Sea of stars
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Les spectateurs habitués des vidéos du Joueur du Grenier seront surpris de constater que certaines pratiques
de développeurs de jeux semblent s'être répandues jusque chez les auteurs de comics indies...
Parce que, clairement, ceux-ci carburent à quelque chose !


Et c'est de la bonne, les amis !

Sea of Stars a l'indéniable qualité de ne pouvoir laisser indifférent. Ça foisonne d'idées, de gags étranges, de situations grotesques, de messages spirituels, de péripéties, de personnages typés... Mais, bon dieu de bois auquel je ne crois pas, qu'il nous fut difficile d'y adhérer ! L'entrée en matière relativement réaliste et crédible fait bien vite place à une sorte de séquence de délire inspirée par je ne sais quel champignon peu comestible qui sera ensuite justifiée par la présence d'un artefact appartenant à une divinité extraterrestre. Cela vous donne-t-il une idée de notre niveau de perplexité au bout de quelques dizaines de pages ? Mais, osant tout et ne reculant devant rien, l'histoire a fini par nous embarquer et nous laisser, au terme de ces 275 pages, un peu perplexes et dubitatifs.
La science-fiction, c'est le terrain de jeu idéal de l'imaginaire. Jason Aaron (Southern Bastards) et Dennis Hallum (Vader : Dark Visions) l'ont bien compris et nous gratifient ici d'une œuvre assez touchante émotionnellement, mais diablement barrée et ne faisant aucun compromis : elle a des envies extravagantes de narration et elle ne se gênera nullement pour vous les jeter sur papier !

Nous suivons donc le jeune Kadyn qui, avec son père Gil, traverse l'espace dans un vaisseau convoyeur transportant une cargaison issue d'un musée alien. Il s'ennuie ferme et décide de jeter un œil à cet exotique chargement. C'est le moment que choisit une sorte de grosse abomination spatiale pour bouffer le vaisseau sans même la moindre présentation préalable. Fils et père vont être séparés lors de l'explosion qui s'ensuivra et tout le reste de l'histoire nous présentera la quête de Gil pour retrouver sa progéniture ainsi que l'étrange odyssée de Kadyn qui va, pour sa part, devenir détenteur de pouvoirs divins suite à une exposition à l'un des objets présents dans la collection muséale.
Jouant avec les codes des épopées maritimes, Sea of Stars nous fera rencontrer des populations extraterrestres rappelant furieusement les peuples autochtones sud-américains assez évidemment appelés les Zzazteks. Initialement pris pour la réincarnation d'un dieu disparu, Kadyn échappera de peu à un sacrifice rituel visant à le séparer de sa part divine de la façon la plus tranchante qui soit.

Au dessin, Stephen Green se met au diapason de l'écriture de ses deux potes et nous gratifie de cases colorées faisant la part belle au mauve et au rose, ce qui fait d'ailleurs la spécificité graphique de cet album. Les couleurs sont majoritairement des aplats ombrés de noir. Le dessin est correct et de qualité constante, offrant des personnages très identifiables et une action très lisible.
L'on peut se prendre aisément au jeu des références et, pour le dessin comme il en était pour l'histoire, les allusions culturelles ne manquent pas... par exemple, le look initial de la Zzaztek ci-contre doit être inspiré par des artworks du jeu vidéo Destiny ; ou les deux ont une inspiration commune que l'on ne connaîtrait pas.

Avant toute autre chose, ce comic présente l'histoire d'un fils, un fils dont le père ferait tout pour le retrouver. C'est l'histoire d'un amour paternel et d'un amour filial. C'est une histoire universelle, aux confins de l'univers...

L'on trouvera tout autant de partisans de ce récit que de personnes affirmant n'être pas parvenues à le lire jusqu'au bout. Outre le fait qu'il faille selon nous être une nouille dotée d'une volonté aussi épaisse et digne qu'une flaque de pisse de syphilitique pour ne pas parvenir à lire une BD de moins de 300 pages en entier, il nous semble intéressant qu'elle soit à ce point clivante. Sans doute est-ce dû à sa grande liberté de ton, aux libertés prises avec la crédibilité dans un genre SF qui en fait parfois un mantra, à son personnage central qui peut parfois se montrer horripilant d'insouciance... Peu importe. Car si c'est un album de Jason Aaron qui fait moins l'unanimité que d'autres, il aura au moins l'intérêt d'offrir une véritable proposition et de fournir à son lecteur quelques pistes de réflexion vraiment intéressantes, tant sur l'univers en lui-même que sur la science-fiction en particulier.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un dessin très efficace.
  • Un scénario original.
  • Une réflexion par l'exemple sur la nature de la science-fiction.


  • Une mise en couleurs qui peut déplaire.
  • Une scénario qui semble parfois en roues libres.
  • Une œuvre clivante, comme toutes les œuvres ayant un véritable propos.