Safrane Chu #2
Publié le
1.10.22
Par
GriZZly
Mangeaille et picoles entre amis, peintures et enchères,
voyages dans le temps et meurtres de sang froid.
Le premier tome de Safrane Chu nous avait plutôt plu et c'est donc avec entrain que nous nous ruâmes sur ce deuxième bouquin.
Premier constat : John Layman et Dan Boultwood remettent le couvert, ce qui assure une continuité narrative et graphique à la série... et c'est pas plus mal quand on considère ce qu'est Safrane Chu. Pas sûr que des tas d'auteurs puissent se livrer à un tel exercice tant c'est en dehors de la plupart des codes.
Cette fois, notre ciboparse (elle capte les connaissances, capacités et secrets des gens avec qui elle casse la dalle) va se lancer dans un braquage improbable dans le monde des amateurs de pinard de luxe. Elle y découvrira même un cru permettant de remonter dans le temps en se téléportant à l'endroit et à l'époque de sa mise en bouteille... Voilà qui est bien pratique lorsque l'on convoite quelques antiquités et que l'on sait que l'effet se dissipera dès l'ivresse évaporée !
Son fidèle acolyte Eddie Molay est encore de la partie et s'avère toujours aussi ringard, inutile et potentiellement encombrant ; le vieux papy Ong Chu, quant à lui, reste le genre de grabataire qui ne cesse de grabater et dont nos tourtereaux usent et abusent pour leurs escroqueries diverses et variées, comme si le pauvre vieux catatonique en chaise roulante n'était qu'un outil parmi d'autres.
Sur leur chemin se dresseront d'anciens ennemis et de nouveaux ; à leur côtés émergeront de nouveaux associés... mais nul n'est ici à l'abri d'un courant d'air intra-auriculaire généré par une balle impromptue, à part nos "héros".
La commande est passée, l'assiette est servie et la recette est respectée mais il nous est impossible de ne pas ressentir comme un arrière-goût étrange... un peu comme si, conscient que le piquant était son point fort, un marchand de tacos en vendait avec une teneur en épices et en piments interdite par les accords de Genève.
Avoir une héroïne sexy à la violence décomplexée, continuellement transgressive et dotée de tous les savoirs et toutes les capacités que l'on peut maîtriser à condition d'avoir partagé un mets avec un spécialiste de la discipline est un parti pris de départ que l'on peut entendre... Qu'elle soit dans l'excès est donc naturel. Que le tout se passe dans un univers "plus cartoon, t'es un toon", soit. Que le scénario semble n'être là que pour servir de fil sur lequel enfiler scènes de violence, humour crétin et roublardise, admettons...
Mais nous sommes plus embarrassés par la vanité contradictoire de ce tome. Safrane apprenant énormément de choses lors de chacune de ses aventures grâce à ses talents de ciboparse, l'on serait en droit de la voir évoluer bien davantage. Il n'en est malheureusement rien. Et ce bémol a tendance à se répercuter sur notre perception de l'ensemble : pourquoi tant de victimes et de dégâts dans le sillage de la jeune femme si c'est pour qu'elle en retire au final si peu ? Tout cela semble alors trop gratuit et certains des meurtres de Safrane passent dès lors pour du vice de sociopathe... Mais a-t-on envie de suivre les aventures d'une clopeuse alcoolique dérangée tuant de sang froid, quand bien même fut-elle gaulée comme une ambassadrice Aubade dopée aux hormones féminines ? Rien n'est moins sûr et, pour ma part, elle a perdu la sympathie que j'avais pour elle à plusieurs reprises.
Comprenons-nous bien, je ne donne pas ici de leçon de morale à l'auteur : il est bien libre de faire crever dans la douleur 99 % de ses personnages si ça le réjouit... mais que cela ne fasse en rien avancer le récit est plus problématique narrativement parlant.
Quand on n'a plus rien d'autre à raconter que la mort d'un homme, c'est qu'on n'a rien à dire. Et trop souvent, ici, des personnages sont tués pour simplement les faire disparaître de la narration, sans que cela ait la moindre incidence sur le monde environnant.
Quand on n'a plus rien d'autre à raconter que la mort d'un homme, c'est qu'on n'a rien à dire. Et trop souvent, ici, des personnages sont tués pour simplement les faire disparaître de la narration, sans que cela ait la moindre incidence sur le monde environnant.
C'est donc animé d'une légère déception que je termine mon assiette. Je n'hésiterai pas à me servir à nouveau au même buffet mais ce sera essentiellement en espérant un assaisonnement plus digne des ingrédients de base.
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