L'Iris Blanc : un nouveau scénariste pour Astérix
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Le nouvel Astérix, L'Iris Blanc, vient de sortir. Peut-on espérer que le nouveau scénariste qui fait ici son entrée en scène puisse insuffler de l'intérêt dans cette série devenue sinistrée ? C'est ce que l'on va voir tout de suite.

Le petit village gaulois doit cette fois faire face à un nouveau venu, Vicévertus, un médecin envoyé par César et adoptant une nouvelle technique de manipulation pour ramollir nos fiers et querelleurs guerriers. Pire, Bonemine, alléchée par les mirages de Lutèce, finit par quitter Abraracourcix, plongeant ce dernier dans une profonde dépression. Évidemment, Astérix et Obélix ne vont pas rester les bras croisés et vont tout faire pour venir en aide à leur chef. 
Bon, on l'avait vu à maintes reprises, si Didier Conrad, toujours présent ici au dessin, s'acquittait parfaitement de sa tâche, c'est bien les scénarios des précédents albums (cf. Astérix et la Transitalique, Astérix et le Griffon, Astérix chez les Pictes, etc.) qui plongeaient le titre dans un réel et durable marasme. Fort heureusement, l'éditeur arrête les frais et remplace le poussif Ferri par Fabrice Caro, alias Fabcaro, romancier et scénariste de son état. Et la différence se fait immédiatement sentir !

Clairement, dès les premières pages, l'on constate un bond qualitatif au niveau de l'écriture. C'est fluide, bien pensé, parfaitement dans le ton d'un Goscinny et souvent amusant. Les jeux de mots sont parfaitement intégrés dans les dialogues (ils servent les différentes scènes et ne sont pas "forcés") et l'on peut découvrir diverses références qui parleront aux générations plus anciennes. Il y a donc bien une volonté de s'adresser à un public large, avec plusieurs niveaux de lecture, ce que faisaient en leur temps Goscinny et Uderzo
Mais le grand changement vient ici de l'aspect aventure et, surtout, de la présence (enfin !) d'un véritable enjeu. Car une aventure d'Astérix, c'est d'abord une aventure. Les gags viennent la rythmer et l'adoucir, mais il faut une réelle menace, une opposition quelconque, pour que les deux héros puissent s'épanouir et jouer leur rôle.



Est-ce que tout est parfait pour autant ? Non, notamment parce qu'il faut expédier tout cela en 44 pages (pas 48 ou 46, mais 44 planches réelles). Or, c'est tout de même très peu pour présenter un nouveau personnage, développer un récit solide, amener des rebondissements et offrir une belle conclusion. Fabcaro s'en sort plutôt pas mal, mais cette histoire aurait mérité d'être un peu plus longue. On se demande bien, d'ailleurs, pourquoi les classiques franco-belges se bornent à se limiter à ce format passéiste et clairement trop court. 

Au niveau de la thématique en elle-même (le développement personnel et le positivisme forcené), c'est plutôt bien trouvé, mais le sujet est quelque peu survolé. Vicévertus manque un peu de consistance et peine à réellement incarner une menace crédible et au niveau des adversaires mythiques qui l'ont précédé. L'album lorgne d'ailleurs franchement du côté de La Zizanie ou du Devin. Un brin d'originalité aurait pu être bénéfique, même s'il faut reconnaître que le retour aux sources stylistique fait un bien fou. C'est un réel plaisir de voir l'auteur se moquer par exemple du snobisme lutécien. 
Fabcaro réussit donc ce premier essai et redonne clairement espoir aux fans de la première heure. Alors, on a pu voir Conrad prétendre qu'il était plus facile pour ce nouveau scénariste de passer après Ferri plutôt qu'après Goscinny et Uderzo. Mais, en réalité, les lecteurs de la série, dans leur grande majorité, ne critiquent pas pour critiquer. Mais juste parce que ce n'est pas au niveau. Ce qui est plus facile, ce n'est pas de passer après untel ou trucmuche, mais bien de se ramener avec un scénario qui tienne la route et un véritable savoir-faire technique. Ce qui est le cas ici.

Le temps de la purge semble enfin terminé ! L'Iris Blanc ne fait probablement pas partie des albums mythiques, mais c'est clairement le meilleur depuis Uderzo.





+ Les points positifs - Les points négatifs
  • L'arrivée de Fabrice Caro !
  • Un humour quelque peu corrosif.
  • Enfin le retour d'un enjeu quelconque, même s'il reste relativement faible.
  • Des gags et références destinés aussi bien aux enfants qu'aux adultes.


  • Un adversaire un brin terne.
  • Une conclusion abrupte.
  • Astérix un peu en retrait.

Écho #22 : Adieu Birkenau
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Ginette Kolinka est un personnage public, dont le nom résonnera sans doute aux oreilles de bon nombre d'entre vous, amis lecteurs. Outre le fait qu'elle apparaît de temps à autre sur quelques plateaux TV par son statut de survivante d'un camp de déportation, elle est aussi la mère du batteur du groupe Téléphone

C'est d'ailleurs ce dernier, Richard, qui ouvre l'ouvrage par un petit témoignage aussi élégant que touchant, quelques pages qui constituent une excellente introduction à la bande dessinée qu'on peut considérer un peu comme la conclusion d'une vie extraordinaire : les artistes associés à Mme Kolinka adoptent un style léger, plein de douceur et de sensibilité, pour mettre en images son histoire sous la forme d'un double récit parallèle, celui d'un voyage scolaire durant lequel elle accompagne une classe sur les lieux où elle fut déportée, dans un des camps du gigantesque complexe Auschwitz-Birkenau (l'occasion de montrer à la fois son irrésistible sens de l'humour et de rétablir quelques vérités altérées par d'autres récits plus romancés) et, dans le même temps, nous la voyons sous les traits de la jeune fille qu'elle était, en compagnie des ombres du passé, au gré de ses réminiscences. Ainsi dans une même case se croiseront Ginette la vieille survivante et Ginette la jeune juive, procédé admirablement représenté sur la couverture.

Son discours s'adressant aux élèves qui l'accompagnent se déroule avec humilité (elle admet souvent ne plus savoir, ou avoir simplement occulté certains détails) et didactisme bon enfant qui tranchent avec les horreurs qu'elle relate, dans un dispositif plus proche du Persépolis de Marjane Satrapi que du Maus d'Art Spiegelmann - dont le contexte est néanmoins très proche. Quelques anecdotes surprenantes fleurissent au gré de ses souvenirs et elle n'est pas avare de bons mots.

Un dossier préparé par Tal Bruttmann vient utilement compléter cette bande dessinée émouvante au ton très juste, dossier rassemblant des photos et estampes d'époques avec une acuité remarquable.
Un album qui constitue un excellent tremplin pour les enseignants dédiés au devoir de mémoire, et pour tous ceux qui souhaiteraient faire la lumière sur un pan très lourd de notre passé.

Disponible depuis octobre 2023 chez Albin Michel.



Écho #21 : La Bibliothèque des Classiques
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Ils sont beaux mes classiques libres de droits, ils sont beaux !

Voilà deux bons gros pavés consacrés à des légendes, à savoir H.G. Wells et Edgar Allan Poe.

Alors, oui, les textes sont incontournables, l'écrin est fort beau mais la présentation intérieure n'est pas toujours aussi fantastique que les récits. Tout d'abord, l'éditeur a opté pour un texte sur deux colonnes par page, comme dans un journal. On ne voit pas l'intérêt. C'est assez désagréable (le lecteur a l'habitude, en général, de commencer une phrase à gauche de la page et de la terminer à droite de la page, c'est quand même connu comme façon de procéder) mais surtout, cette disposition étrange fait perdre de la place (puisqu'il faut un espace au milieu de la page pour séparer les colonnes). Mouef...

Niveau contenu, oubliez la valeur ajoutée. Le tome sur Wells ne contient par exemple aucune illustration (on n'est certes pas dans une BD, mais dans ce genre d'édition supposée luxueuse, il n'est pas anormal de trouver en général quelques illustrations). Celui sur Poe en contient quelques-unes, mais étrangement étriquées par rapport à la taille conséquente de l'ouvrage. La mention "intégrale illustrée", sans être mensongère, paraît bien exagérée du coup. 

Que dire de plus ? Il existe également un volume sur Verne, même collection, même format, regroupant ses romans les plus emblématiques, et un autre dédié aux Sherlock Holmes de Sir Arthur Conan Doyle

Bref, ça a de la gueule, c'est vendu sous blister (pour cacher la misère ?) et ça permet tout de même de (re)découvrir des monuments de la littérature. Rappelons tout de même que, dans cette collection, vous ne payez que l'emballage, les textes étant libres de droits. Bon, dans les faits, c'est plus compliqué que ça, une part revient à l'imprimeur, au libraire, au transporteur, à l'État, etc. Mais ici, quand vous achetez ces livres, vous ne versez pas un centime à un auteur ou ses ayants droit. Si ça vous fait mal au cul, c'est normal, vous devez avoir un écrivain parmi vos proches. 

X-Men : Mutant Genesis
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Sur Univers Multiples, Axiomes & Calembredaines, on préfère généralement les éditions originales des comics aux versions disponibles en France, a fortiori lorsqu'il s'agit de Marvel et de ce qu'en font les décideurs de chez Panini. Et il nous est régulièrement arrivé de vanter les mérites de l'excellente Epic Collection qui permet aux complétistes de disposer de larges segments des aventures de leurs super-héros préférés, parfois même des arcs complets, dans des volumes denses mains néanmoins plus pratiques que des Omnibus plus massifs et surtout plus chers. Nous avions d'ailleurs récemment évoqué le plaisir que nous avions eu à relire les épisodes de la saga Proteus. Voir aussi Kraven's Last Hunt et Excalibur.

Ce volume (le numéro 19 de la collection) se concentre sur l'année éditoriale 1991 : on se situe donc après Fall of the Mutants, le passage du Seuil du Péril et X-Tinction Agenda. Les deux premiers tiers sont d'ailleurs consacrés à un gigantesque crossover concernant le Shadow King et son emprise sur l'île de Muir et le centre de recherches en génétique de Moira McTaggert, première étape de sa vengeance contre Charles Xavier qui l'avait battu de justesse lors de leur première confrontation en Égypte, alors qu'il s'était incarné dans le corps d'Amahl Farouk : l'essentiel se retrouve dans l'arc Kings of Pain contenu dans les annuals 1991 des X-Men et X-Factor, deux équipes qui vont finir par se retrouver dans cette quête brouillonne aux couleurs criardes et aux dessins parfois repoussants, lesquels ne favorisent guère la compréhension des scènes d'action totalement chaotiques. 

Tom Raney
et Terry Shoemaker proposent des cases assez grossières avec des personnages aux poses fantasques et des décors inexistants sur des arrière-plans vaguement définis. C'est souvent laid donc, et l'intrigue tissée par Nicieza et Claremont, construite sur des réminiscences foireuses d'anciens épisodes, ne convainc jamais, au point qu'on se met à tourner les pages de plus en plus vite en sautant les passages les plus hideux ou les plus verbeux, sans trop de scrupules face à la conduite incompréhensible de certains personnages qu'on croyait connaître (le traitement de Moira était nettement plus probant dans la saga Proteus citée plus haut). 

Il est assez stupéfiant de constater que ces productions constituaient le haut du panier de l'époque. 
On en voit donc péniblement le bout grâce à l'alternance avec des petits épisodes d'un arc parallèle (The Killing Stroke) mettant en scène la Freedom Force, peu captivants mais graphiquement plus présentables - et singulièrement violents et sanglants. 


La bascule s'opère alors dans le deuxième tiers avec des histoires issues de X-Factor, scénarisées par Claremont et dessinées par Whilce Portacio. Si le gars était particulièrement à son aise sur l'Iron Man de l'époque Heroes Reborn, il semble ici moins fluide et percutant. La multitude de personnages n'aide pas dans cet arc intitulé Endgame, et si l'artiste insère incontestablement plus de dynamique, notamment dans sa mise en page, il se plante dans les conflagrations d'envergure comme dans les combats rapprochés où l'on nage dans le flou le plus absolu. Il faut dire qu'entre nos mutants, les Inhumains et l'armée d'Apocalypse, on a tendance à s'y perdre. Cahin-caha, on assiste à un finale explosif sur la Lune et au choix cornélien qui se présentera à Scott Summers lorsqu'il lui faudra sauver la vie de son tout jeune fils - un choix qui aura des répercussions sur l'avenir de l'humanité.


Nous voilà alors de retour sur l'île de Muir où il va bien falloir mettre fin aux agissements du Roi d'Ombre. Cette fois, Paul Smith et surtout Andy Kubert viennent prêter main forte à Portacio, et c'est clairement pour le meilleur. Même si on se fiche un peu de la conclusion de cet arc bavard et abscons, on bénéficie enfin de pages agréables à parcourir jusqu'à l'inévitable victoire à la Pyrrhus qui marque bon nombre de conclusions des aventures mutantes. 

On se retrouve avec un Professeur Xavier de retour, nanti de deux équipes de mutants bien rôdées : ses premiers élèves et les nouveaux. Comme le demande justement Hank McCoy : "Qu'est-ce qu'on va bien pouvoir faire avec 14 X-Men ?" On est en septembre 1991 et survient un tournant majeur dans les séries mutantes (et la littérature Marvel) : Claremont, cette fois associé à Jim Lee à la fois coscénariste et dessinateur, relancent la franchise. Et là, c'est immédiatement plus probant : l'encrage précis de Scott Williams met particulièrement en valeur les personnages les plus charismatiques : dès la seconde page, l'apparition d'un Magnéto en majesté annonce la couleur. C'est beau, et parfois même impressionnant. Les dialogues prennent parfois le dessus mais les trois épisodes présents sont agréables, puissants et cohérents, même s'il n'est pas facile de gérer une quinzaine de héros et presque autant d'antagonistes. Dommage que la confrontation entre les mutants soit amenée aussi mécaniquement, le climax "X-Men vs X-Men" sentant le réchauffé. Il n'empêche qu'on comprend aisément en comparant avec les épisodes précédents pourquoi le numéro d'octobre 1991 est le comic book le plus vendu de tous les temps.


Du coup, l'on se dit qu'il vaudrait mieux se débarrasser de cet Epic Collection décevant pour tenter de trouver à bon prix un Omnibus Jim Lee. Mission impossible... à moins de se rabattre sur l'album Genèse Mutante paru en France avec l'intégrale des sept épisodes Claremont/Lee ou la version 2.0 oversized mais consacrée uniquement aux trois premiers épisodes. Qu'importe en fait, puisqu'il faudra accepter de se farcir des traductions pas toujours adéquates (la VO montre à quel point les personnages ont leur vocabulaire, leurs tournures et même un phrasé particulier, entre le langage fleuri de Wolverine, l'accent prononcé de Moira et les citations littéraires de McCoy).


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un casting d'artistes haut de gamme.
  • Un ouvrage dense et riche en intrigues et sous-intrigues.
  • La présence de "X-Men #1" de Jim Lee et Chris Claremont, le comic book le plus vendu de tous les temps.


  • Un scénario et surtout des dessins qui ont très mal vieillis.
  • La colorisation typique du début des années 90, criarde et grossière.
  • Des situations déjà vues et revues.
  • Un florilège de dessinateurs qui nuit à l'homogénéité de l'ouvrage.
  • Des personnages aux motivations parfois absconses.
  • 3 épisodes à la fin qui rehaussent le niveau mais ne sauvent pas l'ensemble.

Tour d'horizon des différentes éditions des albums de Tintin
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Nous avons déjà abordé l'œuvre la plus connue d'Hergé dans ce grand dossier, nous avions également consacré un long article illustré aux différences entre les éditions "classiques" (noir & blanc, première colorisation et album moderne) des aventures de Tintin, cette fois, nous allons un peu plus loin en vous présentant les très nombreuses éditions spéciales et déclinaisons de cette série mythique.
Même s'il sera difficile d'être totalement exhaustif (il existe encore d'autres éditions !), ce tour d'horizon devrait vous permettre de vous faire une idée assez précise de la vaste galaxie éditoriale de l'univers de Tintin.



1. LES ALBUMS MODERNES

Bon, là, c'est la base. Autrement dit, les albums classiques, avec dessins et colorisation modernes. Pendant longtemps, Casterman considérait qu'il existait 22 albums (du Congo aux Picaros), puis Tintin au pays des Soviets a été ajouté (ce qui peut se comprendre) en tant que premier album (non validé par Hergé, évidemment, puisque c'est le seul qu'il n'a pas retravaillé). Plus discutable, Tintin et l'Alph-Art fait dorénavant office de "24e album", alors qu'il ne s'agit que de quelques crayonnés et des notes d'intention. Nul doute que le véritable album, si Hergé avait pu le terminer, aurait connu de nombreuses modifications avant sa parution (notamment sur le rôle du Capitaine Haddock, assez central dans cette histoire). 



2. LES FAC-SIMILÉS EN NOIR & BLANC

Lors de leur première publication, les premiers albums de Tintin étaient encore en noir & blanc. Cette gamme propose donc de redécouvrir ces versions. Voilà qui nous permet d'aborder la question de la spéculation et des cotations. Si certains albums anciens prenaient de la valeur, c'est justement parce qu'il était impossible d'en trouver des copies récentes. La sortie de ces fac-similés aurait donc dû, logiquement, mettre fin à la flambée des prix. Étrangement, ça n'a jamais été le cas. On trouve encore de nos jours des éditions des années 40, en piteux état, vendues à plus de 1000 euros. On se demande bien pourquoi... en tant que collectionneur, ce qui importe, c'est d'avoir l'objet dans un état identique à celui des premières versions. Qu'il y ait un "1946" ou un "2023" en bas d'une page importe au final assez peu. Mieux vaut quelque chose de récent et propre qu'une saloperie dégueulasse d'époque.



3. LES FAC-SIMILÉS EN COULEURS

Même principe que pour les fac-similés précédents, sauf qu'ils sont ici en couleurs (et reprennent la première colorisation). Ces albums sont plus chers que les albums modernes mais il est vrai qu'ils sont particulièrement beaux et ont un charme certain.



4. LES ALBUMS AVEC ANCIENS DESSINS ET COLORISATION MODERNE

Voilà une curiosité : des albums reprenant les versions anciennes (non retouchées) des dessins mais une colorisation moderne et constituée d'aplats fort élégants. Si c'est assez logique concernant Tintin au pays des Soviets, cela semble déjà plus étonnant pour Les Cigares du Pharaon, par exemple, qui dispose de sa version colorisé avec les dessins retouchés. Ce sont donc un peu des expérimentations donnant naissance à des albums hybrides, mais pas inintéressants. 



5. LES MINI-ALBUMS

Probablement la déclinaison la moins intéressante puisqu'il s'agit des albums modernes mais en format (très) réduit. Le prix reste assez élevé pour ce que c'est et le confort et le plaisir de lecture sont bien moindres. À éviter donc, sauf pour les complétistes acharnés. 



6. LES INTÉGRALES

Des coffrets régulièrement réédités (dans différentes couleurs, cf. cet exemple) et contenant les 24 albums. Si cette intégrale est intéressante financièrement, elle souffre cependant de deux gros défauts : d'une part, la taille des albums est légèrement réduite (rien de comparable toutefois avec les mini-albums évoqués ci-dessus) et, surtout, les couvertures sont absentes. Pour ce dernier point, c'est assez inexplicable. D'une part, l'illustration de couverture fait partie intégrante de l'œuvre, d'autre part, ça reste tout de même l'idéal pour introduire chaque récit. Notons également qu'aucun bonus n'est présent (ce ne sont pourtant pas les illustrations d'Hergé, pour le Journal de Tintin par exemple, qui manquent) et que la version des Soviets présente ici est celle en noir & blanc.



7. LE "TOUT-EN-UN"

Tout est dans le nom. Les 24 albums sont regroupés ici en un seul livre. Inutile de préciser que l'ouvrage s'avère particulièrement lourd et encombrant. Au point qu'il sera difficile de le consulter si l'on n'est pas sur une table (oubliez les séances de lecture au lit ou dans votre fauteuil préféré). Plus un objet de collection qu'un livre pratique donc.



8. LES ÉDITIONS FRANCE LOISIRS

France Loisirs, à la fin des années 80, a publié l'intégralité des 22 albums originels en albums doubles. Ils sont identiques aux versions modernes, ne contiennent pas de bonus et présentent tout de même les couvertures (recto et verso), sans un verso présentant les différents titres. Ces albums peuvent encore se trouver d'occasion à bas prix et en très bon état (si l'on est un peu patient). 
Notons que ce n'est pas la seule collection France Loisirs, 20 ans après celle-ci, l'éditeur a publié une nouvelle version (rouge, cf. cette photo), toujours en doubles albums, mais avec une jaquette (assez inutile) et des associations basées sur les personnages, et non l'ordre chronologique. Par exemple, dans cette version, Le Lotus Bleu est associé à Tintin au Tibet, à cause de la présence de Tchang. 



9. TINTIN AU CINÉMA

En général, l'on retrouve dans ces albums de vagues montages photographique avec textes descriptifs (c'est le cas des anciens films, Toison d'Or et Oranges Bleues, mais aussi du long métrage de Spielberg). Notons une exception notable : Tintin et le Lac aux Requins, un dessin animé présentant une histoire originale et adapté en véritable BD.



10. LES VERSIONS SPÉCIALES

Les versions spéciales sont nombreuses et sortent à différentes occasions. On peut noter par exemple un double album, vendu en supplément du journal Le Monde, reprenant l'épopée lunaire, ou encore une version "journal de Tintin" des Bijoux de la Castafiore. Ces albums sont accompagnés de suppléments à l'intérêt variable mais qui apportent tout de même un plus. 



11. HERGÉ : LE FEUILLETON INTÉGRAL

Voilà une collection certes très complète et esthétique mais hors de prix. À 80 euros l'album, difficile de prétendre qu'il s'agit d'une bonne affaire. Les bonus sont nombreux mais il est à noter que les versions des différents récits sont ici les strips publiés dans les journaux, donc un matériel intéressant d'un point de vue historique, mais certainement pas la version la plus agréable et aboutie des aventures de Tintin. 



12. LES ÉDITIONS AVEC COUVERTURE SOUPLE

Une collection en "softcover", distribuée en 1999 par les stations Total en échange d'un plein et de 16 francs. Voilà qui met un terme définitif au mythe du "les couvertures souples, ça s'abîme facilement". Ces albums ont près d'un quart de siècle, ils ont été vendus dans des stations-essence, ils sont passés de main en main et ont fini dans une brocante, où je les ai découverts. Et ils sont comme neufs. Ce qui est parfaitement normal, un livre, à partir du moment où vous le rangez une fois lu (dans une bibliothèque dans l'idéal) et que vous ne vous en servez pas comme plateau-repas, il ne s'autodétruit pas. Notons, pour en revenir à ces albums, qu'ils disposent d'un petit cahier de présentation du récit.



13. LES ALBUMS AU FORMAT À L'ITALIENNE

Tout n'est pas disponible dans cette collection reprenant les strips originaux agrémentés de commentaires et bonus. L'on peut cependant trouver les diptyques 7 Boules de Cristal/Temple du Soleil et Secret de la Licorne/Trésor de Rackham le Rouge. 



14. LES ALBUMS POP-UP

Il s'agit d'albums "pop-up", c'est-à-dire des ouvrages à la base destinés plutôt aux enfants et qui présentent des scènes "3D" lors de l'ouverture des pages, personnages et décors se déployant alors. Certains mécanismes de papier permettent également d'actionner divers éléments. Il existe de très nombreux albums de ce genre, certains très accessibles, d'autres hors de prix. Notons qu'il s'agit à chaque fois d'un bref résumé de l'histoire, avec uniquement les scènes clés illustrées.



15. LES ARCHIVES TINTIN (Atlas)

Attention, là on a du très très très lourd. Cette version, distribuée par Atlas en 2010, propose un contenu énorme et un écrin soigné. Chaque volume est consacré à un album, avec une remise en contexte (grâce notamment à des actualités de l'époque), du matériel inédit et des analyses très souvent pertinentes, loin des clichés habituels. Le rôle de chaque personnage est par exemple abordé et détaillé. Les différentes versions (et couvertures) de chaque album sont également présentées. L'on trouve aussi des crayonnés, des pubs, des documents techniques et autres illustrations. Très bien foutu et abordable (30 euros l'album à l'époque, ça peut paraître cher, mais on est sur du 120 pages environ, avec présentation pour le moins soignée). 



16. L'ÉDITION ROMBALDI 

Le passage obligé pour tous les classiques de la BD franco-belge. Cette version est centrée sur l'œuvre entière d'Hergé, et comprend donc aussi les albums consacrés à Jo, Zette et Jocko, Quick et Flupke et même certaines œuvres annexes (comme les enquêtes des Dupont-d). Des bonus sont présents, mais bien moins nombreux et intéressants que dans la version Atlas abordée ci-dessus.



17. LES VERSIONS ÉTRANGÈRES

Il faut également aborder ces versions spéciales que sont les adaptations dans d'autres langues. Environ 128 apparemment à l'heure actuelle (dont le breton par exemple). Notons que les versions anglaise et allemande, présentées ici, sont bien moins luxueuses que les VF et arborent une couverture souple très bas de gamme. Curiosité : alors que la version allemande compile bien la totalité des 24 albums en quatrième de couverture, la version anglaise a simplement viré Tintin au Congo. Absurde...



18. LES ALBUMS-JEUX

À partir de maintenant, nous quittons les déclinaisons des albums officiels pour des domaines un peu à part mais toujours rattachés, forcément, à Tintin et ses aventures. Les albums-jeux constituent une curiosité sympathique, employant de nombreux extraits des albums et permettant souvent de tester les connaissances du lecteur. Certains tomes contiennent des fiches de personnage ou permettent, par exemple, d'apprendre à dessiner Tintin. 



19. LES ALBUMS "PIRATES"

Nous avons longtemps hésité à aborder le sujet, à cause bien entendu du côté illégal de la chose mais aussi du peu d'intérêt présenté par la majorité des pastiches. Mais puisque ça existe, difficile de ne pas en parler. Au milieu de la foultitude d'ouvrages vulgaires ou sans intérêt, quelques albums surnagent. Citons par exemple le Tintin et l'Alph-Art de Rodier. Catastrophique du point de vue du scénario (il restait bien trop à travailler encore pour prendre les notes d'Hergé d'époque pour acquises), les dessins ne sont pas non plus à la hauteur (impossible de confondre avec Hergé). Par contre, même si l'on aurait voulu voir une version par Bob de Moor, cette tentative a le mérite de prolonger un peu l'existence de Tintin et de proposer une version véritablement BD de cette ultime aventure. Notons, au crédit de Rodier, que son Le Lac de la Sorcière (une aventure de Tintin en 7 planches) est bien plus abouti et agréable à lire que l'Alph-Art. Ceci dit, c'est bien entendu plus simple de maîtriser un récit aussi court. 
Dans les pirates digne d'intérêt, l'on peut aussi évoquer Tintin contre Batman, d'Hergi, qui a le mérite de proposer un style graphique élaboré et propre à son auteur.
                                                                                                                   


20. LES LIVRES AUTOUR DES ALBUMS

Il existe des tonnes d'ouvrages gravitant autour de Tintin ou de l'œuvre d'Hergé dans son ensemble. Certains sont inintéressants voire scandaleux (l'Hergéographie de Bob Garcia, une merde sans nom), d'autres magnifiques (le Musée Hergé), d'autres encore sont très spécialisés (le Haddock illustré, Tintin et les autos européennes...) ou plus généralistes (L'art d'Hergé). Ajoutons à cela divers dictionnaires, de qualité inégales, et vous comprendrez que le filon, pour le meilleur et pour le pire, s'avère inépuisable.



Voilà déjà de quoi faire alors que nous sommes loin d'avoir présenté tout ce qui existe. Le nombre d'ouvrages et de rééditions permet tout de même de se rendre compte de l'intérêt qui reste encore vivace pour Tintin et son créateur, et ce malgré les choix parfois discutables des ayants droit.
Tintin, Haddock et Moulinsart continuent de fasciner et émerveiller. Je suis moi-même collectionneur, de beaucoup de choses, mais il n'y a que l'univers de Tintin qui m'ait poussé à acheter sept ou huit fois la totalité des albums, dans des versions légèrement différentes, et plus de dix fois pour certains titres. Hergé, au moins autant que le vieux Bayard et son Michel, ont fait de moi le lecteur que je suis aujourd'hui. Ils m'ont diverti, ils m'ont instruit, ils m'ont aidé quand j'en avais besoin, ils m'ont poussé à écrire mes propres histoires et tenter de comprendre la subtile mécanique de la narration. Hergé m'a appris qu'un récit se travaillait, longuement, et que le moindre détail comptait. Il m'a aussi appris qu'une idée en soi n'était ni bonne ni mauvaise, mais que la forme, la manière dont on la mettait en scène, pouvait insuffler de l'intérêt et des émotions dans tout récit. J'aime Tintin parce qu'il représente quelque chose d'à la fois complexe et simple, détaillé et épuré, ancien et moderne. Le style d'Hergé n'a pas vieilli parce que cet auteur tapait juste. Et peu importe quand elle a été chantée, la justesse d'une note ne se déforme pas avec le temps. 
Il est des auteurs que l'on apprécie et des auteurs à qui l'on doit beaucoup, parfois plus qu'on ne l'imagine. Jamais je ne pourrai m'acquitter de la dette que j'ai envers ce bougre d'Hergé. Mais ce n'est pas bien grave, il est des dettes que l'on peut contracter sans pour autant se ruiner. Au contraire, paradoxalement, ces dettes-là enrichissent.
Si vous ne connaissez pas Tintin, je ne vous conseille pas de commencer dans l'ordre chronologique. Débutez donc par l'époque moderne ou le cycle des diptyques (une classification toute personnelle, décrite à la fin de ce dossier). Peut-être malgré tout ne serez-vous pas envoûté par la magie d'Hergé. C'est ainsi, les bons auteurs, tout comme les breuvages forts, ne conviennent pas à tous les gosiers. Et c'est normal, car au-delà de la technique, de la justesse, de la maîtrise, vient le domaine du goût, de l'inclination personnelle, du "j'aime/j'aime pas". Mais quand vous tombez sur un auteur qui vous parle et qui évite les fausses notes, quel enchantement pour l'esprit !







le Nom de la Rose - tome 1
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Les éditions Glénat proposent depuis peu au public français l'adaptation graphique du best-seller d'Umberto Eco sous les pinceaux experts de son compatriote Milo Manara. Les puristes crieront peut-être au scandale jusqu'au moment où ils se rendront compte que l'illustrateur, maintes fois récompensé,  est bien davantage qu'un auteur de BD érotiques - et surtout qu'il a obtenu l'aval des ayants droit de l'auteur du roman. Le premier tome est déjà disponible et nous avons le plaisir de vous le dévoiler sur UMAC.


L'album s'avère être, sans conteste, une œuvre ample et ambitieuse qui parvient cependant à se singulariser face à son illustre support (le fameux thriller médiéval) et ses adaptations à l'écran (le magnifique film de Jean-Jacques Annaud - 1986 - et la série de 2019 avec John Turturro). Manara met tout de suite les petits plats dans les grands et s'inscrit ainsi dans une forme de continuité respectueuse en faisant de l'auteur du Pendule de Foucault un personnage de sa bande dessinée, donc de sa propre histoire, narrateur incarné expliquant au lecteur les circonstances de la création de son œuvre maîtresse, avant d'enchaîner sur le témoignage d'un moine (Adso de Melk) qui servira de point de départ à l'intrigue. Ce n'est qu'à la page 9 que nous nous retrouvons en cet automne neigeux de 1327 où le franciscain Guillaume de Baskerville se rendait avec son novice Adso dans une abbaye bénédictine perchée sur un piton rocheux, abbaye isolée présentée comme une référence d'un point de vue culturel puisque réputée conserver les manuscrits parmi les plus précieux de la Chrétienté. Une chrétienté divisée depuis que le pape s'est établi en Avignon (1309) et que le dernier des Templiers a été brûlé en place publique (1314). De nombreuses famines ont dévasté les contrées mais ce n'est rien auprès de ce que connaîtront les monarchies européennes en l'espace de 20 ans (la Guerre de Cent Ans et la Peste noire). Une période où seule la lumière de la Culture peut encore stimuler l'espoir d'une vie meilleure... Les mêmes arguments historiques, sans doute, qui ont présidé à la conception de la saga Un monde sans fin de Ken Follett dont le point de départ se situe également en 1327.
 

Très vite, les particularités de cette version de l'histoire sautent aux yeux. Manara choisit de s'épancher sur les circonstances qui ont donné naissance au contexte (l'opposition entre les ordres monastiques, le schisme papal, l'origine des Pastoureaux et des Dolciniens), changeant de tonalité et réduisant sa palette de couleurs à chaque page historique. Un procédé classique mais qui fonctionne à merveille ici où l'on navigue entre des tonalités pastel et sépia au gré des époques narrées, alternant avec le lavis qui est sa technique de prédilection. De même, il n'hésite pas à montrer (en pleine page) les fameuses enluminures quasi-hérétiques qui furent à l'origine des premiers décès dans l'abbaye, détaillant avec (du moins le devine-t-on) beaucoup d'enthousiasme les images médiévales censées illustrer des textes libertins, ceux-là même qui firent rire les moines qui travaillaient dessus et précipitèrent leur funeste destin. Graphiquement, c'est remarquable, et sans doute une gageure pour un artiste de sa trempe. L'iconographie ainsi dévoilée met au jour avec moult détails certains des fantasmes et obsessions charnelles qui servaient d'exutoires à des âmes torturées.


On constatera aussi qu'il choisit de s'appesantir sur des visions oniriques qui viennent parfois scander le récit, biais narratif dont il a l'habitude depuis longtemps, comme dans Les Aventures de Giuseppe Bergman : les sculptures explicites du fronton du monastère, voire une simple page d'un manuscrit incunable, deviennent la source de divagations dans lesquelles l'esprit du jeune novice a tendance à se perdre. Ces pauses seraient appréciables si le script s'inscrivait dans la mouvance de celui du film, ce qui n'est manifestement pas le cas : la bande dessinée perd ainsi en suspense et en déroulement logique ce qu'elle gagne en pertinence et truculence. On fera le même constat que face à la série télévisée : Guillaume n'y est pas montré comme un Sherlock Holmes des temps obscurs, mais plutôt comme un homme posé et raisonnable qui obtient bien davantage de renseignements par de simples questions que par la déduction logique mise à l'honneur chez Annaud. Ainsi, on s'étonnera de voir avec quelle aisance il recueille les informations lui permettant très tôt d'accéder à la bibliothèque par des voies secrètes. Le tempo de l'histoire semble également moins trépidant et les indices ne s'accumulent pas puisque la plupart des données utiles lui sont fournies dans les entretiens qu'il mène adroitement. Cela peut paraître frustrant pour l'amateur du métrage interprété par Sean Connery, mais l'intérêt est ailleurs. Les choix de visages réalistes ne sont pas étrangers aux options prises par Manara : Baskerville est représenté avec la tête de... Marlon Brando et si plusieurs des personnages-clefs collent à l'image qu'on en avait, d'autres sont bien différents, à commencer par Adso auquel il confère une physionomie encore plus enfantine que celle du jeune Christian Slater

Ce premier tome s'achève après le deuxième cadavre et la révélation épiphanique du jeune novice qui bouleversera sa vie future ; Bernardo Gui et sa clique inquisitrice ne sont même pas mentionnés pour l'heure. Une histoire à suivre ne serait-ce que pour observer comment le dessinateur transalpin conclura sa version d'une histoire ô combien fascinante.





+ Les points positifs - Les points négatifs
  • L'adaptation dessinée d'un récit mondialement connu.
  • Un album classieux à la pagination agréable.
  • Un artiste méticuleux adoubé par la famille même d'Umberto Eco.
  • Un soin particulier apporté aux décors et au contexte historique.


  • Un choix de narration mettant davantage l'accent sur les dialogues et les personnages plutôt que sur le suspense et l'enquête ; cela déroutera les amoureux du film d'Annaud.
Écho #20 : Intégrale Jo, Zette & Jocko
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Retour sur l'Intégrale Jo, Zette & Jocko, sortie en début d'année.

Après la version Journal des Bijoux de la Castafiore, nous restons dans l'univers d'Hergé avec ce volume unique regroupant les cinq albums existants, à savoir : 

- Le Testament de Monsieur Pump 
- Destination New York
- Le Manitoba ne répond plus
- L'Éruption du Karamako
- La Vallée des cobras

Cette série, bien moins connue que Tintin, est destinée à la base à un public plus jeune. Elle met en scène des enfants, plutôt débrouillards et intelligents, accompagnés d'un singe (?!) lui aussi futé. Hergé, ici, emploie des personnages féminins dans les rôles principaux et, surtout, les protagonistes évoluent dans un cadre familial (à la demande de l'abbé Courtois, directeur à l'époque du journal Cœurs Vaillants). L'auteur fait preuve également de plus de fantaisie, car même si ces récits lorgnent vers l'aventure, l'espionnage voire la science-fiction, il n'hésite pas à introduire des éléments moins réalistes, parfois à la limite du burlesque.

Graphiquement, les personnages sont très proches de figures bien connues présentes dans les aventures de Tintin. Certaines scènes ont même un net parfum de déjà-vu (par exemple, le majordome tentant de ne pas renverser son plateau fait furieusement penser à Nestor, confronté au même problème dans Les 7 Boules de Cristal). 

Tout cela est certes un brin daté mais se lit encore très bien. Au niveau du contenu, on est sur du brut de chez brut : aucun bonus, même les couvertures d'origine ne sont pas présentes (incompréhensible, les couvertures font partie intégrante de l'œuvre, on se demande pourquoi elles ne viennent pas introduire chaque épisode).

Un tome de 272 pages, vendu 30 euros et publié par Casterman.
Ça se tente.




Les Bijoux de la Castafiore, version Journal de Tintin
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Analyse complète de la nouvelle version de l'album Les Bijoux de la Castafiore.

Évidemment, pas question ici de nouvelle BD mais bien, comme Moulinsart et Casterman ont l'habitude de le proposer, d'une énième déclinaison du matériel existant. Ce qui nous est vendu est en fait la version "journal de Tintin" de cet album. Revenons déjà brièvement sur l'intrigue (déjà évoquée dans ce Top 3). Ce récit est très particulier puisqu'il s'agit d'une habile "non-aventure" où tout n'est que fausses pistes et trompe-l'œil. Le cadre familier (le château de Moulinsart) permet aussi de découvrir les personnages dans un contexte plus intimiste. Enfin, l'association Haddock/Castafiore est bien entendu source de nombreux gags, pour certains très réussis.

Passons maintenant à cette variante et à ce qui la différencie de la version moderne. Il faut savoir que, contrairement à L'Île Noire par exemple (cf. ce comparatif illustré), cet album est bien trop "récent" (dans la chronologie globale de l'œuvre d'Hergé) pour avoir nécessité de gros remaniements. Ce sont donc quelques éléments mineurs qui vont changer. Voyons cela en détail (pour simplifier, nous appellerons cette nouvelle publication la version "journal" par opposition à la version "album").

Les changements de plan ou de cadrage (qui étaient légion et faisaient sens dans L'Île Noire et certains albums anciens, bénéficiant d'une refonte totale, comme Les Cigares du Pharaon) sont ici pratiquement inexistants. Haddock en train de danser est ainsi cadré plus près du sol dans la version album, mais il faut vraiment être attentif pour noter cette évolution mineure. Une autre case (représentant Haddock en train de téléphoner et Nestor se relevant d'une chute dans l'escalier) sera également scindée en deux dans l'album, alors que la version journal lie un peu maladroitement les deux actions.
Les décors et véhicules sont tous identiques, tout comme la construction des planches. Seule une vignette supplémentaire ouvre la version journal (un plan large de la campagne environnant le château). 

Les couleurs, l'encrage et le texte séparés puis réunis.


Les plus grosses modifications concernent la couverture (différente et plutôt jolie) et surtout la colorisation. Globalement, la version journal propose des couleurs plus pastel, ou moins marquées disons, et des bulles sur fond jaune pâle. L'ensemble possède un certain charme d'ailleurs. D'autres changements mineurs sont également présents, comme la couleur de la veste et de la cravate de Haddock ou les robes de chambre d'Irma et de Bianca. Là encore, rien d'époustouflant. 

Le texte ne subit lui aussi que d'infimes variations. Certaines fautes sont corrigées, des mots sont parfois remplacés ou des phrases légèrement rallongées, mais il n'existe aucune différence profonde dans les différents dialogues. La typo est la même et le lettrage est quasiment identique (quelques césures en plus ou en moins). Une curiosité cependant : chaque planche est surmontée d'une phrase d'introduction. Ça ne sert à rien mais c'est effectivement une différence avec la version album. 

Au final, c'est donc dans les quelques pages de bonus que réside l'essentiel de l'intérêt de cette version "journal". On y (re)découvre le contexte de la création de cette aventure (liée au fameux récit avorté du Thermozéro, cf. notamment notre grand dossier Tintin) ainsi que les sources d'inspiration d'Hergé. L'on a droit également à un peu de matériel original, comme un plan succinct de Moulinsart, des crayonnés, des annonces publicitaires d'époque ou encore une reproduction des différents stades d'une planche, avec les crayonnés encrés, les couleurs, le bleu de lettrage et la superposition de l'ensemble. En tout, 14 pages additionnelles à l'intérêt certain.

Alors, cette version journal vaut-elle le coup ? Si vous êtes un collectionneur acharné, certainement. Si par contre vous vous attendez à un bouleversement significatif de cette BD, clairement vous serez déçu. L'histoire est rigoureusement la même, sans aucune scène ajoutée ni aucune modification notable. Comme toujours, les ayants droit se contentent de faire du neuf avec du vieux et comptent uniquement sur la nostalgie (et le portefeuille) des fans. 
Dispensable donc, mais forcément très tentant tout de même.     

Le plan du château, créé pour les besoins de ce récit.

Exemple de crayonné.

Exemples de modifications mineures du texte et des couleurs. 

Une scène identique, à un léger détail près au niveau du texte (l'ajout de "pas une allusion" dans la version album).

La seule vignette supplémentaire par rapport à la version album.

En haut, un exemple de phrase introductive. Case 4 : des modifications minimes ("ennuis" sera remplacé par "soucis" dans la version moderne,
et le trait d'union fautif dans "comme-ça" sera suppprimé).

                                                                                                                                                                                                                                                                   


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une jolie couverture.
  • Des bonus apportant un plus certain.


  • Des changements insuffisants pour réellement justifier une telle version.