La Première Leçon du sorcier
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Jusqu’à ce que Richard Cypher sauve cette belle inconnue des griffes de ses poursuivants, il vivait paisiblement dans la forêt. Elle ne consent à lui dire que son nom : Kahlan. Mais lui sait déjà, au premier regard, qu’il ne pourra plus la quitter. Car désormais, le danger rôde en Hartland. Des créatures monstrueuses suivent les pas de l’étrangère. Seul Zedd, son ami le vieil ermite, peut lui venir en aide… en bouleversant son destin. Richard devra porter l’Épée de Vérité et s’opposer aux forces de Darken Rahl, le mage dictateur. 
Ainsi commence une extraordinaire quête à travers les ténèbres. Au nom de l’amour. À n’importe quel prix…

Voilà comment l'éditeur Bragelonne présentait le premier tome de la saga l'Épée de vérité qu'il a commencé à publier en France en 2003. Une saga d'heroic-fantasy s'il était besoin de le souligner, tant le résumé de quatrième de couverture aligne les poncifs : un jeune homme qui s'avère être l'Élu, une arme mythique, un mentor qui est en même temps sorcier, des monstres redoutables, un ennemi implacable désireux de conquérir l'univers et une histoire d'amour aussi passionnée qu'impossible. L'ouverture du livre achève de convaincre : une carte du monde, un peu simplette mais lisible, confirme les soupçons. On est en présence d'une aventure entremêlant les sorts d'un héros valeureux, sa bien-aimée et son guide expérimenté. Bravoure & romance, légendes et mystères, magie blanche et sorcellerie, paysages hauts en couleurs et créatures grotesques, tout ce qui désormais pullule dans les séries pour jeunes adultes envahissant de leurs couvertures chamarrées les rayons de nos librairies et qui nourrissait auparavant les rêves hallucinés des lecteurs des années 40 à 70. C'est même d'un classicisme ahurissant : on y rencontre des dragons qui parlent et une épée enchantée qui ne peut être donnée qu'à celui qui maîtrisera sa magie... Presque un catalogue, sans parler des noms de personnages qu'on croirait issus d'un scénario amateur de Donjons & Dragons.

Examinons ce premier tome d'un peu plus près.
Il s'agit du premier roman publié par Terry Goodkind, une fois qu'il s'est installé dans le Maine (peut-être a-t-il bénéficié de l'influence littéraire de son résident le plus connu, Stephen King ?) en 1994 et qui a rencontré immédiatement le succès, succès qui s'est poursuivi pour atteindre le chiffre faramineux de vingt millions d'exemplaires vendus de la série intégrale ! Évidemment, il a été traduit au plus vite et les éditions J'ai Lu le proposaient déjà au lectorat hexagonal dès 1998.





Au début, c'est pourtant déroutant : l'écriture est certes aérée, avec des paragraphes très courts et incisifs, dans une structure plus proche de celle d'un polar. On y remarque beaucoup de dialogues et, au départ, relativement peu d'action au sein d'un schéma presque exclusivement linéaire. Tout est fait pour rendre la lecture facile, et ne pas parasiter le plaisir simple d'entrer en communion avec les aventuriers, lesquels nous sont ainsi décrits de manière dynamique. C'est un peu le même principe que celui appliqué par Gemmell (l'auteur de Légende) : de la fantasy, certes, mais facile d'accès. Toutefois, là où Gemmell dispose d'un vocabulaire un peu limité - qu'il compense par un sens aigu de l'épopée - Terry Goodkind propose quand même des tournures plus riches et variées, dans un style loin d'être pompeux mais relativement élégant. 




Et ça fonctionne. La carte du début fait minable, mais elle se montre suffisante pour l'instant et est nettement plus utile que celle de Légende. Le lecteur se trouve incontestablement en terrain connu, face à une sorte de synthèse de tous les courants de fantasy précédents : moins disert que Tolkien (Le Seigneur des Anneaux), moins sombre que Michael Moorcock (Elric le Nécromancien, Hawkmoon, Corum...), moins violent que Robert Howard (Conan le barbare), moins volubile que Robert Jordan (La Roue du temps) mais les ingrédients sont suffisants pour créer un spectacle de qualité, riche en péripéties. Et dans tout ça, les sentiments sont profondément mis en avant. Les liens entre les héros sont forts, très forts et tout est fait pour qu'on vibre avec eux. Ce qui permettra, dans les volumes à venir, de les mettre dans des situations beaucoup plus délicates qui nous feront trembler pour eux (souffrance et tortures seront au rendez-vous). Peut-être s'agacera-t-on de la relative passivité de Richard, un peu trop archétypal dans la conception de l'Élu, mais Kahlan est en revanche bien loin des princesses lascives d'autrefois : une femme mystérieuse, dissimulant de lourds secrets et bien décidée à prendre sa vie en mains. L'ensemble des chapitres de ce premier tome baigne en outre dans une sorte de jubilation qui fait beaucoup penser au début de la Saga des Hommes-Dieux de Philip José Farmer (surtout Cosmos privé).

Bien sûr, des dizaines de secrets sont révélés au compte-goutte, certains évidents, d'autres pas tant que cela : quel est donc le pouvoir de l'Inquisitrice ? Pourquoi ne peut-elle pas se lier avec Richard - qu'elle aime pourtant, c'est évident ? D'où le grand méchant Sorcier tire-t-il sa puissance ? Comment sait-il quel artefact ouvrir alors que le Grimoire unique est en possession de Richard ? Quel est le plan du Sorcier ?

Toutes ces questions trouveront leurs réponses et en engendreront d'autres en leur temps, dans une quête agréable comme un bon feuilleton, rythmée et parfois passionnante. Pas étonnant qu'elle ait donné lieu à une série TV qui n'a malheureusement pas eu le financement dont peuvent jouir d'autres adaptations comme La Roue du Temps (sur Amazon Prime), The Witcher (sur Netflix) ou surtout Game of Thrones (HBO).




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Le premier tome d'une saga best-seller.
  • Des personnages un peu archétypaux mais dépeints avec tendresse.
  • Tous les ingrédients d'une bonne série de fantasy.


  • Un style un peu léger.
  • Rien de nouveau.



Hard Boiled
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Voici un cas surprenant dans mon parcours de lecteur. En effet, si je suis venu à Hard Boiled, ce n’est pas pour (ou par ?) Frank Miller (lire par ailleurs le dossier que Nolt lui a consacré). Et pourtant ! J’ai assez travaillé sur le bonhomme pour que cela fut un choix évident.

En fait, c’est en me repenchant sur la carrière de Juan José Ryp, ce remarquable artiste qui m’avait vraiment époustouflé dans ses albums conçus avec Warren Ellis (comme No hero ou Black Summer) ou dans son travail sur la série Clone, que j’ai trouvé plusieurs références au style d'un certain Geoff Darrow, un dessinateur qui partage avec lui (mais avec quelques années d’avance) la même propension à saturer les cases de myriades de détails, parvenant presque à fatiguer le lecteur et conférant à l’œuvre ainsi illustrée un indéniable « plus-produit » qui la rend forcément plus intéressante que d’autres après la première lecture. 

Ce souci du détail s’accompagne également d’une recherche constante de réalisme - malgré un penchant prononcé pour des récits de science-fiction ou purement fantastiques, ce qui rapproche ces deux dessinateurs d’un George Pérez. La précision du trait, le dynamisme des postures sont communs, même si Ryp et Darrow vont nettement plus loin dans la violence, voire le gore, et optent pour un découpage plus dynamique qui lorgne vers le cinéma.

Voici donc deux grands noms de l'art des bulles réunis en 1991 sur un projet commun qui leur vaudra dans la foulée une pluie de louanges et de prix (dont l'Eisner Award) : dans un décor rétro-futuriste, Miller & Darrow nous invitent à suivre les tribulations d'un certain Carl Seltz, enquêteur pour des assurances, père de famille vivant paisiblement en banlieue avec sa sublime femme et ses deux enfants. Du moins, paisiblement si l'on excepte ses rêves étranges et éprouvants dans lesquels, sous couvert d'identités fluctuantes, il livre des combats sans merci face à d'innommables forces occultes. Peut-être n'est-il pas celui qu'il pense être... ou simplement CE qu'il pense être car, au-delà de son identité propre, c'est bien sa nature même d'être humain qui est questionnée.

Le fait est que, sur Hard Boiled, le travail de Miller semble se limiter à la portion congrue, tant on a l’impression qu’il laisse au graphiste le soin d’orienter l’album à sa manière ; ainsi, de nombreuses planches sont « muettes », et on a droit à plusieurs cases en pleine page. Le récit s’en ressent fortement : bourré d’ellipses, il subit des accélérations dérangeantes et n’est pas forcément très aisé à parcourir. 

Cela dit, la tonalité générale nous permet de nous accrocher à des codes vaguement connus et, entre Total Recall et Ghost in the shell, on navigue dans un domaine plus ou moins familier, avec une escalade dans la violence qui suit le parcours du héros. La frustration vient du fait que le récit ne semble être qu’une sorte de mise en bouche, une longue intro percutante, pleine de bruit, de fureur et de mystères, mais qui n’aboutirait qu’à d'autres questions que celles posées au départ. On aurait aimé davantage d’un album – quand bien même on se le serait procuré d’occasion.

Fascinant, sanglant et glauque, avec cette palette de couleurs délavées qui rappelle le travail accompli sur certains albums futuristes de Moebius (comme l'Incal). Il existe notamment dans une édition format album chez Delcourt (1990), dans la collection "Conquistador", mais les puristes préféreront sans aucun doute la réédition 2012 de l'intégrale dans la collection "Contrebande", plus proche de l'originale, à moins qu'ils se décident pour la réédition de l'intégrale chez Futuropolis en 2021 dotée d'une nouvelle mise en couleurs de Dave Stewart qui accentue son caractère rétrofuturiste avec une palette résolument plus chaude.






+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un duo d'artistes renommés.
  • Un Frank Miller sans filtre, laissant parfois libre cours à la violence de ses propos.
  • Le travail minutieux de Geoff Darrow, qui pousse à passer des heures à fixer chaque case et prolonge d'autant le plaisir de la lecture...

  • ... au détriment du rythme, à moins de choisir de lire d'abord, et regarder ensuite.
  • Un récit manquant de corps, à l'image de son personnage principal à l'identité floue.
Wolverine : le Meilleur dans sa partie
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Wolverine. Bien que mis à toutes les sauces dans de nombreux hors-séries, one-shots ou arcs parallèles (menaçant par son omniprésence la sacro-sainte continuité Marvel), il n’a que rarement été galvaudé, un peu comme si ses nombreux scénaristes avaient eu trop de respect pour sortir complètement du cadre esquissé voici des lustres par ses créateurs, et presque définitivement établi par John Byrne et Frank Miller, chacun de leur côté. Certes, il a eu ses hauts et ses bas (ayant même, littéralement, connu l’Enfer) et a traversé toutes sortes de crises, mais sa propre série n’a jamais été médiocre : il faut avouer qu’il n’y a pas grand-chose à jeter dans le moindre des épisodes du Canadien griffu, même lorsque leur seule raison d’être était d’occuper le lectorat en attendant le prochain arc d’importance.


Une nouvelle mini-série parue en 2012 semblait partie sur ces bonnes bases, dans une collection réservée aux adultes (donc contenant ultra-violence et/ou propos obscènes) avec pour scénariste un certain Charlie Huston, qui était avant tout à l’époque écrivain de polars ou scénariste pour la télévision, mais qui s'était également fait la main sur Moon Knight. La vision forcément décalée d’auteurs qui ne sont pas issus du sérail des comic books promettait une approche différente, et sans doute une expérience nouvelle. Il est vrai que Wolverine semblait promis à la collection Max et que les éditeurs devaient avoir eu quelques retours de lecteurs demandant d’aller plus loin que ce qui était proposé au grand public.

On confie alors notre héros aux pinceaux de Juan José Ryp. Nous avons ici-même, maintes fois, évoqué les œuvres de ce dessinateur espagnol dont le talent et le souci du détail font irrémédiablement penser à Geof Darrow avec cependant une propension à se lâcher pour verser dans le gore (ses cases sont régulièrement inondées d’hémoglobine, la faute aussi à ceux pour qui il a travaillé, Warren Ellis en tête). Ce qu’il a proposé sur des mini-séries telles que No Hero ou Wolfskin ouvrait des perspectives alléchantes. Et il s'en sort à merveille dans la plupart des séquences dessinées, même si on peut regretter des visages féminins interchangeables, un défaut qui sera moins visible dans sa série Clone


Synopsis : Un étrange groupe entreprend de déterrer un individu qui a passé 60 ans enseveli dans des sables mouvants en Louisiane – et qui est toujours vivant...

De fait, et dès le départ, Huston opte pour une forme de dérision, ce qui a le mérite de dérouter un peu le lecteur, surtout s’il s’agit d’un aficionado qui dévorait déjà les premières aventures de Logan à Madripoor, à l’époque où John Buscema s’amusait à lui faire affronter des dizaines d’adversaires. Ainsi, nous le voyons en train de draguer et de raconter à une minette comment il a été capturé par de sales types pas très futés qui l’ont traité comme un chien (dans tous les sens du terme). Et voilà plus loin le même Logan surpris à danser en boîte de nuit (détail qui alertera immédiatement ses potes X-Men par son incongruité).

On continue notre lecture, un peu éberlué, un peu groggy même. On a du mal à s’y faire, surtout que Wolverine, s’il déchiquette à tout va (oui, quand même), passe aussi beaucoup de temps à dialoguer avec force allusions et second degré salace. Il y a de l’irrespect dans l’air ! D’autant que ses adversaires, coriaces certes, semblent uniquement créés dans le but de le laisser découper, démembrer, taillader jusqu’à plus soif : des immortels dans leur genre, morts-vivants, améliorés ou mutés, forcément coriaces. Pas la première fois que Logan affronte des vampires, ou assimilés : déjà, alors qu’il se faisait appeler le Borgne, il avait eu affaire à un sinistre sire qui l’avait poursuivi longtemps de ses ardeurs sanguinaires.

Et pourtant… On finit par s’y faire. Le talent iconoclaste de Huston (spécialisé dans le roman noir) parvient à hisser le niveau de cette histoire, d’autant qu’il ne se prive jamais de mettre notre mutant dans les pires situations (c’est vrai qu’il a subi toutes sortes de tortures – de la crucifixion au mitraillage quotidien – mais rarement avec un tel acharnement, un tel goût pour la souffrance). Et Ryp d’y associer son talent pour faire gicler le sang (ou autres humeurs) et sauter les membres (ou autres morceaux choisis). La générosité avec laquelle Wolverine se lance dans la bataille quitte à y perdre une bonne partie de son corps est ici traitée avec autant de logique que d’humour noir :


Sa capacité de régénération se trouve ainsi au centre de l’intrigue et l’auteur va tenter de donner une explication rationnelle aux différences entre les époques : rappelez-vous, dans le one-shot de Frank Miller, Logan devait se bander les plaies lorsqu’il était lacéré par un katana, et s’en trouvait visiblement diminué alors que dans d’autres épisodes, ultérieurs, il a été incinéré, éventré ou réduit en bouillie pour s’en sortir plus ou moins rapidement. 


L’ensemble se poursuit sur un ton délibérément adulte – donc en parfaite adéquation avec le cahier des charges de la collection, en compagnie de personnages plutôt fascinants (avec un succédané de Deadpool qui agace avant de séduire), beaucoup de violence et de l’hémoglobine par hectolitres : on laisse l’héroïsme de côté, et les motivations sont souvent floues. Il n’empêche, cela s’avère assez revigorant, caustique et parfaitement rythmé. Parfois pointe néanmoins un peu de frustration : les experts savent que Wolverine est un adepte du combat rapproché, et un expert dans nombre d’arts martiaux, or ce qu’on voit avant tout ce sont des gestes manquant d’ampleur et de lisibilité – en gros, il fonce souvent dans le tas – qui traduisent mal le slogan qui sert de titre à la série : « le Meilleur dans sa partie » (on l’a déjà vu plus affûté et roublard). C’est un peu cette facette un brin limitée de Logan sur grand écran qui rejaillit ici : un fauve un brin obtus qui fond sur sa proie. D’autres auteurs avaient su mieux nous dépeindre un être qui en remontrait à Captain America dans la science du combat, capable de vaincre n'importe qui même dépourvu de ses hyper-sens, fin tacticien et doté d’une expérience en arts martiaux extrêmement rare.

On verra néanmoins cette facette trop peu usitée à l’œuvre dans le second volume, Quarantaine brisée, des mêmes auteurs, qui vont cette fois ouvrir le récit à l’univers étendu autour de Wolverine : les X-Men bien entendu, avec une avalanche de sous-entendus très sexuels sur la relation entre Scott Summers et Emma Frost (cela se déroule avant Schism) ; mais également des mentions des Shi’ars et des Krees ainsi que d’autres dimensions desquelles sont issus deux chasseurs de primes extraterrestres... et gays. Huston s’amuse à incorporer d’anciens adversaires, souvent obscurs, et sa manière de plonger Logan dans la science-fiction a de quoi procurer de nombreuses scènes jubilatoires tout en poussant notre héros dans ses derniers retranchements, notamment avec ce virus "technécrotique Phalanx" - version zombie d'une infection techno-organique bien connue des lecteurs des revues mutantes. L’on pourra convenir que cela alourdit le script qui devient un peu moins équilibré, hésitant entre l’absurde et le gore, avec davantage de running gags. Cependant la fin devrait parvenir à satisfaire les amateurs du « Meilleur dans sa partie ».

Disponible en France dans une collection peu onéreuse, cela reste donc un bon investissement, qui essaie d’explorer dans sa globalité la potentialité inouïe du personnage : sa fureur contenue, certes, sa violence, son intransigeance mais également son charme (nous l’avions déjà évoqué mais il est vrai que Logan possède une capacité de séduction qui interpelle). La traduction de Jérôme Wicky n’est toutefois pas exempte de reproches et l’on peut en outre déplorer quelques coquilles.





+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Wolverine dans des histoires orientées "adultes" : enfin !
  • Du sang, des tripes, de la violence et un adversaire retors.
  • De multiples rebondissements, un scénario qui parvient à surprendre.
  • Un humour très noir, des répliques bien senties.
  • Des personnages sortant de l'ordinaire.
  • Des dessins extrêmement détaillés.


  • Une certaine confusion dans les enchaînement de séquences.
  • Une traduction qui peine à suivre le tempo de l'auteur.
  • Des combats manquant d'ampleur et de lisibilité.
  • Beaucoup d'allusions sexuelles mais cela reste sage.
Retroreading : le Temps meurtrier
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Pour le trente-sixième article sur un classique de la science-fiction, nous allons aujourd'hui vous parler de Robert Sheckley. Voilà un auteur peu connu en France même si l'une de ses œuvres, par ses multiples adaptations à l'écran, est définitivement inscrite dans la culture populaire : Le Prix du danger, une nouvelle de 1958 adaptée en 1983 par Yves Boisset. Le thème de la chasse à l'homme devenue loisir pour les plus fortunés dans un futur proche mais également sujet de société et élément de divertissement des masses a depuis été très largement repris ailleurs, d'abord par Stephen King avec son Running Man rédigé sous le pseudonyme de Richard Bachman, également adapté une première fois avec Schwarzenegger en 1987 et bientôt de retour sur nos écrans avec un film d'Edgar Wright, puis par de nombreuses sagas plutôt orientées jeunesse. Des variantes comme Battle Royale ou Hunger Games ont su conquérir leur public. Or il se trouve que Sheckley a lui-même régulièrement repris le flambeau en tirant trois romans de son idée de base, dont Chasseur/Victime. Et il ne se prive pas pour la réinsérer dès qu'il le peut, comme le prouve notre titre du jour, Le Temps meurtrier.

Toutefois Sheckley n'est pas que l'écrivain d'un seul thème et il est avant tout connu dans la SF pour ses nouvelles percutantes, souvent caustiques, traitées avec un mélange de dérision et de malice mais qui ne se privent jamais d'interroger l'homme dans ses travers tout en explorant des lendemains qui déchantent. Si ce roman n'est pas son chef-d'œuvre (on lui préfèrera Oméga ou les Erreurs de Joenes, plus ambitieux et aboutis), il s'avère un bon point d'entrée si l'on cherche à découvrir le travail de cet écrivain de Brooklyn mort en 2005.

Ainsi, comme souvent en SF : tout commence par une mort.  
Un banal accident de voiture en 1958, et voilà Thomas Blaine, modeste dessinateur de yachts, expédié ad patres. Et ça, ça l'embête. Ça l'embête d'avoir eu une mort aussi banale, aussi s'empresse-t-il de tenter de se la remémorer - mais rien n'y fait, il a perdu le contrôle de son véhicule et percuté un autre conducteur, lequel a sans doute perdu également la vie dans l'accident. Pas de quoi le consoler après une vie inintéressante dans laquelle il estime n'avoir jamais eu la possibilité de s'accomplir. Après avoir raté sa vie, il a donc raté sa mort. Dommage, car :



Or, le voici qui rouvre les yeux. Pas au Paradis (loin de là) mais dans une salle où des experts anxieux attendent sa résurrection. Car nous sommes à présent en l'an 2110, et l'Au-Delà est désormais accessible scientifiquement : pour peu qu'on y mette le prix, l'on peut avoir la garantie de poursuivre sa vie sur Terre dans des corps-donneurs jusqu'au moment où l'on pourra passer de l'autre côté du Seuil. Une vie quasi-éternelle donc. Si on en a les moyens. Évidemment. 

Alors que vient foutre Blaine dans ce futur ? "Oh ça, pardon, c'est juste une erreur. Excusez-nous, vous n'étiez pas censé être ressuscité, on s'est trompé de personne." V'là aut'chose ! Donc non seulement Blaine est mort stupidement, mais en plus il est ressuscité par erreur ? Pire encore : il n'a même pas récupéré son corps ! On l'a inséré dans celui d'un grand type costaud aux épaules larges et à la mâchoire carrée, tout le contraire de lui. Pas grave, on va lui reprendre. Ah oui, mais non madame (oui, car il y a une madame, plutôt jolie malgré sa froideur toute scientifique) : j'y suis, j'y reste !



Nous allons alors suivre les pérégrinations de notre minable dessinateur de bateaux du milieu du XXe siècle dans le New York du turfu avec son Au-Delà accessible (et régenté par des sociétés ayant pignon sur rue), ses zombies qui résultent de mauvaises réincarnations, ses berserkers qui piquent des crises dans les rues et se font abattre non sans flinguer des dizaines de passants, et ses parties de chasse à l'homme (nous y voilà) où le Gibier n'est autre qu'un riche désœuvré qui choisit une manière élégante de se suicider. Pas facile pour Thomas de trouver sa place dans ce monde, d'autant qu'il y a déjà un individu qui se fait son blé dans un numéro de music hall rétro (et puis le XXe siècle, c'est pas très glamour). Surtout que l'entreprise qui l'a fait revenir (contre son gré) veut désormais récupérer son corps (contre son gré aussi, n'est-ce pas ?)

Totalement démuni et privé de repères, il trouvera une aide inespérée : d'abord celle d'un zombie qui a décidé de le suivre partout où il ira, persuadé qu'il détient la clef de son amnésie ; puis celle d'un fantôme, l'esprit d'un homme qui n'a pas encore franchi le Seuil et s'est décidé à l'aider autant qu'il le pourra (car on peut recevoir des appels de l'Au-Delà dans ce futur-là). Mais rares sont ceux qui iront dans son sens : Blaine sera régulièrement trahi, ou manipulé, pion innocent d'un conflit qui le dépasse entre des puissances qui veulent s'accaparer l'Éternité. En attendant son inévitable mort (sans doute définitive, pour le coup), il mènera sa petite vie d'échecs en désillusions tout en nous faisant découvrir un avenir pas très radieux où la promesse de la vie éternelle ne va pas sans beaucoup de contreparties plus ou moins légales, et dans lequel les plus blasés profitent d'un dispositif nommé "la Greffe" pour utiliser d'autres corps afin de vivre des expériences sensorielles extrêmes, ou se rendent dans des "cabines à suicide" pour tenter leur chance dans un ailleurs pas forcément garanti.

Le roman se suit sans déplaisir grâce à bon nombre de réflexions bien senties (surtout lorsque Sheckley mêle à cette vision d'un Au-Delà scientifique des considérations plus religieuses) et à pléthore de péripéties qui rythment la vie chaotique de ce "Voyageur imprudent". Thomas Blaine devient un Candide malgré lui, mais un Candide ironique, encore trop naïf mais capable d'analyser froidement les travers de cette société peu engageante. On regrettera toutefois sa passivité et son manque cruel de charisme : l'auteur n'a pas du tout voulu en faire un héros, sans doute dans le but de pouvoir écrire une fin pleine de cynisme. On regrettera aussi cette vision assez naïve d'un XXIIe siècle très peu évolué (en dehors donc de la conquête de l'Au-Delà) : on s'y déplace en voiture ou en hélicoptère, on regarde la TV, on communique par le biais de cabines dédiées et l'informatique n'y est pas du tout présente. Ni les logements, ni les vêtements, ni la nourriture ne semblent avoir été impactés par les progrès. On comprend aisément que ces considérations ne constituaient pas une priorité pour l'écrivain.

Image tirée du film Freejack de Geoff Murphy (1992)

Quoi qu'il en soit, l'idée de base a plu encore une fois à des producteurs de cinéma qui en ont fait un film en 1992, au casting assez impressionnant (Emilio Estevez, Anthony Hopkins, René Russo et... Mick Jagger) mais au succès médiocre, qui annonçait pourtant la vague cyberpunk. Il est disponible sur Prime Video, si vous êtes curieux.

Pour finir, un petit mot sur l'édition Presses Pocket de 1977, facilement trouvable dans les bouquineries, et reconnaissable à sa très jolie illustration de couverture signée Siudmak : ne vous attendez pas à un roman olé olé, la jeune femme dénudée (que vous avez forcément remarquée sur cette page) n'apparaît pas du tout dans l'ouvrage. On vous aura prévenus. Quant aux collectionneurs chanceux, ils pourront le trouver dans le prestigieux Club du Livre d'Anticipation des éditions OPTA, couplé à un recueil de nouvelles du même auteur encore plus corrosif, ouvrage relié duquel est tiré l'illustration qui clôt cet article. Et pour être totalement complets, sachez qu'il a parfois été édité en France sous le titre : Éternité, société anonyme, traduction presque littérale de sa version originale.




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un auteur méconnu en France qui mérite qu'on s'y attarde.
  • Un style alerte, teinté d'ironie.
  • Des questionnements philosophiques pertinents.


  • Des personnages qui dégagent peu d'empathie.
  • Une vision du futur assez naïve.
Batman - Year Two
Par



Après le Batman - Year One, de Miller et Mazzucchelli, c'est très logiquement à sa suite, Batman - Year Two, que nous nous intéressons maintenant. 

C'est en 1987 qu'est publié ce récit, dans les Detective Comics #575 à #578. L'équipe créative est alors constituée de Mike W. Barr au scénario et d'Alan Davis au dessin pour le premier épisode. Suite à une petite brouille éditoriale concernant la représentation d'une arme à feu, ce dernier va démissionner et être remplacé dans la foulée par Todd McFarlane qui réalise donc l'essentiel de l'aspect graphique de cette saga. Quant à la colorisation d'Adrienne Roy, elle a plutôt un bon rendu pour l'époque. 

L'idée de Barr est à la fois simple et inhabituelle pour le personnage : laisser le Dark Knight employer un flingue. Et pas n'importe lequel, mais celui qui a servi à assassiner deux de ses proches dans une ruelle bien connue. Batman va ici être confronté au Faucheur, un justicier qui, dans les années 50, faisait régner l'ordre (d'une manière très violente) dans Gotham. Pour cela, il va même être obligé de faire équipe avec Joe Chill, l'assassin de ses parents.

Signalons que ce récit est notamment intégré dans le Batman Chronicles 1987 volume 2, publié par Urban Comics.




Cette redéfinition des premiers pas du protecteur de Gotham, même si elle a été conçue en parallèle de Year One, en constitue donc la suite. Cette fois cependant, le commissaire Gordon n'a qu'un rôle très secondaire et c'est bien Batman qui demeure au centre de l'intrigue. L'ambiance est plutôt sombre, avec l'entrée en scène d'un Faucheur à l'aspect sinistre et aux méthodes expéditives.
Bruce Wayne rencontre également une jeune femme dont il va tomber amoureux (et qu'il va même demander en mariage) : Rachel Caspian. Si celle-ci se destine au départ à rentrer dans les ordres, sa rencontre avec le playboy milliardaire va la détourner très rapidement de sa vocation. Parfois, il suffit d'un rien pour changer de voie... plus sérieusement, il faut dire que Rachel a un passé violent relativement proche de celui de Bruce, sa mère ayant elle aussi été assassinée par un malfrat. Leur relation demeure toutefois assez fade, le scénariste peinant à insuffler un brin de passion au milieu d'échanges banals et convenus. 

En seulement quatre épisodes, ce récit va à l'essentiel, peut-être d'ailleurs un peu trop rapidement. Il dévoile un Batman n'ayant pas encore le code de conduite qu'on lui connaît et explique certains de ses choix. Les confrontations avec le Faucheur sont finalement assez peu spectaculaires, même si certaines scènes se révèlent plutôt sanglantes. Ceci dit, McFarlane apporte tout son talent pour magnifier les poses très esthétiques d'un Batman enveloppé dans une cape qui n'en finit pas de claquer au vent. Ça en jette, il faut l'avouer.
La thématique sur les armes à feu reste cependant trop cliché et trop peu approfondie pour faire sortir cette histoire de son aspect anecdotique.

Une saga graphiquement soignée qui peine cependant à se hisser au niveau de Year One, notamment à cause d'un manque d'émotion et de suspense. 





+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Batman avec un flingue... voilà qui n'arrive pas souvent.
  • L'apport de McFarlane.
  • Un ennemi assez impressionnant.


  • Une histoire d'amour très terne, à laquelle on a du mal à croire.
  • Des combats manquant de tension et visuellement peu impressionnants.
Manuel de "survie" version kéké
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On en a vu des conneries, mais alors un manuel inutile, rempli d’âneries et destiné à faire peur à la population, ça manquait dans le domaine de l’absurdité imprimée.

Revenons sur les circonstances qui poussent l’UE et Macron à jouer avec une possible guerre qu’ils sont incapables de gagner. Tout d’abord, rappelons que, contrairement à ce que la propagande française, diffusée sur tous les médias mainstream, a tenté de faire croire, l’intervention russe en Ukraine a été engendrée par les manquements graves et répétés de l’Union Européenne (cette saloperie qui annule des élections et des référendums populaires) et de l’ancienne administration US (avant Trump donc). 
En effet, ce sont bien les Occidentaux qui n’ont pas respecté les accords de Minsk et qui, bien avant, n’ont pas respecté la parole donnée aux Russes de non-élargissement de l’OTAN aux anciens pays du Pacte de Varsovie. Il faut être totalement ignorant en matière de géopolitique pour ne pas comprendre, du coup, que Poutine s’est vu contraint, après bien des avertissements de sa part, d’enfin réagir (d’autant que les populations russophones en Ukraine étaient en proie à des bombardements depuis des années et que la CIA avait implanté des bases le long de la frontière russe).

Bref, Poutine n’est pas fou, la Russie ne nous menace pas et elle ne lorgne nullement sur la Pologne ou les pays baltes (et encore moins sur Berlin ou Paris). Depuis la victoire électorale de Trump, la paix se négocie entre deux géants (et va rétablir la zone d’influence russe, ce qui est légitime, imaginez si les Russes ou les Chinois avaient tenté de faire basculer dans leur camp le Mexique ou le Canada…).
Se ruiner pour continuer à armer l’Ukraine n’a donc qu’un effet : prolonger la souffrance de ceux qui vivent réellement cette guerre au quotidien et multiplier le nombre de morts inutiles.

Mais Macron étant en mal de reconnaissance et de contrôle, il a absolument besoin d’inventer un tout autre narratif, à mille lieues de la réalité. Tout comme le covid avait servi à instaurer la terreur (rappelez-vous le « nous sommes en guerre »), c’est maintenant une menace russe imaginaire qui va permettre de museler l’opposition, de mettre au pas des médias pressés de relayer la propagande gouvernementale (en ne jouant plus du tout leur rôle de « quatrième pouvoir ») et de transformer l’électeur lambda en mouton effrayé par un loup imaginaire.

Le fameux manuel, dont on connaît déjà le contenu et qui va bientôt arriver dans tous les foyers, fait partie du dispositif (ridicule mais apparemment efficace) destiné à détourner l’attention du peuple des échecs des gouvernements successifs : la justice est devenue aberrante, l’école est un champ de ruine, l’économie est dévastée, les hôpitaux et le système de santé en général sont à l’agonie… le tout dans un des pays les plus imposés au monde. Bel exploit. 

Alors, tout d’abord, prenons un moment pour dire qu’avoir des stocks chez soi et être un minimum préparé à une situation de crise n’a rien de stupide, au contraire (cf. cet article, où nous abordions le sujet dès mai 2019). Encore faut-il avoir un minimum de connaissances, réfléchir un peu et agir avec clairvoyance et bon sens. 
Or, rappelons que la Commission Européenne estime que le but est d'obtenir... 72 heures d'autonomie pour chaque foyer. Et que certains médias, totalement à la ramasse, trouvent ça "ambitieux". 
Non, trois jours sans crever chez soi, c'est juste normal. Tout le monde connaît des familles qui font leurs courses une fois par semaine seulement, voire une fois tous les 15 jours. Ce n'est pas de "l'autonomie" ça, c'est juste un fonctionnement normal. L'autonomie se compte en semaines et même plus sûrement en mois.

Que trouve-t-on dans ce manuel où Macron, le "Mozart de la finance" aux 3000 milliards de dette (heureusement qu'on n'est pas tombé sur la "Compagnie Créole de la finance", qu'est-ce que ça aurait été...), délivre ses augustes conseils ?
Eh bien, par exemple, qu'il faut avoir chez soi... 5 bouteilles d'eau (?!).
Alors, rappelons que si l'on n'a plus accès à l'eau courante (ou si celle-ci n'est plus propre à la consommation), il faut pouvoir bénéficier de 5 litres d'eau par jour et par personne (il ne suffit pas de boire, il faut préparer à manger et assurer un minimum d'hygiène). On ne peut pas faire des stocks infinis de bouteilles d'eau, imaginez ce qu'il faudrait pour une famille de 4 personnes souhaitant avoir une autonomie de 6 mois ou 1 an. C'est absurde. Le problème (vital) de l'eau doit être réglé en optant pour une solution permettant de purifier l'eau soi-même, nous vous avions conseillé par exemple un système à gravité, du genre British Berkefeld, mais il existe maintenant des systèmes encore plus simples, du genre gourdes OKO, qui pour un investissement relativement modeste (environ 200 euros) permettent à une famille de régler le problème de l'eau potable sur une très longue période.
Donc non, on ne conseille pas d'avoir "5 bouteilles d'eau" chez soi (même pas un pack, qui fonctionne avec ça, même en temps normal ?) mais bien d'investir dans un système permettant de récupérer n'importe quelle eau et de la purifier facilement, sans aucun support extérieur. 

Pour ce domaine vital, ce manuel conçu par des incompétents montre déjà ses limites, voire sa dangerosité (en donnant de mauvais conseils et un faux sentiment de "sécurité", il va plonger, en cas de réel problème, des familles entières dans une situation critique).
Les autres domaines abordés sont à l'avenant. On nous dit qu'en cas d'attaque nucléaire (ce qui n'est pas d'actualité, et je vous assure que pour recevoir un missile nucléaire, des Russes ou de qui que ce soit, il va falloir vraiment y mettre du sien et multiplier les provocations et actes de guerre), il faudra... fermer la porte de votre domicile.
Heu, attendez, on s'adresse à qui là ? Des demeurés ? 
Deux solutions : si le missile s'abat sur ta ville, t'emmerde pas avec ta porte, tu vas être réduit en cendre avant même de t'en apercevoir. Si le missile tombe plus loin et que tu dois gérer les retombées radioactives éventuelles, il ne suffira pas de "fermer" ta porte. Il faut tout calfeutrer, portes, fenêtres et aérations, avec du duct tape et des plastiques, et ce pendant au moins deux semaines. D'où l'intérêt aussi des packs d'eau en plus du système de purification. Si on ne peut pas s'approvisionner dehors, il faut un minimum de réserve "saine" chez soi. Mais pas 5 bouteilles d'eau, plutôt 10 packs (60 bouteilles de 2 litres). 

Outre la légèreté des conseils de ce gouvernement scélérat, qui nous ment et nous entraîne dans un conflit avec un État qui ne menace nullement les intérêts du peuple français (au contraire, il nous fournissait du gaz bon marché, les "sanctions" économiques de Macron n'ont eu d'impact que sur sa propre population), il faut relever deux choses très importantes.
D'une part, ce manuel imbécile n'aborde même pas des éléments pourtant cruciaux, comme le papier toilette. Et oui, ça n'a l'air de rien, mais en cas de confinement prolongé et/ou de rupture totale de la normalité, l'hygiène la plus basique deviendra vite un problème. Le PQ n'est pas le seul élément auquel penser, les sacs poubelles ou le savon devront faire partie de vos stocks de base.

D'autre part... c'est étrange mais... on nous parle de guerre, d'attaques russes, de menaces "existentielles" mais... jamais de se défendre. Vous conseille-t-on en effet sur un armement basique (pour résister à l'envahisseur ou à des pillards) ? Non. La vision macronienne et européiste du peuple français est une vision misérabiliste, où chacun se terre chez soi, terrifié, en serrant ses cinq bouteilles d'eau, en écoutant religieusement une propagande d'un gouvernement devenu aussi fou que félon et en restant totalement passif. 
Pourtant, se défendre et défendre sa famille est un droit, c'est aussi un devoir absolu.
À vous de voir donc, si vous souhaitez demeurer passif, au risque de l'être définitivement, ou si vous souhaitez réellement vous préparer à une situation qui pourrait se dégrader pour bien d'autres raisons (plus vraisemblables) qu'une invasion russe. Un effondrement économique, une catastrophe naturelle ou industrielle, une guerre civile, une autre pandémie, un simple hiver un peu rigoureux, tout cela arrive, et ne pas s'y préparer, c'est se condamner à subir tout de plein fouet, dans l'urgence et la panique.
Encore une fois, cet article est une première piste, à creuser et à adapter selon vos besoins. 

Par contre, n'écoutez pas ces technocrates hors-sol, déconnectés de la réalité, qui vous prodiguent des conseils absurdes ou dangereux. Leur but n'est pas de vous aider (l'ont-ils déjà fait ?) mais d'asseoir leur pouvoir inique et totalitaire en vous gardant sous contrôle.
Comment contrôle-t-on une nation entière ? En détruisant ce qui la cimentait (culture, langue, Histoire...), en la bombardant d'informations fausses et effrayantes, en la rendant dépendante (à des jeux, à la malbouffe, à des réseaux sociaux), en la fragilisant, en lui laissant juste de quoi survivre pour avoir peur de perdre les derniers lambeaux de liberté qui masquent la situation pourrie, dramatique et irrécupérable.

Avez-vous vu Von der Leyen, hilare, quand un journaliste lui demandait s'il fallait se sacrifier pour l'Ukraine et si ses propres enfants étaient dans l'armée allemande ? La même Von der Leyen qui s'est octroyée une augmentation de 2700 euros (la troisième en sept ans), passant ainsi à 34 800 euros par mois (comme toute la commission européenne d'ailleurs) ! Ce sont ces gens qui vous disent qu'il faut risquer vos vies, faire des sacrifices et donner toujours plus d'argent pour des causes absurdes et des conflits lointains. Eux ne souffrent pas. Eux ne se limitent pas. Ces scélérats, qui vous vendent une liberté étriquée et sous contrôle, ne risquent jamais rien. Ils ne meurent pas sous les balles. Ils n'ont pas à s'inquiéter dès le 15 du mois. Alors qu'ils devraient être à notre service, ils se prennent pour nos maîtres. Et ils ne sont pas prêts de lâcher leurs postes, parce que la soupe est bonne. Et servie souvent. 

Il est temps d'ouvrir les yeux. De se rebeller. De refuser d'obéir à un gouvernement qui sert des intérêts étrangers. De sortir d'une Union Européenne qui s'est transformée en machine à broyer les peuples et la démocratie (cf. l'exemple roumain récent, ou le référendum français de 2005). 
Le manuel que vous allez recevoir n'est qu'une gifle de plus, une façon de vous prendre pour des imbéciles négligeables, dont l'avis et les vies ne comptent plus.

Il est temps de retisser des liens, entre nous. De nous armer de courage. De prévoir la sortie de l'UE, afin de retrouver notre souveraineté et notre capacité de décision. 
Lorsque vous recevrez ce manuel, symbole d'un État en faillite dont les élites mangent encore sur nous dépouilles, renvoyez-le. Sans même ouvrir le courrier. OK, tout le monde n'est pas capable de prendre les armes, de se mettre en danger, de combattre l'oppression de la bête abjecte en bleu et jaune, mais tout le monde peut refuser de se faire humilier. Tout le monde peut renvoyer un courrier. Barrez votre adresse, notez "retour à l'envoyeur". 
Vous en avez le droit. vous ne raterez rien, les conseils contenus dans ce truc sont stupides et n'ont pour but que de vous terrifier. Ce petit geste, s'il est répété, des millions de fois, peut changer un peu les choses. Montrez-leur que vous n'êtes pas dupes. Faites-leur peur. Montrez-leur que le peuple français n'est pas fait d'un bois que l'on brise facilement. Ces gens sont fragiles, ils ont l'assurance des lâches qui n'ont jamais connu de réelle opposition. Quand l'armée et la police basculeront dans notre camp (ce qui est inéluctable), ils ne seront plus rien. 

Nous avons été maltraités pendant trop longtemps. Il est temps d'exiger qu'à la tête de l'État arrivent des représentants du peuple qui respectent ce même peuple et gouvernent selon ses attentes. Ça s'appelle la démocratie, nous ne l'avons jamais connue (ou trop peu), et c'est ce qui terrifie les européistes. Car eux méprisent les peuples qu'ils mènent à l'abattoir et dont ils tordent le destin.
Courage ! Les ténèbres ne sont jamais éternelles. Et on peut trembler et trembler encore et tout de même garder intact, au fond de soi, l'instinct de mordre. La résistance ne commence pas avec l'héroïsme, elle débute quand, harassé et désenchanté, celui qui obéissait cesse d'obéir.   


La liberté consiste moins à faire sa volonté qu'à ne pas être soumis à celle d'autrui.
Jean-Jacques Rousseau 

Soyons fermes, purs et fidèles ; au bout de nos peines, il y a la plus grande gloire du monde, celle des hommes qui n'ont pas cédé. 
Général Charles de Gaulle



Adolescence : quand l'aspect technique bousille l'histoire
Par


Adolescence est une mini-série disponible sur Netflix. Sa particularité tient surtout à son mode narratif : chaque épisode (d’environ une heure) est constitué d’un long plan-séquence en temps réel.
Et c’est là que les problèmes surviennent.

Tout commence par une intervention de la police au domicile d'une famille lambda. Les forces de l'ordre défoncent la porte et débarquent chez ces gens, au petit matin, pour appréhender leur fils de 13 ans. C'est immersif, c'est éprouvant, mais dès le premier épisode, les limites de l'exercice imposé se révèlent : le trajet du domicile de l'ado au poste de police, par exemple, s'effectue en temps réel. Et c'est loin d'être le seul moment creux et pénible. Quand il s'agit de relever les empreintes du prévenu, on se tape le tout, "tu mets ton pouce ici", "maintenant l'index", "OK, le majeur...", etc. Même chose pour les photos de l'identité judicaire : "assis-toi ici, ne bouge plus... très bien, mets-toi de côté maintenant... bien, l'autre profil..."

Vous l'avez compris, il faut être très patient pour visionner les quatre épisodes de cette histoire très bancale. Car, sur le fond, il n'y a pas grand-chose à raconter. Il n'y a pas d'enquête, pas de rebondissements, pas de fausses pistes, tout est réglé et limpide dès le départ, les preuves sont accablantes, et les scènes vont donc s'accumuler dans une sorte de long tunnel à la fois voyeuriste et ennuyeux.

Il y a bien quelques très rares scènes qui surnagent (le premier interrogatoire de l'ado, plutôt intense), mais c'est bien peu pour justifier tout le reste. En fait, l'intrigue passe complètement au second plan et seule la forme, cette réalisation certes ambitieuse mais complètement inappropriée, est mise en avant. 
Le problème avec ce genre "d'exploit" technique (autant pour les cadreurs que les acteurs), c'est qu'il n'a de sens que s'il est mis au service de l'histoire. Or, ici, la technique nuit au récit. Elle le rend terriblement lourd et limité.

Et il y a bien d'autres défauts dans cette mini-série assez cagneuse. Notamment une impression d'invraisemblance dès le premier épisode, où tous les intervenants sont "parfaits". Qui a déjà été confronté à une machine administrative sait fort bien qu'en son sein naviguent des gens fort différents. Certains sont incompétents, d'autres pressés ou de mauvaise humeur, certains sont blasés, indifférents, d'autres antipathiques. C'est souvent un soulagement de rencontrer, dans ce genre de faune, une personne un peu compatissante et agréable. Or, dans cette introduction, tout le monde est parfait. Le flic est super sympa, l'avocat est super sympa, l'infirmière est super sympa, le gars de l'accueil est super sympa... On dirait un infomercial pour les institutions britanniques !

Les autres épisodes n'ont pas de défauts aussi évidents mais demeurent plombés par ce parti pris catastrophique du "temps réel". Dans le deuxième épisode, on suit les flics dans une école, alors qu'ils déambulent dans les couloirs ou montent et descendent des escaliers. Dans le troisième, on a droit à un très long entretien entre l'ado et une psy, entretien qui dans tout autre œuvre aurait duré 5 ou 10 minutes, et non 50. Enfin, le quatrième épisode se penche sur la réaction de la famille. C'est le plus lunaire. Des abrutis ont tagué la camionnette du père, il va donc tenter de la nettoyer (il remplit un seau avec de l'eau et du savon, puis il va frotter la carrosserie, toujours en temps réel) mais ça ne marche pas, il décide donc d'aller dans un magasin de bricolage pour acheter un produit plus approprié, et là encore, tout est en temps réel : le trajet interminable, l'arrivée sur le parking, la recherche d'un vendeur, les conseils de ce dernier...

Alors, les gens qui défendent cette série louent visiblement la performance des acteurs. Problème, quand tu improvises et que tu n'as droit qu'à une seule prise, tu seras forcément moins bon que si tu peux tourner dix fois la même scène. Même chose pour le plan-séquence, il est tellement complexe que tu peux te permettre fort peu de choses en termes de réalisation. Donc encore une fois, cette perte de qualité dans le jeu, de diversité dans la narration et de contrôle dans le timing n'a de sens que si on la met au service d'une histoire en béton. Or l'histoire est quasiment inexistante. Et en plus, elle véhicule quelque chose d'assez bizarre. Bon, j'ai lu des trucs absurdes sur le "masculinisme" et autres conneries, perso, on ne pourra pas me prêter de sympathie pour le wokisme ou ce féminisme bas de plafond et misandre qui voit dans chaque œuvre une attaque d'un "patriarcat" imaginaire (la société n'a jamais été autant féminisée, et les droits des femmes sont supérieurs à ceux des hommes qui doivent de nos jours prouver leur innocence). Mais une fois que cela est précisé, il est permis en effet de s'interroger sur le message presque pro-criminel de la série. Car, de la victime, il n'est rien révélé ou dit, si ce n'est qu'elle était "une connasse" (et sa meilleure amie, qui apparaîtra pour la "défendre", est aussi sympathique qu'une fosse à merde). Par contre, le criminel est, lui, filmé en train de pleurnicher et de raconter ses souffrances, ce qui l'humanise énormément. Que l'on soit bienveillant avec ses parents, qui eux sont de braves gens, OK, mais lui réserver, à lui, un traitement "de faveur", au minimum, cela brouille le message délivré.

Et il convient en effet de s'interroger sur ce que les auteurs veulent raconter et mettre en avant. 
Le naufrage du système éducatif et de la société occidentale en général ? Hmm... si c'est le cas, ce n'est pas très abouti. Une condamnation du harcèlement (dont on ne voit rien) ? Si c'est ça, c'est encore plus maladroit, car le "harcelé" est totalement antipathique et les harceleurs absents. Alors quoi ? Ce n'est pas une énigme policière, tout est révélé dès le premier épisode. En fait, à part le côté prétentieux d'une réalisation qui se veut teintée de virtuosité mais n'est que guirlande bon marché et beauf sur un sapin terne, il n'y a rien à rechercher dans Adolescence, qui bien qu'objet de curiosité demeure une coquille vide au voyeurisme malsain et au message trouble.

On peut mettre un peu de meringue dans une merde, ça ne change pas sa véritable nature ni la grimace attendue lors de sa dégustation.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • La scène de l'interrogatoire, immersive et prenante.


  • Le principe du plan-séquence et du temps réel, extrêmement mal employé.
  • Des longueurs épouvantables et inutiles.
  • Une intrigue quasiment inexistante.
  • Une thématique vague au service d'un discours dangereusement non maîtrisé.
Légende
Par

Légende de David Gemmell est un roman plein de paradoxes qui a séduit des milliers de lecteurs (il fut un incontestable best-seller et lança la carrière naissante de l'auteur) et a permis à un éditeur français de s'extirper du tout-venant de la littérature de l'imaginaire hexagonale (ainsi que le rappelle la seconde postface de l'édition qui nous intéresse, celle du quarantième anniversaire). C'est un peu comme pour Harry Potter : les livres sont critiquables, ni originaux ni bien écrits, mais leur succès n'est pas discutable et ils ont surtout séduit ou convaincu de nombreux réfractaires à la lecture - voire à la fantasy.

D'ailleurs, Gemmell n'en est absolument pas dupe : sa postface à lui montre fidèlement le regard à la fois sévère et attendri sur ce texte (dans des termes qui rappellent ceux que Stephen King écrivait lorsqu'il évoquait le premier récit de son Cycle de la Tour sombre) rédigé à une époque où il ne savait pas encore si le cancer dont il souffrait finirait par l'emporter. Il n'était pas encore écrivain et c'est sur les conseils de sa femme qu'il accepta de tromper son ennui, sa longue attente des résultats d'analyse et sa frustration en se mettant à la rédaction de cette épopée. Le succès suivit, une longue carrière débuta, emplie de sagas toutes plus vrombissantes et énergiques les unes que les autres, mais il lui était impossible d'oublier le manuscrit qui fut à son origine. Peu de temps avant sa mort (en 2006, des suites de complications post-opératoires), il disait encore combien il aimait ce roman imparfait et surtout combien il avait aimé l'écrire.

Le synopsis du premier jet (qui fut ensuite mis de côté pendant de longues années jusqu'à ce qu'il soit ressorti des tiroirs, remanié et doté d'une fin satisfaisante) était transparent : Dros Delnoch est une forteresse, le dernier bastion d'un royaume envahi par des hordes barbares, point nodal du basculement d'une ère, point focal des attentions de tous les êtres vivants dans ces contrées. Les myriades qui s'approchent implacablement du fort feront face à une poignée de volontaires, preux chevaliers ou paysans désabusés, légionnaires aguerris ou officiers idéalistes, dont la charge est de tenir coûte que coûte, alors même que leur sort est scellé : la question n'est pas de savoir si Dros Delnoch tombera, mais quand. L'inéluctabilité de la chute hante tous les esprits.


C'est donc un combat perdu d'avance, totalement déséquilibré, qui ne peut donner lieu qu'à des actes de bravoure aussi insensés qu'inutiles, en dehors d'inscrire pour l'éternité dans la légende le nom des vaillants défenseurs qui doivent périr en ce lieu. Une légende qui s'écrira chaque heure que tiendront les murs sous les coups de boutoir d'une armée à laquelle personne n'a résisté. Ce n'est pas pour rien que les principes qui régissent cette histoire sont les mêmes que ceux de l'Alamo ou de l'Iliade : ces deux récits, l'un historique, l'autre mythique, ont fortement inspiré l'auteur (au point qu'il consacra un cycle de romans - malheureusement inachevé - au siège de Troie). 

Pour les jeunes garçons en quête de frissons épiques et de figures héroïques, il y avait de quoi alimenter leurs fantasmes de lecteurs avides. Tant l'Histoire que les contes regorgent de ces défenseurs de l'impensable, souvent anonymes, dont le courage et la foi inébranlables ont tenu bon face à la puissance brute et aveugle des armées d'oppresseurs. Ces exploits - parfois fabriqués - ont, de tous temps, nourri les mythes et engendré des vocations.


Cependant, la foi comme le courage ne suffisent généralement jamais : les probabilités étant ce qu'elles sont, la force du plus grand nombre finit par l'emporter. À moins que le temps soit l'allié des défenseurs, qui doivent s'arc-bouter dans l'attente de renforts providentiels : la somptueuse bataille du Gouffre de Helm dans Les Deux Tours ne raconte pas autre chose. Et quand l'espoir s'amenuise, qu'est-ce qui peut bien pousser ces hommes à continuer la lutte, dont ils savent qu'elle est vaine ? Peut-être alors un symbole, l'exemple vivant de la victoire d'une poignée contre la multitude.

C'est ce que raconte précisément Légende dans sa version définitive : oui, Dros Delnoch, dernier bastion de l'empire Drenaï, est la cible désignée d'Ulrik, seigneur de guerre des Nadirs dont il a unifié les tribus et qui dispose à présent d'une force d'un demi-million de soldats. Les derniers espoirs de paix se sont envolés mais le comte de Dros Delnoch décide alors de tenter un ultime pari, un gambit improbable : non seulement il envoie des messagers contacter les Trente, des prêtres-guerriers dont la magie pourrait être un atout non négligeable, mais également implorer l'aide de Druss. Car Druss, surnommé Marche-Mort par les Nadirs, est une légende vivante : ses innombrables exploits militaires, sa férocité, sa pugnacité et une inégalable expérience lui ont permis de survivre aux conditions les plus précaires. Il est d'ailleurs devenu un mythe grâce à un siège précédent, tout aussi disproportionné. Sa seule présence ferait frémir les ennemis et redonnerait l'espoir qui manque cruellement à la garnison qui sait qu'elle ne tiendra jamais les trois mois nécessaires aux généraux drenaïs pour rassembler et entraîner une armée capable de faire face aux envahisseurs des steppes.


Oui, si Druss accepte, le vent pourrait tourner. Pourquoi pas, après tout ? N'a-t-il pas déjà survécu à pareille folie ? Druss est un monument, un guerrier invincible : sa hache Snaga a tranché la vie de centaines d'adversaires malchanceux ou présomptueux et ses connaissances tactiques pourraient changer la donne. 

Sauf que... Druss a 60 ans. Certes, il en impose encore, et les escarmouches qui égayent son périple jusqu'à la forteresse qu'il connaît bien démontrent combien il est encore vif, puissant et impitoyable. Néanmoins, l'âge ne l'a pas aidé et sa formidable résistance risque fort de céder face aux ravages du temps. C'est essentiellement son pouvoir de récupération qui lui fait défaut : comme disait Indy dans Les Aventuriers de l'Arche perdue : "Ce n'est pas l'âge, c'est le kilométrage !" Son corps couturé de cicatrices arrive en bout de course, et ses articulations lui rappellent constamment qu'il n'a plus vingt ans. N'empêche : sa seule présence revigore les esprits des soldats en garnison et illumine ceux des fiers légionnaires, cavaliers expérimentés qui avaient besoin d'un vrai leader. Druss va reprendre en main l'organisation militaire de la forteresse et faire en sorte que ces paysans, artisans, forgerons ou soldats plus ou moins valeureux soient prêts pour le jour J : la Légende se mue en adjudant, féroce et intransigeant, et chaque homme de le maudire lorsque survient le crépuscule et les quelques maigres heures de repos qu'il leur accorde. Druss a décidé de son sort et fera en sorte que ceux qui l'accompagneront soient les meilleurs parmi les meilleurs. L'entraînement s'avère d'une exigence inouïe, au point que même les officiers n'en peuvent plus.



Mais Druss n'a que faire des plaintes qui remontent : il a sur les bras la gestion des hommes de cette forteresse et de ses murs, stratégiquement indéfendables avec le maigre contingent dont il dispose. Outre ce fait, le comte se meurt, un traître rôde dans Dros Delnoch et les notables de la ville exigent que des pourparlers soient entrepris avec l'ennemi. Sur ces néfastes entrefaites, arrive Rek aux portes de la ville.

Ce fougueux jeune homme est un solitaire vivotant de petites rapines, qui s'est acoquiné avec des bandits locaux. Au départ, les rumeurs de la guerre ne le dérangeaient pas. Comme beaucoup, il s'apprêtait juste à partir vers le Sud rechercher une tranquillité éphémère - mais le destin l'a rattrapé, sous les traits de Virae, fille du comte, à laquelle il va (malgré lui) sauver la vie. Rek (ou Regnak, de son vrai nom) n'est pas à proprement parler un héros : sans être un pleutre, il préfère éviter les confrontations et choisir la voie la plus sûre. Il n'a foi en rien et n'a confiance qu'en de très rares personnes, lesquelles ont veillé à ce qu'il s'en sorte sans trop de mal car il est indiscipliné, étourdi et manque de maturité. La prudence et une certaine malice lui ont permis jusque-là de s'en sortir, mais se retrouver avec la fille du comte c'est aller au devant de gros ennuis. Normalement, il aurait fui à la première occasion. Sauf que... il tombe amoureux. Et sa guerre à elle, farouche guerrière, indépendante et autoritaire, devient sa guerre à lui. Bien qu'il lui en coûte, il accepte de l'accompagner au siège de Dros Delnoch et de faire sienne la funeste destinée de sa compagne. Entre-temps, nous apprendrons qu'il dissimule des secrets qui seront bien utiles à leur improbable survie...



Si Druss propage une aura de fascination propre aux héros de jadis, solides, implacables et fidèles à leurs principes, sorte de Conan le Barbare mêlé de William Wallace (deux influences avouées pour le camper, bien qu'il ait également adopté les caractéristiques du beau-père de Gemmell), Rek est davantage calqué sur l'auteur, prototype des personnages qu'il dépeindra de plus en plus, dotés de nombreux défauts mais capables d'actes de bravoure d'autant plus admirables qu'ils ne disposent pas des facultés d'un surhomme. La relation de confiance qui s'installera entre Rek et Druss semble traduire le passage générationnel dans la littérature de genre : les héros ne sont plus depuis les années 70 ces brutes inamovibles que décrivait Robert Howard, mais des êtres sensibles, parfois fragiles, qui s'interrogent sur le sens de leurs actions et sont parfois dotés de défauts voire de handicaps. Prenez Serbitar, le mystérieux commandant et Voix des Trente (ces espèces de Templiers surpuissants) : un albinos souffreteux qui a dû avoir recours à des potions pour survivre, tout à fait l'image d'un Elric de Melnibonè ! On pourrait en dire autant du Gan (commandant) Orrin, chef de la garnison nommé par son oncle (qui est le chef élu de l'empire) mais détesté par tout le monde : on le dit planqué, les légionnaires le prennent pour un incapable et il se montre bien trop cauteleux dans ses choix stratégiques. Il s'avèrera pourtant un atout de poids dans le conflit qui s'annonce.

Le charme du roman est aussi patent que multiple. Une fois qu'on est passé outre les facilités d'écriture, les redondances ou les lourdeurs du style, l'on s'aperçoit qu'on se prend au jeu, à cette lente montée en tension, à cette galerie de personnages disparates pour lesquels l'auteur a les yeux de Chimène (il prend le temps de détailler des petits moments entre eux, des dialogues qui enrichissent ces personnages de papier bien davantage que les actions d'éclat dont ils feront preuve sur le champ de bataille) et, une fois que le premier assaut est donné, on ne lâche plus l'ouvrage. Les chapitres sont suffisamment courts et intenses pour procurer chaque fois un crescendo dans l'excitation, avec force mystères et découvertes qui feront pencher la balance : comme les défenseurs, il est des moments où l'on se prend à rêver. Et s'ils résistaient ? Et si les Nadirs finissaient par abandonner ? Et puis non, tout retombe car Ulrik se trouve à la tête d'une horde innombrable qui peut se permettre de perdre plusieurs centaines de milliers d'hommes : le dernier fort de l'empire tombera, c'est une certitude. À moins d'un miracle... Et les chapitres s'enchaînent, les cadavres s'empilent, les assaillants créent des brèches et les défenseurs, de moins en moins nombreux, reculent, reculent, repoussant autant que possible l'inexorable fin qui les attend.


Pour les quarante ans de l'édition, Bragelonne a vu grand et propose aux lecteurs qui apprécient l'objet livre (et qui en ont les moyens) un ouvrage doté de ce qui se fait de mieux : un grand format, une couverture cartonnée et en relief rehaussée d'un bandeau et de dorures, un dos toilé, des pages dans un papier de qualité découpé au laser afin que les tranches dessinent un motif (c'est vraiment superbe), une police d'écriture spécifique qui s'avère particulièrement aisée à lire, une mise en page aérée avec des têtes de chapitres illustrées et de nombreux suppléments. Ces derniers vont du passable (la carte du monde est assez peu lisible et aurait gagné à présenter une sorte de zoom sur la portion géographique qui occupe l'essentiel du livre) à l'excellent (des doubles pages de croquis représentant les armes ou les personnages caractéristiques, un arbre généalogique qui en dit long et poussera sans doute les complétistes à rechercher les ouvrages racontant le passé ou le futur des héros de l'histoire et les postfaces pleines de détails croustillants). On en apprendra ainsi davantage sur le lien très fort entre les éditions Bragelonne et ce titre : les deux sont, à jamais, intimement liés au point que c'est un des responsables éditoriaux qui s'était chargé de la traduction (à une époque où la maison d'édition ne disposait pas des fonds nécessaires pour engager quelqu'un d'autre), traduction saluée par l'auteur lui-même qui l'a trouvée meilleure que la version originale !

Avoir en mains un objet aussi amoureusement conçu (quasiment aucune coquille relevée, c'est assez remarquable) est la garantie d'une expérience de lecture de haut niveau. Une fois achevé, l'ouvrage ornera n'importe quelle étagère de bibliothèque avec une rare élégance et l'on n'oubliera pas de sitôt la vaillance de ceux qui ont participé au siège de Dros Delnoch.




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un récit enlevé et facile d'accès.
  • Un personnage toujours aussi fascinant.
  • Une édition luxueuse dont le format, la texture, les illustrations et le contenu flattent le lecteur et enrichissent une bibliothèque.


  • Un style simpliste, parfois un peu lourd.
  • Des dialogues creux.
  • Une carte du monde quasi-inutile.