Nécromants 1/2
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Ce livre est un scandale et la collection Drakoo m'énerve à publier ce genre de choses !



Ça devient vraiment gênant, sans déconner ! Non mais il va falloir qu'ils se calment, chez Bamboo... Avec leur collection Drakoo, je vais finir par me payer une réputation de complaisance, à la fin, moi. Je ne suis même pas un gentil, en réalité... Mais comment voulez-vous que je ne sois pas séduit par cet album ? Est-ce humainement possible pour un gars comme moi de résister à ce combo "nostalgie + idées originales + humour + qualité" ? Sans rire, j'en ai marre, là : que ces gens commencent vite fait à produire quelques daubes sans intérêt, mince ! Parce que, après Dragon & poisons et Les Artilleuses, qui avaient déjà bénéficié de chroniques élogieuses de ma part, voici venir un nouveau diptyque dont le tome 1 me séduit... alors, s'il-vous-plaît, foirez complètement le tome 2 : droguez Olivier Gay pour qu'il se mette à écrire des incohérences par paquets de douze, coupez l'électricité chez Tina Valentino pour qu'elle dessine dans le noir ou forcez Alice Scimia à poser ses couleurs avec une truelle rouillée... je ne sais pas, moi, mais trouvez quelque chose ! Vous me faites passer pour un bisounours, messieurs-dames de chez Bamboo, et ça ne me plaît pas du tout !

Tout commence avec cette insupportable couverture affichant sans vergogne le travail au cadrage élégant d'une dessinatrice géniale, colorisé avec talent... Mais là, à la limite, on pourrait encore soupçonner le genre d'arnaque courante en bande dessinée consistant à offrir une couverture merveilleuse à un contenu se moquant du petit peuple. Mais non, même pas ! Esthétiquement, ils n'ont même pas la fichue décence d'avoir engagé une dessinatrice qui donne tout sur la couv' et exhibe sa flemme sur les planches. Non... ici, elle se permet de faire de la moindre case une illustration agréable à regarder, riche en détails et parfois même tout simplement belle. Ça va aller, Bamboo ? On ne vous gêne pas trop, non ?

Puis bon, comme si ça ne suffisait pas, ils ne me laissent même pas la possibilité de flinguer la narration de ce tome 1. Avec leur damnée manie d'engager de vrais auteurs de qualité pour scénariser leurs bandes dessinées, on se retrouve avec des histoires même pas bancales, même pas incohérentes, même pas simplement un tout petit peu chiante. Qu'est-ce que je critique, moi, si tout est foutrement bien fait ? Vous me gonflez, les gars, vraiment ! Mais bon. On va en causer, de votre BD, là, hein. Il faut bien. Ben si, il faut bien parce que vous méritez d'en vendre des palettes entières de votre machin, tellement c'est bien. Ben oui. Mais sur quoi je me défoule, moi, alors ? Vous y avez pensé à ça ? Non, ben non... saleté d'égoïstes à toujours vouloir bien faire, va !


En gros, Olivier Gray nous a pondu un univers de fantasy original aux allures de Moyen Orient, ce qui fait que, forcément, c'est classique mais aussi un peu dépaysant. Et ça, déjà, c'est énervant : parce qu'on s'y attache très vite et que ça fonctionne très bien.
En habitué du jeu de rôles, le bonhomme sait parfaitement que le blabla est soporifique. Du coup, sa scène d'introduction pose ses personnages en pleine action en les confrontant dès les premières page à ce qui sera l'enjeu majeur des deux albums prévus. Pif paf, quelques pages et l'univers est posé, les personnages plantés, la dangerosité du grand méchant illustrée et la quête principale expliquée. Vous le sentez, mon dégoût pour l'intelligence de la démarche, là ? Vous sentez mon "seum", comme diraient mes élèves ? Je déteste les auteurs intelligents et leur bouclier anti-critiques... ils m'obligent à écrire des niaiseries comme "Dans cette introduction intelligente, l'on apprend que celui qui sera notre héros (Acher) et sa sœur (Morla) sont capables de contrôler l'âme de défunts pour bénéficier de leurs savoirs. Mais bien vite, ils vont être confrontés à un fantôme trop puissant pour eux  (Boph-Êt) et qui va prendre le contrôle de la jeune fille devant son frère, impuissant.".
Oui, on fait dans le classique avec un peu d'originalité : les nécromants, ici, ne relèvent pas des cadavres (enfin si, mais pas seulement), ils sont surtout capables d'asservir les âmes des défunts et s'accaparer leurs connaissances et leur maîtrise. Sauf peut-être Acher qui, lui, ne brille guère par son autorité auprès des âmes en sa possession : il s'en fait davantage des amis qui l'aident... dans la mesure de leurs capacités. Oui, parce que les fantômes attachés à Acher sont relativement ringards dans le genre : on a droit à un érudit passablement dissipé, à un combattant n'ayant jamais remporté le moindre combat et à... une danseuse du ventre. Ils sont certes sympathiques mais pas d'une utilité dingue.
Vous l'aurez compris, la BD a la bonne idée (bah tiens, comme c'est étonnant) de se choisir un héros un peu minable mais sympathique en diable, qui va devoir se surpasser et jouer sur ses qualités humaines plus que sur ses compétences pour s'entourer de gens efficaces et pousser les incompétents qui le hantent à se dépasser bien plus après leur mort qu'ils ne l'ont jamais fait de leur vivant. Et c'est une bonne idée aussi, ça ! Ils en foutent partout, des bonnes idées. Ça m'énerve !
Acher va donc décider de libérer sa sœur de l'emprise du fantôme de Boph-Êt... mais la tâche sera d'autant plus ardue que ledit Boph-Êt était de son vivant le nécromant le plus puissant qui fût... 
Le plan d'Acher consistera donc à retrouver les sépultures des trois héros ayant vaincu autrefois ce monstre afin de les soumettre à sa volon... euh... non... afin de leur demander poliment un coup de main, dirons-nous. Étant donné les jets de dés pathétiques ayant attribué au pauvre jeune homme ses caractéristiques de charisme et de compétences nécromantiques, c'est à peu près tout ce qu'il lui est permis d'espérer.


Mais ce plan si brillant ne cache-t-il pas autant de dangers que de surprises ?
Ben si, forcément, puisqu'on vous dit que c'est une bonne BD ! Ben oui ! Avec un scénario un rien original, c'était déjà pas mal mais, en plus, il fourmille autant de gags et de petits coups de coude aux lecteurs que le dessin fourmille de détails. Et en seulement 48 pages, ça vous fait voyager dans un univers inédit et pourtant d'emblée familier par ses multiples références.
Vous voyez ? Je vous l'avais bien dit que c'était exaspérant. 
Ben oui, je suis enthousiaste. Et je n'aime pas me sentir comme ça, j'ai l'impression de passer à côté de défauts que je devrais vous signaler mais... mais non. Quand bien même y aurait-il des défauts à signaler effectivement (et je n'en vois aucun qui soit digne d'être mentionné), je ne tiendrais pas à le faire parce qu'il faut encourager Bamboo à mettre le paquet sur sa collection Drakoo. Parce qu'Arleston fait un super boulot à sa tête et que tout ce qui en sort est objectivement qualitatif et mérite le succès !

On ne va pas se mentir : ce genre d'album a rigoureusement tout pour me plaire tant il colle, comme ça arrive assez logiquement chez Drakoo, à cet esprit Lanfeust Mag dont je vous ai déjà parlé dans les deux articles précédents consacrés à cette collection et cités plus haut.
D'ailleurs, ce héros un peu naïf voire incompétent, mais bien entouré et sans doute promis à une grande destinée, n'est pas sans me rappeler un rouquin pas vraiment étranger au magazine susmentionné. Et ça aussi, ça m'énerve parce que ça a la bassesse de titiller chez moi une corde sensible.
Du coup, là, je devrais avoir un coup à jouer. Il y a un vrai défaut que je devrais pouvoir pointer du doigt : ça ressemblerait trop à l'ami Lanfeust ! Et là, je pourrais me fendre d'un couplet haineux sur cette habitude du recyclage qui n'invente rien... 
Mais vous devez avoir compris que ce serait mentir. En dehors de rares similitudes, Nécromants n'a rien à voir avec son illustre cousin éloigné. Il en réutilise avec parcimonie quelques codes mais s'en affranchit surtout en créant les siens propres...

Du coup, je vais ranger ma plume haineuse au profit de celle que je trempe dans le respect et l'admiration pour une ultime phrase d'une subjectivité éhontée : j'ai aimé cet album de A à Z et n'attends que la suite pour confirmer tout le bien que je pense déjà du travail des gens aux origines de ce projet.
J'ai trouvé mon coup de cœur du mois, je crois !


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • C'est classique mais original, comme une recette expérimentale dans une vieille marmite.
  • C'est drôle sans jamais être ridicule.
  • C'est beau sans être tape-à-l'œil.
  • C'est un must have si vous aimez la fantasy que l'on connaît depuis 20 ans sous la tutelle d'Arleston.


  • Autant de talent titille ma jalousie.
    Ah ben si, c'est un défaut, si !