Doggy Bags - Saison 2, tome 15
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ATTENTION, LA SORTIE DE CE NUMÉRO DE DOGGYBAGS EST REPORTÉE EN RAISON DES CONDITIONS ACTUELLES QUELQUE PEU PARTICULIÈRES. VOYEZ CECI COMME UNE AVANT-PREMIÈRE.
Quand même marrant, cette collection ne craint pas les zombie mais doit reculer devant un virus...
La fiction est décidément plus sympa que le monde réel.

Maintenant que Jean-Kévin lui-même sait ce qu'est DoggyBags (vu qu'il a lu ma précédente bafouille sur le sujet ici, voire même le formidable article du génial Nolt ), il n'est plus guère utile de revenir sur la description de ce qui se veut une série d'anthologie de bandes dessinées fantastico-comico-trasho-réalistico-critico-gores.
Pour faire court, c'est toujours chez Ankama et dirigé par Run (Mutafukaz), sous le label 619 (celui qui a imaginé entendre "Booyaka, Booyaka !" a toute ma sympathie mais doit soigner son addiction aux mecs musclés et masqués parce que c'est chelou).


Doggybags, c'est 3 histoires en BD parfois rassemblées sous un thème particulier, une ou plusieurs nouvelles, quelques articles sur des sujets particuliers et des fausses pubs bien marrantes.
Ce coup-ci, le thème est incontestablement le racisme aux U.S.A. et ce n'est pas la couverture du volume qui viendra me contredire en se permettant d'afficher Jean-Kévin dans sa tenue de fantôme supposée rappeler les confédérés tombés durant la Guerre de Sécession. D'ailleurs, deux histoires sur trois dans ce tome impliqueront d'une façon ou d'une autre le K.K.K. (Kentucky Krying Kitchen... si, je t'assure, Jean-Kévin !). D'ailleurs, les gars, c'est de l'arnaque, cette couv' du recueil qui reprend celle de la dernière histoire. Comment j'illustre le tome et l'histoire séparément, moi ?
Bon, ben... Comme illustration du tome, je vous file ce carton de tir livré en fin de recueil. C'est pour moi, ça me fait plaisir.

Parlons vite de ce qui n'est pas bédéistique.
L'édito nous offre un avis de Run pas inintéressant sur certains aspects de la société américaine actuelle. Bien qu'amoureux des States, le gars n'en est pas moins critique et tape sans doute assez juste sur certains points. Dommage, d'ailleurs. On aimerait qu'il ait tort...
La nouvelle intitulée L’œil de l'Amérique me prouve une fois de plus que toutes mes chroniques sont liées puisqu'elle parle elle aussi des quatre cavaliers de l'Apocalypse, comme la mini-série Good Omens dont je parlais ici il y a quelques jours à peine. Bien barrée elle aussi, la nouvelle nous met en présence de ce que l'auteur (Tanguy Mandias) estime être les "Totems de l'Amérique"... Je vous laisse apprécier par vous-même à la lecture.
Restent ensuite les articles sur le K.K.K.,celui sur les mass shooting et un dernier sur les théories du complot. Comme toujours, ça tient du cabinet des curiosités en enfilant anecdotes marquantes, faits sanglants, détails intrigants et prises de position assumées.
Viennent enfin les fausses publicités qui sont toujours aussi drôles pour peu qu'on soit doté d'un humour qui ne s'encombre pas de bienséance.
Mais venons-en aux nouvelles graphiques et à quelques mises au point/poings et règlements de compte personnels avec une certaines faune infestant les "rézosocio" !


Première histoire : MANHUNT (de Peter Klobcar)


Cette première histoire est la seule des trois à faire dans le fantastique et elle joue malheureusement sur un ressort connu qui fut même déjà utilisé dans d'autres numéros de DoggyBags (oui, j'avoue m'être offert l'intégralité de cette collection... tout ne se vaut pas mais il y a du très bon !).
Ici, le vernis US semble avoir un peu été appliqué sans grande conviction. L'histoire pourrait fonctionner dans un paquet d'autres environnements et les cagoules du K.K.K. ne semblent être que des masques supposés protéger l'identité des salauds de l'histoire, rien de plus.
D'accord, ça oppose deux gros beaufs blancs comme des culs d'albinos et épais comme des parpaings (de bons gros rednecks comme la Nouvelle-Orléans semble en produire parfois) à un jeune cuistot noir qui a eu le malheur de croire pouvoir jouer impunément à yin et yang avec une blondinette du coin... mais c'est un prétexte au fantastique, pas autre chose.
Reste le dessin qui, lui, m'a convaincu : ce noir et blanc luisant de l'humidité des bayous, ces corps noueux et tordus sous l'effort, ces cases torturées au gré de la narration dans une mise en page tantôt nerveuse tantôt traditionnelle... l'aspect graphique est très maîtrisé.

Oh, j'ai quand même une remarque pour Jean-Kévin que je vois se trémousser sous l'effet d'une rage mal contenue dans sa chaise de gamer low cost depuis un paragraphe... Oui, mon petit Jean-Kev', j'ai écrit "cuistot noir" parce que c'est bien ainsi que DoggyBags qualifie son personnage. Libre à toi de l'affubler de termes plus politiquement corrects à tes yeux comme "afro-américain", "racisé", "afro-descendant" ou je ne sais quel autre sobriquet. Mais, tout comme te qualifier de "individu à l'intellect modeste" ne fera pas de toi un génie, tes circonvolutions ne feront pas de Sydney (ledit personnage) un caucasien. Alors, tu gères comme tu veux ton rapport à son taux de mélanine mais, en ce qui me concerne, comme sa couleur ne me gêne en rien, j'ose la mentionner ; ce que tu sembles avoir du mal à faire... C'est qui le raciste, mon Jean-Kévin ? À bon entendeur, salut !



Deuxième histoire : Conspi racism" (de Run et Ludo Chesnot)


De loin la meilleure des trois, cette deuxième histoire débute sur un meurtre de masse perpétré par un suprémaciste blanc à l'encontre des fidèles noirs d'une église américaine.
Ce n'est pourtant ni de cela ni de l'enquête que traitera cette nouvelle mais bien de la façon dont certains médias américains, sous couvert d'une liberté d'expression absolue, vont couvrir cet événement en interprétant la moindre incohérence, la moindre zone d'ombre, la moindre faille dans l'enquête comme autant de preuves que l'État, à travers les médias traditionnels, leur ment, complote, voire même monte de toutes pièces de faux faits divers pour soutenir telle ou telle obscure machination.
Cette histoire s'attaque aux fake news.
Et là où elle est bien foutue, c'est qu'elle montre à quel point, pour quiconque veut douter, il est possible de douter de tout, même quand on lui met le nez dans la vérité jusqu'aux oreilles. Dans un pays où la foi est la norme, la mauvaise foi semble parfois tout autant répandue. Cette histoire présente les théoriciens du complot comme une menace sans fin alimentant leurs fantasmes de la réalité la plus brute comme des mensonges les plus délirants avec le même appétit. En notre ère de surinformation, nous n'avons pas fini d'y être confrontés.

Alors, deuxième (et pas second) message à Jean-Kévin : l'esprit critique, ce n'est pas seulement douter de la version officielle mais aussi douter de ceux qui doutent de la version officielle. À bon entendeur, salut derechef !



Troisième histoire : HÉRITAGE (de Run et Gasparutto)


Comme ne le chanta jamais (à tort) Nana Mouskouri :
"J'ai reçu la haine en héritage
Un matin au pays des carnages
La folie, le génocide voyagent
Bien au-delà du temps
Bien par-dessus les corps des gens.
J'en ai lu j'en ai tourné des pages
Lisant des histoires de saccages
Avant qu'un flic ne me mette en cage
C'est un beau cadeau, la haine en héritage."
Voilà encore une référence qui échappera à Jean-Kévin mais c'est plus économique d'écrire des bouquins sur ce qu'il sait que sur ce qu'il ignore !
Cette troisième histoire nous ancre là bel et bien dans les activités du K.K.K. et traite assez intelligemment mais avec la rudesse propre à Run du cycle apparemment malaisé à rompre de la haine et de la violence. Une histoire n'épargnant aucun camp. Une histoire mettant dos à dos bourreaux d'hier et victimes de demain, victimes d'hier et bourreaux de demain... Divertissant et glaçant à la fois malgré la morsure des flammes.
Parce que oui, Jean-Kévin... dernière leçon : nulle violence jamais n'est légitime. Elle abîme tout autant son auteur que sa victime et si certaines sont parfois inévitables, elles n'en restent pas moins regrettables.
Alors la concurrence victimaire à laquelle tu adores t'adonner en essayant de déterminer qui de ceux-ci ou ceux-là ont le plus souffert dans l'Histoire est juste d'une insensibilité abjecte. Des gens, des communautés, des peuples ont souffert. Tout peuple a un jour été victime d'un autre, esclave d'un autre ou bourreau d'un autre... l'important n'est plus de savoir qui a fait quoi mais de savoir ce qui fut fait. Pour enfin cesser de répéter les mêmes horreurs. Tu sais ce que je dis aux bons entendeurs, hein !



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Le concept de cette série d'anthologie.
  • Le ton général de DoggyBags.
  • La qualité graphique globale.
  • La pertinence de Conspi racism.

  • Une première nouvelle narrativement en-deçà des autres.