Black Summer : bilan mitigé pour la série Netflix
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On se penche aujourd'hui sur une énième série post-ap à base de zombies : Black Summer.

Alors, attention, rien à voir avec le comic de Warren Ellis qui porte le même nom (cf. notre dossier sur l'auteur). Ici, il s'agit à la base d'une sorte de préquelle à Z Nation (mais en réalité, dans la première saison en tout cas, il n'y a pas vraiment de rapport).
Le pitch est des plus simples : des saloperies qui mordent les gens ont envahi les rues, les rescapés essaient tant bien que mal de rejoindre une zone sécurisée pour être évacués. Ah, et précisons que les "zombies" sont ici plutôt du genre rapides (comme les contaminés de 28 jours/semaines plus tard).
La première saison de cette série est composée de 8 épisodes de durée très variable (de 44 à seulement 20 minutes). C'est donc assez court, mais est-ce que c'est bien ?
Hmm... disons qu'il y a du pour (un peu) et du contre (un peu plus).

Dans les points positifs, au niveau de la forme, notons une volonté d'immersion, avec des plans-séquences ou des scènes filmées caméra à la main. Ajoutons à cela une photographie un peu froide et cradingue, et l'on obtient une atmosphère stressante à souhait. Toujours au niveau de la réalisation, le parti pris des différents points de vue est assez efficace et bien géré (une même scène pourra ainsi être vue sous un autre angle par un autre personnage).
Une originalité également : les points de vue de personnages que l'on n'a pas vraiment l'habitude de retrouver au premier plan. Ainsi, l'on va assister à la transformation d'un personnage, puis le suivre alors qu'il est devenu un zombie, avec quasiment une vision à la première personne (pas réellement, mais c'est assez bien fait quand même). Voir ainsi le contaminé courir après ses proies est suffisamment rare pour être souligné.

Mais, surtout, l'un des points forts inattendus de la série, c'est le personnage de Lance, campé par Kelsey Flower. Le type est incroyablement mou, maladroit, stupide, il panique, ne fait que des conneries, et, au final... devient très intéressant. En effet, il est très rare de suivre (longtemps en tout cas) ce genre de personnage "normal", qui n'a pas le profil du héros ou du bad guy. Or, ici, l'on assiste à l'une des plus longues poursuites opposant un civil et un zombie. Ça commence dans la rue, on passe pas une sorte d'épicerie, une caserne de pompier ou encore le toit d'un bus. En fait, ça finit même par devenir drôle, même si la tension est bel et bien présente (d'ailleurs le final, pour ce personnage en particulier, est magistral).

Allez, on évacue... à pied ! En laissant toutes les caisses, en parfait état, devant nos baraques.

Donc, oui, il y a de bonnes choses. Mais également un nombre ahurissant de conneries, d'invraisemblances, d'approximations et de maladresses. Par exemple, même si c'est totalement voulu, le côté "temps réel" est parfois insupportable. Si un personnage doit traverser la rue, ou effectuer 50 pas dans un couloir, il le fait réellement (un peu à la Voisins, Voisines, pour les connaisseurs). Cela génère bien des lenteurs.
Surtout, les scénaristes ne s'embarrassent vraiment pas avec la logique et les explications. Ainsi, alors que les événements sont relativement récents (4 à 5 semaines), le groupe de survivants tombe sur une école abritant des gamins complètement tarés qui vivent en autarcie. Qu'est-ce qui justifie ça ? Rien, c'est là tout le problème. Pourquoi ces gamins n'ont-ils pas été évacués ? Pourquoi ne cherchent-ils pas à rejoindre leurs parents ? Pourquoi s'en prennent-ils bêtement aux adultes sains ? Ne cherchez pas les réponses, il n'y en a pas. Ou plutôt, la réponse est la pire qui soit : parce que c'est une péripétie voulue par les scénaristes. Scénaristes qui oublient l'une des règles de base d'un conteur efficace : rester crédible et, si une situation ou un comportement semble extraordinaire, ne pas oublier de justifier ce fait.

Il n'y a pas que ça. Par exemple, un groupe essaie d'attaquer les véhicules en marche pour leur voler de l'essence. OK, ça tiendrait la route si ça se passait des années après les événements, mais là, en à peine un mois, pourquoi diable ne vont-ils pas simplement siphonner le carburant présent dans les milliers de véhicules que l'on voit partout, à l'abandon ?
C'est un détail, mais un détail important. Soit on trouve le moyen d'expliquer ce comportement, soit on évite de mettre en scène des idioties que rien ne justifie.
Et ça continue ! À un moment, les personnages principaux arrivent dans une sorte de complexe clandestin, qui fait office de discothèque, labo de drogue, réserve d'armes... et on ne comprend rien. Ni comment ou pourquoi un tel truc existe, ni comment le groupe de survivants connaît aussi bien les lieux, ni pourquoi ils rentrent aussi facilement...

Lui, à force de faire des conneries, il va devenir une légende.

Parfois, on se demande même si les auteurs n'ont pas voulu se compliquer la vie juste pour étaler leur manque de savoir-faire. Ainsi, l'un des protagonistes, censé ne pas parler anglais, va faire de longs monologues inutiles (en chinois), mais en plus, il va comprendre tout de même tout ce qu'on lui dit. À quoi un tel personnage peut bien servir si sa particularité (il ne comprend pas ce qu'on lui dit) n'est pas utilisée ? Autant le faire parler anglais.
Du coup, certaines maladresses mineures (comme le fait que personne n'ait de flingues au départ, mais que subitement, arrivés au stade, tous les gugusses soient armés comme des Rambo) passent plus facilement. C'est un style remarquez : camoufler des conneries par des conneries plus grosses encore.

Enfin, l'on peut également évoquer le manque de profondeur des personnages. Mais ça, par contre, c'est voulu. Enfin, sans doute. Il s'agit un peu d'un anti-Walking Dead, privilégiant l'action, l'atmosphère, les sensations et l'immersion, sans chercher à philosopher ou dramatiser en jouant sur la psychologie des protagonistes (on est loin par exemple du traitement de la magnifique et poignante "love story" entre Daryl et Beth, dans Walking Dead version série TV, l'une des créations originales - n'appartenant donc pas au comic - les plus réussies).
Il faut reconnaître que ça fonctionne par à-coups, comme dans le cas de Lance. Mais pour le reste, c'est un peu dépouillé, chaque personnage n'ayant aucun passé ou caractéristiques plus poussées que "bon", "mauvais" ou "stupide".

Du coup, on conseille ou pas ?
Bah, ça va dépendre de vos attentes. Si vous aimez vraiment le style "post-ap zombies", que vous privilégiez l'action aux moments émouvants, et que vous n'êtes pas trop regardant sur les incohérences, ça passe. D'autant que ce n'est pas très long.
Sinon, même s'il y a un effort au niveau de la réalisation et une certaine originalité, difficile de faire passer ce Big Mac gras et trop cuit pour un chef-d'œuvre de la gastronomie.

Sa Majesté des Mouches exposant 10 et version post-ap. Absurde.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Immersif.
  • Quelques partis pris originaux au niveau de la réalisation.
  • Lance, d'abord agaçant, puis drôle, puis mythique.

  • Des incohérences et absurdités en trop grand nombre, qui font régulièrement "sortir" de l'histoire.
  • Des personnages à peine ébauchés.
  • Des lenteurs malgré la brièveté de certains épisodes.