Scurry - tomes 1, 2 & 3
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Dans un monde post-apocalyptique où l'espèce la plus inadaptée à un retour à la vie sauvage a périclité,
seules subsistent encore les autres qui n'y avaient pas renoncé.


Dans ce contexte, pourtant, les souris domestiques se retrouvent bien emmerdées : comme ces imbéciles de survivants dans The walking dead, elles ne vivent depuis longtemps que des restes laissés par les humains du temps de leur splendeur. Or, les stocks s'amenuisent et les maraudes deviennent aussi dangereuses que peu fructueuses.
La famine fait ses premières victimes... Il est temps de quitter l'ancienne bâtisse qui abritait nos amis. Deux camps s'affrontent alors : faut-il rejoindre la forêt et ses multiples prédateurs ou la ville et ce qui a peut-être causé la disparition des humains ? 
Nous allons suivre les trépidantes aventures de Winx, intrépide éclaireur tout roux, et de Pict, la non moins téméraire fille du chef de la colonie qui arbore, elle, un pelage blanc. 

Nous n'allons pas ici vous résumer l'histoire relativement classique de ce triptyque : c'est une quête enchaînant opposants et adjuvants de façon assez classique, mais transposée au monde de nos petites bestioles. C'est plaisant à lire, les rebondissements sont nombreux, les personnages sont intelligemment écrits (protagonistes comme antagonistes), les enjeux tiennent la route et aucun reproche ne peut foncièrement lui être fait, narrativement, sans faire œuvre de mauvaise foi. C'est une honnête dystopie animalière qui surprend rarement mais qui ne se moque jamais de son lecteur.

Il y a bien quelques passages sacrifiant à un rythme plus lent, voire même certains cédant à un verbiage un rien trop encombrant pour n'aboutir au final qu'à ce que l'on attendait déjà à la moitié de la conversation... Mais ces pauses sont intelligemment égrenées tout au long des trois tomes et ne rendent les nombreuse scènes à suspense que plus poignantes.
La mise en scène et en images de ces dernières est d'ailleurs d'une efficacité redoutable, au point qu'il est rare de trouver d'autres bandes dessinées qui permettent une telle immersion dans l'action.
Le flou de mouvement, la profondeur de champ mettant le danger en exergue... toutes les techniques du cinéma sont ici efficacement figées sur papier glacé.
Tout est expressif, jusqu'aux phylactères et aux polices de caractère.
L'histoire étant assez dure et le dessin impactant, je me risque quand même à suggérer que l'ouvrage n'est peut-être pas destiné pour un public trop jeune... Mais disons que, dès huit ans, ça devrait être une lecture très appréciée de tous.
La galerie de personnages est assez large et variée, offrant d'innombrables souris mais aussi du chat, du loup, du renard, du rapace, du serpent, du castor, de l'élan... mais la narration y reste toujours claire et jamais l'on ne se perd entre tous ces animaux si bien caractérisés par un dessin numérique de très haute volée.

Car s'il est bien un critère qui a dû donner envie à Delcourt de sortir une version papier de ce web-comic issu d'un campagne participative, c'est sans conteste son esthétique irréprochable.
Si Mac Smith nous a ici livré un scénario assez convenu, il n'en est pas de même de son graphisme et de ses couleurs. C'est splendide ! Le bonhomme est spécialisé dans les arts digitaux et a travaillé à maintes reprises pour le monde des jeux vidéo. Sa première incursion dans des cases de comic book met un généreux coup de boule au reste de la profession, renvoyant tout le monde à sa table à dessin ou à sa tablette graphique.
L'anthropomorphisation légère des animaux, les environnements, la lumière, les ombres, les textures, les profondeurs de champ, les angles de vue, le choix des plans... tout pousse à voir Scurry comme le plus abouti des storyboards pour un film d'animation éminemment sympathique.
Dans un milieu hostile, voir ces animaux minuscules confrontés au retour à l'état sauvage des chats domestiques, puis à l'appétit des rapaces, à celui des loups et aux éléments provoquant inondations et incendies... c'est de la grande aventure à hauteur de souris. 
Alors, quand c'est servi avec une telle maestria visuelle, on s'incline et on en redemande ! Et ça tombe bien puisque l'auteur sous-entend en postface que Winx et Pict n'ont pas fini de nous dévoiler leur quotidien.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un graphisme irréprochable.
  • Des protagonistes attachants.
  • Des antagonistes inquiétants, voire effrayants.
  • Un récit rondement mené.
  • Un scénario peut-être un rien convenu, dissimulé derrière mille péripéties faisant oublier la simplicité de la trame globale.