Jack Kirby
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En 2006, Panini France publiait, dans la collection Marvel Deluxe, une très belle anthologie des travaux de l’un des plus grands artistes de l’univers des comic books : Jack Kirby

Ce très beau livre, au toucher agréable, nous replonge dans les prémisses du Golden Age de la bande dessinée américaine au travers du travail d’un des deux piliers de Marvel qui, aux côtés de l'incontournable Stan Lee, a créé les super-héros les plus célèbres de la planète. 

La lecture de cette compilation de vingt épisodes, destinée à l'origine à la collection "Marvel Visionaries", pilotée par l'expert Greg Theakston, nous apprend ainsi que le bonhomme y est arrivé à force de volonté et de talent, a essuyé des échecs mais a toujours su faire face, jusqu’à ce que la gloire survienne. 

Si les trois premières histoires (datant de 1940 et 1941) apparaissent bien datées, on y sent, derrière les poses outrées et les visages expressifs, cette dynamique extraordinaire que l’artiste allait savoir instiller dans ses cases à l’avenir. Le trait est encore peu affirmé, les personnages plutôt sveltes avec un graphisme qui rappelle Steve Ditko


On retrouve tout de même Captain America, dans l’aventure qui l’a vu naître – et qui maintes fois a été réécrite par la suite. 

Puis on saute aux années 1960 pour le gros morceau : Hulk, les Vengeurs, Thor et surtout les Quatre Fantastiques, avec l’incontournable saga du Silver Surfer. Entre 1962 pour les origines du Titan vert et 1967 pour la série Thor, avec inévitablement son compère Stan Lee comme scénariste, on découvre un Kirby aux traits puissants, aux personnages plus denses, dans une mise en page demeurant classique, mais avec un souci du décor qui explose, grâce au savoir-faire accumulé dans des récits de Strange Tales : il utilisera le moindre prétexte pour laisser libre cours à son goût pour les machines compliquées, les appareillages tortueux et les armes destructrices. 

Dans le même ordre d’idées, le design de Galactus est symptomatique : il s'agissait clairement d'en mettre plein la vue tout en donnant cette idée d’infini, d’inconcevable, d’extraterrestre. 

Si on peut désormais sourire devant les discours pompeux des personnages sous la plume d’un scénariste inspiré et volubile (auquel la traduction de notre Geneviève Coulomb nationale ne fait pas vraiment honneur), la vision de certaines planches force le respect. Jack Kirby a trouvé son style, qui colle autant aux personnages de soldats ou de lutteurs qu’aux héros virils – sans être disproportionnés, les bras et les cuisses sont massifs, les poses dynamiques, les combats dégageant une vraie impression de puissance. 

Autant dans la description d’Asgard que dans celle de la machinerie de Galactus, Kirby s’en donne à cœur joie dans la démesure. Seule faiblesse : les personnages féminins, qui perdent de leur charme et semblent coulés dans un moule unique – à la différence d’un John Buscema par exemple, plus attaché aux expressions corporelles et attitudes.

La dernière partie nous montre des travaux des années 1970, avec la série des Inhumains ou celle des Éternels, où il a réussi à dépeindre avec maestria les Célestes, dans des histoires qu’il a lui-même écrites. Cette fois, même les cases se plient à sa volonté de grandeur, et voir une cohorte de Célestes à l’œuvre est un spectacle encore impressionnant. 

Parallèlement, sa série sur Captain America prouve combien il est à l’aise dans l’action pure, brutale et la montée du suspense : il n’y a plus le lyrisme cher à Stan Lee, on est dans le thriller nerveux. Ses héros foncent et sont souvent montrés de face, plongeant vers le lecteur, une main tendue prête à sortir du cadre.


L'on ne retrouvera pas ici les histoires sortant du cadre Marvel, comme ces séries de romances dont nous vous parlions ici.

Ces histoires fortes et ces personnages aux destins hors-normes étaient faits pour être illustrées – racontées – par Kirby. Son influence est énorme et se sent encore aujourd’hui, ne serait-ce que dans le dessin des ennemis bigger than life. Sans lui, la Chose ne serait qu’un tas de cailloux informe et doué de paroles, et Captain America un héros ringard d’une époque révolue. 

Et puis, surtout, il a créé Galactus et son héraut, le très charismatique Surfer. 


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une très bonne compilation de l'un des plus grands artistes des comics.
  • Un ouvrage agréable, bien présenté.
  • Les traductions d'origine, dont certaines sont clairement fantaisistes.