La Parenthèse de Virgul #29
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Hey les matous ! Ça ronronne ?
Attention, on fait un voyage dans le temps jusqu'aux années 80 avec cette Parenthèse consacrée à une série mythique des fameux Livres dont vous êtes le Héros. Entre romans et jeux de rôles, à l'époque, les ouvrages de ce genre se sont multipliés... mais certains étaient clairement plus réussis que d'autres.
Miaw !

La Saga du Prêtre Jean
C'est en 1986 que les jeunes lecteurs peuvent découvrir, ébahis, le premier tome d'une saga épique se déroulant dans un monde médiéval parsemé de créatures étranges et de sorcellerie, le tout au sein de la collection Haute Tension de Hachette.
Il s'agit de "livres dont vous êtes le héros", une nouveauté connaissant un très grand succès à l'époque. Le principe est simple : après chaque paragraphe, vous devez faire un choix qui vous mène au suivant, indiqué par son numéro. Vous possédez quelques caractéristiques basiques, un inventaire où noter les objets récupérés, et quelques pièces d'or. Lorsqu'un combat survient, il se règle à l'aide de jets de dés. Rien d'extraordinaire pour l'amateur de jeux de rôles, mais à l'époque, impossible de ne pas être fasciné par ce nouveau système permettant d'influer sur l'histoire d'un livre et de se sentir partie prenante dans son déroulement. Et il faut dire que ces aventures en solo nécessitaient évidemment bien moins de préparation qu'une partie de JdR conventionnel.
Dans le premier tome de cette saga, La Forteresse d'Alamuth, l'on fait connaissance avec le personnage que l'on incarne, le Prêtre Jean, un croisé (serait-ce seulement encore possible de nos jours, où tout est prétexte, pour les fachos fragiles, à polémique et cris d'orfraie ?) dont le but est d'atteindre la légendaire cité de Shangri-La. Vous allez ainsi vous lancer dans un périple qui passera par l'Égypte (L'œil du Sphinx), la jungle africaine (Les mines du roi Salomon), Babylone (Les mystères de Babylone) et l'Inde (Les adorateurs du Mal).

Malheureusement, l'épopée prévue en huit tomes s'arrête brusquement à la fin du cinquième et ne connaîtra jamais (à ce jour en tout cas) de conclusion. Les titres se vendaient pourtant bien, mais un changement de direction éditoriale et une (très) mauvaise décision auront mis fin prématurément à l'aventure et aux attentes des fans.
Cet arrêt est d'autant plus dommage que la série était une création française (de qualité). Aux commandes : Doug Headline, Dominique Monrocq, Jacques Collin, mais aussi notamment Michel Pagel (Le Club, Pour une poignée d'Helix Pomatias...). Ces auteurs ont fait des merveilles sur ce titre, parvenant à construire une passionnante aventure pleine de surprises et de rencontres marquantes, parsemée de nombreux traits d'humour et de références culturelles et historiques. L'on sent un énorme travail et un véritable investissement derrière tout cela. Par exemple, anecdotique mais amusant et révélateur sur l'état d'esprit des auteurs, chaque livre comporte un paragraphe que l'on ne peut atteindre par un cheminement classique et qui présente une scène farfelue ou parodique. Ça ne sert absolument à rien, la plupart des lecteurs ne s'en rendront jamais compte (sauf s'ils lisaient les paragraphes dans l'ordre numérique, ce qui n'a aucun sens), mais c'est le genre de petit bonus absurde et caché qui rend compte de l'implication des bonhommes.

Tout s'arrête donc en 1987 avec la sortie du tome 5. Les opus suivants, Au pays des Dragons, Le désert de la Mort et Shangri-la ! sont annulés, malgré leur développement relativement avancé. Et ça, c'est terrible. Déjà, ne pas avoir la fin d'une série que l'on suit assidûment, c'est en général décevant, mais lorsque, en plus, l'on a été impliqué à ce point dans l'histoire, en enchaînant les explorations, les combats, les choix, en ressentant moult émotions devant chaque scène, qu'elle soit drôle ou terrifiante, il est extrêmement frustrant de ne pas pouvoir aller au bout du récit et de ne pas enfin arriver à Shangri-La, cette citée fantasmée et parfaite, devenue la quête d'une vie (pour le personnage, peut-être pas quand même pour les lecteurs/joueurs).
Alors, que peut-on espérer ? Qu'un éditeur ait l'idée de génie de sortir une réédition complète, avec les volumes manquants ? Pourquoi pas un financement participatif ? C'est de plus en plus courant et cela se prêterait bien à ce genre de projet (en permettant de proposer, grâce à différents paliers, une édition plus ou moins luxueuse, des illustrations supplémentaires, le matériel nécessaire (dés, crayons), des cartes des lieux marquants, etc.).
Mais de cela, a priori il n'est point question. Ce n'est qu'un doux rêve et il y a gros à parier que Jean, le croisé, demeure à jamais dans le cimetière de l'imaginaire...
Snif.