1985 ne sera suffisamment recommandé !) ; autant dire que c'est déjà plutôt bon signe.

P.-J. Hérault écrivait : « C’est l’esprit militariste, le goût du combat pour le combat et la férocité, la perte de son âme, que je ne supporte pas. De même que la violence, que je déteste. Mais il arrive toujours un moment où l’on ne peut pas faire autrement que l’employer. ». La devise de Gurvan pourrait même quasiment être : Si vis pacem, para bellum... Cet album relate la naissance et la montée en puissance d'un leader à venir dont l'obsession pour la paix est sans doute l'unique raison de faire la guerre. Les écrits de Hérault lui ressemblent, lui qui fut également pilote, et ce durant 29 ans. Il œuvra ensuite, de sa plume, à démystifier la guerre, à lui rendre son caractère absurde et injuste dans nombre de récits de science-fiction.

Intelligemment écrite et adaptée, joliment mise en images, la bande dessinée qui nous concerne se termine sur une fin acceptable mais néanmoins porteuse d'un sentiment d'inachevé appelant une suite. Selon les dires de Livia, d'autres albums sont parfaitement envisageables si ce premier tome de 112 pages de qualité (pour environ 22€ ; mieux vaut ça que du Panini, de toute façon... coucou, les amis !) rencontre son public ; public dont vous faites potentiellement partie, alors ne faites pas les radins et jetez-vous sur cette grosse et bonne BD publiée chez Les Humanoïdes Associés parce qu'on veut la suite, nous ! Oui, on donne désormais dans le chantage affectif... On ne recule devant aucune bassesse.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Lire une adaptation soignée du début d'une œuvre de P.-J. Hérault.
  • Retrouver le tracé de Livia Pastore.
  • Respirer un bon vieil air de SF des eighties.
  • Quelques rares maladresses.
  • Quelques environnements un peu vides. 
Billy Summers
Par


Voilà un grand roman. Le dernier (en date) de ce diable d'auteur qu'est Stephen King

Le bougre sait y faire pour vous happer très tôt dans ses livres et entretenir la curiosité qui se mue petit à petit en passion dévorante par la minutie avec laquelle il dépeint ses personnages, toujours très riches, toujours si réalistes, et construit ses intrigues. Certes, il a parfois tendance à nous perdre à la fin avec des conclusions qui se traînent ou déçoivent par certaines facilités, raccourcis ou biais improbables, toutefois on en ressort la plupart du temps lessivés, émotionnellement vidés et heureux d'avoir vécu cette aventure. Car même lorsque le sujet est plus modeste (cf. son précédent thriller, Après), cet amoureux de l'écriture parvient par ses facultés indiscutables de conteur à le rendre intéressant. Ce n'est pas pour rien que sur UMAC, il est l'un des auteurs les plus cités et commentés (cf. ce dossier). Et appréciés.

Dans l'ouvrage qui nous intéresse, il réussit la gageure de nous plonger dans la tête d'un bonhomme immédiatement sympathique bien qu'il soit, avant tout, un criminel : Billy tue des gens pour de l'argent. On l'accompagne alors dès les premières lignes : Billy est descendu du train dans un petite ville de la côte Est des États-Unis et se retrouve accueilli par deux hommes de main qui le mèneront au commanditaire de son prochain assassinat. On se surprend à le trouver tellement cool, avec son analyse du style littéraire de Zola et sa manière de faire semblant d'être idiot devant les autres. On tombe malgré nous dans ce piège un peu trop facile qui nous fait passer des bandits pour des héros, et on se console avec sa ligne de conduite avouée : Billy ne tue que les méchants. Il a défini comme principe de n'accepter que les contrats sur des types qui méritent d'être exécutés : se substituant à la Justice, il débarrasse la Terre d'une engeance aussi inutile que dangereuse.

Un argument qui excuse parfois les actes de certains anti-héros qui fleurissent sur nos écrans : pirates avenants, gentlemen cambrioleurs, tueurs serviables. Mais un argument spécieux, qui ne permet pas de faire d'un Lupin ou d'un Léon des héros légitimes et exemplaires. Et dont Billy est parfaitement conscient : il sait, au fond de lui, qu'il n'est pas un "mec bien". Même avec les meilleures intentions du monde, tuer reste un crime. Et il se fait payer pour cela.


Alors Billy décide que ce sera son dernier contrat. C'est ce qu'il dit à Nick, son commanditaire habituel, un mafieux légèrement moins con que ses sbires, porte-flingues caricaturaux issus de la pègre. Et Billy l'accepte car il y a beaucoup d'argent à la clef. Un gros paquet de pognon. Pour éliminer un sale type : une vraie ordure. Il ne faudra pas beaucoup le pousser, le Billy, pour qu'il accepte l'affaire : un méchant à buter et assez de fric pour vivre peinard le reste de sa vie (sous une autre identité, évidemment, car n'oublions pas que Billy est beaucoup moins stupide qu'il en a l'air). C'est vrai que, dans les films (Stephen King aime beaucoup utiliser cette formule de référence), chaque fois qu'un criminel décide de faire son dernier coup, ça foire : il y a toujours la fameuse couille dans le pâté, le grain de sable dans l'engrenage qui fichera tous les beaux projets par terre. Ça aussi, Billy le rumine. On vous l'a dit : Billy est loin d'être bête. Il va donc tout faire pour que ça ne plante pas.


D'autant que le boulot ne sera pas aisé. Si Billy est un des meilleurs hitmen du pays, c'est non seulement parce qu'il est un sniper de haute volée, formé sur le terrain militaire lors de tournées au Moyen-Orient (car Billy a connu l'enfer de Falloujah), mais aussi parce qu'il sait faire ce qu'il faut pour être pleinement opérationnel au moment le plus propice. En l'occurrence, il va lui falloir patienter des mois, le temps que sa cible soit extradée depuis la Californie jusqu'à ce petit patelin tranquille. Alors Billy va rester sous couverture pendant tout ce temps, se fondre dans le décor. Il est méthodique, il est affûté, il sait faire cela. On lui procure une identité factice, celle d'un écrivain sommé de rédiger son premier roman par un agent new-yorkais : il aura un bureau à lui dans une tour mitoyenne au Palais de Justice et donc des horaires extrêmement flexibles. Il aura un petit pavillon en banlieue, il lui faudra sympathiser avec les voisins - mais il sait qu'il sera nécessaire de ne pas nouer de relations trop étroites. On lui fournit une porte de sortie pour le jour où il devra exécuter son contrat et même des diversions pour lui permettre de quitter la petite bourgade incognito lorsqu'il sera temps de disparaître.

Tout cela est parfaitement mis au point, millimétré, et Billy se sent largement capable de mener cette délicate opération à son terme afin d'empocher le reste de son dû (car il a reçu, histoire de le convaincre encore plus rapidement, une confortable avance). Néanmoins, son instinct lui souffle qu'il y a quelque chose de louche là-dessous, des détails qui ne collent pas parfaitement, des sous-entendus, et des hommes de confiance auxquels il ne parvient pas... à faire confiance. Billy s'en est toujours sorti, jusque là, tout seul, et voilà qu'on lui construit exprès un alibi et une issue. Tout cela pue un peu trop pour être honnête, ce qui pousse Billy à se prémunir contre toute mauvaise surprise. Il a du temps devant lui, et il sait tout à fait échafauder des plans de secours au cas où ça foire. Le moment venu, il saura quoi faire.

En attendant, il devra s'occuper. Tuer le temps, à défaut de tuer sa cible. Billy est d'un naturel affable, il parvient avec une aisance qui le surprend lui-même à s'intégrer dans la petite communauté qui peuple les bureaux de l'immeuble où il travaille (traders, agents de recouvrement et autres employés de bureau) ainsi que dans le quartier où il entreprend de redonner vie au gazon de sa pauvre pelouse. Il se retrouve invité à des barbecues, à faire des parties de Monopoly avec les enfants des voisins, à boire des bières avec tout le monde. Attention, Billy ! Gaffe à ne pas trop t'attacher ! Les voisins sont charmants, même la petite vieille alcoolique au regard inquisiteur, et il se surprend à les apprécier. Dangereux. Terrain miné. Et les yeux brillants de la petite Shanice pour laquelle il a réussi à gagner un gros flamant rose à la foire... 

Mais il y a un autre problème, plus urgent encore. Il est censé être écrivain. Il doit écrire, donc. On lui a même confié un MacBook Pro pour cela. Alors, il va donner le change et il se mettra à tapoter les touches du clavier. Comme il a peur d'être piraté, ou simplement surveillé, sur écoute, il va faire ce qu'il fait le mieux : tromper son monde et écrire à la manière d'un simplet. Mais écrire quoi ? Certes, il aime la grande littérature, et il possède à ce sujet des références ahurissantes. Mais écrire, c'est autre chose. L'acte en lui-même lui semble difficile, étourdissant. Alors, il s'essaie et il couche sur l'écran la seule chose qu'il maîtrise à peu près : ses souvenirs. Nous découvrons ainsi comment Billy est devenu ce qu'il est aujourd'hui : le Billy d'avant, d'avant les assassinats rémunérés, d'avant la Guerre du Golfe. Car le temps est long et sa vie déjà bien remplie. De drames, de tragédies, d'amertume et de regrets. De quoi nous rassurer davantage s'il le fallait : quand on comprend ce qui lui est arrivé, on ne peut que l'en apprécier plus. Oui, Billy a souffert et il a connu tout jeune une expérience véritablement traumatique. Pas de quoi être acquitté dans une cour de Justice, mais largement de quoi émouvoir un jury et décrocher une tripotée de circonstances atténuantes.

Cela n'ôte toutefois rien au fait qu'il reste un tueur à gages mais nous permet d'insérer une parenthèse nécessaire : si le livre a eu un beau succès aux États-Unis, il a rencontré aussi quelques détracteurs, et notamment dans la manière dont certains événements sont dépeints. Or les plus décriés sont justement ceux que Billy raconte, et qui l'ont marqué à vie : il nous semble au contraire indispensable et pertinent, de ne pas censurer certains détails troublants ou voiler une vérité horrible, afin de nous faire entrer plus aisément dans la tête de ce garçon. Ceux qui se sont offusqués sont peut-être les mêmes qui se plaignent de trop grands sentiments dans la seconde partie de l'ouvrage, mais nous y reviendrons.


Quoi qu'il en soit, Billy sait que, malgré ses intentions louables, sa gentillesse, sa politesse, il n'est pas honnête - et s'il ment perpétuellement à son entourage, il essaie cette fois de ne plus se mentir. Car Billy est intelligent, on vous le répète. Et il a du temps. Pour ruminer. Sur sa vie, qu'il couche par épisodes, drames après drames, sans savoir véritablement s'il en fera un livre. Sur qui il est et ce qu'il fait. Sur la peine qu'il causera inévitablement à ces gens qu'il fréquente, pour lesquels il est le gentil voisin plein d'attentions, le mystérieux écrivain solitaire, un homme honnête et respectable. 

Un homme honnête. Et respectable.

Mais voilà que le jour J arrive. Il est prêt. Il a une identité de secours (une troisième, donc), un plan B (ou C, pour le coup), une planque adéquate et même un véhicule caché. Il va appuyer sur la queue de détente, se barrer, toucher le pactole et disparaître mais, à sa manière, suivant ses propres règles. Il n'a pas confiance dans ses commanditaires, qui ne valent pas mieux que celui qu'il va abattre, sous leurs sourires de façade, leurs embrassades joviales et leurs palaces tape-à-l'œil. Il lui faudra oublier cette collègue au sourire désarmant, cette petite fille aux yeux attendrissants (il y a cette fois peu d'enfants dans ce roman, mais toujours décrits avec cette justesse de ton attendrissante - cf. justement cet article sur les Enfants dans l'univers de King) pour définitivement quitter cette vie. Mais il a d'abord un boulot à terminer... 

... et on n'en est qu'à la première moitié du livre. Car King suit comme d'habitude le flot qui s'écoule des sources qu'il a ouvertes, et construit la suite de ce récit qui aurait pu s'achever sur la mission de Billy avec le constat d'un texte déjà bien chargé, un personnage attachant dans ses paradoxes et ses atermoiements, trop humain même si définitivement hors-la-loi, un bon gars qui a été conduit à faire de mauvais choix. Pourtant l'auteur de Ça choisit d'aller plus loin encore, et de développer non seulement son personnage (son passé s'enrichit par les pages qu'il ajoute au roman de sa vie) mais aussi son intrigue : outre la machination que Billy subodorait, une influence occulte et des motivations douteuses, vient se greffer un nouveau personnage. Une jeune femme. Qu'il sauve de justesse d'un sort atroce... 

Tueur malgré lui, gentil voisin de façade, discret collègue de bureau et bon Samaritain. C'est tout cela Billy, et plus encore lorsqu'on parcourt les phrases de plus en plus enfiévrées, de plus en plus détaillées de sa jeunesse difficile et de ses missions dans l'armée. L'histoire de Billy, véritable livre dans le livre (matérialisé par une typographie différente conférant une seconde voix à la narration), élabore un échafaudage complexe qui sous-tendra les actions futures d'un Billy pris entre deux feux, à l'heure des choix cruciaux qui décideront du reste de son existence.


Au polar haletant vient donc se greffer une histoire plus dense qui se muera en road trip tout en diffusant un puissant plaidoyer pour le pouvoir salvateur de l'écriture (un thème de prédilection chez Stephen King, qui en a fait d'ailleurs le moteur de certains de ses récits les plus connus, comme Misery ou la Part des Ténèbres) et en incluant des séquences intenses puisées dans les souvenirs du Billy soldat : car si sa jeunesse lui a procuré son lot de vertiges émotionnels, son passage dans les Marines a fait de lui l'homme qu'il est à présent. C'est ce Billy complexe, à l'âme torturée, gentil assassin et sauveur nocturne, qu'on ne peut s'empêcher d'aimer et d'accompagner jusqu'au bout d'un périple qui verra peut-être sa rédemption ou sa crucifixion dans un monde trop glauque, trop inhumain, vidé de ses principes mais illuminé brièvement par des actions, des intentions et des sentiments qui sauvent l'honneur de notre espèce. On peut peut-être, par moments, y trouver un peu de naïveté, mais c'est faire preuve d'un peu trop de cynisme face à la cruauté, la barbarie et l'ignominie dont peuvent faire preuve les hommes de pouvoir sur les humbles. Sans qu'il y ait de systématisme, on peut aussi reprocher à certains enchainements d'être trop évidents ; cependant, le confort de lecture que cela procure, par leur truisme narratif, entraîne d'excellentes surprises après coup. On croit souvent deviner ce qu'il va advenir et l'auteur nous pousse soudain dans une direction imprévue. C'est très fort, parfois agaçant ou frustrant, mais lorsqu'on referme le livre, on ne peut s'empêcher de verser une larme sur ces personnages qu'on quitte : pas de chevaliers blancs ni de héros sans tache, mais des êtres complexes qui font parfois des choses pas très nettes, voire carrément sordides, mais savent faire preuve d'empathie, de courage et d'abnégation pour sauver ce qui leur est cher. Des criminels dotés d'une bonne âme, bossant pour des salauds qui l'ont perdue, eux-mêmes à la solde de monstres pervers, dirigeants sadiques régnant sur une pyramide de la malignité. Simple rouage dans la machinerie infernale, Billy est un rouage qui pense, et qui se donne soudain les moyens d'agir.

Malgré une hénaurme allusion à Shining (peut-être légèrement capillotractée, mais insérée avec tant de sincérité qu'on lui pardonne), vous ne trouverez pas d'élément précisément fantastique dans cet ouvrage qui s'avère donc une excellente surprise : sans doute moins rigoureux et construit que l'Institut, avec une propension à s'épancher sur les états d'âme de chacun et à divaguer un peu - sans que cela soit, au contraire, lassant ou redondant - mais beaucoup plus riche dans les thèmes abordés. 
550 pages de plaisir intense.

+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un roman extrêmement riche, mélange de thriller, de récit de guerre et de road-movie.
  • Des personnages denses, complexes, qu'on aime voir évoluer sur le fil du rasoir.
  • Des coups de théâtre, des coups de bluff, de l'action, du suspense, du sang et de la violence ainsi que de grands sentiments : évidemment, sous la patte d'un grand réalisateur, il y a suffisamment de quoi faire un grand film (ou plusieurs) - d'ailleurs la société de J.J. Abrams en a acheté les droits pour ce qui devrait être une mini-série.
  • De nombreuses références au monde qui nous entoure, un voyage presque chirurgical dans l'Amérique des petites bourgades et des gens modestes.
  • 550 pages qui s'avalent... et on redemande.


  • Rien ou presque. On peut éventuellement regretter que certains détails ne soient pas développés, que certains filons ne soient pas explorés comme ils auraient été en droit de l'être, mais ce ne sont que des regrets après coup qui ne gâchent pas le plaisir de lire.




BRZRKR
Par

Le gars a un prénom signifiant "brise fraîche sur la montagne" et prône la paix et l'amour
en ne cessant de se mettre en scène dans des rôles d'assassin.
C'est ce qu'il y a de beau, avec l'être humain : il n'est pas à une contradiction près !


Comme nous vous l'annoncions dès 2020, Keanu Reeves s'est imaginé en vedette d'un comic bourrin mais mâtiné de spiritualité le mettant en scène dans la peau d'un guerrier légendaire. Eh bien, aux United States of Keanurica, quand Keanu veut un truc, il l'obtient ! Ledit comic a été coscénarisé par l'inévitable Brise Fraîche sur la Montagne et Matt Kindt (Folklords, Mind MGMT...), dessiné par Ron Garney (Captain America, The Amazing Spider-Man, Hulk, X-Men, Daredevil...) et colorisé par Bill Crabtree (personnellement, j'ai une imagination visuelle ; le patronyme de ce monsieur me donne envie de le suggérer à l'I.A. de Midjourney pour voir ce qui en sortirait). Le comic est sorti aux éditions Boom! Studios chez les compatriotes de Robinette Biden puis a été traduit en francophonois pour sortir chez nous sous une couverture arborant le logo Delcourt.

Mais quel est cet étrange projet et que valent les abats que nous sert avec enthousiasme Petit Vent Froid dans les Rochers à chaque page de ce bien sanguinolent volume ?

Eh bien, sous les traits (tant admirés de millions de fans de par la vaste monde) de Souffle Frisquet sur les Cailloux, on apprend à connaître un guerrier huit fois millénaire qui loue ses services experts au gouvernement des USA en échange d'une meilleure connaissance de lui-même. Car si B. (c'est son nom, c'est comme ça...), aussi appelé Unute (c'est son nom aussi, tu vas faire quoi ?), est un demi-dieu vieux de huit millénaires se souvenant de chaque instant de sa vie, il a aussi la capacité de tout tuer... et il a un jour décidé de tuer certains de ses souvenirs (waw, c'est aussi profond que le sommeil que cette idée pourrait m'inspirer dans un bouquin où elle ne flotterait pas à la surface de quinze hectolitres de sang entre un œil humain et un intestin grêle). Le deal est simple : B. remplit, aux quatre coins du globe (chercher les coins d'un globe, ça occupe un bon moment) et au nom de la bannière étoilée, des missions trop dangereuses pour le commun des mortels. En échange, les USA l'aident à retrouver la vérité sur ses origines et à accéder à la mortalité (non pas que B. soit suicidaire mais 8000 ans à voir tout le monde faire un truc sans pouvoir essayer, ça doit rendre la chose tentante). C'est que, las de cette vie de massacre, B. aspire à une certaine introspection, voyez-vous... même si ce n'est pas flagrant lorsque l'on feuillette distraitement l'album.
Peu à peu, B. se souviendra être un cadeau des dieux anciens offert à une tribu primitive suite aux suppliques de celle qu'il considère comme sa mère. Une immaculée conception psychédélique plus tard, cette proto-Marie se retrouve grosse d'un chiard qui deviendra adulte en deux printemps et s'avèrera apte à zigouiller des armées entières à lui seul. Il devient l'outil (l'unute) de sa tribu qui lui voue dès lors un culte... Tout cela est bien joli mais le cadeau des dieux anciens a été conçu avant que les dieux fussent obsédés par la notion d'obsolescence programmée... par conséquent, des millénaires après la disparition de tous les siens, B. ne peut toujours pas mourir. Et visiblement, c'est crevant, de ne pas crever !


B. est un bourrin, son histoire l'est aussi et le tout sera mis en images avec la ferme et ostentatoire intention de faire autant dans la finesse que le vieil oncle bourré qui embarrasserait même Jean-Marie Bigard au beau milieu d'une foire à la saucisse. Ça perfore des crânes à coups de poing, ça arrache des membres à mains nues, ça tranche des gorges avec des côtes, ça se bat encore avec la moitié de la gueule arrachée, ça pisse de l'acide et ça chie du plomb en fusion à chaque planche... ou presque.

Est-ce trop ? Indéniablement. Est-ce intentionnel ? De toute évidence.
La démesure de violence et de force de B. se doit d'être graphiquement explicite. Un surhomme à l'impact limité perd tout de l'intérêt que l'on peut lui porter : faites courir Flash derrière un autre bolide et vous avez l'impression de deux coureurs normaux que nos contingences matérielles n'affectent pas, ils perdent de leur impact sur notre imaginaire au fur et à mesure qu'ils s'écartent de notre réel. Faites courir A-Train à plusieurs centaines de kilomètres par heure jusqu'à ce que sa route croise la jeune fiancée de Hughie Campbell et l'impact qui déchirera le fragile corps de la jeune femme et en éparpillera les boyaux dans toute la rue marquera une génération entière de lecteurs et de spectateurs.

Ici, B., c'est A-Train au ralenti : il en met partout sur les murs, le saligaud ! Mais c'est parce qu'il s'agit d'un être surpuissant et insensible, d'essence divine et habité par une inextinguible pulsion de violence ! En le laissant à échelle humaine et en lui offrant comme adversaires des combattants modernes aguerris, l'on prend mieux acte du feu qui le consume et de son potentiel. 
Tout ce paragraphe visait bien entendu à nous distinguer des puritains qui seraient choqués à la vue de tant de corps éclatés comme des pastèques un lendemain d'Halloween. Nous ne sommes en rien choqués par cela. 
La violence graphique est ici scénaristiquement justifiée ; bien plus encore que dans The Boys, d'ailleurs, pour reprendre notre exemple ci-dessus.


L'avatar de Pet Glacial à Flanc de Colline a un background cohérent et assez soigné, les planches (trop nombreuses) relatant son passé nous l'expliquent avec force détails d'un gore esthétisé assez défoulant.
Mais l'histoire qui nous est contée est essentiellement contemporaine et l'anachronisme vivant qu'est B. nous y est dépeint avec d'autant plus d'efficacité que, fort de 8000 ans d'expérience de la rage, il maîtrise désormais l'art et la manière de tuer et mutiler mais aussi une façon bien à lui de faire face à l'immortalité. 
Certaines facettes de sa personnalité transparaissent dans son comportement et l'on perçoit parfois des idées de caractérisation toute bêtes dans certaines bastons qui s'avèrent d'une redoutable efficacité pour mieux cerner ce qu'est ce personnage. À titre d'exemple, conscient que sa fureur de berzerker (oui, BRZRKR, en somme) est sur le point de l'emporter, il se débarrasse en quelques cases de tout l'équipement moderne que lui confie son employeur (armes à feu, gilet pare-balles...) au beau milieu d'une fusillade. Bien entendu, on sent que Souffle d'Eole caressant la Face Nord s'est offert un petit fantasme badass qu'il pourra revoir en boucle dans la série animée et le film R-rated d'ores et déjà négociés avec Netflix. 
Mais ce n'est pas tout : cette séquence permet surtout de nous dépeindre le personnage comme pleinement conscient de sa bestialité primitive lorsque sa fureur de berzerker le gagne. Il sait alors que, loin de ces artifices modernes, sa meilleure arme reste encore sa rage elle-même, viscérale, inextinguible !

En ce qui concerne le dessin, nous vous en offrons ici quelques échantillons représentatifs. Le trait est lisible et souvent très précis, la mise en couleur fait la part belle aux contrastes très marqués et aux couleurs signifiantes, comme le font tous les comics se revendiquant peu ou prou de l'influence de titres comme Watchmen. La violence stylisée à l'extrême peut parfois rappeler un Hard Boiled de Frank Miller et Geoff Darrow.


Vous remarquerez que l'on est plutôt bienveillants envers ce comic ; il a d'indéniables qualités. Mais il n'en reste pas moins une impression étrange à sa lecture. Sans doute même la somme de plusieurs impressions : l'impression que Keanu Reeves met sur papier un fantasme vraiment très égocentré faisant de lui une sorte de dieu de la violence, l'impression que le comic est un condensé de nombre d'inspirations qui ne trouve pas nécessairement une autre originalité que son personnage central et son apparence, l'impression désagréable que rien ne compte ni ne comptera puisque tout est vu à travers le regard d'un être quasi éternel et invulnérable, l'impression (renforcée par le style graphique et les nombreuses inspirations) d'une œuvre contemporaine mais appartenant déjà au passé...

Au final, un bon moment de divertissement dont nous attendions peut-être trop mais qui ne risque pas de décevoir le lecteur occasionnel en quête de personnage de dur à cuire, d'action et de violence.

Allez, je vous laisse avec une image de B. enfant, envoyant son poing à travers la tête d'un type qui n'en demandait sans doute pas tant, au mépris de toutes les lois les plus élémentaires de la physique, de la biologie et de la mécanique. C'est cadeau.



+Les points positifs-Les points négatifs
  • Un personnage charismatique à la caractérisation efficace.
  • Une violence graphique décomplexée.
  • Un scénario clair.
  • Un ego trip un peu trop voyant, quand même, pour sieur Keanu.
  • Une façon de montrer la violence finalement déjà vue ailleurs, même si la quantité peut ici faire office de qualité pour un certain lectorat.
  • Un scénario au final assez pauvre, malgré ses grands airs.

Wolverine : Arme X
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Dans cette dernière édition française (Panini comics 2017), l'Arme X réaffirme avec classe son statut d'œuvre à part, fondatrice et incontournable du paysage des comics, avec un récit entièrement conçu et illustré (et colorisé) par un artiste impliqué qui se réapproprie totalement un personnage déjà chargé d'une aura singulière et entreprend de raconter - mais à sa manière - un épisode capital de son passé. 

Barry Windsor Smith
, qui fit les grandes heures avec John Buscema de la saga dessinée de Conan le Barbare (sous la houlette de Roy Thomas) se frotta donc en 1991 à celui qui était en passe de devenir un pilier du monde Marvel : le petit mutant griffu et vantard, quelque peu délaissé par Dave Cockrum sur les premières histoires de ces Nouveaux X-Men, brillait déjà sous les crayons d'un John Byrne totalement sous le charme, jusqu'à ce que Frank Miller n'achève de lui donner ses lettres de noblesse en dynamitant un script de Chris Claremont pour sa toute première mini-série (1982), prélude à sa propre série régulière visant à l'extirper du carcan de son groupe d'appartenance. 
Préalablement au récit de ses origines, qui mit longtemps à se concrétiser, il y avait ainsi manifestement la place pour conter l'événement qui transforma l'obscur Logan en ce Wolverine de chair et d'adamantium et monter de toutes pièces une mythologie autour du programme gouvernemental ultra-secret destiné à créer des super-soldats. Smith s'empara de l'idée qu'on lui tendait mais conserva la main sur l'ensemble du projet éditorial, en en faisant une mini-série décalée, prenant le contrepied de certains des standards de l'époque. 

C'est ainsi que naissent, parfois, les mythes. Et que se créent les œuvres intemporelles.


Vétéran de l'armée, le dit Logan traîne son mal-être entre les USA et le Canada, vivant presque reclus, tentant de noyer comme il peut son spleen : il sait que son destin l'attend, et que la révélation ne sera pas une partie de plaisir. Un destin qui se présente à l'improviste et le retrouve prisonnier dans un laboratoire expérimental, prêt à subir des tortures inimaginables visant à démontrer la pertinence d'un ambitieux programme militaire. Face à lui, un médecin radié de l'ordre, donc peu scrupuleux quant aux questions d'éthique, une secrétaire  novice et un professeur ambitieux, soucieux de prouver ses théories tout en gardant pour lui quelques-uns des mystères entourant ce patient X, notamment son étrange robustesse. Ligoté, drogué, Logan assistera impuissant à son propre martyre...

La narration, vive, ludique mais chaotique, se cale sur l'état d'esprit du héros (paumé, puis torturé, puis paumé à nouveau) et celui des quelques rares protagonistes nommés (le professeur, complètement parano, le docteur Cornelius et sa secrétaire Hines) : les dialogues s'entrecoupent, se chevauchent et les encadrés récitatifs croisent les phylactères autonomes pour renforcer encore le côté psychanalytique de l'œuvre, agissant plutôt comme une voix off sans indication de lieu ou de temps. Malgré un dispositif assez semblable à ce qu'on pouvait trouver dans The Dark Knight strikes again, on se rend compte que la volonté est davantage ici de nous priver de garde-fous, de saper nos repères de lecteurs et de nous faire partager le trauma insensé que traverse le pauvre Logan. La mini-série se vit ainsi comme une aventure sous acide, une expérience hallucinatoire où le réel, terrible et sanglant, transperce l'illusion, où les souvenirs s'effilochent et la psyché se délite. 

L'exploration de la psyché fracturée de Logan a souvent donné lieu à des tentatives similaires, audacieuses et hautes en couleur, avec des télépathes puissants qui ont fini par s'y casser les dents : Jean Grey la première, mais on retiendra aussi la période où la Main, ayant fini par mettre la... main sur leur pire ennemi, avait tenté de le maîtriser psychiquement par le biais d'une Psylocke manipulée. Des épisodes très enlevés et parfois stupéfiants (avec un Jim Lee en pleine forme aux manettes) mais qui n'avaient ni l'impact ni l'ambition graphique de ce que propose Barry Windsor Smith ici.

Le choix des couleurs, quasi psychédéliques (on a parfois l'impression de lire du Moebius période l'Incal ou même du Druillet) tranche furieusement avec le tout-venant des histoires de super-héros et confère un ton abrupt aux séquences ultra-violentes tout en achevant d'inscrire un personnage définitivement singulier au rang de nouvelle figure tutélaire de l'univers Marvel, voire de la culture pop, avec ce mutant au passé trouble, aux capacités méconnues, qui cherchait la solitude et l'oubli et qui libéra la bête en lui le jour où l'on tenta de le domestiquer de force. 


Ni sauveur, ni justicier, (le pas encore) Wolverine est ici décrit comme un gars qu'il vaut mieux ne pas trop emmerder. On ne fera guère mieux que cet album par la suite, quand bien même les possibilités intrinsèques soient gigantesques : c'est sans conteste jouissif pour un auteur ou dessinateur de comics, mais pas facile de se mettre à la hauteur du "Meilleur dans sa partie".

Un mot quand même sur cette énième édition, oversized : alors c'est grand, très grand même (vous jugerez par vous-mêmes sur la photo comparative, ci-dessous) et du coup pas très pratique à manipuler, surtout si vous avez en tête de le feuilleter au lit ; et encore moins à ranger dans une bibliothèque normale (chez moi, il a fini par trouver une place à l'horizontale en compagnie du Dracula de George Bess chez Glénat - même longueur mais largeur et épaisseur supérieures - et de L'Appel de Cthulhu de Baranger chez Bragelonne, à peine moins imposant). 

De gauche à droite : Wolverine Arme X grand format (Panini 2017) ; Wolverine Black, White & Blood (Panini 2021) ; X-Men Golgotha (Panini Deluxe 2016) ;  Savage Wolverine : Kill Island (Marvel 2013).

Évidemment, cela ravira aussi les lecteurs qui prennent de l'âge et dont la vue commence à faiblir (ne rigolez pas, on m'en a fait l'aveu !) et ajoutera un certain cachet à l'objet lui-même, cependant c'est avant tout au niveau du rendu visuel qu'il faut s'attacher, et le moins que l'on puisse dire c'est que c'est de la belle ouvrage. Le travail a été fait de telle sorte que les cases, ainsi amplifiées, confèrent davantage d'aisance dans la lecture (en aérant un peu le lettrage) tout en conservant leur côté étouffant par leur densité et leur palette de couleur. Et cette édition Panini comics 2017, imprimée en Inde (!), si elle ne contient guère de suppléments hormis une notice sur l'auteur et la reproduction des couvertures originales, propose un poster dépliable en couverture (cf. photo) sur un papier mat de bonne qualité, bizarrement plié, qu'on pourra juger totalement inutile ou rigoureusement indispensable. Reste une préface par Larry Hama commençant par "Ceci est une œuvre d'art." : on finit par admettre, en refermant le bouquin, qu'il a bien raison.

En dehors d'un ou deux contresens sans gravité et une erreur grammaticale, la traduction de Nikolavitch s'avère satisfaisante. Comme quoi Panini sait (parfois) faire du bon travail (cf. cet article)...


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un récit fondateur de la mythologie de Wolverine, voire de la mythologie mutante.
  • Un projet singulier, porté par un seul artiste, qui y insuffle sa voix particulière et son style hors du commun.
  • Une histoire forte, sans concession, violente et dense mais également emplie de poésie et de symboles.
  • Une lecture presque expérimentale qui demandera un effort certain aux lecteurs profanes.
  • Un album aux dimensions hors normes qui magnifie le contenu, une édition enthousiasmante.
  • Un point de vue permanent sur Logan (dont on ne sait pas grand-chose), qui plonge le lecteur dans les affres de sa pensée chaotique.


  • Un style sans concession qui peut dérouter.
  • Un format oversized, imposant mais pas très pratique.
  • Une certaine frustration au niveau des informations, très parcellaires, sur Logan et le projet Weapon X.