Avant-Première : Maestros
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De la magie franchement originale dans un univers trash et déjanté, c'est ce que propose l'excellent Maestros.

William est un magicien. Un vrai. Il ne fait pas de tours de carte, ne sort pas des machins de son chapeau, il modifie réellement les objets ou les gens. Et il gagne sa vie, notamment, en agrandissant le... sexe de ses clients. Malgré ses pouvoirs, Will est plutôt paumé, condamné à mener une vie insignifiante. Jusqu'au jour où on lui annonce que, sur son monde natal, le Maestro, son père, a été assassiné.
La vie de William change alors complètement. Il devient l'être le plus puissant de l'univers, capable de remodeler la réalité selon son bon vouloir et de dicter sa loi dans de multiples mondes, fussent-ils peuplés d'Elfes ou de Trolls.
Mais un tel pouvoir attire forcément des convoitises. Déjà, un sombre complot se trame. Le sinistre Rygol cherche à s'emparer du trône mais aussi du Tome de la Refonte, un ouvrage renfermant un sort à la puissance démentielle...

Eh bien voilà un récit complet (une histoire torchée en un seul tome, c'est suffisamment rare pour être souligné) qui est en plus sacrément original et bien foutu !
Le scénario et les dessins sont signés Steve Skroce, la colorisation est assurée par Dave Stewart. Commençons par l'intrigue et l'étrange univers dans laquelle elle prend place.
Les premières planches pourraient sembler un peu "too much", autant pour le style graphique (foisonnant et évoluant entre le kitsch et le gore) que les termes exotiques, les personnages complètement barrés et les tournures de phrases aussi absconses que poétiques. Malgré tout, l'auteur parvient à faire pénétrer le lecteur dans son univers, et même à l'y scotcher très rapidement.


Rares sont les bons dessinateurs qui sont aussi de bons scénaristes. Skroce, qui a œuvré comme storyboarder sur pas mal de films (Matrix, I, Robot, V for Vendetta, Cloud Atlas...), démontre ici l'étendu de son extraordinaire maîtrise des deux domaines, pourtant techniquement radicalement différents.
Les personnages sont parfaitement caractérisés et introduits, l'histoire est élégamment tendue et rythmée, et l'auteur se permet même de manier un humour corrosif, sans pour autant amoindrir la portée dramatique de certaines scènes ou décrédibiliser l'univers dépeint. Le tout dans une sorte de soupe métaphysique complètement folle mais crédible. C'est carrément un sans faute.

Graphiquement, le style baroque, sanglant, presque expérimental parfois, s'éloigne carrément des sentiers battus et de la seule recherche esthétique. Attention, c'est souvent beau, les personnages et créatures sont parfaitement dessinés, mais il y a également une vraie recherche quant à la mise en scène du glauque, de ce qui est censé choquer le regard ou l'esprit.
La magie, les différents peuples, certains lieux incroyables, tout est représenté avec soin et vient renforcer l'ambiance très particulière et parfois "malaisante" (dans le bon sens du terme) de ce récit.
Si vous souhaitez lire un truc un peu couillu, qui sort de l'ordinaire et sent bon le savoir-faire et les neurones en activité, on vous conseille vivement de vous ruer sur Maestros.

À l'origine publié par Image Comics, l'ouvrage sort en France chez Hi-Comics le 23 janvier 2019.
17, 90 euros, pour environ 190 pages.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Brillant et original.
  • L'humour.
  • Un style graphique riche, efficace et parfois déroutant.
  • Un univers complexe mais cohérent et accessible.
  • Un traitement de la magie franchement fun et intelligent.

  • À réserver à un public adulte.