Spoon & White #9 - Road'n'trip
Par

Yipee-ki-yay, cajoleurs de mamans ! Spoon et White sont de retour et ils n'ont pas pris une ride...
À part celles aux commissures des lèvres que grave le sourire.


Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, attention, attention, nous approchons d'une zone à haut risque de manque total d'objectivité : on s'attaque cette fois à une de mes madeleines. Une madeleine de prout, au vu de l'humour concerné par la bande dessinée du jour. Voici venir les inspecteurs Spoon et White, du New York City Police Department, les flics les plus nazes (mais jamais nazebroques) qu'aient connus les forces de l'ordre de Big Apple ! 

Ces deux débiles issus de la délirante collaboration de papa Léturgie (à la plume) et fiston Léturgie (au dessin) ont fait les beaux jours de mes lectures adolescentes et figurent, avec les inspecteurs Bougret et Charolles du génial Maëster (lisez Meurtres fatals graves, c'est un ordre !), parmi mes policiers préférés dans le neuvième art. Je ne goûte guère aux récits policiers que lorsqu'ils sont parodiques, comme vous l'aurez compris.
Après avoir été recrutés chez Dupuis et avoir été mutés chez Vents d'ouest, le petit Spoon et le grand White ont pris un congé sabbatique de plus de dix ans... on ne se refuse rien, dans la police. Les voici de retour chez Bamboo, qui compte bien rééditer un à un les anciens numéros (excellente nouvelle pour les amateurs de gags à la noix, d'humour noir, de parodie et de délires) mais qui nous fait aussi le plaisir de nous offrir enfin le tome 9 des aventures de ce duo aussi improbable qu'un essai philosophique sur l'exégèse des réflexions éthiques dans la pensée de Cyril Hanouna.

Dès la couverture, comme souvent avec eux, ça clame haut et fort son caractère parodique en nous saucissonnant notre pauvre nabot de Spoon à l'avant d'un camion-citerne conduit par ce dadais de White, façon Fury Road du pauvre. On ne sera pas dépaysés : ça reste profondément crétin et c'est bien pour ça qu'on les lit... Cette série n'a jamais prétendu être autre chose que le divertissement qu'elle est.

Une fois de plus et paradoxalement, le détonateur de toute l'action sera une bombe : la plantureuse journaliste de BNN, Courtney Balconi, indétrônable objet du désir romantico-libidineux des deux puceaux magnifiques qui donnent leurs noms à cette série.
Cette fois, après une intro relativement indépendante du reste de l'histoire, où nos deux poulets vont totalement se griller en se lançant dans une improbable mission de récupération d'objet volé (appartenant à leur idole), un bête malentendu dont lui seul est capable va convaincre Spoon que sa Courtney compte demander sa main à son péquenot de paternel.


S'ensuivra la continuation de l'éternelle guerre de rivalité sans merci des deux hommes pour le cœur de la belle qui, elle, ne s'intéresse bien évidemment à aucun de ces blaireaux ! Il faut dire que les bonshommes ne sont pas ce qu'il est coutumier d'appeler de bons partis...

Spoon est un nabot belliqueux et imbécile, maniaque de la gâchette mais incapable de viser juste, fanatique de Walt Disney et des films de Clint Eastwood, qui a la maturité d'un gamin de cinq ans et vit entouré de peluches dans une caravane pourrie façon Martin Riggs dans L'arme fatale.
White, de prime abord, semble plus distingué et normal mais c'est sans compter son obsession à se revendiquer descendant des colons du Mayflower, sa rage intérieure, sa haine de Spoon les amenant souvent à tenter de s'entretuer et la façon délirante dont il rêve son existence sans comprendre qu'il se fait des films.
Mêlez à cela un reportage illégal, une enquête sur le mystérieux gaz de shit (sans déconner, ils ont osé !), les retrouvailles peu cordiales entre Spoon et sa famille de rednecks ravagés du bulbe plus proches de la famille Firefly (mais si, voyons : les tarés sociopathes des films de Rob Zombie) que des Ingals (si La petite maison dans la prairie vous parle davantage, votre adolescence a été morose) et des tas, des tas, des tas de parodies, de vannes lourdingues, de jeux de mots foireux et de dégâts collatéraux... et vous obtiendrez un Spoon & White suivant scrupuleusement son propre cahier des charges. Peut-être même un peu trop...


Je leur préférais ce design,
même si la nuance peut sembler subtile...
Comprenons-nous bien : la madeleine sentait la madeleine et j'ai pris du plaisir à en retrouver le goût. Mais ce n'est pas le meilleur album de la série. D'autres étaient bien plus drôles, plus aboutis... ce n'est pas la meilleure histoire, ce ne sont pas les parodies les mieux vues et ce n'est pas l'album le mieux dessiné. D'ailleurs, le trait a perdu en saveur, je trouve... quand je feuillette les albums d'il y a dix ans, je trouve les traits de Spoon moins grossiers et le physique de White semble moins hurler à la face du monde : "Je suis d'une bêtise incommensurable !" Du coup, ça fonctionnait mieux parce que les effets comiques étaient moins attendus. Ici, rien qu'à voir les dégaines, on a pigé à quoi on aura droit.

Un tome en demi-teinte, pour moi... mais les retrouver fait quand même plaisir. J'imagine qu'il a été pensé comme tête de gondole pour la réédition de la série intégrale. Après tout, les lecteurs attendaient cette suite et acheter ce numéro neuf donne envie d'avoir les huit autres dans la même édition... c'est bien vu.

Personnellement, j'espère que cette série reprendra de plus belle mais en prenant plus de risques, en redevenant ou en devenant davantage encore qualitative. J'espère plus d'imagination, plus de pastiches, plus de caricatures, plus de détournements, plus d'enjeux... Faites-nous rêver, quoi !

Ah, tiens, au final, j'ai quand même été plutôt objectif...



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Le retour après 10 ans d'absence de la lie du NYPD.
  • Un humour toujours aussi décomplexé.
  • Ce tome 9 annonce la réédition des 8 premiers.
  • L'antagonisme perpétuel entre les deux protagonistes fait trop oublier leur obligation de bosser en partenaires.
  • Le scénario et le dessin font le boulot mais restent en deçà de plusieurs tomes précédents.
  • Le "bof" vient de ma déception d'amateur de la première heure... l'album ne mérite pas ça mais c'est la transcription d'un regret personnel.