Bande Originale de L'Ombre de Doreckam
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Alors que j'avais terminé le premier jet de L'ombre de Doreckam, courant 2019, j'ai proposé à Manu Bonnet, un ami qui est bassiste, compositeur, coloriste et à l'époque leader du groupe Logical Tears, de s'embarquer avec moi sur un projet musical assez atypique : la bande originale de mon nouveau roman.

Je lui ai filé le manuscrit (dans une version 0 très embryonnaire), il l'a lu et il a accepté. Nous avons donc commencé à travailler sur le projet, lui au niveau des compos, moi au niveau de certains textes. Malheureusement, alors que nous avions déjà des morceaux franchement cool (mais non mixés), le groupe a splitté. En langage courant, il s'est séparé. Pour avoir les détails du comment et du pourquoi, je vous invite à lire le prochain livre de Manu, un énorme ouvrage, émouvant et drôle, revenant sur tout son parcours musical (on vous en reparlera en temps et en heure). 

Le projet de Bande Originale est donc tombé à l'eau, mais il en reste tout de même quelque chose. D'une part, des morceaux alternatifs et remaniés, qui sortiront sur un album produit entièrement par Manu (là encore, on vous tiendra au courant de cette sortie). D'autre part, quelques textes que j'ai écrits, et qui vous rappelleront certainement quelque chose si vous avez lu L'Ombre de Doreckam.

J'ai décidé de publier ici ces textes, pour prolonger l'histoire et cheminer, un peu encore, aux côtés de Vik, Nolan, Mel, Inès et tous ces personnages qui m'ont hanté si longtemps. 

Sans la musique, sans l'interprétation, évidemment, tout cela reste aride et terne. Mais ça a le mérite d'exister.

À voir également si vous avez lu le roman : 


Les Eaux Mortes

Le lent baiser des horloges est cruel…
Nos pages ont jauni, se sont écornées.
Hier encore nous étions éternels,
Pourtant la vie n’a duré qu’un été.

L’eau a coulé le long de notre enfance,
Les rats ont fini par quitter Doreckam.
Les pâles regards qui naguère faisaient sens,
Peinent à raviver l’onirique flamme…

L’esprit et ses eaux mortes
Cachent bien trop de tabous
Le Temps et ses cohortes
Ont eu raison de nous

Les minutes et leurs faux
Bâtissent des nécropoles
Les secrets des Échaux
Perdus dans les rigoles

Quelles sont ces plaintes s’élevant des remparts ?
Cris mélodieux gorgés d’une encre bleue…
Le soleil s’effondre, il est déjà tard,
Au loin l’horizon prend subitement feu.

L’esprit et ses eaux mortes
Cachent bien trop de tabous
Le Temps et ses cohortes
Ont eu raison de nous
 
C’est une lente guerre
Qui se déroule dans l’ombre
Les secrets des Archères
Personne ne s’en encombre

L’esprit et ses eaux mortes
Cachent bien trop de tabous
Le Temps et ses cohortes
Ont eu raison de nous


Mécanique

Un crépuscule martial
Anoblit même la rouille
Les mains sont glaciales
Les images se brouillent

Munitions bricolées
Pour enfin en découdre
Le vacarme du passé
Fera parler la poudre

Je suis devenu mécanique
Au son du brouhaha

Le passé dans les veines
Souvenirs teinte sépia 
Du whisky sur nos peines
Quand fondent les soldats

Je suis devenu mécanique
Au sein du magma

Une féline escorte 
Accompagne mon assaut
Seul le devoir me porte
Je n’ai rien d’un héros

Je suis devenu mécanique
Au son du brouhaha
Je suis devenu mécanique
Au sein du magma…


Le Temps vaincra

Au pied des murs d’école, on nous voyait à peine.
Après les heures de colle, venait la liberté.
Avec nos cœurs d’enfant, on se sentait en veine,
L’éternel poids du temps semblait nous oublier.

Que reste-t-il ce jour, des élans de nos cœurs
Mangés par les vautours d’un avenir avide ?
Où restent enfin nos liesses, jeunes amours, nobles ardeurs,
Détruites d’une seule caresse par le pire des acides ?

Les muettes horloges font s’effondrer les murs,
Rien jamais ne déroge à cette loi inique.
Le Temps vaincra je crois, peu importe nos armures,
Tout s’écroule, des vieux bois aux empires galactiques.

On cherche dans le papier, une trace nostalgique,
Dans l’encre délavée, quelques fragments d’hier.
Au sein de la fiction, un passé chimérique,
Une forme d’abolition d’un présent délétère. 

Mais le Temps est bourreau, son appétit funeste,
Il n’épargne ni salauds ni héros admirables.
Quand la Trotteuse approche, tout s’enfuit rien ne reste,
Nos belles vies s’effilochent, redeviennent négligeables.


Ouate Sombre

Ouate sombre
Plus de flash, de souvenirs
Dans une flaque de vide s’assoupir
Oublier le torrent du passé
Mettre sur toutes ces années
Un peu de…
Ouate sombre

Ouate sombre
Plus de bouches qui articulent
Ou de silhouettes qui déambulent
Tout s’arrête, tout se fige
Sur les coups et les vertiges
Un peu de…
Ouate sombre

Ouate sombre
Ni Cupidon ni Jupiter
Pas de paradis, plus d’enfer
S’extraire enfin des barbares
Recouvrir même la mémoire
D’un peu de…
Ouate sombre

Ouate sombre
Effacer le citron et le miel
Délaver jusqu’aux arcs-en-ciel
Se complaire dans un doux néant
N’être ni petit ni géant
Juste un peu de…
Ouate sombre


Une Ombre en nous

Ce soir le danger plane
Nos cœurs ne sont plus sûrs,
Renferment un mal obscur ;
Un peu de Klaalntehtlann… 

Nolan ou Bartosz
Êtres en devenir
Le meilleur ou le pire
Choisis si tu l’oses

Des sommets aux égouts
Du panthéon au caniveau ;
Des scélérats, des héros
Un peu étrangers, un peu nous

Cette nuit les remparts pleurent,
Une chute tragique et involontaire.
Dans l’Olsberg et son enfer,
C’est l’innocence qui meurt.

Dans le regard de Mel
Le futur, des promesses,
La beauté et la liesse
Chemineras-tu avec elle ?

Demain, beaucoup seront tombés,
Nous délaisserons même leurs tombeaux.
Érodés par les trotteuses et du ciel les eaux,
Les plus grands sacrifices se feront oublier.

Ce soir le danger plane
Nos cœurs ne sont plus sûrs,
Renferment un mal obscur ;
Un peu de Klaalntehtlann… 

Des sommets aux égouts
Du panthéon au caniveau ;
Des scélérats, des héros
Un peu étrangers, un peu nous

Ce soir le danger plane
Nos cœurs ne sont plus sûrs,
Renferment un mal obscur ;
Un peu de Klaalntehtlann… 


À l’abri (Le rêve d'Inès) 

Baisers anciens, goût années 80
Jeux de gamins, demain est encore loin

Entourée de tes bras, tiens-moi à l’abri
Pour juste une minute ou toute une vie
Deviens forteresse… mon rempart
Protège-moi du vent qui souffle tard

Rivages adultes, goût de l’occulte
Étrange culte, dérive vers le tumulte

À mon tour, je serai bouclier
Un mur contre les dangers
L’amour bien souvent sert à ça
Éviter les bleus, éloigner les scélérats

Parchemins et ridules, goût crépuscule
Nous sommes molécules, les horloges sans scrupules

Protège-moi du temps et du chaos
Éloigne les juges, les bandits, les fléaux
Rien que nous et l’infini des cieux
Enveloppée de ton aura, je tuerai les adieux

Entourée de tes bras, tiens-moi à l’abri
Pour juste une minute ou toute une vie
Deviens forteresse… mon rempart
Protège-moi du vent qui souffle tard

Tords la réalité, sois mon Homme
Dis-moi doucement que nous sommes
À l’abri…
À l’abri…


Crédit photo : Tiffany Durr