Le jeune Messie
Publié le
10.4.20
Par
GriZZly
Me voici donc, moi qui ne crois en rien à part en l'inexistence de ce en quoi l'on croit, condamné à émettre une fois de plus un avis sur une œuvre traitant de... religion ! Par pitié, faites que cela cesse, donnez-moi une grosse comédie débile qui tache !
Après Samson qui se mettait au défi de faire de ce personnage biblique un héros de film d'aventures et Good Omens qui se riait de la religion avec talent, me voici face à une adaptation d'un roman d'Anne Rice (la maman de Interview with a vampire) qui sort elle aussi chez Saje... Il s'agit donc de The young Messiah (Le jeune Messie), réalisé par Cyrus Nowrasteh.
Anne Rice a écrit plusieurs livres d'inspiration biblique, et ce film est la transposition au cinéma de Christ the Lord : Out of Egypt, publié en 2005. Sans trop de surprise, ça ne parle pas de Lestat.
Ma formation de professeur de morale laïque m'a permis de me frotter aux différents livres saints et je me suis donc farci la Bible... mais le Nouveau Testament m'a, je dois l'avouer, donné envie de rédiger le mien dans la précipitation. Autant l'Ancien m'avait intéressé, autant la vie de Jésus contée dans le Nouveau avait sur moi les effets d'un somnifère pour pachyderme.
Du coup, j'aurais dû roupiller devant ce film, comme de juste.
Mais non. Parce que, bon sang de bois d'un nerf de bœuf à clou, même si les passages les plus religieux m'ont évidemment fait lever les yeux aux ciel (et pas pour prier Dieu, je le crains), ce film est un vrai film. Et plutôt bon, en plus. Dans son traitement comme dans son message...
Allez, on le décortique (mais en vitesse, pas comme pour Samson... parce que j'ai une vie, aussi !).
C'est apocryphe
Le personnage central de ce film est un gars vaguement connu de par le vaste monde : un certain Jésus de Nazareth. Et l'on va ici narrer son enfance. Ce qui est impossible, en réalité, selon les croyants. Pourquoi ? Tout simplement parce que la Bible ne la raconte pas. On ne parle de bribes de cette période de sa vie que dans des évangiles apocryphes, c'est-à-dire des textes se présentant comme inspirés de Dieu mais ne faisant pas partie du canon biblique juif ou chrétien.
Un premier miracle qui en énervera plus d'un ! |
Le jeune Jésus est alors impliqué dans la mort d'un enfant qu'il ressuscitera grâce à ce qui ressemble encore alors à de la magie.
C'est à ce moment que Joseph voit en rêves la mort d'Hérode le Grand, celui qui avait fait massacrer tous les nouveau-nés de Bethléem pour se débarrasser du rival qui venait de naître (oui, de Jésus, donc !). Le tyran ayant reçu son C4, toute la Sainte Famille décide donc de démarrer la deuxième partie du film qui consiste en leur voyage de retour vers la Galilée.
Mais Hérode Antipas, le fils du premier Hérode, est tout aussi à la ramasse que Papounet (il a carrément des hallucinations) et lui aussi compte bien retrouver cet enfant de la prophétie que les Juifs appellent leur roi. Non mais oh, ce morveux veut son trône, il ferait beau voir qu'il le laisse survivre !
Revenu à Nazareth après un périple plus agité qu'un canette d'Orangina (incluant la guérison miraculeuse de son oncle dans les eaux du Jourdain), Jésus veut absolument se rendre avec ses parents au Temple de Jérusalem.
Le film en profite pour restituer un des rares événements de la petite jeunesse de Jésus narré dans la Bible : quand Jésus surprend les docteurs du Temple par son érudition et sa sagesse (Saint Luc Chapitre 2, Versets 41-20... merci Google !).
Au fil du film, l'on voit un centurion romain aux ordres d'Hérode Antipas rechercher Jésus, et la menace qu'il représente est d'autant plus pesante que ce personnage, Severus, est incarné par un Sean Bean (Ned Stark dans Game of Thrones, Boromir dans Lord of the Rings...) défendant ce rôle avec intensité et authenticité. Ce personnage est supposé avoir pris part au massacre des innocents à Bethléem, lorsque Hérode a fait tuer les bébés de moins de deux ans en espérant que Jésus serait dans le lot.
Sévérus influencé par le démon... |
Lors d'un face à face entre Severus et le jeune Jésus, Bean offre un jeu sobre et impeccable qui m'a forcé à me dire : "Mon gars, respect ! Je n'avais pas envie de voir ce film, je n'avais pas envie de te voir dans ce film... pourtant, non seulement ce film est beau et bien foutu mais toi, tu es un putain d'acteur que je n'avais jamais vu aussi convaincant !"
À noter encore la présence d'un démon tentateur tout à fait dispensable sous les traits du très reconnaissable Rory Keenan (Donal dans Peaky Blinders, Léopold Ier de Hasbourg dans Versailles). Honnêtement, il ne sert pas à grand-chose dans l'histoire, si ce n'est à disculper certains humains se retournant contre Jésus, puisque influencés par ledit démon.
On aborde aussi deux passages emblématiques du Nouveau Testament.
Il y a l'ange Gabriel qui annonce à Marie qu'elle va tomber en cloque et que ce sera un gamin nommé Jésus qui sera du coup non seulement le fils de Dieu mais aussi le fils de l'Homme. Aucune mention n'est faite de la virginité de Marie... sans doute parce que le film vise initialement un public de protestants...
Mais on y voit aussi la naissance dans la crèche avec les Rois Mages et tout le toutim...
Chez nous, on appelle ça du fan service !
Ça va ? On la sent bien, l'oppression romaine, là ? |
Mais le film fait pire : il fait faire des miracles à l'enfant Jésus. La Bible stipule pourtant bien que son premier miracle est la multiplication de pains lors des noces de Cana... Mais non, Anne Rice n'en a rien à secouer. Des pains ? C'est pas un boulanger ! Allez, à 7 ans, il ressuscite un oiseau puis un gamin, soigne un homme et invente la mobylette (je voulais voir si vous étiez attentifs).
D'ailleurs, ça vaut au film ses rares mauvaises critiques... il y aura toujours des demeurés pour crier au blasphème parce qu'on a osé maltraiter un peu le matériau original... Mais ça va, quoi ! Ils n'ont jamais vu Highlander 2, ces mecs !
L'objet de cinéma...
C'est joli. Voilà, simplement... |
Les paysages italiens servant de décors ont été très bien choisis et figurent à merveille la Galilée, la photographie est très belle, le CinemaScope est très bien exploité par le réalisateur qui sait ce qu'il fait et use des moindres points de force de ce format large avec expertise.
À la fois très ancré dans l'ambiance "Nouveau Testament" et contant pourtant une histoire inédite, ce film est à la fois familier et divertissant.
Le son et l'image du BluRay étaient irréprochables et la galette contient un making-of peu intéressant, si ce n'est pour les commentaires de Chris Columbus (qui avait par exemple réalisé Maman, j'ai raté l'avion, avec un gamin nettement moins talentueux que celui-ci), ici producteur.
Thème, message et tout ça...
Avec ce film, vous aurez un film efficace sur les liens familiaux. Joseph, en père adoptif conscient du fardeau que représente la tâche d'élever un Messie, est certes intéressant mais c'est la comédienne incarnant Marie qui est touchante de vraisemblance.
Mais avec ce film, vous aurez aussi une lecture intelligente de l'enfance d'un Jésus très humain qui découvre lentement qui il est et d'où lui viennent ses dons... Parfois, le geek au fond de moi avait presque envie de sourire : En fait, gamin, tu es un mutant... viens avec moi, je m'appelle Xavier. Mais tu peux m'appeler Professeur X... Tu peux me dire "Lève-toi et marche", steuplé ?
Les dialogues, parfois un peu trop religieux pour moi (tu m'étonnes !) sont pourtant bien écrits, globalement, voire assez fins... certaines répliques me reviennent même, comme le "Tes questions d’enfant appellent des réponses d’adulte et tu es encore trop jeune pour cela" de Joseph... c'est tellement mieux tourné que "Tu pigeras quand tu seras grand".
On a donc affaire, avec ce film, à un travail réalisé avec amour et sans doute avec pas mal de foi.
On a des décors bien choisis.
On a des comédiens talentueux.
On a une histoire inspirante, à défaut d'être trépidante...
Mince, quoi ! Le gamin se serait appelé autrement et il ne se baserait pas sur un bouquin ayant donné naissance à un dogme que je combats, je crois que je l'aimerais bien !
Pas le choix, du coup.
Bien obligé de rester quand même objectif : ce film est vraiment pas mal.
Voilà.
Et ça me fait mal de l'admettre !
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