Wolverine : Black, White & Blood
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La collection "Black, White & Blood" a tout de l'opération opportune, une initiative purement commerciale s'appuyant sur la popularité d'un personnage et de certains artistes tout en s'affranchissant du carcan de la série d'origine. Le but est d'en mettre clairement plein la vue au lecteur, en emballant des récits courts dans un album surdimensionné.
Les amateurs et collectionneurs apprécieront, même s'il leur faudra se creuser la tête pour trouver comment insérer le volume dans leur bibliothèque : 33,5 x 24 cm, on navigue dans une dimension très inhabituelle pour du comic book (même l'intégrale Watchmen est plus modeste, c'est encore plus grand que Fluorescent Black - mais ceux qui apprécient le format XXL trouveront que ça reste largement en-dessous des cotes de la récente réédition "oversized" de L'Arme X, dont nous reparlerons).

Demander ainsi de créer des histoires sur Logan, destinées à n'être illustrées que par le biais de ces trois couleurs, relevait autant de la gageure que de la logique : le "Meilleur dans sa partie" s'est en effet régulièrement illustré dans un contexte sombre et il y a toujours de grandes chances que le sang jaillisse lors de ses confrontations aussi violentes qu'inévitables ; s'il a régulièrement fait couler celui de ses malheureux adversaires, il a aussi souvent perdu de grandes quantités du sien, au point de frôler la mort à de nombreuses reprises. Après la déception d'un Kill Island un peu trop tendre à notre goût, c'était l'occasion de repartir sur les traces d'un héros sauvage et bestial qui maintient toutefois, à grand peine, son honneur et son humanité à la surface - des caractéristiques qui, déjà, transparaissaient dans les premières histoires en solo, avec Frank Miller ou Chris Claremont aux commandes. Ça tombe bien : Claremont fait justement partie de la pléthore d'artistes invités au sommaire de ce volume ! On en reparle ci-dessous.

Nous voici donc avec une compilation maligne de douze petites aventures (10 pages chacune) de notre mutant griffu, qui apportera sans doute ce qu'il faut de joie et d'énergie aux fans, parvenant malicieusement à illustrer quelques interstices de la vie très remplie de Wolverine. Le gars ayant vécu assez longtemps, il y a largement la place pour imaginer quelques nouvelles péripéties, tout en s'efforçant de rester raccord avec la trame générale. Tout ou presque y passe, on navigue entre Madripoor, le Japon, l'Europe de l'Est, l'Amérique du Nord mais également Mars avec un Logan qui agit souvent pour lui-même ou sous son autre identité civile ("le Borgne"), parfois en tant que X-Man ou espion à la solde de Nick Fury, ou encore dans le cadre de X-Force. On commence d'ailleurs très tôt puisque le premier épisode se situe à l'époque de l'Arme X, avec le mutant canadien déjà chargé d'adamantium mais encore sous la bride des concepteurs du projet. Le lecteur consciencieux remarquera à ce sujet, assez vite, des problèmes dans la maquette : les deux premières aventures voient leur titre repoussé à la dernière page, mais ils sont inversés dans la table des matières, et les auteurs ne sont pas les mêmes. Pour autant, la traduction de Mathieu Auverdin tient la route.




Si les partenaires habituels (c'est-à-dire en gros les mutants œuvrant dans le cadre des groupes plus ou moins affiliés à Charles Xavier, mais aussi, ne l'oublions pas, les Avengers) n'apparaissent guère ou ne font que passer , les femmes de la vie de Logan tiennent ici une place nettement plus importante : Tyger Tyger, Kitty Pryde, Mystique et surtout Mariko viennent faire de l'ombre à notre héros pour lequel on propose des trames finalement peu ambitieuses ou originales. Vengeance, honneur et quête d'humanité constituent les thèmes les plus fréquents, le sang coule - bien entendu - mais la violence n'est pas toujours au premier plan. Cet encrage particulier sied particulièrement aux crayonnés de quelques petits nouveaux mais également à certains revenants dont Salvador Larroca. Ce dernier, après s'être occupé de la série Darth Vaderillustre un script proposé par le vénérable Claremont qui parvient à ne pas décevoir (après tout, il est dans son élément, c'est lui qui, au travers des X-Men, a mis en valeur le personnage : cf. par exemple cet arc co-réalisé avec John Byrne) avec un récit aussi épuré que profond : Do we die today.  Cet épisode intéressant précède sans doute le plus réussi de l'album : 32 warriors and a broken heart de John Ridley (l'un des auteurs de Future State Barman) & Jorge Fornès, dans lequel notre héros devra assumer l'un de ses plus gros échecs face à un Samouraï d'argent qui se fera un malin plaisir de lui rappeler des responsabilités qu'il a esquivées ; sans doute le seul récit qui laisse une impression amère sur les choix de Wolverine. Juste après, Burn de Donny Cates se voit mis en images par un Chris Bachalo décevant : la singulière mise en couleurs nuit fortement à ses esquisses qui en deviennent illisibles. Le scénario a le mérite de conserver une pointe d'humour qu'on ne trouve pas dans les premiers épisodes, plus directs. Greg Land - qui sort de sa participation au Spider-Versene fait pas mieux dans Unfinished Business, mais son style trop hiératique convient davantage aux couvertures qu'aux histoires échevelées : Logan n'est pas un héros qui pose et il a besoin d'un artiste qui colle à sa dynamique intrinsèque. Mention bien toutefois pour Red Planet Blues qui fait ouvertement référence à la saga House of X/Weapon of X de Hickman avec des dialogues piquants et le design épuré mais efficace de Jesus Saiz - que nous avions déjà remarqué dans le dernier Swamp Thing. 

Pour le reste, cela va du très dispensable (mais jubilatoire) au surprenant, même si aucun épisode ne s'avère être un réel chef-d'œuvre. Quelques-uns souffrent de l'ombre des précédents récits complets, ou des grands moments de la série, peu sortent des sentiers battus. Cela dit, s'ils ne surprennent guère, ils sauront contenter les admirateurs de ce personnage à nul autre pareil, passé très vite de tête brûlée un peu fort en gueule à porte-étendard de la flotte Marvel, éclipsant même la popularité de Spider-Man.

Un album moins sérieux qu'il n'en a l'air, doté d'un humour plutôt bien dosé et proposant une violence à géométrie variable : c'est sanglant mais il y a eu bien pire (The Best there is de Huston & Juan José Ryp ou même Ennemi d'État). Loin d'être indispensable, il saura prendre une (grande) place de choix dans la bibliothèque de tout un chacun.




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un choix éditorial qui sied plutôt bien au personnage du mutant griffu.
  • Un album gigantesque (par rapport aux normes des comics) qui met en valeur les graphismes. Toutefois sa couverture demeure souple.
  • Des épisodes répartis tout au long de la (longue) vie de Wolverine.
  • Une liberté de ton bienvenue.
  • Une palette de grands noms parmi les auteurs et dessinateurs. 


  • Des intrigues très légères, prétextes à des séquences loufoques ou brutales.
  • L'inconvénient habituel des compilations, avec une forte inégalité dans la qualité des textes et des dessins.
  • Les références à la carrière de Logan pullulent, au point qu'elles peuvent perdre le lecteur profane.
  • Une maquette un peu bizarre, avec des erreurs dans la table des matières.
Collection Hachette Michel Vaillant
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Après Buck Danny ou encore Astérix, Hachette s'attaque à un autre classique de la BD franco-belge avec l'intégrale Michel Vaillant.

L'ensemble comporte 92 albums et reprend la série principale, la plus récente (et très réussie) saison 2 (cf. cet article), divers albums hors-série (Michel Vaillant - Légendes, Michel Vaillant - Histoires Courtes) et la série Julie Wood !
Le tout formera une belle fresque (cf. illustration ci-dessus) et comportera, comme c'est l'usage dans ce genre d'abonnement, divers cadeaux (album gratuit, dossiers Michel Vaillant, DVD, casquette...).

Les albums grand format comporteront des suppléments (en tout cas, les 10 premiers d'entre eux) portant sur les personnages, les circuits et les véhicules, l'auteur ou encore des archives et divers crayonnés.

Notons que, pour cette collection, les frais de port sont offerts. Toutes les 6 semaines, les abonnés recevront un colis rassemblant 3 albums, au prix de 12,99 € l'unité.
Plus de détails et abonnement sur le site officiel.

Une bonne occasion de se replonger dans cette série mythique et de traverser les époques avec son héros.


La série en question
Nul besoin d'être un passionné de mécanique pour apprécier les aventures de Michel Vaillant. Bien entendu, les courses demeurent un élément central et apportent suspense et action, mais c'est le style et l'habileté de Jean Graton qui donne son charme à la série. Celle-ci aborde d'ailleurs régulièrement des thèmes qui s'éloignent quelque peu du sport automobile : le mystère, voire le paranormal, s'invitent dans Les Chevaliers de Königsfeld, alors que des pilotes disparaissent dans un château médiéval ; Concerto pour Pilotes voit Michel Vaillant s'intéresser de près au domaine aérien ; certains albums, comme Série Noire, vont privilégier l'introspection alors que d'autres, comme Cauchemar, installent une intrigue policière.
Il faut encore ajouter à tout cela les moments plus intimistes et la vie privée de la famille Vaillant, la saga Steve Warson (Michel devant parfois affronter son meilleur ami lors de luttes épiques), les rallyes dans des lieux exotiques ou encore le Leader et sa menace constante. 
La série va se moderniser au fil du temps, intégrant des pilotes célèbres et bien réels et prenant même un virage plus sombre lors de la saison 2, s'imposant ainsi comme l'un des rares titres conservant sa qualité malgré l'absence de son auteur originel. 
Michel Vaillant n'est pas seulement une grande saga familiale et un hommage visuel constant aux automobiles de légende, c'est aussi l'un des grands classiques de la bande dessinée, bénéficiant de dessins somptueux et de scénarios de qualité. 





Intégrale Justice League
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Retour sur une saga DC Comics incontournable : la Justice League par Geoff Johns.

Si vous cherchez un point d'entrée dans le vaste univers DC (et ce bien qu'il n'existe pas d'épisode idéal pour bien "débuter" la lecture de comics tant cela dépend de vos propres inclinations), voilà une série qui peut parfaitement faire l'affaire et possède de grandes qualités tout en s'avérant accessible.
À la manœuvre, l'on retrouve Geoff Johns, un architecte important du monde DC moderne, qui a notamment signé le scénario de nombreuses sagas Green Lantern mais aussi, entre autres, de Batman Terre-Un ou encore des versions New 52 de divers personnages (sur lesquels nous reviendrons plus loin).
Bref, le gars est expérimenté et se révèle plutôt efficace quand il n'est pas carrément brillant. Le candidat parfait donc pour prendre les choses en main lorsque, en 2011, l'éditeur décide de donner un coup de frais à ses principales licences.  

Ces épisodes ont été regroupés par Urban Comics en 2019 et 2020 dans quatre Intégrales (des tomes allant de 420 à 620 pages) regroupant la série Justice League mais aussi des arcs d'Aquaman, Forever Evil ou encore Justice League of America). Le tout est bien évidemment centré sur les personnages phares de DC : Batman, Superman, Wonder Woman, Green Lantern, Flash mais aussi Cyborg et Aquaman
En gros, le style Johns parvient à faire du classique sur le fond et à moderniser la forme. Pas seulement l'aspect graphique, que l'on doit à des dessinateurs comme Jim Lee, David Finch ou Ivan Reis, mais surtout la narration, les dialogues et les thématiques bien connues.



Tout démarre, dans les premiers épisodes, par la rencontre des héros. Ces derniers viennent de débarquer il y a peu dans un monde qui les craint et apprend encore à les découvrir. En parallèle, les reboots des différentes séries ont permis d'installer les personnages avec brio. Batman : The Dark Knight, sous la plume de Finch et Jenkins, est un modèle d'efficacité, tandis que la nouvelle version d'Aquaman, par Johns lui-même, joue avec la "mauvaise réputation éditoriale" du héros pour insuffler un brin d'humour dans ce nouveau départ. Même s'ils ne sont pas directement liés à la Justice League, l'on peut aussi noter les très bonnes versions New 52 de Catwoman ou Shazam, et surtout l'excellent et horrifique Swamp Thing. Bref, tout est parfaitement coordonné et suffisamment bien écrit, la plupart du temps, pour contenter les vieux briscards et attirer l'attention d'un nouveau lectorat. 

Mais revenons à la Justice League. Johns joue avec intelligence sur les différences de caractère entre les héros, alternant petites vannes bien senties et grosses castagnes spectaculaires. La menace principale de ce premier tome ne surprendra pas les fans puisqu'il s'agit de Darkseid, un poids lourd d'entrée de jeu donc, histoire d'avoir du solide pouvant faire face à l'alliance des sept têtes d'affiche. Par la suite, une fois le décor planté et les rôles des différents protagonistes clairement définis, c'est une certaine Pandora qui viendra déclencher une lutte titanesque entre les différentes ligues. Puis, c'est le Syndicat du Crime qui menacera de prendre le contrôle de la Terre entière, sans parler de l'introduction d'un Lex Luthor particulièrement ambigu. 

Si l'on se contente de survoler tout cela, l'on pourrait être tenté de penser qu'il s'agit d'un énième reboot et de récits somme toute classiques. Et ce n'est pas tout à fait faux, les ingrédients utilisés sont en effet d'un classicisme appuyé. Mais c'est bien le chef, au final, qui va permettre de constituer un plat digne de ce nom. Dans l'écriture, comme en cuisine, il ne suffit pas d'avoir sous la main des produits ayant déjà fait leurs preuves, il faut maîtriser le rythme (la cuisson), les dialogues (l'assaisonnement), les effets (les ustensiles), etc. Et Geoff Johns fait partie de cette race d'écrivains, de nobles artisans, qui savent tirer le meilleur des personnages dont ils gèrent un temps le destin. 
D'autant que, contrairement à ce que l'on pourrait croire, devoir s'occuper d'une grosse licence et de personnages très connus est en fait un cadeau bien souvent empoisonné...



En effet, chez Marvel par exemple, il arrive fréquemment que les meilleures histoires soient publiées dans des titres secondaires (Runaways, Vision...), probablement parce que ce ne sont pas là des séries "stratégiques" et que le cahier des charges à respecter est alors bien plus souple. Devoir s'occuper de la réunion de personnages aussi connus et importants que Batman, Supes ou la jolie Amazone en chef n'a donc rien d'évident. D'autant qu'ici, le but est de faire du neuf avec du vieux. Double défi donc. Pour le relever, il ne faut pas juste un bon auteur, il faut un putain de magicien qui maîtrise parfaitement son art et comprend les ressorts super-héroïques dans les moindres détails. Et les gens de cette trempe ne sont pas si nombreux qu'on le croit (cf. par exemple le très surcoté Hickman, et notamment ses personnages fades et ses intrigues mal fichues sur Avengers). 

Bien souvent, l'on peut entendre des béotiens employer les termes "simple" ou "sans prétention" dans leurs critiques évoquant des œuvres pourtant parfaitement abouties. Mais "classique" ne veut pas dire "simple". Et donner l'illusion de la facilité, c'est le propre des gens qui savent bosser et ont de l'expérience. Ce n'est pas parce que ça a l'air facile pour le profane que c'est à la portée de tous. C'est même souvent exactement le contraire. 
Vous avez vu la différence qui existe par exemple entre votre Tonton qui fait rire tout le monde quand il raconte une histoire drôle et vous qui, avec la même vanne, faites un four monumental ? C'est parce que ce n'est pas l'idée qui compte (en tout cas, très peu), c'est sa mise en œuvre (cf. ce dossier). 
Et Johns est passé maître dans l'art de la mise en scène. Tout ici est juste (au sens d'une partition, après, vous êtes libre d'aimer ou pas la mélodie), précis, parfaitement en place. À tel point que cette intégrale figure probablement dans les comics "classiques" [1] à conseiller absolument, surtout d'ailleurs aux nouveaux lecteurs. En plus, même si l'on retrouve quelques coquilles (c'est normal, rien à voir avec le niveau de Panini, cf. cet article), on a ici des poids lourds à la traduction (un certain Edmond Tourriol [2] notamment) et le sérieux d'Urban, qui n'est plus à démontrer.

Des personnages ultra-iconiques dans une belle et longue saga, jolie et agréable à lire. 
En tout, plus de 2000 pages pour 120 euros. 



[1] "Classique" signifie, ici, que l'auteur met en avant de l'action, du spectaculaire et l'imagerie super-héroïque classique (les héros se battent entre eux quand ils se rencontrent avant de se rendre compte qu'ils sont dans le même camps, etc.). Pour un récit Justice League plus poignant et sortant un peu des sentiers battus, nous conseillons l'excellent Identity Crisis de Brad Meltzer, un pur chef-d'œuvre. 
[2] Une explication s'impose pour couper court aux médisances des demeurés qui ne connaissent rien mais ont un avis sur tout. Ed est l'un des patrons du studio Makma, dont je suis salarié. Mais, je n'ai pas attendu de bosser pour lui pour lui trouver des qualités. Je l'ai notamment interviewé il y a plus de 10 ans, sur la première version d'UMAC, alors que je n'étais même pas encore correcteur freelance. C'est parce que c'est quelqu'un que je respectais déjà que je lui ai demandé un jour s'il avait du taf à me confier, pas l'inverse. La chronologie, c'est important dans la vie. C'est même tout ce qui fait la différence entre être un mange-merde et être droit dans ses bottes. J'ajoute que même si je respecte son travail, et que je considère l'individu comme un ami, je ne suis pas toujours d'accord avec certains de ses choix en ce qui concerne les adaptations. Ce qui est normal. Mais il s'agit là de préférences personnelles, et de choix conscients de sa part, pas de lacunes. Et pour ceux qui auraient l'idée de revenir sur l'affaire de "la Gouverneuse" dans Walking Dead, pour tenter de prouver je ne sais quoi, je les renvoie à cet article. Les bons écrivains et les bons traducteurs souffrent parfois de l'intervention de certains relecteurs (dont le travail est plus complexe qu'on pourrait le penser). Alors que les pignoufs (et ils ne manquent pas) en auraient bien besoin... 


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une saga percutante et bien orchestrée.
  • Graphiquement joli et spectaculaire.
  • Des personnages iconiques, parfaitement employés et caractérisés.
  • Qualité de l'édition française, que ce soit au niveau du rédactionnel ou de la traduction.


  • L'on pourrait reprocher un petit manque d'ambition à Johns, mais ce serait à la limite de la mauvaise foi, tant le but est ici tout autre et consiste justement à ne pas dénaturer un mythe mais simplement le moderniser.
La Parenthèse de Virgul #40
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Hello les Matous !
Pour cette quarantième Parenthèse, l'on revient sur un personnage emblématique des comics : Batman !

Garde-Robe
On avait déjà effectué un tour d'horizon assez complet des différentes batmobiles du Dark Knight (cf. Parenthèse #7), cette fois, on s'intéresse à l'évolution de son costume, grâce à un travail infographique réalisé par Benjamin Andrew Moore. Ce n'est pas vraiment exhaustif, puisque ce sont les apparences les plus emblématiques, de 1939 à 2012, qui sont exposées ci-dessous, mais vous allez voir qu'il y a déjà de quoi faire (si la thématique "fringues" vous intéresse, pensez à consulter notre grand dossier sur les Costumes de Spider-Man, ou encore celui sur les Armures d'Iron Man, il y en a un bon paquet et on vous explique à chaque fois d'où ces tenues, parfois méconnues, proviennent !). 
En attendant la première Parenthèse de 2023, passez de bonnes fêtes et couvrez-vous bien, surtout si vous décidez d'aller traquer le super-vilain nuitamment.
Hop, assez de blabla, il est temps d'aller à l'essentiel. 
Miaw !







Angoulême, premier sur la pédophilie ?
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Bon, je ne voulais pas parler de nouveau de Bastien Vivès, auteur nauséabond et obsédé par les gamins et les bites, mais vu la polémique et les mauvaises raisons justifiant l'annulation de son expo au festival d'Angoulême, on va tout de même aborder le sujet.

1. Je ne suis pas d'accord avec ceux qui le menacent.
Vivès, c'est notamment l'auteur de Petit Paul, une œuvre pédopornographique. On en avait parlé ici même, en 2018 (cf. cet article). La pédopornographie étant illégale en France, l'auteur et son éditeur aurait dû être condamnés et l'œuvre interdite. Ce n'est apparemment pas le cas, ce qui n'est qu'à moitié étonnant, tant certains milieux influents sont gangrénés par les adeptes des attouchements avec les petits garçons (rappelons-nous l'abjecte pétition pro-pédophile publiée dans la presse et signée à l'époque par Jack Lang, Bernard Kouchner, mais aussi des psychiatres, des auteurs, des académiciens... liste exhaustive ici).
On peut donc se demander pourquoi la justice est aussi laxiste et échoue à faire respecter des lois votées par les représentants du peuple. Par contre, ce qu'il faut, ce sont des réformes. Ou un contrôle des juges. Certainement pas menacer l'auteur en question, quels que soient ses propos et ses dérives.
Sa place est dans un tribunal, mais cela ne donne pas le droit aux pires excités d'aller le menacer, encore moins de le malmener physiquement. Je comprends la pulsion, je condamne le passage à l'acte.

2. Je ne suis pas d'accord avec ceux qui l'invitent.
Comment un festival aussi réputé que celui d'Angoulême peut en venir à penser qu'une exposition des travaux d'un tel mec est une putain de bonne idée ? Les dirigeants sont de sa famille ou quoi ?
Tain, à un moment donné, faut pas déconner, il n'y a pas assez d'auteurs en France pour qu'ils soient obligés de mettre à l'honneur des dessinateurs dont le titre de gloire est de représenter des gamins dans des scènes pornographiques ? 
Si Marc Dutroux sort une BD, Angoulême va lui réserver une galerie spéciale ?
Oui, je prends un point de comparaison ultra-violent, mais qu'est-ce que les responsables pensaient obtenir en mettant un auteur de BD pédopornographiques à l'honneur ? Quand tu te fous la tête dans une guillotine avec un panneau "tirez le levier", faut pas s'étonner que quelqu'un le fasse. 

3. Je ne suis pas d'accord avec les raisons invoquées pour justifier l'annulation de l'expo.
Alors, la meilleure, c'est qu'Angoulême n'annule pas l'expo Vivès parce qu'ils se sont rendus compte de leur erreur, de l'illégalité des œuvres du gars (cf. ce texte de loi) ou de l'émoi suscité, non, ils ont peur pour la sécurité de l'auteur et des festivaliers. Parce que des gens auraient menacé le dessinateur. 
Mais, Angoulême, tu es déconnecté du monde moderne à ce point-là ? Tu ne connais pas internet ? Tu ne savais pas qu'il y aurait des menaces, des insultes, des polémiques ? 
Tu veux faire croire ça à qui ?
L'ensemble de la manœuvre (annonce puis annulation) ressemble à un gros coup de pub, bien dégueulasse. Et si ce n'est pas voulu, c'est tellement con que c'est encore pire.

4. Je ne suis pas d'accord avec ceux qui le défendent.
Un ami a eu la bonne idée de me montrer une capture d'écran ou un auteur prenait fait et cause pour Vivès et pleurnichait sur la "censure" (en prenant en plus l'exemple de Charlie Hebdo, putain, les mecs ne reculent devant aucune ignominie).
Quel est le rapport avec la liberté d'expression ? 
La pédopornographie n'est pas une liberté, c'est un crime.
Il est donc normal, surtout si la justice ne fait pas son travail, d'au moins éviter d'inviter ceux qui s'en font les chantres. Rappelons que ce type avoue à longueur d'interviews qu'il met en scène ses fantasmes. Et la BD Petit Paul n'est pas la seule en cause, la plupart de ses "œuvres" mettent en scène des enfants dans des scènes pornographiques. Un exemple de ce que l'on peut trouver dans les récits du gentil chevelu : "Vu qu'elle n'a pas encore ses dents de sagesse, elle arrive parfaitement à décontracter sa gorge." (le dessin montre une gamine pratiquant une fellation)
Ça, ce n'est pas de la "liberté d'expression". C'est de la pédophilie, et c'est pénalement répréhensible, même si bien des gens apparemment le regrettent, que ce soit dans l'édition ou le milieu politique. 
Si vous suivez ce mec sur les réseaux sociaux (dans le cas où vous avez vraiment du temps à perdre, merci à la personne qui se reconnaîtra pour les captures d'écran), vous verrez que ses propos sont bien gratinés aussi (appel au meurtre notamment). Là encore, ce n'est pas de la liberté d'expression. Ce type a un problème, un gros problème, je ne sais pas si sa place est en taule ou en HP, ce n'est pas à moi d'en décider, mais en tant qu'auteur, en tant que citoyen et en tant que père, je sais que sa place n'est certainement pas dans un festival BD.

5. Je ne suis pas d'accord avec la censure.
Et, oui, on peut condamner la censure en général et ne pas vouloir d'une expo Vivès. La censure, c'est un contrôle de ce qui peut être publié ou pas. Avant même que ça le soit. Quand quelqu'un publie des propos diffamants par exemple, ou de la pédopornographie, l'auteur et l'éditeur vont être condamnés et le livre en question modifié ou retiré de la vente. Mais ce n'est en rien de la censure ça, c'est l'application de la loi, après publication. 
Si vous voulez un exemple de censure, en voilà un : les "experts" wokistes qui relisent les œuvres des romanciers avant publication (cf. cet article). Ça, c'est de la censure, ne reposant aucunement sur des textes de loi. 
Je ne peux que conseiller à mes confrères auteurs de ne pas se tromper de combat. Il existe suffisamment de menaces qui pèsent sur l'édition à l'heure actuelle pour que l'on n'aille pas se perdre dans la défense de pratiques indignes et illégales et d'auteurs qui se servent du prétexte de la "démarche artistique" pour faire passer leurs perversions malsaines pour un acte créatif voire récréatif. 

Gustave Flaubert a dit un jour que la censure était une monstruosité et que l'attentat contre la pensée était un crime de lèse-âme. Mais en disant cela, l'écrivain faisait référence à... Socrate, condamné à l'époque pour impiété (il faut rappeler que l'on ne sait rien de ses penchants personnels, évitez-vous le ridicule de comparaisons fallacieuses).
Et entre une tête à claques fantasmant sur la pédophilie ou l'inceste et l'un des piliers de la philosophie occidentale, il n'y a pas seulement une différence de classe, d'intelligence et de portée, mais aussi de nature profonde. Certains auteurs méritent que l'on brandisse des glaives et des boucliers pour les défendre. D'autres ne méritent qu'un coup de chasse d'eau pour balayer jusqu'à leur souvenir. 
C'est le discernement qui fait la valeur des combats que l'on mène. Pas le statut de celui pour qui l'on se bat. 



Dynamic Heroes : la suite de Goldorak !
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Goldorak et de nombreuses autres créations de Go Nagai reprennent du service dans Dynamic Heroes !

Après la sortie, l'année dernière, d'un album de Goldorak "made in France", l'on retrouve Actarus, Phénicia, Alcor et un paquet d'autres personnages dans une nouvelle saga présentée comme la suite de Goldorak mais qui est aussi et surtout un énorme crossover entre les différents personnages et robots, plus ou moins méconnus en Europe, de Go Nagai (cf. cette Parenthèse de Virgul pour découvrir d'autres créations de l'auteur).
Au casting, outre l'équipe entourant le célèbre professeur Procyon, l'on retrouve Devilman, Getter Robot, Mazinger Z, Great Mazinger et Cherry Miel.

L'histoire débute un an après que Phénicia et Actarus sont repartis sur Euphor, suite à leur victoire contre les forces de Véga. Sur Terre, tout n'est pas spécialement calme pour autant. Une organisation criminelle, nommée Panthéra, et divers démons font notamment parler d'eux et nécessitent l'intervention de Cherry Miel et Akira Fudo, alias Devilman.
C'est dans ce contexte troublé que le centre de recherche spatiale du professeur Procyon repère la soucoupe de Goldorak, poursuivie par des vaisseaux non identifiés et avec Phénicia seule aux commandes.
La Terre serait-elle une nouvelle fois menacée ?



Bien, le décor est planté, voyons maintenant un peu de quoi il retourne. Tout d'abord, cette série, publiée par Isan Manga, est prévue en 4 tomes. Il existe deux versions de ces ouvrages, l'une (rouge) avec les noms des attaques en français (fulguro-poing et compagnie), et l'autre (bleue) avec les noms originaux japonais. Plutôt sympa comme choix.
Ces éditions sont d'ailleurs soignées. Grand format, hardcover, papier glacé, planches en couleur et une traduction de qualité (une seule coquille relevée dans le premier tome). L'on peut ajouter aussi, dans les points positifs, un topo complet sur l'auteur. Seul bémol, le lettrage paraît souvent bien petit en regard de l'immensité des bulles (cf. cet exemple). On se doute bien que des bulles prévues pour du japonais, ce n'est pas l'idéal pour insérer du texte français [1], m'enfin, on aurait gagné en visibilité et en esthétique avec une taille légèrement plus grande.
Bref, l'édition française s'en sort plutôt bien, ce qui n'est pas franchement le cas du contenu.

Graphiquement, les dessins de Kazuhiro Ochi sont assez simplistes mais c'est une question de style et ça a son charme. C'est plutôt au niveau de l'écriture pure et de la narration que l'on trouve les gros défauts de ce récit, le scénario de Go Nagai étant pour le moins médiocre. Les personnages, notamment, ne sont pas du tout développés. Ils n'ont aucune psychologie propre, aucune consistance, et peinent du coup à générer de l'empathie voire du simple intérêt. Les combats, nombreux, sont également assez maladroits et brouillons. Les scènes d'action, fades et sans enjeux, s'enchaînent de manière chaotique. Ajoutons à cela un grand nombre de personnages sortis de nulle part [2], et l'on comprendra que le résultat, digne d'un fanzine amateur, est assez décevant.
En réalité, sans le côté nostalgique et l'aura dont bénéficient les protagonistes du dessin animé Goldorak, cette BD n'aurait pas grand intérêt. 

On se demande d'ailleurs quel public est réellement ciblé par Dynamic Heroes. L'ensemble possède un côté très enfantin... mais aussi gentiment sexy, ce qui semble assez peu conciliable. Bien entendu, les fans de Goldorak sont les premiers concernés, mais rien n'est fait dans le récit pour présenter les autres protagonistes et faciliter l'immersion des nouveaux lecteurs [3]. Tout cela se révèle finalement bien bancal et a un goût d'improvisation assez prononcé. En fait, l'on retrouve tous les défauts de l'œuvre originale (cf. cet article), mais cette dernière avait pour excuse de dater des années 70. Que Go Nagai n'ait pas progressé en plusieurs décennies [4] en dit long sur la qualité de cet auteur, largement surcoté. 

Un bon travail pour la VF, mais au service d'une histoire qui souffre de défauts rédhibitoires. 



[1] C'est tout le problème du manque d'adaptation, dans l'idéal, il faudrait revoir ces bulles, mais la tendance actuelle est de ne rien faire, raison pour laquelle vous lisez une BD avec un texte français dans le sens de lecture japonais. Ce n'est pas par "respect" de l'œuvre, c'est pour gagner du temps et de l'argent (cf. cet article).
[2] Il n'aurait peut-être pas été inutile d'ajouter des fiches de personnage pour présenter les intervenants et leur background vu le peu de lecteurs français susceptibles de connaître, entre autres, Cherry Miel ou Akira Fudo. 
[3] Bien entendu, les autres personnages sont plus connus au Japon, mais l'auteur est tout de même au courant du succès mondial de certaines de ses œuvres et de l'attente qu'elles génèrent. 
[4] Et peu importe qu'il s'adresse à des adolescents ou même des enfants, ce ne sont pas des lecteurs au rabais, et les récits qui leur sont destinés sont censés être aussi travaillés et techniquement aboutis que ceux réservés aux adultes. 


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une VF de qualité.
  • Le retour de Goldorak !


  • Des personnages transparents.
  • Une action brouillonne et sans véritable enjeu.
  • Un manque flagrant de dramatisation.
  • Un lettrage perfectible. 
Scènes Improbables #4 : Marion, le barbecue et la pizza
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Suite des scènes improbables avec cette fois un extrait de Cobra, film de George Cosmatos sorti en 1986. 

Bien entendu, l'on va surtout s'intéresser au personnage de Marion Cobretti, interprété par le musculeux et néanmoins sympathique Sylvester Stallone. La scène que l'on va décortiquer nous montre Marion, flic aux méthodes bourrues voire illégales, dans son intimité. Il rentre en effet chez lui à bord de sa superbe Mercury 1950. Là, il constate qu'une bande de latinos squatte sa place préférée. Il klaxonne pour leur demander de foutre le camp mais ne reçoit malheureusement comme seule réponse que des majeurs brandis par la fenêtre. Marion ne se démonte pas et pousse juste la caisse des malpolis avec son gros engin.

Là, le latino en chef n'est pas content et vient gesticuler devant le nez de Marion, en braillant des trucs de latinos. Le flic, sûr de son bon droit, décide alors d'éduquer le voyou. Il commence par lui arracher sa clope du bec, puis lui déchire son t-shirt d'un coup sec et violent. C'est vrai qu'on n'y pense pas toujours, mais foutre à moitié à poil un gars qui te beugle dessus, ça peut le calmer. 
Le latino en chef, décontenancé ou reconnaissant du petit coup de frais, on ne sait pas trop, hurle alors quelques remerciements improvisés à un Marion qui lui tourne le dos et rentre dans sa cahute.

On arrive maintenant à la meilleure partie. Sly, enfin, Marion, a un journal dans les mains. Il jette un œil rapide à un demi-article et balance le torchon dans un barbecue. L'avantage du format papier, c'est que les journaleux ont au moins une utilité et permettent d'allumer le binz en été, quand on veut se taper quelques saucisses.
Marion pénètre donc dans son appartement et, bien que l'on soit en plein jour, qu'un grand soleil inonde la pièce et que les lieux bénéficient d'une immense baie vitrée, il allume la lumière. Ouais, dans les années 80, on n'en avait rien à foutre de l'écologie ou des économies d'énergie. Tout était gratuit. 
Bref, Marion a une petite faim et il se précipite sur son réfrigérateur. Là, il ressort un carton de pizza, qui contient... une part de pizza, et un boîte d'œufs, qui contient... un kit de nettoyage de flingue (!!).

Mais... quoi ??
Pourquoi est-ce que tu ranges ton kit dans le frigo mec ? T'es crade, bordel !
On ne met pas ça avec la bouffe, enfin !
Bon, Marion ouvre le carton de pizza et se coupe un morceau de la dernière part qui reste. Avec des ciseaux, déjà. Hmm... admettons. Mais surtout, son repas consiste en une pointe de part de pizza quoi. C'est minuscule. Le mec bouffe de la merde, mais en très petite quantité. Donc, d'une part, il n'a pas les bons apports nutritionnels (du moins, il a le régime qui convient à un junkie ou un clodo, pas à un mec avec son physique de bûcheron), d'autre part, il doit avoir un peu faim, non ? Perso, quand je mange de la pizza, au minimum, j'en bouffe une complète. Là le mec s'envoie l'équivalent d'un quart de part. Donc... 1/16e de pizza, en imaginant que ce soit une grosse part ?! Mais qui fait ça ?? Qui peut se confectionner 16 repas avec une seule saloperie de pizza ? En tout cas, on comprend comment il peut s'acheter des grosses bagnoles, vu son budget bouffe ridicule.

Ce n'est pas tout. Il convient de faire encore quelques remarques sur ce moment convivial et chaleureux.
Déjà, Marion mange en nettoyant son flingue (ce qui n'est bon ni pour la bouffe ni pour le flingue), il garde ses lunettes de soleil et, surtout, il garde ses gants. Les mêmes gants avec lesquels il vient d'écraser la clope du latino brailleur. Visiblement, les Américains n'avaient qu'une très vague notion de l'hygiène à cette époque. On comprend mieux, en ingérant des tonnes de saloperies impropres à la consommation, comment ils en sont venus à inventer le wokisme, ces demeurés.
En plus, Marion mange son bout de pizza... froid. 
Oh, ça peut se comprendre hein, j'en ai bouffé de la pizza froide, et même de pires trucs, en rentrant bourré de boîte. Mais là, il est à jeun, on est en plein jour... pourquoi il s'impose ça ? Pour faire des économies ? Ben mec, éteint la lumière inutile et fous donc ton reste de pizza dans le micro-ondes, bordel !

Allez, Marion décide de regarder un peu la télé, et il attrape la télécommande avec ses gants remplis de cendres de clope, de pizza et d'huile de flingue. On n'est plus à ça près. En ce qui concerne la télé, OK on est en 1986, m'enfin, quand même... on sent qu'il n'a pas foutu une paie complète dedans hein.
D'ailleurs, la déco n'a aucun sens. Il y a des photos de criminels punaisées un peu partout (pourquoi ? fais ça au poste, pas chez toi), un bordel indicible sur son... "bureau" (qui sert visiblement à tout), deux écrans d'ordinateur (qui ressemblent à des minitels) côte à côte (dans les années 80, je vous assure que le coup du double écran, c'était quand même rare), et un bibelot de merde sur la télé. Je n'ai pas réussi à voir s'il s'agissait d'un sanglier, d'un rhinocéros ou d'autre chose, mais, en tout cas, ça fait plus "chez la mère à Titi" que "chez Cobra". Un type comme ça, qui range les produits d'entretien dans le frigo, ça n'achète pas des conneries de décorations pour foutre sur la télé. Ou alors, c'est un proche qui lui a filé ça à Noël, mais bordel, pour un proche, il ne le connaît par du tout alors. Parce que Marion, c'est le mec à qui tu offres une hache, un poing américain ou des haltères, mais certainement pas une boule à neige ou un napperon. 

Alors, que nous apprend ce film ? Eh bien, plusieurs règles de vie importantes.
1. À partir du moment où tu portes des gants, tu n'as plus à te soucier de l'hygiène, puisque... ben... puisque tu portes des gants. 
2. La pizza froide, à très petite dose, possède des vertus anabolisantes. 
3. Le top de la coolitude, outre les Ray-Ban et les gants en cuir, c'est la bestiole décorative sur la télé. 




Dans la même série :


Le Patient
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On évoque aujourd'hui un film disponible sur Netflix (et déjà diffusé sur Arte) : Le Patient

Voilà un film français, de Christophe Charrier, qui se veut intelligent (car il aborde mine de rien un sujet sérieux et passionnant) et qui flirte avec l'épouvante et le thriller. Une sorte de réconciliation entre film dit "d'auteur" et film de genre. Malheureusement, l'écriture est trop brouillonne pour que cette tentative de drame à suspense (ou de film d'horreur intelligent) aboutisse.
Pour une fois, nous allons quasiment révéler l'entièreté de l'intrigue dans cet article. D'une part parce que ladite intrigue est de toute façon ultra téléphonée, d'autre part parce que l'on va se pencher sur ses défauts, parfois importants, pour tenter de comprendre ce qui cloche dans cette histoire. 

Voyons déjà un peu comment le film est présenté. Thomas se réveille à l'hosto après un long coma. Amnésique, il découvre que ses proches se sont fait massacrer. Lui-même, gravement blessé, n'a réchappé au massacre que par miracle. Avec l'aide d'une psychologue, il va tenter de recouvrer la mémoire, de démasquer le meurtrier et de retrouver sa sœur, disparue.
Si l'on n'est pas trop nouille, on comprend qu'à partir d'un tel pitch, il n'y a que deux possibilités : soit Thomas est coupable, auquel cas il faut tout faire pour masquer cette évidence au spectateur ; soit il existe bien un tueur menaçant la vie de Thomas, auquel cas il faut faire croire que c'est lui qui délire.
Il pourrait encore exister d'autres possibilités, mais ce sont en gros les deux pistes principales. 

Dans ce récit, Thomas est bien le coupable. Vous allez me dire que c'est un peu dommage de le révéler, mais le problème, c'est que le film lui-même le révèle dès les premières scènes. Involontairement, certes, mais le résultat est le même. 
Pourtant, il y a pas mal de choses sympathiques dans ce film, à commencer par le casting, l'atmosphère générale et même certains plans plutôt léchés esthétiquement. Et la musique, notamment l'excellent titre interprété par Rebecca Williams (qui joue le rôle de Laura) : Baisers Bizarres. L'idée de départ, bien que déjà vue, n'est pas inintéressante non plus. C'est donc le scénario et ses gros sabots qui viennent gâcher l'ensemble. 

Donc, puisque Thomas est le coupable, le but est de nous faire croire l'inverse. De rendre tangible la thèse du tueur extérieur. C'est là que Charrier et Elodie Namer, la scénariste, se prennent les pieds dans le tapis. Leur objectif est de semer des indices permettant d'appuyer la révélation finale, mais sans balancer l'essentiel. Vous savez, c'est le moment où le spectateur doit se dire "ah, bordel, mais bien sûr !" alors qu'en réalité, les indices ne doivent être perceptibles qu'après révélation (c'est le principe du whodunit, on donne l'impression au lecteur qu'il peut résoudre l'intrigue, alors que toute la construction du récit l'empêche de se focaliser sur ce qui sera présenté plus tard comme des éléments permettant de trouver soi-même le coupable). 
Là, c'est tellement mal fait que, à moins d'avoir 10 ans ou de n'avoir jamais vu/lu une histoire de ce genre, tout est grillé dès le départ.



Prenons par exemple la scène où Thomas apporte un cadeau que sa sœur, Laura, remet à leur mère. Cette scène, elle n'a aucun sens. On voit tout de suite que quelque chose cloche, parce que l'on ne comprend pas pourquoi Laura a besoin de l'aide de son frère. On ne comprend pas non plus pourquoi ce dernier demeure silencieux tout le temps. Pour que ça fonctionne, il faudrait faire en sorte de donner du sens à l'attitude de Thomas et Laura. Ce qu'ils font doit pouvoir être "mal" interprété dans un premier temps par le spectateur, pour que la révélation finale vienne ensuite apporter la véritable grille de lecture. Là, c'est juste bizarre, donc trop louche pour ne pas éveiller l'attention à un moment où, justement, l'attention du spectateur devrait être au contraire détournée.

La suite est encore plus maladroite. Des phrases clés vont être balancées, l'air de rien, pour justifier après-coup le twist final. Le problème, c'est que ces phrases vont être immédiatement perçues comme étranges et importantes. Par exemple, la psy demande à Thomas ce que représente, pour lui, sa sœur. Déjà, la question pue du cul. Si sa sœur existe, ben... elle représente sa sœur, point. Mais la réponse de Thomas est encore pire. Le gars répond à la psy : "Tout." Au bout de 20 minutes de film, hein. Par la suite, le personnage dira encore "Laura et moi, c'est la même" (ou un truc approchant, de mémoire), des fois que l'on n'ait pas percuté. Le problème, c'est que ces phrases, ce ne sont pas des indices subtils qui sont censés passer inaperçus sur le moment, ce sont d'immenses pancartes décorées de guirlandes clignotantes. À ce stade, on ne sait pas encore qui n'existe pas, de Laura ou de Thomas, mais l'on comprend qu'il n'y a qu'un seul personnage.

La thèse est vite appuyée par un tas d'éléments évidents et lourdauds : Thomas qui est dans la contemplation muette lorsque sa "sœur" agit ; Thomas et Laura qui hurlent, ensemble et parfaitement synchronisés, au chien de se taire ; le tueur censé être inquiétant mais qui demeure une vague présence onirique, jamais incarnée véritablement...
Bref, non seulement la fausse piste n'est pas suffisamment crédible et étoffée, mais la "vraie" piste est d'une évidence enfantine à suivre et à comprendre. Et puisqu'il n'y a plus alors ni suspense ni crainte quant aux actions du soi-disant tueur, le film perd alors toute sa force et son mystère pour n'être plus qu'un vague récit, convenu et amer, sur un gamin victime d'un drame et des parents victimes eux-mêmes. On dirait du Dean Koontz (cf. cet article) tellement ce qui était présenté comme sulfureux se révèle au final gentillet, décevant et prévisible. 

La technique, en matière de récit, d'écriture, ben... ce n'est pas compliqué, mais c'est comme tout, ça demande un minimum de travail. Il ne suffit pas d'avoir une bonne idée pour qu'elle soit efficace une fois couchée sur le papier ou filmée. Il faut, pour la rendre intéressante, crédible et poignante, posséder un savoir-faire permettant de soigner la forme et de mettre efficacement en scène un déroulement de faits qui n'est, à la base, ni bon ni mauvais, seulement vecteur d'un éventuel potentiel que chaque auteur pourra ou non révéler et maximiser, en y insufflant sa "patte", sa signature. 
Et une insuffisance ou une maladresse ne sont pas des signatures, ce sont des fausses notes qui viennent perturber la mélodie. 

Le Patient n'est pas un mauvais film, il se laisse regarder et possède un certain charme. Et il fait même bonne figure si on le compare aux éternelles mièvreries indigestes estampillées Marvel ou Star Wars... [1] mais même s'il s'agit d'une bouffée d'air frais salvatrice dans un milieu vicié où les produits prémâchés et calibrés sont légion, cela reste malheureusement un film réalisé et écrit par des gens qui ne maîtrisent pas suffisamment l'art narratif pour installer convenablement des effets pourtant basiques et magnifier leur histoire. 
Bordel, on veut bien vous soutenir les gars, mais aidez-nous à vous aider !



[1] Ça reste des récits de "genre", il n'y a pas une différence fondamentale de nature entre les deux, mais une différence de traitement. Par contre, autant je préfère le skeid viking au navire de croisière géant ressemblant à un amoncèlement de blocs de cité, autant l'un comme l'autre se doivent de tenir la mer. Quand ça prend l'eau, ben, ça a beau être plus joli et partir d'une meilleure intention, ça reste mal foutu et impropre à tenir son rôle premier, à savoir flotter en ce qui concerne les navires de cette métaphore ou tenir la route en ce qui concerne les histoires que l'on écrit et que l'on filme. 


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Il y a sans doute beaucoup de bonne volonté là-dedans...
  • La musique est vraiment cool.


  • Tout est basé sur un twist que les auteurs (scénariste et réalisateur) échouent à masquer.
  • Des scènes ou dialogues très "appuyés", comme s'ils étaient destinés à des demeurés.
  • Des manques multiples, tant au niveau des personnages à peine esquissés que des fausses pistes insuffisamment étoffées. 
Locke & Key : The Golden Age
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La saga de Locke & Key a plus de dix ans ! En lisant avec avidité le septième tome, The Golden Age, ça m'a d'abord paru assez incroyable, jusqu'à ce que son auteur, Joe Hill (également scénariste de Basketful of heads), rappelle la genèse de la série au début de l'avant-propos - c'est en 2008 qu'est paru Locke & Key : Welcome to Lovecraft #1, chroniqué dans cet article dithyrambique -  et en profite pour clarifier quelques points.

D'abord, la série Netflix, même si assez malencontreusement réorientée "young adult", n'est absolument pas reniée par le staff artistique à la tête du projet : les déçus de l'adaptation télévisée en seront pour leurs frais. Ensuite, il n'est pas du tout nécessaire, d'après lui, d'avoir lu les volumes précédents : le dernier se veut une préquelle, une plongée dans le passé de la maison des Locke, au sein d'une famille unie autour de ces clefs extraordinaires, que le père, homme foncièrement bon et placide, s'efforce d'utiliser avec parcimonie et sagesse, tout en laissant les plus puissantes hors de portée des enfants (autant que cela soit possible, ces petits démons fourrant leur nez partout). Évidemment, pas facile d'y arriver, surtout lorsque ces derniers disposent de la même intelligence un peu retorse et d'une volonté hors du commun, au point que de simples caprices ou erreurs de jeunesse aillent jusqu'à engendrer de réelles tragédies qui non seulement fragiliseront la famille, mais mettront la réalité elle-même en péril.

Sur ce point, force est de reconnaître que le conseil du scénariste est plutôt avisé. En effet, un lecteur assidu de la saga (voire un fan de la série Netflix) ne pourra que procéder par anticipation, voilant du même coup le plaisir ineffable de découvrir chacune de ces clefs spéciales et leurs propriétés singulières - découverte qui constituait un des nombreux atouts des premiers épisodes, sur le papier ou à l'écran. Cependant, une différence majeure s'impose pour les aficionados : cent ans auparavant, dans la famille de Chamberlin Locke, les clefs magiques sont une évidence quotidienne, et les quatre enfants apprennent à vivre avec. Les repas de famille dans la grande salle à manger sont servis par une armée d'ombres commandée par la fameuse Couronne, et la Maison de poupée offre aux lecteurs la joie d'une première péripétie dans l'univers fantastiquement étrange de cette demeure aux sombres recoins.
 

Ici, Hill et son partenaire, Gabriel Rodriguez, choisissent un autre angle pour nous narrer une chronique douce-amère, articulée autour de petits récits, des tranches de vie mettant en lumière l'un des membres de la famille, de la benjamine capricieuse à l'oncle malade, en passant par les deux frères si différents et la grande sœur qui finit par devoir se coltiner les conséquences les plus fâcheuses des actes des autres, au point d'aller jusqu'en enfer. Là où Welcome to Lovecraft débutait par un deuil et un nouveau départ pour une famille assez dysfonctionnelle, The Golden Age présente l'archétype d'un foyer uni, avec des enfants chéris par leurs parents, qui les laissent s'épanouir avec un mélange de bienveillance et de sagesse. Les artistes usent de leur talent déjà bien aiguisé pour parvenir à développer les caractères de ces personnages, de la petite Jean accumulant benoîtement les bêtises à Mary, un peu lassée de devoir assumer les erreurs de ses cadets. Les deux frères sont en outre dépeints comme les deux faces d'une même pièce : John est batailleur, plein de morgue et de fougue, et son ambition personnelle grandira parallèlement à l'annonce de la Première Guerre mondiale, à laquelle il brûle de participer ; Ian, lui, est un rêveur, fragile et éthéré, loin de ces préoccupations trop terre-à-terre. Par moments, les discussions parfois vives qui opposent John et ses parents rappellent des scènes similaires de Légendes d'Automne : la structure du récit, sa durée, ses protagonistes et son contexte temporel sont autant d'échos plus ou moins évidents. 


À l'évidence, avant même d'être un conte fantastique, The Golden Age est rien moins qu'une remarquable saga familiale, qui s'épanche avec tendresse sur des personnages qu'on voit grandir, se disputer et se réconcilier, prendre des décisions fatales et faire des choix cornéliens (les auteurs ont d'ailleurs dédié l'album l'un à sa femme, l'autre à sa propre famille) tout au long d'un XXe siècle plein de promesses mais accumulant les catastrophes. Les clefs constituent dès lors un élément particulier dans ces chapitres, parfois tendres, parfois cruels ou cyniques, souvent violents et toujours mouvementés : Chamberlin et sa femme Fiona savent les utiliser sans en abuser, mais qu'en est-il des enfants ? Comment peuvent-ils résister à l'appel de la toute-puissance que peut offrir un jeu de ces objets magiques ? C'est tout l'enjeu des choix faits par les parents dans l'éducation de leur progéniture : de la bienveillance mais également des interdits, et des barrières qui seront levées au moment idoine. Sauf qu'il n'est pas toujours aisé d'anticiper sur le développement de ses propres rejetons, qui peuvent en outre, pour peu qu'ils vous aient vu à l'œuvre, faire preuve de suffisamment de malice et de machiavélisme pour parvenir à leurs fins. 



L'autre caractéristique principale de ce tome 7, laquelle a d'ailleurs fait couler pas mal d'encre et servi d'argument principal de vente, consiste dans l'ambitieux crossover du dernier épisode avec l'univers de Sandman (tellement évident quand on y pense) : l'avant-propos précité nous révèle les coulisses de cet événement éditorial, une sorte de gambit qui a poussé Hill et Rodriguez à proposer leur idée saugrenue à Neil Gaiman. Le vénérable écrivain leur a donné carte blanche : comme quoi, l'audace paie, parfois - d'autant que l'auteur de 1602 n'en est pas à son premier projet similaire (cf. cet article sur Free Country, un crossover Vertigo).

Et pour revenir à Netflix, les nouveaux fans du Sandman comme les admirateurs de la première heure retrouveront les événements dépeints dans la première saison de la série TV : le chapitre Hell & Gone, qui clôt cet album, s'articule malicieusement autour des mésaventures de Morpheus, emprisonné sur Terre par Burgess, et Joe Hill parvient à insérer Mary dans les interstices de l'histoire déjà contée, impliquant nombre de personnages secondaires comme Abel, Caïn, Lucien, Lucifer et surtout le terrifiant Corinthien. Une conclusion épique et pertinente.

Alors, amis lecteurs, n'hésitez plus ! Si vous avez encore du mal avec l'anglais, HiComics vient de publier l'ouvrage en français (c'est sorti en mai 2022). Un comic book  réussi, au ton très adulte (la violence n'est pas édulcorée) mais alternant avec de splendides moments d'émotion, et nanti d'une écriture choyant ses personnages.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un bel album à la présentation soignée et au contenu conséquent chez IDW.
  • Un volume qui peut se lire indépendamment de la série, puisqu'il constitue une préquelle concernant les aïeuls des héros que nous connaissons.
  • Les auteurs apportent toujours le même soin pour varier leurs approches artistiques et tenter des expériences, afin de surprendre les lecteurs.
  • La chronique d'une famille qui avait toutes les clefs en mains (hi hi) pour vivre heureuse : des personnages que nous voyons grandir et évoluer au fil des récits.
  • Bien qu'admettant ouvertement l'existence de la série télévisée sur Netflix (nettement orientée ados), l'album conserve l'écriture adulte et les passages violents ou sanglants présents dans les comics originels.
  • Le crossover avec le monde du Sandman, un luxe inutile mais jubilatoire.


  • Rien.