Nos années Strange
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Retour sur Nos Années Strange 1970-1996, sorti en 2011 chez Flammarion.

C'est à toute une époque, et même à un énorme pan du genre super-héroïque, que s'attaquent ici Sébastien Carletti et Jean-Marc Lainé.
L'ouvrage commence par un petit historique sur l'apparition des super-héros aux États-Unis puis par un passage en revue, fort instructif, de ce que l'on peut considérer comme étant les grands ancêtres de Strange en France. Le lecteur apprendra notamment à cette occasion le lien qui existe entre la résistance et le fait que Lyon soit devenu un haut lieu de l'édition.

Bien entendu, une grande partie du livre est consacrée à Strange et son épopée éditoriale, que ce soit au travers de ses numéros spéciaux, des couvertures et retouches françaises, des problèmes de son éditeur avec la censure ou encore grâce à la présentation des héros qui ont fait la richesse et la stabilité de son sommaire. Pourtant, ses dérivés ainsi que d'autres revues bien connues (Nova, Titans, Spidey...) sont également évoqués, tout comme les albums souples et grand format ou des magazines (Ere Comprimée, Epic...) ayant contribué à faire connaître une production américaine quelque peu atypique à une époque où le franco-belge bénéficiait d'une aura bien plus prestigieuse.



Mais, surtout, Nos Années Strange parvient, en élargissant le propos et en s'intéressant à des sujets aussi divers que les dessins animés, les séries TV, les produits dérivés ou encore les jeux vidéo, à recréer le background particulier des années 70 et 80. Des années que l'on peut considérer comme kitsch avec notre regard actuel, mais qui étaient particulièrement colorées, créatives et qui ont contribué à bâtir les fondations d'une culture populaire dont beaucoup se réclament aujourd'hui.

Les auteurs vont ainsi évoquer Lynda Carter (incarnation mythique de Wonder Woman), L'Homme qui valait trois milliards, les Misfits of Science, Manimal et nombre d'émissions cultes, comme Les Visiteurs du Mercredi. En matière de dessin animé, l'on n'est pas en reste non plus puisque, outre les DA super-héroïques, l'on aura la surprise de retrouver des pépites comme Waldo Kitty (cf. cette Parenthèse de Virgul), Hong Kong Fou-Fou ou Arok le Barbare. Et les lecteurs qui approchent la quarantaine pourraient bien également reconnaître, parmi les vieilles figurines ou les étranges véhicules illustrant la section des jouets, des objets depuis longtemps oubliés...

Peu à peu, Carletti et Lainé peignent non pas une fresque sur l'histoire de Strange mais bien la toile de fond de notre enfance, faisant remonter à la surface de notre conscience souvenirs et émotions.
Il faut souligner la grande qualité du texte, dont le style agréable et fluide (et sans coquilles !) permet une immersion totale. Le tout est bien évidemment abondamment illustré, richement documenté et non dénué d'humour.
Allez, seul petit bémol, une certaine bienveillance qui, à propos de quelques sujets, n'aide pas à refléter la réalité. Ainsi, Mikros est qualifé de "géant de la BD populaire française", ce qui semble un peu exagéré au regard de la notoriété toute relative du héros. De même, à propos du Strange relancé en 2007 (cf. encadré), il est dit qu'il "perpétue la légende", ce qui semble là encore un peu optimiste si l'on compare avec les séries cultes de son aîné. Rien de bien méchant toutefois et l'impression générale reste très positive tant l'on sent ici un travail de fond, sérieux, qui respire la passion.

Une manière de découvrir une époque pour les plus jeunes, ou de s'y replonger pour ceux qui l'ont vécue.
Un beau livre et un bon moment de lecture, doux et nostalgique.

176 pages - 234 x 265 mm - 14,90 €




Strange version Organic

Le 8 janvier 2010, la nouvelle version de Strange, baptisée "journal des sup'héros", sort dans les kiosques.

Une petite explication s'impose sur la renaissance de cette revue. Tout le monde connaît le Strange (de Lug puis Semic) qui a publié pendant des années les plus populaires séries Marvel. Semic perd la licence Marvel en 1996. Strange va alors publier du DC pendant deux ans avant de s'arrêter, en 1998, au numéro #335.
Organic Comix, une association lyonnaise, a fait revivre le titre en 2007, uniquement en librairie spécialisée cependant. Du coup, lorsqu'il sort en kiosque, il affiche alors une triple numérotation : "n°1 Extra 345/10", ce qui signifie en fait qu'il s'agit du premier numéro disponible en kiosque mais du 10ème réalisé par Organic et du 345ème si l'on prend en compte la numérotation originale.

Niveau contenu, l'on trouve bien entendu des BD mais aussi quelques interviews et une sorte de mini revue de publications très confidentielles.
À l'époque, les séries publiées sont Godland de Joe Casey (scénario) et Tom Scioli (dessin), Lorelei, par Steven A. Roman (scénario) et Neil Vokes & Steve Geiger (dessin), et enfin le Fantask' Force de Reed Man (sans doute le titre le plus agréable à lire, malheureusement aussi le plus court).

Cette version prendra malheureusement fin assez rapidement, en 2011, avec la sortie du numéro 350...





+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Le côté nostalgique.
  • Blindé d'infos.
  • De très nombreuses illustrations.
  • Un texte de qualité.

  • Un enthousiasme qui prend parfois le pas sur l'objectivité.