Maléfices : nouvelle édition
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On se penche aujourd'hui sur la version française de la nouvelle déclinaison de Maléfices, sortie il y a un peu plus d'un an.

Beaucoup de choses à dire sur ce jeu, que ce soit au niveau de ses particularités propres ou, plus généralement, au niveau de l'évolution des Jeux de Rôles. Tout d'abord pour les vétérans, rassurez-vous, Maléfices conserve son esprit et son cadre. Deux éléments forts caractérisent ce jeu, tout d'abord son cadre, les aventures ayant lieu à la Belle Époque, soit une période s'étalant de la fin du XIXe siècle jusqu'aux années précédant la Première Guerre mondiale. 
Le second élément fort tient au système de jeu de Maléfices, dont les règles sont très simplifiées, afin de privilégier le récit et l'interprétation des personnages par les joueurs.

Une petite explication s'impose pour les novices. Grosso modo, on peut dégager deux grandes "écoles" parmi les rôlistes. D'une part, ceux qui privilégient la simulation, et sont donc attachés aux règles, d'autre part, ceux qui privilégient le roleplay, et pour qui l'ambiance compte plus que les jets de dés. 
Ce n'est évidemment pas aussi tranché que ça, bien des joueurs oscillent entre ces deux pôles opposés. Pour ma part, j'estime que les règles sont un support pratique qui doit être assoupli voire carrément écarté quand ce même support commence à nuire à la narration et au plaisir de jeu. Ceci dit, cela demande un Maître de Jeu expérimenté et des joueurs intelligents, qui ne sont pas des gros bourrins. 
Maléfices se situe clairement dans cette catégorie de jeux privilégiant le RP. Sur plus de 350 pages, ces règles, très simples, représentent à peine une dizaine de pages.

Vous voilà donc prévenus, il s'agit d'un jeu d'ambiance. 
Voyons le contenu maintenant de ce fort joli manuel. Une grosse partie est consacrée au contexte historique : la bourgeoisie et les revendications ouvrières, le fonctionnement de la IIIe République, les mœurs, l'empire colonial, la place des femmes dans la société, les forces de l'ordre, la vie quotidienne (vêtements, transports, restauration...), tout cela est plutôt bien détaillé, avec différentes illustrations, photos et reproductions d'époque. Mieux vaut ne pas faire l'impasse sur cette partie, car elle est évidemment centrale dans le jeu.




La création des personnages est ensuite expliquée, ainsi que les fameuses (et succinctes) règles. Outre les éléments basiques (âge, sexe, profession, orientation politique, loisirs, etc.), le caractère du personnage va également être influencé par le tirage de quelques lames issues du tarot de Maléfices.
C'est là sans doute le troisième élément important concernant ce jeu. Et pour parler du tarot en détail, il faut maintenant également parler de l'évolution de la présentation des JdR.
Dans les années 80, la première version de Maléfices était présentée dans une boîte qui contenait tout le matériel nécessaire. De nos jours, tous ces éléments sont à acheter séparément. En plus du manuel (45 euros), il faut donc acquérir le tarot (15 euros). Si vous voulez un écran de jeu, c'est 25 euros supplémentaires. Et encore 30 euros pour un livre contenant deux scénarios supplémentaires. Plus encore 20 euros pour le "dé du destin" (ouais... 20 euros un dé). On en est à 135 euros. Même si tout n'est pas indispensable pour pouvoir jouer, ça fait quand même mal au cul (à comparer avec le contenu énorme de la boîte d'initiation Chroniques Oubliées - Cthulhu, pour seulement 50 euros). 

Revenons au tarot. Dans cette nouvelle version, il n'intervient pas seulement dans la création des personnages mais également dans certains rebondissements lors de la "narration partagée" (un concept un peu particulier, où les joueurs peuvent également influer sur l'histoire). Il a donc son importance. Mais ce nouveau tarot est proprement... hideux. Bon, c'est subjectif, OK, mais tout de même. Les illustrations ne sont pas top et, surtout, la colorisation est bien trop flashy. Précisons que ce n'est pas l'avis de tout le monde. Fred par exemple, de la chaîne En Jeu (que je vous recommande), estime que les illustrations, très art nouveau, correspondent bien à l'époque, ce qui n'est pas faux. Cependant, Maléfices n'est pas un jeu sur l'art nouveau, mais sur le mystère, l'étrange, le surnaturel, l'ésotérisme. Et les tarots précédents reflétaient bien mieux cette atmosphère inquiétante. 
Je dis "les" car en fait, il existe apparemment trois jeux différents (je n'ai appris l'existence du troisième, enfin, du deuxième en réalité dans l'ordre chronologique, que récemment). Il y a donc le premier tarot, des années 80, monochrome et à dominance beige ; il y a le plus récent, qui date de 2023 et pique les yeux ; et il en existe également un autre, très joli, à dominance beige également mais avec des illustrations colorisées (mais bien colorisées, avec des teintes pastel). Par contre, ce dernier est quasiment introuvable et donc hors de prix. Bref, si vous avez celui des années 80, vous pouvez tout à fait l'utiliser. 

Continuons à parcourir cet ouvrage édité par Arkhane Asylum Publishing. Après la création de personnages, nous avons différents conseils (souvent très pertinents) sur la manière de mener une partie, sur les aides de jeu que l'on peut confectionner ou sur la gestion du fantastique. 
Cet aspect a son importance puisque Maléfices est un jeu assez réaliste dans son approche. Les personnages ne vont pas pratiquer la magie comme dans un D&D par exemple. Tout cela reste assez exceptionnel et le surnaturel se doit de l'être aussi (voire parfois d'avoir une explication rationnelle). Là encore, tout réside dans l'ambiance. Par exemple, une séance de spiritisme peut être angoissante et effrayante sans pour autant qu'il se passe quelque chose de réellement surnaturel. Voilà encore une raison qui destine Maléfices, selon moi, à des joueurs expérimentés (et intelligents, donc pas des utilisateurs de X-Card... hop, un petit tacle en passant, c'est de bonne guerre). 
Enfin, deux scénarios (Le Marchand de Jouets et Rêveurs éveillés) complètement l'ensemble. Ces derniers sont très complets, avec de nombreuses notes destinées au MJ, des plans et même une chronologie complète à part. 

Au final, voilà un excellent jeu, au cadre original et au système agréable (renforcé par le tarot), mais qui s'avère onéreux et d'une approche sans doute un peu complexe (paradoxalement, malgré la simplicité de ses règles) pour des débutants. En effet, le jeu privilégiant l'ambiance et l'interprétation des personnages (qui participent même au narratif), cela demande un minimum d'aisance. 
Une version fort jolie, apportant une nouvelle utilisation du tarot, mais qui ne s'avère pas forcément indispensable si vous avez déjà la première. 









Comparatif avec l'édition en boîte datant des années 80.

Contenu de la première édition. 

Tarot de l'édition 2023.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Le système de jeu.
  • L'utilisation du tarot.
  • L'ambiance.
  • La description de la Belle Époque.

  • Le prix cumulé de tous les éléments séparés.
  • La narration partagée et l'accent mis sur le RP, qui demandent une certaine expérience et une grande intelligence de jeu (ça ne constitue pas un point négatif en soi, au contraire, mais ça peut être une difficulté pour certains).
  • L'aspect esthétique du nouveau tarot.