Tokyo Revengers - Retour vers le "furyo" futur
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Le troisième tome de Tokyo Revengers sera en vente le 21 août. Celui-ci poursuit l'histoire originale de Takemichi, jeune délinquant revenu douze ans dans le passé pour empêcher la mort de son ancienne petite amie "dans le futur". Étrange mélange des genres, Tokyo Revengers est un manga de type "furyo" (sur les délinquants), rappelant parfois les célèbres GTO ou encore Bleach et Erased. L'œuvre flirte aussi avec le fantastique voire la science-fiction (l'inépuisable thématique du voyage dans le temps) mais aussi le thriller bien ficelé et, évidemment, la baston. Découverte.

Dans les tomes 1 et 2, on suit Takemichi. En 2017 : le jeune homme est brun, célibataire et enchaîne les petits boulots peu glorieux. Un jour il entend aux informations que Hinata est morte, ainsi que son frère Naoto, victimes collatérales d'une guerre des gangs urbains. Il se rappelle alors de son adolescence, au collège, quand il sortait avec Hina. Peu après, quelqu'un le pousse sous un métro et Takemichi atterrit en 2005, précisément en quatrième, quand il était blond et une petite racaille. Ce saut dans le temps (qui trouve une explication par la suite) est l'occasion de modifier le passé et, peut-être, sauver Hina et Naoto.

Takemichi ne reste pas "coincé" dans le passé, il peut revenir dans le présent/futur (2017) en serrant la main de Naoto (le frère d'Hina). De la même manière, Naoto peut renvoyer Takemichi dans le passé, faisant ainsi des "allers-retours" entre les deux époques et pouvant constater si ses actions de 2005 ont une répercussion "dans le futur", sur des évènements qui devaient avoir lieu en 2017. Le destin de chaque personnage peut ainsi se modifier si Takemichi empêche ou provoque une rencontre par exemple. Naoto étant devenu un talentueux policier en 2017, il s'associe avec Takemichi pour comprendre les rouages qui ont conduit à l'affrontement entre les bandes rivales de délinquants 12 ans plus tard.
Surprenante car rarement prévisible (un des points forts de la série), l'histoire se dirige vers des sentiers audacieux propres au genre : Takemichi se retrouve bien vite ami avec le charismatique Mikey, futur responsable de la mort de sa petite amie par exemple.


Tokyo Revengers parvient à maintenir un suspense et un rythme remarquable en partant de ce concept original et intéressant. Tout est parfaitement maîtrisé dans la narration : on navigue avec une fluidité exemplaire dans le temps, on comprend les enjeux, on s'attache aux protagonistes, etc. Il y a très peu à redire, c'est même très drôle, on sourit voire on rit souvent ! Entre les gags visuels, l'absurdité de certaines situations, les échanges entre l'esprit "plus âgé" de Takemichi et son "lui plus jeune", etc. l’œuvre est parsemée d'un humour simpliste et efficace, refusant d'adopter un austère premier degré qui aurait conféré une ambiance sans doute trop sérieuse et trop sombre à l'ensemble pour réellement fonctionner. L'équilibre entre chaque style (humour, baston, science-fiction...) est donc dosé intelligemment. Pour chipoter, on peut évoquer une certaine difficulté à retenir les noms (et "fonctions") de chaque personnages (surtout s'ils n'ont pas les mêmes looks dans le passé et le "présent"), une petite présentation en début d'ouvrage ne serait pas de trop. Chaque chapitre  (nommé épisode) se nomme par un seul mot en anglais commençant par "Re" (Reborn, Resist, Resolve, Relieve et Revolve pour le premier tome par exemple).

Éditée par Glénat dans leur collection Shônen Manga, Tokyo Revengers a débuté en 2017 au Japon et compte actuellement 12 volumes reliés. Le titre est toujours en cours de publication et s'est écoulé à plus de 2 millions d'exemplaires au Pays du Soleil Levant ! La série est arrivée en France en avril 2019. Son deuxième tome est en vente depuis juin dernier, le troisième le sera dans quelques jours (voir premier encadré ci-dessous) et le quatrième (que nous avons déjà lu, voir second encadré) est annoncé pour le 2 octobre prochain. Le cinquième est prévu pour janvier 2020.

Au scénario et aux dessins, Ken Wakui, quasi inconnu chez nous. Si cet artiste a déjà signé quatre autres titres avant Tokyo Revengers, c'est la première fois qu'une de ses séries est traduite et disponible en France. Pour les curieux, il a notamment débuté en 2005 avec Shinjuku Swan qui s'est achevée en 2013 après 38 volumes, puis Abaddon en deux volets (2010 et 2012) avant d'être mise en pause. De 2014 à 2015, il produit Sekisei inko (5 tomes) et, enfin, Dessert Eagle en 2015 et 2016 (là aussi complet en 5 tomes). Ses œuvres, orientées seinen, évoquent ses thématiques fétiches (violences, délinquance…) qu'il a donc à nouveau repris dans Tokyo Revengers, considérée comme son œuvre la plus aboutie et réussie. Ken Wakui reconnaît s'être inspiré de sa propre personne au début des années 2000, quand il était un jeune voyou, pour nourrir son manga. Son style graphique est relativement simple mais efficace, un côté étonnamment "propre" confère à l'ensemble un aspect doux et lisse très agréable. Le tout est suffisamment détaillé pour être beau et juste assez pour ne pas être trop surchargé. Wakui excelle aussi quand il lorgne vers les grimaces et l'absurdité de certaines scènes. Seul point à déplorer : un manque de fond et de décors dans certaines cases, privilégiant un blanc trop présent.



Critique du tome 3 | Sortie le 21 août 2019

Après un affrontement entre le clan Tokyo Manjikai et le clan Moebius, Takemichi se retrouve à l'hôpital. Quand il se réveille, il apprend que Mikey et Draken, numéros 1 et 2 du gang, se sont disputés. Cette embrouille pourrait bien conduire à la mort de Draken et par ricochet du destin au funeste sort qui attend Hina. Takemichi ne doit plus sauver une personne mais plusieurs, sa quête se poursuit avec pour nouvelle mission la réconciliation entre Mikey et Draken. Kyomasa, ancienne victime de Draken, cherche aussi à tuer ce dernier…

Ce troisième tome reste dans la même lignée que les précédents avec une mise en avant plus prononcé du couple Takemichi/Hina, assez touchant au demeurant, et à nouveau beaucoup d'humour. Les interrogations effleurées dans les deux volets précédents quant au voyage dans le temps sont, elles aussi, plus accentuées : et si Takemichi était responsable, à cause de ses nouvelles actions dans le passé, des conséquences dans le futur ? À ce stade, difficile de trancher pour comprendre la direction empruntée par la série, il semble pourtant (comme vu dans le premier tome), qu'un évènement chamboulé dans le passé modifie bien le futur tout en restant dans la même ligne temporelle (façon Retour vers le futur). Cela ne créé donc pas des mondes alternatifs ou une boucle ultime (cf. cet article). Ces trois façons de travailler la thématique du voyage dans le temps sont les plus populaires (et a priori les seules existantes tant le sujet est dense et complexe).










Critique du tome 4 | Sortie le 2 octobre 2019

Draken est sévèrement blessé. Takemichi doit le sauver coûte que coûte mais il doit (à nouveau) affronter Kiyomasa. Un nouvel ennemi charismatique, Hanma, apparu à la fin du volume précédent, se dévoile davantage…

Ce quatrième tome perd un peu de sa singularité — surtout dans sa première partie — à cause de quelques clichés propres au genre shônen : dépassement de soi, force de l'amitié, combat interminable, vrai-faux suspense sur le sort d'un personnage, etc.  La seconde partie renoue avec l'humour et le côté "bad boy comique" (un des points forts de la série) puis retourne dans "le futur" (donc le présent initial). La tournure de la fiction rappelle alors l'excellent film L'Effet Papillon dans lequel le héros cumulait les allers-retours dans le passé afin de modifier son avenir mais sans trouver le futur parfait où tout son entourage est en vie et épanoui. De quoi relancer efficacement Tokyo Revengers, surtout avec la promesse de la fin de l'ouvrage.

Pour l'anecdote, les dix chapitres qui composent ce tome (épisodes 24 à 33), ainsi que ceux des volumes précédents, sont toujours composés de la même formulation évoquée plus haut, fidèle à cette nomination en "Re" en anglais : Realize, Respect, Revenge


Tokyo Revengers est donc fortement conseillé, ne serait-ce que pour l'originalité de son histoire et le mélange des genres atypique ! On peinait, ces dernières années, à trouver un shônen marquant, audacieux et qui pourrait devenir tout aussi culte que nombre de ses prédécesseurs, dans le genre furyo, on tient sans doute le digne héritier de GTO !



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un concept original qui tient sur la longueur.
  • Beaucoup d'humour.
  • Une narration fluide et exemplaire.
  • Deux timelines passionnantes.
  • Un mélange des genres qui fonctionne et respecte un équilibre pourtant fragile.
  • Imprévisible, malin et captivant.
  • Des dessins élégants et "propres".
  • Une galerie de personnages très attachants...
  • ... que l'on peine parfois à identifier.
  • Quelques cases sans fond.