Freshmen
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Retour sur la série Freshmen, publiée par Delcourt en 2007.

De jeunes gens débarquent sur le campus pour leur première année de fac. Tout n'est pas forcément évident pour les nouveaux venus, entre le bizutage, les complexes de certains ou tout simplement le stress d'une nouvelle vie qui débute, pas besoin de super-vilains pour crouler sous les emmerdes !
Et un jour, tout change. Il suffit d'une étrange impulsion, issue de l'explosion d'une machine expérimentale, pour que certains étudiants soient dotés de pouvoirs...

Voilà qui sent le déjà vu. Sauf qu'en fait, les pouvoirs en question vont découler des pensées des étudiants au moment de ladite "impulsion". Pour Annalee, qui étudie la psychologie et souhaite "rentrer dans la tête des gens", le pouvoir est tout trouvé et plutôt intéressant : la voilà télépathe. Seulement, tous n'ont pas cette chance. Charles entend les plantes lui parler ; Jimmy (qui faisait un concours débile avec des post-it au moment des faits) se retrouve "collant" ; Ray, qui était pourvu d'un... pénis de petite taille, a été grandement amélioré à ce niveau ; Elwood, ivre pendant le moment crucial, a le pouvoir de rendre les gens totalement saouls en leur rotant dessus, etc. Le pire, Norrin, seul fan de super-héros du groupe, se retrouve sans aucun pouvoir car il était allé se chercher une pizza lorsque les événements ont eu lieu.




Plutôt loufoque donc comme début mais pas spécialement parodique pour autant. Le scénario de Hugh Sterbakov (sur un concept de Seth Green (vous savez, le gars là, dans Buffy, qui joue Oz)), s'il se veut souvent drôle (avec notamment d'excellents dialogues), flirte également sans complexe avec l'émotion et le sérieux. Le mélange donne du coup un aspect équilibré et très intéressant à la série, tout en rendant les personnages attachants.
Le graphisme de Leonard Kirk est par contre plus quelconque, il faut dire qu'il n'est pas aidé par une colorisation (de Tyson Wengler) assez inégale, allant du moyennement inspiré au franchement pas beau. Un peu dommage. Attention tout de même, sous des dehors très gentillets, la série peut tout de même parfois verser dans l'ultra-violence et le gore. 

Voilà un titre fort divertissant qui se moque des poncifs super-héroïques tout en en reprenant tout de même, sans avoir l'air d'y toucher, l'essentiel - voire l'intégralité - des codes : les costumes et noms de code sont raillés avant d'être aussitôt adoptés, le concept de lutte interne pour le leadership de l'équipe est lui aussi allègrement utilisé, sans oublier les nombreuses références, du personnage typiquement sans pouvoir et bardé de gadgets (à la Batman) en passant par une tirade sur les responsabilités (empruntée à notre vieux Tisseur) qui se retrouve même sur la quatrième de couverture.

Le mélange est tellement subtil qu'on finit par ne plus savoir si l'on est dans l'hommage, la moquerie ou la subtile réinvention. Et on ne s'en plaindra pas car, au final, le lecteur dévore le tout avec un plaisir immense, sans doute rehaussé (pour les fans) par le fait de se retrouver en terrain connu sans pour autant savoir de quelle manière l'auteur va nous surprendre. Parfois, il parvient vraiment à nous bluffer, d'autres fois, l'on se laisse gentiment berner, car, évidemment, entre gens de bonne compagnie, l'effort se doit d'être partagé. L'auteur fait ainsi son possible pour rendre le moment exceptionnel et le lecteur lui rend la pareille lorsqu'il sent le travail, la passion et l'honnêteté poindre leur nez, leurs oreilles et toute la tuyauterie. Ce qui est le cas ici.
Ou pour faire plus court : Freshmen, c'est bien !

Un seul album a été édité en VF. Il existe en VO une deuxième mini-série de six épisodes (Freshmen II) ainsi qu'un épisode spécial (Freshmen Summer Vacation Special).





+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Original et bien écrit.
  • Un concept très particulier qui reprend les poncifs super-héroïques sans pour autant tomber dans la simple redite.
  • Un subtil mélange d'action, d'émotion et de vannes.

  • Une colorisation souvent trop flashy.
  • Manque la suite en VF.
Dakota 1880
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Si la série des "Hommages à Lucky Luke" contient d'excellents albums, comme L'homme qui tua Lucky Luke, le récent Dakota 1880 n'en fait malheureusement pas partie.

L'idée de base du scénariste, Appollo, est de s'inspirer de dime novels (des romans bon marché) écrits par Baldwin Chenier, qui aurait rencontré le "véritable" Lucky Luke. Le héros de Morris figurerait donc dans ses récits décrivant la vie aventureuse dans le grand Ouest américain.
Pourquoi pas, c'est un point de départ comme un autre. Le problème, c'est que l'album est divisé en courts chapitres fades et ennuyeux, qui ne développent absolument rien. Luke est presque ici un personnage secondaire, sans âme ni caractère, qui rencontre des figures méconnues de l'époque et s'avère aussi terne que les rares moments d'action qui parsèment ces planches.

Tout est très "raconté", par des pavés de texte (et en l'occurrence par Baldwin), ce qui rend le tout encore plus soporifique et "figé". Malheureusement, le scénariste ne sait pas du tout comment insuffler un peu d'émotion, de suspense, de rythme ou même d'intérêt dans son récit. On a l'impression, de toute façon, qu'il n'a pas grand-chose à raconter.




Le texte n'est en plus pas exempt d'énormités, comme "je me débrouille comme une cheffe". Il faudrait expliquer à ce genre d'auteurs incultes, qui cèdent à la dernière mode d'hystériques à cheveux bleus en guerre contre la grammaire, que l'important, ce n'est pas le sexe de la personne qui s'exprime ou réalise l'action, mais le genre grammatical du nom. C'est pour ça que l'on ne dit pas "un sentinel", même pour un homme, mais bien "une sentinelle". Pour "chef", c'est exactement la même chose. On dit "un chef", même quand il s'agit d'une femme. Ce n'est pas un "complot patriarcal", c'est une question de logique (et de culture, mais si les militants décérébrés en avait, ils ne seraient pas tout le temps en train de pleurnicher pour des raisons absurdes).

Au final, seuls Brüno, le dessinateur, et Laurence Croix, la coloriste, s'en sortent avec les honneurs. Le style graphique est à la fois simple, joli et efficace, et le choix de couleurs pastel, presque monochromes pour les besoins de certaines scènes spécifiques, permet d'apporter une touche d'élégance tout en renforçant l'atmosphère sombre des paysages traversés par les personnages. Dommage que l'efficacité visuelle, indéniable, ne soit pas au service d'un scénario digne de ce nom.

Au final, voilà un album bien cher et totalement dispensable, que l'on aura vite fait d'oublier.





+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Le dessin.
  • La colorisation.

  • Un Lucky Luke qui n'est plus ici que l'ombre de lui-même.
  • Une absence totale d'histoire construite
  • Une narration lourde et malhabile.
  • Des personnages secondaires très mal exploités.
Écho #76 : DC Treasury - un nouveau format chez Urban
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Le mois dernier, Urban Comics a lancé une nouvelle gamme de comics intitulée DC Treasury.

Si l'on a du mal à comprendre la logique du contenu (des vieilleries et des récits très récents, divisés en quatre catégories : Gold, Silver, Bronze et Modern Books, autrement dit un gros fourre-tout), c'est surtout le format géant qui impressionne : du 24,5 x 34 cm. De quoi profiter pleinement des superbes dessins du Superman - Héros pour tous par exemple, ou du Paix sur Terre d'Alex Ross. En ce qui concerne Weird Tales and Fantasy, une compilation très kitsch au style bien moins impressionnant, l'apport du grand format est plus incertain.

Ces comics atypiques sont vendus à 15 euros et contiennent environ 80 planches (voire un peu moins suivant les albums), protégées par une couverture souple. On ne risque pas de les louper dans une librairie, par contre, le but de cette collection pose question : le côté luxueux du grand format ne s'accommode guère de la softcover ; l'aspect fascicule à l'ancienne n'est pas vraiment en accord avec le prix, qui reste élevé ; et le côté "tabloïd" revendiqué par l'éditeur ne va pas jusqu'au bout du concept (puisqu'on se retrouve avec un format finalement réduit au lieu du 28 x 43 cm annoncé). 

Bref, un truc marrant deux minutes mais qui demeure une curiosité un peu bancale. 





Mission Terre
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Retour sur une longue et excellente saga de science-fiction.

Un fait étrange concernant Ron Hubbard, fondateur de la scientologie, c'est que ceux qui en parlent sur le net se trouvent parfois obligés d'assurer ses futurs lecteurs qu'ils ne risquent rien (ou au contraire mettent un "auteur dangereux" à côté de leur chronique, à la manière d'une pancarte "chien méchant"). Un peu comme si l'on pouvait choper une conviction au détour d'une phrase. Évidemment, ça ne se passe pas comme ça. Et si c'était le cas, Hubbard serait vraiment fort. Et il aurait été maître du monde de son vivant. Contrairement à ce que certains affirment parfois, on ne peut pas différencier l'homme de l'auteur, c'est le même bonhomme. Par contre, ce qui est toujours possible, c'est de différencier l'œuvre de son auteur. Un bon roman ne devient pas subitement nul sous prétexte que l'on n'apprécie pas les agissements de celui qui l'a écrit, sinon il y a bien longtemps que les bouquins de Stephen King auraient fini à la poubelle.  

On peut penser ce que l'on veut, en bien ou en mal, de la scientologie sur le plan philosophique (j'ai lu la Dianétique par curiosité, et je ne suis rentré dans aucune secte pour autant). Sur les éventuelles pratiques sectaires, c'est autre chose, mais il est évident que cela ne s'attrape pas comme un virus. Il faut le vouloir. C'est un peu comme l'hypnose, si vous ne participez pas, ça ne marche pas. Donc, non, Hubbard n'était pas un dangereux sorcier, par contre, c'était plutôt un bon auteur.




Mission Terre
, une décalogie, rien que ça, raconte l'histoire de deux personnages très différents. D'une part Jettero Heller, un champion de la Flotte, héros caricatural au possible et plein de bons sentiments, et Soltan Gris, agent de l'Appareil de Coordination de l'Information (les services secrets), se révélant peu à peu colérique, paranoïaque, malchanceux, lâche et peu regardant sur la morale. Ces deux opposés sont amenés à se rencontrer lorsque le premier reçoit pour mission de se rendre sur Terre afin de voir si les humains seraient aptes à intégrer la fédération voltarienne. Soltan, lui, va se voir assigner l'exacte mission contraire, à savoir faire échouer l'autre m'as-tu-vu par tous les moyens, et ce afin de préserver le fructueux trafic de drogue auquel se livre son chef.

Ce long récit, plutôt méconnu (en tout cas, beaucoup moins populaire qu'un Dune par exemple) pourrait passer pour une simple parodie s'il ne contenait pas de nombreux et acides constats sur notre propre société. Bien entendu l'on retrouve certaines obsessions de l'auteur (son manque de considération flagrant pour les psychiatres et psychanalystes, ce en quoi il n'a pas forcément tout à fait tort) mais aussi son sens aigu de l'observation, qui met souvent à nu des travers voltariens très... humains. 
Outre l'aspect SF et la critique sociale, il faut noter également l'humour qui imprègne la saga. C'est notamment Soltan Gris, anti-héros attachant et loser hargneux, empêtré dans des stratégies qui le dépassent, qui restera la vraie star de l'aventure. 

Un peu long (dix tomes quand même) mais vraiment très agréable à lire.





+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Très vite passionnant et addictif.
  • Un humour constant et efficace.
  • Une critique pointue de certaines dérives de notre propre société.
  • Soltan Gris !

  • Les passages avec Jettero Heller, moins intéressants.
  • On attend toujours une belle réédition.

Écho #75 : L'Affaire Tournesol - album retiré de la vente
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Moulinsart et les ayants droit d'Hergé sont tellement pressés de faire les poches aux fans complétistes qu'ils ne se soucient même plus de ce qu'ils publient.

Tout commence lors de la publication, fin octobre, de la version "journal Tintin" de L'Affaire Tournesol. Il s'agit des planches originales prépubliées de décembre 1954 à février 1956 dans le fameux périodique. Les différences par rapport à l'album classique sont minimes (quelques différences anecdotiques de colorisation, un lettrage retouché pour certaines onomatopées...) si l'on excepte une présentation de 12 pages (revenant sur la création de l'œuvre, l'équipe du studio Hergé de l'époque, etc.) et la deuxième moitié de l'album, au format à l'italienne

Or, c'est cette deuxième partie qui choque, puisqu'elle a été maquettée absolument n'importe comment. Les planches, à l'italienne, s'étalent sur deux pages classiques, ce qui les rend illisibles, les dessins et le texte des cases centrales étant situés au niveau de la reliure. Devant les retours négatifs des lecteurs, l'éditeur, prétextant des "difficultés techniques lors de l'impression", retire alors l'album du commerce afin de réaliser une nouvelle version, probablement pour début 2026. La manière dont tout cela est présenté suggère un problème survenu chez l'imprimeur, or c'est bien la maquette qui a été réalisée qui ne va pas du tout. Et bien entendu, les responsables éditoriaux de ce piètre résultat ont reçu un exemplaire test avant la publication, exemplaire qu'ils ont approuvé. Le problème vient donc de l'éditeur, qui valide n'importe quoi, à la va-vite, en pensant que les lecteurs s'en contenteront. 

Autre souci, des demeurés qui avaient mis la main sur cet exemplaire avant le retrait imaginent déjà qu'il va valoir "une fortune" (certains le proposent à 40, 50 voire 60 euros). Rappelons que le propre de l'occasion, c'est de valoir moins que le neuf (dans ce cas, 19,50 euros). Surtout qu'ici, il ne s'agit pas d'une version spéciale qui ne serait plus disponible, c'est une version illisible (pour pratiquement la moitié des planches : la pagination de la BD s'étale sur 81 planches et le format à l'italienne commence page 44). Étant donné qu'une autre version, qu'on imagine cette fois mieux pensée, sera très bientôt disponible, on ne voit pas pourquoi une version salopée atteindrait des prix farfelus. C'est au mieux une curiosité, pas un objet collector. Attention donc à ne pas vous faire avoir (d'autant que même le fait de retirer l'album de la vente a été assez mal fait puisqu'il est encore possible de s'en procurer, neuf, au prix d'origine, dans certains magasins).

On se revoit l'année prochaine pour la suite de cette affaire...


Première partie de l'aventure au format standard. Notons les petites phrases d'introduction de chaque planche,
censées résumer la lecture de la semaine précédente.

Problème pour la deuxième partie, au format à l'italienne : les cases centrales sont illisibles.

Un résultat ridicule. Enfin bon, c'est pas comme si c'était le métier de Casterman depuis des décennies...

Quelques bonus complètent le tout.