Thanos : la Fin de l'univers Marvel
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Dans un volume plus épais que ceux de la même collection (environ 40 pages de plus que La Fin de l'Infini ou La Révélation de l'Infini), Jim Starlin reprend avec une joie manifeste les personnages et les thèmes qui l'avaient amené à écrire ses sagas liées à Infinity Gauntlet.
Du coup, les sceptiques peuvent légitimement estimer qu'il ne s'agit que d'une nouvelle version fondée sur les mêmes structures narratives, les mêmes retournements et les mêmes enjeux. Soyons honnêtes : il n'y a pas grand-chose de neuf. Mais ce déferlement d'adversaires tentant de mettre la main sur le pouvoir absolu ou d'empêcher un autre de le maîtriser (ce qui revient au même) possède quelque chose de jouissif qui entraîne aisément le lecteur familier des conflagrations cosmiques.

L'histoire qui nous est narrée ici est antérieure aux volumes précédemment cités, il y est même fait une brève allusion dans La Révélation de l'Infini où l'on apprend qu'en tentant de s'opposer à l'avènement d'un certain Akhenaton, Thanos a tout simplement annihilé l'univers. Voyons voir comment il a pu en arriver là, le bougre ayant la fâcheuse manie d'ébranler le tissu de la réalité chaque fois qu'il est contrarié.

Comme toujours, dans un premier temps, Thanos observe le cosmos et plus particulièrement le moindre événement susceptible d'en altérer la structure. Ce faisant, il rumine également ses précédents échecs tant dans sa conquête du pouvoir ultime que ses tentatives de séduire la Mort, préparant plusieurs coups d'avance pour parer à la moindre éventualité ; c'est ce qui lui permet d'être légèrement avantagé lorsque la menace Akhenaton se manifeste : l'ex-pharaon qui avait bouleversé l'Egypte antique (tentant d'imposer une religion monothéiste au cours de la XVIIIème dynastie, soit 13 siècles avant notre ère) revient sur Terre réclamer ce qui lui revient de droit (à savoir l'empire qu'il dirigeait de fait 4 millénaires auparavant), armé d'un pouvoir si gigantesque qu'il fait pâlir les entités régissant notre réalité. Sa volonté est toute-puissante et il impose sa loi sans que rien ne puisse s'y opposer, nanti d'une puissance inconcevable.
Les gouvernements terrestres ne peuvent que se plier à ses desiderata, et les super-héros ne trouvent aucune parade. Et c'est toujours aussi stupéfiant de voir des cadors comme Éternité ou Galactus totalement désarmés devant ce nouveau super-être alors qu'un Docteur Fatalis, pourtant plusieurs crans en dessous dans l'échelle cosmique, mais doté d'une ambition et d'une volonté inébranlables, parvient aisément à s'emparer de certains des secrets du Pharaon mégalo. Les lecteurs du second volet de La Guerre de l'infini se souviendront qu'il était également sur le point de s'emparer de la source du pouvoir du Magus (bien aidé par Kang) alors même que Thanos et Éternité étaient réduits à l'impuissance. Rien de bien nouveau, je vous l'ai dit.


Et, du coup, c'est encore sur notre bonne vieille planète que va se jouer le destin de l'univers !
Revoilà les super-héros terriens tentant de barrer la route à un despote sidéral capable de terrasser tous les Célestes d'un seul coup. Sans la maestria visuelle et la légère folie métaphysique de Starlin, ce serait apocalyptiquement niais, mais notre auteur visionnaire parvient à faire basculer le ridicule dans le grandiose.
Contrairement à la première Saga de l'Infini, alors que les combats avaient autant d'ampleur (et étaient perdus d'avance), on ne s'y attarde guère ici : malgré toute leur volonté, leur agressivité et leur légitimité, que peuvent franchement nos champions trop humains face à un danger de ce calibre ? Honnêtement, rien, à part mourir dignement. Jim Starlin se complaît ainsi dans ces fantastiques réunions de héros en pleine page (parfois en double-page), comme autant de collections d'individus extraordinaires épinglés sur la toile de l'existence. Des individus qui constatent bien vite que leur sort est d'être implacablement balayés, et Thanos lui-même n'est en mesure que de retarder (un tout petit peu) l'échéance. Sauf qu'il a en lui quelque chose de supérieur à toutes les créatures, une personnalité farouche qui en a fait, et plus souvent qu'à son tour, le point nodal des bouleversements cosmiques, pierre angulaire tout autant que pierre d'achoppement. Et c'est cette volonté seule qui fera pencher la résolution du conflit vers l'inespéré, l'impossible.


Et vous n'en êtes qu'à la première moitié de l'album, qui prendra ensuite un peu plus de temps pour narrer le destin de cet être unique, lequel, plusieurs fois, a tenu dans sa main de quoi éradiquer toute existence. Grandeur et décadence en accéléré, plus dure sera la chute... Par son énième coup de poker, Thanos se retrouve à l'épicentre des possibles, point de convergence des dimensions. Son irascibilité l'a sauvé et a sans doute sauvé le monde, mais sera peut-être aussi sa perte.


L'épilogue permet ensuite à Starlin de s'appesantir sur des considérations plus eschatologiques, voire ontologiques, sans doute un peu fumeuses, avec des monologues abscons visant à orienter le récit vers une vision personnelle du destin de Thanos, laquelle sera ensuite développée dans une seconde saga dans laquelle Adam Warlock, sorte de double lumineux de Thanos, aura à prendre sa part.
Un album qui donne plus d'ampleur aux récits suscités et renforce, si besoin était, l'essence de cet être singulier, capable de tout et davantage.

Rien de bien nouveau, mais des ouvertures intéressantes et des moments de grandeur fascinants.




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Thanos, à la fois sauveur et fléau cosmique. Inégalable.
  • Des visions dantesques, des conflagrations cosmiques, un récit bigger than life.
  • Starlin à son meilleur, entre mythe et réalité.

  • Guère de nouveauté dans le déroulement, presque auto-parodique.
  • Des super-héros bien trop impuissants, incapables de faire pencher la balance (à part Fatalis).
  • Un épilogue de complaisance, servant à alimenter le mythe et la saga à venir.