Enquête au Vatican
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Quand un flic de Scotland Yard débarque au Vatican pour enquêter sur la mort très suspecte d'un cardinal, cela donne Révélations, un comic contre les crises de foi.

Charlie Northern est un détective rusé, caustique et qui aime autant les jurons que le football. Lorsqu'un vieil ami lui demande d'enquêter, dans le cadre d'une coopération internationale, sur le décès violent du successeur présumé du Pape, l'anglais accepte et se met en route pour Rome. Les circonstances de la mort du cardinal Richleau sont non seulement étranges (il s'est tout de même empalé sur des grilles, c'est plutôt rare dans ce genre de fonctions) mais les autorités locales, visiblement peu enthousiastes à l'idée qu'un étranger vienne mettre son nez dans leurs affaires, font tout pour que l'enquête tourne court. Quelque chose se trame pendant que les cloîtres bruissent des rumeurs les plus folles. Et puis il y a ce culte secret et démoniaque qui détourne l'argent de l'église catholique... dans quel but ?
Et si Charlie Northern, plus que de preuves, avait besoin de trouver la foi ?

Ce récit, paru chez Dark Horse, puis chez Soleil en France, a d'abord été publié en deux tomes avant de bénéficier d'une version intégrale (que l'on trouve d'occasion à des prix raisonnables).
L'histoire est signée Paul Jenkins (le "papa" de Sentry, auteur également de Generation M ou des Frontline publiés en marge de Civil War). Le scénariste britannique livre ici une intrigue surfant sur la mode Da Vinci Code et plongeant dans les méandres de la religion et les secrets de ceux qui en sont les gardiens. Le récit est un peu lent à démarrer. On a du mal dans un premier temps à croire vraiment à ce flic bourru aux répliques téléphonées et trop "écrites". L'enquête piétine sans que l'on ressente une quelconque excitation. C'est vraiment lors de la deuxième partie de l'ouvrage que la machine s'emballe. Les meurtres s'accumulent, Northern prend une soudaine épaisseur (et se retrouve avec de meilleures répliques en bouche), et surtout le lecteur commence à se prendre au jeu et à être intrigué par les secrets honteux de l'Église et les machinations d'une sorte de secte dont les adeptes semblent particulièrement barrés. Le bouquet final, plutôt bien amené, délaisse le côté polar pour plonger dans un fantastique assez surprenant. Si la conclusion semble facile, l'on peut reconnaître tout de même l'habileté de Jenkins, ce dernier s'étant fait un malin plaisir à nous balader sur de fausses pistes et à jouer avec les apparences jusqu'au coup de massue final.


Charlie Northern, sous la plume de Paul Jenkins.


— J'ai l'impression d'être un flic de la télé. Baiser au milieu d'une enquête sur un meurtre était un vieux fantasme...



En ce qui concerne le dessin, c'est Humberto Ramos (ayant illustré, par exemple, des séries comme Wolverine, Spectacular Spider-Man ou New X-Men) qui est à l'œuvre. L'artiste possède un style qui génère, en général, une réaction entière : on adhère totalement en souhaitant un jour pouvoir lui embrasser les orteils (c'est une image, mais bon, il paraît qu'il a de très jolis pieds) ou l'on se met à vomir des trucs verts, à avoir la tête qui tourne et à insulter les gens avec une voix rauque. Trêve de divagations, disons tout de suite que les planches de Ramos sont de pures merveilles. Seul petit regret, les décors, pourtant originaux, sont trop peu exploités. C'est d'autant plus rageant que lorsqu'ils sont un peu plus mis en avant, ils sont superbes.
Le côté très caricatural des personnages ne gène en rien l'immersion (pour peu que l'on fasse partie de la première catégorie bien sûr, sinon c'est la voix rauque !) et la colorisation de Leonardo Olea, à base d'élégants tons pastel, convient parfaitement à l'ambiance.

Voilà un comic très européen proposant une enquête teintée de mysticisme. La conclusion aurait peut-être mérité d'être un peu plus longue et travaillée mais, dans l'ensemble, on passe un excellent moment. Espérons que l'on retrouve un jour ce vieux Northern, au charme certain et au franc-parler détonnant.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Northern, parfait en flic bourru.
  • Quelques scènes impressionnantes, au visuel "choc".
  • Le style Ramos.
  • Le cadre.

  • Il faut un petit moment pour pleinement rentrer dans le récit, mais ensuite, c'est du tout bon.
Guardians of the Galaxy, version Marvel NOW
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Retour sur le premier tome des Gardiens de la Galaxie, version Marvel NOW.

Il y a maintenant quelques années (en 2009), la revue kiosque Marvel Universe accueillait les premiers épisodes de la nouvelle mouture des Guardians, sous la plume de Dan Abnett et Andy Lanning. Les Gardiens, profitant d'une série brillamment écrite (avec des dialogues non dénués d'humour et un aspect relationnel très bien géré entre les personnages) s'installèrent durablement dans le marvelverse et participèrent également aux grands events cosmiques de la Maison des Idées, notamment War of Kings.

En 2014, les personnages connaissent un nouveau bouleversement avec un relaunch qui marque le coup d'envoi du volume 3 de la série. Pour ce (pas vraiment) nouveau "départ", les têtes d'affiche sont conservées, à savoir Rocket Raccoon, Star-Lord, Drax ou encore Groot. Par contre, l'équipe artistique change, exit le duo magique Lanning/Abnett et place à Brian Michael Bendis au scénario (cf. notre dossier consacré à l'auteur) et Steve McNiven, ainsi que Sara Pichelli, au dessin.

Les premières planches sont tout bonnement excellentes, une vraie leçon de conteur donnée par un Bendis magistral qui parvient à raconter les origines de Peter Quill, alias Star-Lord, avec clarté et émotion. Idéal pour donner envie d'en savoir plus et conférer au personnage une grande profondeur. En ce qui concerne l'intrigue, les Gardiens, accompagnés par un Iron Man relooké pour l'occasion (cf. l'armure 45 de notre dossier), doivent protéger la Terre d'une attaque des Badoons (l'une des nombreuses races extraterrestres qui peuplent l'univers Marvel). Star-Lord doit également composé avec son père, souverain de Spartax. Ce dernier ne porte pas plus son fils dans son cœur que les Terriens en général, et va donc user de ruses et de manipulations pour les anéantir.


Cette première intrigue est relativement classique, avec cependant des combats et un environnement graphiquement réussis, Steve McNiven excellant dans la représentation des personnages en pleine action. Le côté SF est évidemment très poussé et la partie politique et diplomatique s'avère intéressante. Rocket, lui, se charge de jouer du flingue et de délivrer quelques répliques humoristiques que l'on aurait souhaité plus nombreuses et inspirées (même si la plupart font tout de même sourire).

L'ouvrage (assez court, le tome 2 est plus fourni) se termine sur de brefs récits présentant un peu certains Gardiens avant qu'ils ne soient recrutés. L'ensemble est assez inégal. L'épisode consacré à Rocket Raccoon permet d'éveiller la curiosité, celui centré sur Groot est bien pensé également et montre une autre vision des conflits intergalactiques, alors que ceux mettant en scène Gamora et Drax sont déjà plus faibles et recourent à de l'action pure qui peine à générer de l'intérêt.
Finalement, ces premiers épisodes s'avèrent plutôt accessibles malgré le grand nombre de protagonistes (souvent peu connus du grand public, au moins à l'époque) et les multiples peuples extraterrestres. Un bon titre, parfaitement accessible, voilà qui n'est pas très courant pour du Marvel NOW (si l'on excepte certaines séries, comme Nova). Les covers complètent l'ensemble, avec également un bon paquet de variants (de taille réduite). La traduction est, elle, tout à fait correcte.

Une bonne série pour les amateurs de comics cosmiques, avec un Bendis en forme, maîtrisant parfaitement des personnages pas si évidents que ça à écrire.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Accessible.
  • Joli.
  • Une intro excellente.
  • Le tandem Rocket/Groot, aussi improbable qu'attachant.
  • L'humour.

  • Un premier arc n'ayant pas un intérêt extraordinaire (mais la série prend de l'ampleur sur le long terme).
Avant-première : Lucky Man - saison 1 VF
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Mercredi prochain sort la première saison de Lucky Man en DVD et Blu-ray. Nous avons pu la visionner et tester la VF et la VOST. Tout de suite, la critique complète !

Harry Clayton traverse une mauvaise passe. Et c'est rien de le dire ! Accro au jeu, il est criblé de dettes, a déjà perdu sa maison et est séparé de sa femme. Niveau boulot, ça ne se passe pas très bien non plus. Harry, inspecteur de police, a une assez mauvaise réputation. Et son nouveau boss n'est autre qu'un ancien collègue qui ne peut pas le blairer.
Pourtant, un soir, la chance semble tourner. Eve, une ravissante jeune femme, s'assoit à côté de lui dans le casino où Harry est venu perdre le fric qu'il n'a pas. Elle lui conseille quelques numéros à la roulette, tous gagnants. Quelque temps après, Harry est à la tête de 70 000 livres et termine la nuit avec la belle inconnue.
À son réveil, Eve a disparu. Et Harry se retrouve avec un étrange bracelet au poignet.
Mais cet étrange porte-bonheur, convoité par des personnes plutôt dangereuses, a aussi son côté obscur...

L'intrigue de cette série a été imaginée, dans les grandes lignes, par Stan Lee lui-même. Il est d'ailleurs crédité en tant que co-producteur exécutif, mais pour ce que l'on en sait, son intervention reste tout de même minime et le titre original, Stan Lee's Lucky Man, est sans doute un tantinet exagéré. Il n'a en tout cas réalisé aucun épisode et ne fait pas non plus partie, au contraire de Neil Biswas, co-créateur, de la liste des scénaristes. M'enfin, disons qu'il y a son idée de départ quoi. Ah, et il fait une courte apparition dans le premier épisode (dans son propre rôle).

Voyons maintenant cette première saison plus en détail. Le casting tout d'abord est plutôt réussi : James Nesbitt est très bon dans le rôle principal et est entouré de seconds rôles savoureux, Joseph Gatt (incarnant un très flippant tueur russe) en tête. Le cadre londonien a lui aussi beaucoup de charme, certaines scènes (comme la poursuite en hors-bord, de nuit, sur la Tamise) sont même carrément somptueuses.
L'intrigue, bien construite, est intéressante et mêle habilement divers éléments privés et professionnels. Clayton se débat entre un patron qui veut sa perte, une ex-femme, avocate, qu'il doit côtoyer dans certaines affaires, un passé trouble que l'on découvre peu à peu et, bien entendu, ce fichu bracelet dont il ne sait rien et qu'il ne peut même pas enlever.


Tout est donc réuni pour que ce soit parfait (et le succès d'audience en Angleterre, comme on vous le disait dans cette news, témoigne des qualités de cette série), mais... il manque une touche de folie et un brin de maîtrise pour rendre vraiment le tout addictif et indispensable.
Les fameux "coups de chance" sont rarement spectaculaires (même la traversée d'une autoroute en courant est rendue plate à cause d'une réalisation manquant de panache et d'inventivité) et les contrecoups sont souvent trop "légers". Les bas-fonds que côtoie Clayton sont également trop proprets pour être crédibles, même ses ennemis au sein de la police manquent de charisme.

Donc, tout de même des défauts, mais il faut reconnaître que malgré cela, l'ensemble fonctionne bien. L'on a envie d'en savoir plus sur le fameux bracelet (l'inconnue fait d'ailleurs des apparitions régulières pour délivrer les informations au compte-gouttes) et l'on s'attache à ce flic, doué mais trimballant son lourd vécu. Le personnage est fort bien écrit, et très loin des héros "larger than life". Il ira même jusqu'à pleurer de peur lors d'une scène assez forte émotionnellement (c'est suffisamment rare pour être souligné).
L'histoire dévoile ses qualités sur la longueur, l'intrigue principale contaminant peu à peu tous les domaines de la vie de Clayton. La thématique du jeu et de la chance est bien employée et déclinée (entre les casinos, la roulette russe, les paris boursiers, le Yin et le Yang et d'autres éléments encore).
Citons aussi quelques petits "plus" bien trouvés, comme ce jeu très spécial où l'on peut parier sans argent... et perdre très gros. Ou encore Suri, la jeune co-équipière de Clayton, que sa vaste érudition et sa maladresse relationnelle rendent bien plus intéressante que les traditionnels faire-valoir féminins.

Pour ce qui est de l'intégrale qui sera disponible dans quelques jours, elle comprend les 10 épisodes (de 45 mn) de la première saison (la série en compte trois), en version française ou en version originale sous-titrée. Comme toujours, on vous conseille fortement la VO, même si le doublage français est loin d'être catastrophique. Les sous-titres sont, eux, carrément bons vu le niveau général actuel.

Une bonne série, au charme évident, qui se savoure comme un bon thé. Les amateurs de whisky corsé risquent par contre d'être un peu déçus par le manque de "saleté" et l'ambiance trop gentillette.
Très (trop ?) grand public. Conseillée en tout cas.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un concept a priori fascinant.
  • Un casting réussi.
  • Quelques (trop rares) touches d'humour.
  • Le charme de Londres.
  • Quelques scènes vraiment bien foutues et à la photographie travaillée.

  • Un côté trop lisse au niveau de l'écriture qui empêche la série de se hisser au rang des meilleures productions actuelles.
  • Des choix de réalisation parfois étonnants, qui étouffent la portée dramatique des scènes. 
  • Stan Lee, bien trop mis en avant eu égard à son influence réelle sur la série. 
En route vers la Tour sombre, étape 1 : le Pistolero
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Lorsqu’il s’agit de « challenges », je ne suis pas le dernier, qu’ils soient littéraires ou cinéphiles. Au-delà du simple plaisir égoïste de relever un défi et de valoriser ses propres capacités à le faire, cela permet surtout de se donner un objectif clair avec un cadre précis. Ainsi, je savais parfaitement ce que je faisais lorsque j’acceptai de me lancer dans cette saga, sorte de Grand Œuvre kinguien (kinguesque ?) : je m’engageai pour un aller-simple vers un monde aux possibilités infinies, vantées avec maestria par Nolt.

Un petit aparté justement sur ce dernier fait : laissez-vous conseiller. Écoutez les commentaires, les recommandations, lisez les critiques, faites le tri et ne retenez que ceux qui vous semblent inspirés, pleins d’enthousiasme et enrichis encore par le simple bonheur de le partager. L’œuvre, ainsi présentée, aura une valeur toute particulière, quand bien même elle s’avèrerait décevante sur d’autres plans. Et justement, la seconde fois que notre Grand Gourou a évoqué l’univers singulier de la Tour sombre, à l’occasion de la critique de sa version en comic-book, a suffi pour déclencher le besoin irrépressible d’y aller voir par moi-même. Déjà que le bougre avait su me faire subtilement changer d’avis sur l’auteur (cf. ce dossier sur Stephen King)…

D’ailleurs, il me vient une autre digression, essentielle celle-là pour celles et ceux qui, à leur tour, seraient encouragés à se lancer dans la même quête littéraire : prenez garde à bien vous procurer la nouvelle édition des ouvrages (datant de 2004 en français) car, à l'instar d’autres grands conteurs avant lui (je pense évidemment à Asimov qui avait su, juste avant sa mort, relier habilement les principaux de ses textes pour former la toile de fond de sa gigantesque histoire du Futur, mais surtout à un George Lucas qui n’a pas hésité à retoucher sa propre première trilogie pour des soucis de cohérence interne), King a pris soin de modifier, d’amender et d’enrichir les longues nouvelles constituant le squelette de sa saga afin que les premiers écrits, rédigés dans sa jeunesse, soient mieux connectés aux derniers romans, achevés 33 ans après la publication du Pistolero. Tout cela est expliqué, avec cette redondance légèrement pusillanime qui le caractérise, et cette malice qu’on devine née dans le plissement d’un œil encore vif, tout au long de l’introduction et de l’avant-propos, dans lesquels il propose quelques conseils et demande un petit peu d’indulgence pour le premier tome puisque : 
on n’est pas sérieux quand on a dix-neuf ans.
J’ai tout d’abord pris cette forme de mise en garde pour une excuse déguisée, voire le rejet des balbutiements d’une œuvre qu’il s’était forcé à achever. Il n’en est rien : the Gunslinger et the Way Station, les deux premières longues nouvelles débutant le présent tome, sont des piliers incontournables et avoués de son univers protéiforme ; seul le préoccupe le style de ces récits juvéniles, celui d’un jeune homme plein de fougue encore spolié par les scories d’ateliers de lecture qu’il allait s’empresser d’oublier par la suite.

Ainsi mis en garde, je dois avouer avoir été un peu déstabilisé, presque effrayé à l’idée de devoir « me farcir » 200 pages débordantes d’énergie mal catalysée. C’est que, comment le nier ?, avec l’âge et des millions de pages arpentées, il m’est devenu plus malaisé de passer outre un style mal dégrossi ; il est vrai qu’il m’arrive de plus en plus souvent d’envisager d’abandonner une lecture – acte contraire à mes principes que je n’ai accompli qu’une fois sur… le Seigneur des anneaux (j’ai fait depuis amende honorable et acte de contrition en consacrant un été entier à la trilogie de Tolkien et toutes ses annexes). Néanmoins, le challenge n’en aurait été que plus grand.

Avec fièvre et passion, je me plongeai donc à la poursuite du Pistolero, lui-même aux trousses de l’Homme en noir, dans une quête mystique implacable aux relents œdipiens. Honneur, amour, haine et violence au sein de mondes qui s’entrechoquent sur le tempo des cycles arthuriens : le jeune King en geek avant l’heure nous noie sous une pluie de références allant de Tolkien à Sergio Leone en passant par Lovecraft, la mythologie antique ou les grandes sagas eschatologiques tout en se délectant de scènes hors du temps au symbolisme lourd et aux allusions obscures où l’on sent que, parfois, il se regarde écrire. Le rythme est chaotique, les ellipses fuligineuses et intensément frustrantes.

J’ai adoré.

Malgré les (ou sans doute à cause des) imperfections, ruptures de ton parfois abruptes, descriptions complaisantes, en dépit d’un (ou grâce au ?) mélange des genres osé, nonobstant une gestion de l’action peu évidente, King réussit son pari : nous ouvrir les portes d’un univers riche d’opportunités créatrices, bâti sur les ruines de mondes familiers et mitoyens dont la dynamique repose sur un subtil équilibre entre forces opposées, et nous y abandonner, jouissant de notre propre jouissance à l’idée de se frotter à chaque épreuve initiatique, à chaque passage transitoire, à chaque gardien mythique. Finalement plus orientée que celle du Seigneur des Anneaux, la cosmogonie de King rappelle par moments la structure du Million de Sphères de Moorcock : les mêmes dichotomies, les mêmes vains espoirs de rétablir un équilibre en usant de pions (sur)humains, des Champions perclus de doutes, héros magnifiques au destin immanquablement tragique. Notre Pistolero, ce Roland élevé à la dure dans un royaume très librement inspiré des contrées du Cycle du Graal, représente une sorte d’archétype, un Élu voué à une cause qui lui échappe et dont la quête est plus importante que sa résolution.

Tout d’abord, on débute par une course-poursuite immobile dans une « apothéose de désert » : ceux qui ont vu Blackthorn (la séquence de la fuite dans le désert de sel) peuvent avoir une faible idée de l’ambiance se dégageant d’un tel décor. Le Pistolero est avant tout un western : un justicier poursuit un homme malfaisant dont on ne sait rien, dans un paysage à la végétation rare et aux habitants encore plus rares. Et puis, subrepticement, au hasard des quelques dialogues, des fenêtres s’ouvrent, des réalités se dissolvent ou s’entremêlent. Il y a des démons, mais aussi des mutants ; des sorciers et des chevaliers. Le ton est âpre, à l’image de l’âme de cet homme dont on aimerait se faire un héros tutélaire mais qui, par ses propres questionnements, ses esquives, ses faiblesses honteusement avouées, nous échappe, nous file entre les doigts. Plus vraiment Conan, pas encore Elric et si proche de Lancelot : il est doué, rapide, invincible même, ses deux flingues en mains, mais loin d’être infaillible. Il fascine mais on ne l’admire pas (pas encore), il séduit sans le vouloir mais s'avère conscient de son magnétisme. Peu bavard quoique désireux de s’épancher, peu expressif bien que ruminant ses souffrances, il reste focalisé sur le but à atteindre sans même savoir s’il pourra y parvenir, même s'il est persuadé qu’il s’agit de la seule chose à accomplir dans ce « monde qui a changé » car, comme l’affirmait son instructeur :

J’entends le galop des jours mauvais.



Coller à notre justicier solitaire un gamin issu de notre monde (du moins, très proche du nôtre) était une gageure : en brisant la routine de la quête absolue, on risquait de perdre ce qu’elle avait de symbolique. Pourtant, il en allait tout autrement et le garçon devait devenir le révélateur des failles de notre héros, sublimant son humanité et soulignant ses fautes. Habile, audacieux et pertinent adjuvant, parfois acolyte, parfois fardeau, parfois aussi témoin candide d’une apocalypse annoncée.

J’ai aimé l’alternance entre les longs passages emplis d’adjectifs et d’adverbes (que le King actuel semble regretter, mais dont je ne cesse de me régaler) et ces phrases de dialogues acerbes, cinglantes et volontairement obscures dans les non-dits desquelles se tapissent les ombres occultes des vestiges d’un monde agonisant. Je dois tout de même avouer avoir été relativement déçu par le finale du présent volume, non par les enjeux qu’il dévoile (la lecture de la suite n’étant plus seulement importante, mais capitale pour ma santé mentale), mais par la manière dont ils sont présentés : Stephen King semble ici s’être laissé emporter par l’ampleur de ses visions, englouti sous les possibles. Il y a une forme de didactisme dans les révélations qui me gêne, et la désagréable impression que cette fin n’est pas à la hauteur des attentes. Cependant, tout ceci est relativisé par le fait qu’on comprend bien qu’on n’en est qu’à une étape d’une saga qui prend juste son envol et n’a fait qu’effleurer les pistes qu’elle s’apprête à emprunter, les genres dont elle se prépare à revêtir les oripeaux pour mieux se travestir.

Ce qui s’annonce sera grandiose, ou ne sera pas.

+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Le roman qui introduit Roland et la saga de la Tour sombre.
  • Un ouvrage qui se lit vite, très dense, empli d'actes héroïques et de tragédies.
  • Un style pas encore affirmé mais plaisant par son ampleur et son ambition littéraire
  • Des personnages déjà fascinants.
  • Un monde étrange.


  • On peut être agacé par les nombreuses phrases allusives et les ellipses.
  • Une fin peut-être moins grandiose qu'espéré.
Howard the Duck, Kevin Smith & Lea Thompson
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Certains se souviennent sans doute du cultissime nanar des années 80 : Howard, une nouvelle race de héros, film qui a tout de même permis au grand public de découvrir un obscur personnage Marvel à une époque où les adaptations de comics n'étaient pas légion.

Eh bien, Howard the Duck a le vent en poupe ces derniers temps puisqu'une série animée lui étant consacrée, avec Kevin Smith au scénario, est en cours de production.
Surtout, ce sera l'occasion pour l'actrice Lea Thompson (qui incarnait Beverly Switzler dans le film évoqué plus haut) de retrouver ce personnage qu'elle apprécie particulièrement (elle milite notamment pour un reboot au cinéma, et affirme avec humour avoir été la première "Marvel queen" à l'écran). Celle-ci va en effet probablement prêter sa voix à l'un des personnages de la série, en tout cas, Smith a annoncé qu'elle participerait bien au projet.

Rappelons que la relation entre Lea et Howard s'est également poursuivie en comics, dans la série de 2016, dédiée au personnage le plus décalé du marvelverse. L'actrice y tenait un rôle non négligeable (à partir de la fin de l'épisode #8), puisqu'elle engageait le canard-détective pour retrouver une personne disparue, en l'occurrence... elle-même. On a pu notamment la voir pratiquer le quack-fu et distribuer des gnons aux côtés de son pote palmipède (épisode #9), grâce à la plume de Chip Zdarsky et les crayons de Joe Quinones.
Une brève apparition mais un joli clin d'œil.

On attend avec impatience le lancement du dessin animé (aucune date de prévue pour le moment) qui semble prometteur. En tout cas, le papa de Jay et Silent Bob a déclaré qu'il fallait s'attendre "à ce que ce soit rock n' roll". Ou, plus exactement, en VO, que l'on devait se préparer à être "ducked hard".
Vu l'association Smith/Howard, on n'a aucun doute là-dessus !


sources : Marvel / Newsarama
Crossover Comics : Ghostbusters/Transformers
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Les lecteurs de comics sont depuis longtemps habitués aux fameux crossovers permettant de faire se rencontrer des univers très différents (cf. par exemple ce Batman/TMNT). Cette fois, ce sont deux grosses licences bien connues qui seront associées puisqu'il s'agit de Ghostbusters et Transformers.

Le lancement de la mini-série, en cinq épisodes, est prévue pour juin. Elle sera réalisée par Erik Burnham, Dan Schoening et Luis Antonio Delgado.

Si très peu d'informations sur le scénario ont filtré jusqu'ici, l'on est tout de même en mesure de révéler que Ecto-1, la fameuse cadillac de l'équipe de chasseurs de fantômes (que l'on pouvait entrapercevoir dans ce trailer récent annonçant la suite de la saga au cinéma), sera transformée pour l'occasion en Ectotron.

Hasbro a d'ailleurs prévu de sortir ce véhicule en jouet cet été (pour environ 40 dollars) et a vu rapidement partir toutes les précommandes, ce qui a occasionné, évidemment, une flambée du prix de la bagnole (le truc n'est même pas sorti qu'il est déjà à 70, 90 ou 170 dollars sur ebay !).

Bref, on ne sait pas encore si l'histoire sera bien, mais visiblement, niveau pognon, ça sent la bonne affaire pour certains.



source : io9
crédits dessins : IDW
Salem
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Aborder Salem dans l'optique de se préparer intellectuellement à l'univers de la Tour Sombre tout en se familiarisant avec certains éléments développés dans des récits annexes - cf. à ce sujet le Guide du Lecteur de la Tour Sombre rédigé par Nolt ici-même - permet avant tout de prendre du recul sur l'œuvre proprement dite et suscite des réactions différentes de ce qu'elles auraient été ex abrupto.

Tout d'abord, Salem n'est pas un livre récent : publié en 1975 (donc juste après Carrie et avant Shining), traduit en 1977, il manifeste dès ses premières pages son statut antique dans la bibliographie de Stephen King. Quand on sait que l'auteur attache énormément d'importance à la technique littéraire et se plaît à critiquer le style de ses premières œuvres (lire à ce sujet le préambule de l'édition remaniée du Pistolero), on est en droit de se demander quel sentiment il aurait à propos de son second roman édité. De fait, si on le prend après la lecture du Fléau datant de 1978, l'on se voit contraint de voyager dans le temps, de repartir en arrière pour rebâtir une nouvelle approche, plus globale mais plus pertinente surtout, sur l'œuvre du King. C'est assez déroutant car, chaque fois qu'on cherche à juger le texte, son style d'écriture, sa narration, ses thèmes soulevés, il est nécessaire de le replacer dans son contexte. Ainsi, si le Pistolero (et quoiqu'en pense l'auteur lui-même) peut apparaître complètement intemporel, Salem accuse quelque peu le poids des ans, tout en paraissant mieux vieillir que le Fléau - sans doute du fait que le genre abordé, l'épouvante, est moins soumis à l'obsolescence de ses visions que la science-fiction.

Très vite, on retrouve les invariants de l'écrivain : 
  1. des descriptions détaillées des personnages, même secondaires, soulignées par de nombreux détails issus de la culture populaire ; 
  2. des dialogues denses et enlevés pendant les phases de transition, allongeant considérablement la trame narrative mais enrichissant la personnalité des interlocuteurs et renforçant le phénomène d'identification par le lecteur ; 
  3. une fluidité dans la progression du récit liée à la manière d'écrire de Stephen King (j'avoue être complètement séduit par ce procédé qui laisse l'intrigue se construire d'elle-même à partir des interactions des personnages, les laissant prendre vie - même si c'est au détriment de l'intensité et de la qualité de la conclusion, parfois décevantes) ; 
  4. un écrivain comme personnage central et pivot du récit (comme dans la Part des Ténèbres ou Ça) ;
  5. des enfants, dont un en particulier permettra à l'intrigue de s'accélérer dans sa seconde partie et permettra à l'auteur d'intensifier les émotions dégagées par les éléments d'épouvante - comme le souligne Nolt dans cet article. D'ailleurs, lorsque l'enfant n'est pas mis en scène, l'auteur n'hésite pas à faire rejaillir des souvenirs chez les adultes impliqués.

À cela, on peut également ajouter une propension à user de certaines ellipses qui rattachent le style aux classiques de la littérature fantastique (tendance horreur) du vingtième siècle : alors qu'il ne se prive pas de décrire méthodiquement le sordide de certaines scènes, à la limite du gore, il jette le voile sur d'autres en usant de formules comme :
Le reste se situe au-delà des mots.
C'est sans doute dans l'optique d'entretenir une certaine tension, d'ailleurs il ne se prive pas de découper ses chapitres en moments de terreur systématiquement terminés par un happening :
L'obscurité les enveloppa.
Ainsi, par moments, on se croirait dans un épisode d'une bonne série d'horreur, avec un intermède publicitaire qui surviendrait au moment où les personnages pénètrent dans l'antre du monstre. Ce n'est pas désagréable, il y a un certain confort paradoxal dans ces constructions surannées : on reprend son souffle en espérant que l'auteur décrive la séquence suivante tout en tremblant par avance pour le sort de ses héros. King se sert aussi d'inserts afin d'orienter l'intrigue et d'apporter des indices supplémentaires : coupures de journaux, rapports d'expertise médicale ou médico-légale, lettres manuscrites. Une technique héritée des grands Anciens de la dark fantasy (Lovecraft en tête) auxquels l'auteur voue un culte avoué.


Salem a ceci de particulier qu'il est constitué de deux grandes parties distinctes : la première pose les bases de l'horreur qui va peu à peu s'abattre sur la petite bourgade de Jerusalem's Lot, la seconde est toute en accélération avec un groupe de plus en plus réduit de personnages luttant désespérément contre le Mal - et contre la montre. 
De fait, je vais me permettre un spoiler dû à la relative ancienneté de l'ouvrage : Salem est une histoire de vampires
Or, il faut presque la moitié du livre pour que tous les indices concourent à cette conclusion, et encore davantage pour que le terme soit évoqué. Force est de reconnaître que la première partie est remarquable d'intensité, marquée par un gigantesque chapitre découpé en tranches horaires dans lesquelles on suit le quotidien de plusieurs des résidents de la petite ville, de leur lever au coucher : on passe ainsi du responsable d'une décharge à la gérante de la pension de famille puis à ces gamins qui se bagarrent dans la cour de l'école, et ainsi de suite, les heures s'égrenant tandis que le Mal dont on sait depuis le début (mais sans en connaître la teneur) qu'il hante certains endroits de Salem, prend ses marques et entame son lent et douloureux périple mortifère. 

Singulièrement, on avait davantage l'impression d'être dans un récit de maison hantée, d'autant que la citation en exergue de la première partie (intitulée "Marsten House" du nom de cette immense bâtisse à la lisière du bourg qui avait été le théâtre d'événements atroces trente ans auparavant) était tirée d'un roman de Shirley Jackson, the Haunting of Hill House (un titre qui doit vous dire quelque chose à présent, si vous aimez Netflix et les séries réalisées avec talent). Bien qu'on ait parfois des fourmis dans les jambes, on se délecte de ce panorama placide et de ce rythme indolent afin de goûter aux petits travers des habitants, de mieux les connaître - pour mieux souffrir avec eux quand leur heure sera venue. L'auteur s'y connaît et sait mieux que personne relever ces petits riens qui caractériseront plus efficacement que de longs discours le personnage plus ou moins sympathique qui s'occupe de ses affaires, ignorant tout de l'ombre qui s'étend sur sa ville. Ils sont nombreux ces quidams, presque insignifiants : il y a ce jeune couple élevant pitoyablement un bébé dans une caravane, et ce jardinier préposé aux cimetières, le professeur d'anglais, le petit ami éconduit de Susan, laquelle est tombée amoureuse de l'écrivain, etc. Tous futures victimes, on le sait, on s'en doute - mais lesquels survivront ? Lesquels succomberont bêtement tant à leur ignorance crasse qu'à leur destin lamentable ? Lesquels auront une étincelle de dignité, une parcelle de génie instinctif qui les mèneront au combat avec vaillance ? Lesquels tourneront casaque et trahiront les leurs ?


L'horreur survient, alors. Par petites touches expressionnistes d'abord : l'écrivain Ben Mears revient sur les terres de son enfance et ne cesse de se rappeler cet événement traumatique qui l'a fait pénétrer la fameuse bâtisse soi-disant hantée. L'ambiance est privilégiée, plutôt que les faits : une chape d'angoisse va se poser sur les habitants, une peur irraisonnée. Puis les premières disparitions, les premiers méfaits : quelque chose est à l'œuvre, la nuit, quelque chose d'impitoyable et de terrifiant. Qui enlève les enfants, tue les gens, dépèce les animaux.

Les forces de l'ordre seront totalement impuissantes contre ce fléau, même si King ne s'acharne pas outre-mesure sur leur inefficacité : ce n'est pas leur faute, ils ne savent pas, ne peuvent pas savoir ce qui se trame. Il est nécessaire d'avoir suffisamment d'ouverture d'esprit, de clairvoyance mais aussi de maîtrise de soi pour non seulement envisager l'inenvisageable, mais également résister à sa peur (issue des forêts les plus noires de son inconscient) et élaborer sinon une riposte, du moins un moyen de survivre. Le professeur, le médecin de famille, l'écrivain ainsi que le prêtre semblent prêts pour cela, mais il faudra compter sur une jeune femme courageuse et belle et un garçon incroyablement tenace et ingénieux pour débloquer la situation et leur fournir une (petite) chance de réussite.

La seconde partie, tout intense et haletante qu'elle est, est beaucoup plus traditionnelle dans sa structure, d'autant que le voile est levé - et avec lui, beaucoup de ce mystère qui occultait les esprits : un vampire est au travail et, pour le combattre, il faut avoir lu des livres, ou vu des films. C'est aussi simple que ça. Derrière la pointe d'ironie se déroule une histoire finalement classique, avec des combattants du Bien se rassemblant pour un assaut désespéré, menés par une foi vacillante et la certitude d'être une brique dans le dernier rempart contre la Bête. Comme dans le Fléau, on peut s'étonner d'abord devant l'apparent manichéisme du conflit et l'indispensable présence de Dieu dans l'affaire - c'est là que l'âge du récit se rappelle à nous. Il n'empêche que la description des confrontations entre les vampires et leurs victimes est remarquablement prenante, et les manifestations du pouvoir divin sont convaincantes. Stephen King, en outre, ne nous épargne rien, et ce ne sont pas les plus sympathiques, les plus courageux, voire les plus méritants qui s'en sortiront.

Évidemment, le finale en rappelle d'autres, aussi légèrement décevants par rapport à la densité du texte et des chapitres précédents. Mais comme souvent, King, une fois le soufflé retombé, propose un épilogue rappelant que la lutte entre les forces primordiales, à l'œuvre depuis l'aube des temps, ne s'arrêtera pas à cet épisode.

Un roman sombre, complètement désenchanté, écrasé par l'indicible présence des forces obscures qui hantent notre monde mais heureusement illuminé, çà et là, par quelques instants sublimes (la touchante et subtile romance entre l'écrivain et Susan, le sang-froid du jeune Mark, la lutte vaine du père Callahan). Aujourd'hui encore, malgré quelques facilités, quelques lourdeurs et cette tendance à digresser (sans parler des très nombreuses coquilles de cette édition - Presses Pocket 1988 - qui s'avère en outre lacunaire si on la compare à de nouvelles versions augmentées), Salem parvient à susciter la peur, surtout dans sa première partie (justifiant pour son auteur son statut incontournable de "Maître de l'Horreur"), là où les monstres n'ont pas encore dévoilé leur vrai visage : on n'en sort pas indemne et on se surprend à percevoir, dans chaque coucher du soleil fatigué toute la tragique beauté d'un monde à l'agonie.

À noter que le roman a déjà donné lieu à des adaptations (un téléfilm avec David Soul et une mini-série) mais qu'une autre, plus ambitieuse, est annoncée depuis quelques temps.

+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un roman percutant aux personnages et à l'ambiance réussis.
  • Un ouvrage utile pour les complétistes de la saga de la Tour sombre.


  • Un style un petit peu trop solennel, légèrement suranné, aux références bien sensibles.
  • Des éditions françaises bourrées de coquilles.
Fantastic Four : Voyage en Famille
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Retour sur la période Marvel NOW! de la série Fantastic Four.

Fin 2012, l'on assiste à un nouveau relaunch massif des titres Marvel. À cette occasion, une nouvelle équipe créative prend en main le destin des célèbres Quatre Fantastiques. C'est Matt Fraction (aidé parfois par Karl Kesel) qui va officier pendant 16 numéros au scénario, accompagné par Mark Bagley au dessin (et plus occasionnellement, Raffaele Ienco).
Après les runs de Millar et Hickman sur la série, Fraction décide de revenir aux fondamentaux du titre en se basant sur deux éléments simples présents dès l'origine de ce comic : la famille et l'exploration.

L'auteur va s'arranger, dès le premier numéro, pour développer son idée et expédier la "First Family" dans un voyage long et mouvementé à travers l'espace mais aussi le temps. Malgré le ton léger des aventures qui vont suivre, le prétexte est pour le moins sérieux : Reed Richards se rend compte qu'il souffre d'une forme de dégénérescence cellulaire, liée à l'exposition aux rayons gamma à l'origine de sa transformation.
Ne trouvant aucune solution à son état sur Terre, il décide de partir en quête d'un remède en allant à la rencontre d'autres civilisations. Et pour profiter des siens, prétextant des vacances et un voyage d'étude pour les enfants, il embarque tout le monde à bord de La Peste, un vaisseau hyperdimensionnel aux capacités étonnantes.
Voilà donc Reed, Susan, leurs enfants Valeria et Franklin, et bien entendu la Torche et la Chose en route pour une année entière d'exploration (année qui ne doit durer que quatre minutes pour les habitants de la Terre, ce qui n'empêche pas les FF de mettre sur pied une équipe de remplaçants au cas où il se passerait quelque chose pendant ces 240 secondes).


Le pari est largement remporté pour Fraction, qui parvient à écrire du Fantastic Four traditionnel sur le fond  (donc très SF "old school") et plutôt agréable sur la forme (avec notamment un humour constant, voire un second degré assumé).
En ce qui concerne les endroits visités ou les personnages rencontrés lors de cette balade cosmique, c'est plutôt varié. Le lecteur aura droit à une vision des premiers instants de l'univers, à une rencontre avec Jules César, à la découverte d'une race extraterrestre avancée ou encore à un combat contre un prédateur cosmique. Le tout bénéficiant du style dynamique - et plutôt joli - de Bagley.

L'aspect science-fiction, même s'il est important, n'est pas le seul élément employé par Fraction. Le scénariste va notamment entrecouper le récit principal de quelques scènes plus intimistes, notamment des flashbacks revenant sur la rencontre entre Reed et Sue, ou encore un petit détour par Yancy Street et les vieux démons de Ben Grimm.
Au niveau des ennemis, l'on ne sera pas surpris de retrouver des adversaires bien connus, comme Blastaar, Fatalis, Kang ou Annihilus. Ces trois derniers font d'ailleurs équipe dans l'arc final de ce "volume 4" de la série : The Fantastic Four are DOOMED, un récit en quatre chapitres qui donne dans le grand spectacle, avec un rythme trépidant, quelques transformations physiques impressionnantes, et toujours ces quelques touches d'humour qui apportent à l'ensemble une élégante légèreté.

Voilà au final un titre à la fois résolument moderne et pourtant très classique, basé sur le divertissement pur et une passion évidente pour ces personnages aux pouvoirs insensés, vivant d'extravagantes aventures. Bien meilleur (et c'est peu dire !) que FF, la série écrite en parallèle par le même auteur, avec Mike Allred au dessin. L'ensemble des épisodes est disponible en VO dans trois TPB fort bon marché (qui contiennent également trois épisodes de FF). En France, la série a été publiée par Panini (de juillet 2013 à août 2014) dans les numéros #1 à #14 de la revue kiosque Iron Man (v. 4).

Foncièrement fun, frais et fantasque.
Forcément fédérateur si l'on est fan des FF.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Le côté SF, avec exploration, voyages dans le temps et univers parallèles.
  • L'humour.
  • Le(s) super-vilain(s) de l'arc final.
  • Les scènes plus "sérieuses", apportant une réelle profondeur aux personnages.
  • L'aspect "initiation au Big Bang", pour les plus jeunes.

  • Certaines planches inégales, notamment au niveau du visage des personnages.
La Parenthèse de Virgul #23
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Attention les matous, cette Parenthèse sent bon le post-ap, le héros buriné et les bains de sang ! Autrement dit, âmes sensibles s'abstenir.
Miaw !

Le seul Héros qu'il nous reste
Il n’a qu’un but : survivre.
Qu’une règle de vie : tirer le premier, sans poser de question.
Mais c’est le seul héros qu’il nous reste…
15 ans après l'apocalypse nucléaire, le monde n'est plus qu'un désert de cendres et de sang. Les survivants se terrent dans quelques villes forteresses, loin des routes dévastées où grouillent les Krabs, des bandes de parias d'une effroyable sauvagerie pour qui une vie humaine ne vaut pas le prix d'un litre d'essence. Un homme vit encore sur ces routes.
La légende l'a surnommé... Ranger.

Ah, autant le dire tout de suite, on est en plein dans le roman de gare bien bourrin, avec action survitaminée et sexe quelque peu sulfureux. Ranger, intitulé Traveler en VO, est une série de romans écrits par D.B. Drumm, pseudo cachant en réalité l'identité de Ed Naha et John Patrick Shirley.
Entre 1984 et 1987, les coauteurs, plutôt prolifiques, vont sortir 13 romans consacrés au fameux Ranger. Seulement cinq seront adaptés en français, aux Presses de la Cité.

Cette série d'anticipation, bien burnée, rappelle un peu Mad Max pour le côté violent, et les romans de la série Gore (chez Fleuve Noir) pour l'aspect parfois érotique. Les titres sont suffisamment éloquents pour que l'on comprenne bien que les auteurs ne font pas dans la dentelle ou le drame psychologique : Le Prix du Sang, Soleil de Cendres, Les Ombres de la Mort, Le Guerrier de l'ApocalypseLa Guerre de la Route...
L'action se déroule aux États-Unis, le pays étant dévasté et à la merci de dangereuses bandes. Au fil des aventures de Ranger, se déplaçant dans une fourgonnette "mieux armée qu'un porte-avions", l'on rencontrera des mutants, un mage-enfant, des scientifiques menant des expériences douteuses, les débris de l'armée légale, une reine aux seins nus et, globalement, un grand nombre de tarés, pervers et criminels en tout genre.

Plutôt jouissive et brutale, on peut sans doute regretter que la série ne soit pas plus subtile au niveau de la psychologie des personnages et de leurs relations en général. Néanmoins, ce fut à l'époque une vraie réussite dans le genre survivaliste (avec une touche de SF). Bien meilleur que Le Survivant de Jerry Ahern, pourtant précurseur dans le genre et probable source d'inspiration, Traveler permettait de s'évader (et éprouver quelques frissons coquins) grâce à un style fluide et un cadre aussi dépaysant qu'inquiétant.

Ces ouvrages peuvent toujours se trouver d'occasion en VF, parfois à des prix dérisoires (1 ou 2 euros), parfois à un tarif ridicule (20 euros sans les frais de port). Autant dire que si vous souhaitez en dénicher quelques-uns, il vaudra mieux faire quelques bouquinistes avant de filer du fric à de vils spéculateurs.


Nouveau label comics/ciné : Vestron
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L'éditeur Wetta-Sunnyside vient d'inaugurer un tout nouveau label comics : Vestron.

La ligne éditoriale est très largement axée sur les adaptations de grosses licences cinéma, comme Aliens, Predator, Evil Dead, Robocop ou encore Terminator, plutôt du lourd donc, à quoi il faut ajouter également une orientation rock, avec des titres consacrés notamment à Kiss ou Alice Cooper.

On sait que cet éditeur indépendant a toujours soigné ses publications et défendu une vision originale et réfléchie (avec notamment des partenariats ciblés et sensés), cette fois, la particularité de Vestron sera de se rapprocher des TPB américains, à savoir un format bénéficiant de couvertures souples.

L'idée est plus que bonne puisqu'elle permet d'allier confort de lecture et prix moindre. En effet, la mode très franco-française du tout cartonné ne semble guère justifiée dans la plupart des cas. Et à ceux qui penseraient qu'une hardcover "protège" mieux un livre, nous leur rappelons que la couverture n'est pas une armure destinée à le protéger des mauvais traitements. À partir du moment où l'on ne s'en sert pas comme dessous de table ou pour chasser les moustiques, aucune raison qu'un livre s'abîme plus avec ce genre de couverture.

Le premier album de cette gamme est déjà disponible depuis le 7 février, il s'agit de Predator : Chasseurs (128 pages, 16,95 €), par Chris Warner et Francisco Ruiz Velasco. Petite particularité : l'album dispose d'une couverture fluo !
C'est un autre album Predator qui est prévu pour la fin du mois (25 février) : Bad Blood, un titre en noir & blanc et en "version longue", puisque disposant de 24 pages absentes de l'édition US. Une publication logique, Bad Blood mettant également en scène Mandy Graves, une héroïne déjà présente dans le premier album, évoqué plus haut.

Des titres bandants et une ligne bien pensée, ça s'annonce plutôt bien.