Publié le
26.5.16
Par
Nolt
Les sélections UMAC dans l'actu de la pop culture
-- HELLBOY SAUCE MEXICAINE --
Niveau intrigue, Mignola dévoile une période "oubliée" de la vie de Hellboy. Celui-ci, en 1956, part enquêter au Mexique sur une série de meurtres qui lui feront croiser des chasseurs de vampires, des sorcières, une momie aztèque, des fantômes et même le monstre de Frankenstein pour faire bonne mesure. Plutôt prometteur si on aime les ambiances horrifiques au graphisme léché.
#tortillas&démons
-- GROS ROBOT RÉTRO --
Cette série de manga conte l'histoire de Koji Kabuto (plus connu chez nous sous le nom d'Alcor, ou le sobriquet du "type à la soucoupe de merde"). Celui-ci ne combat pas les extraterrestres de Vega mais les sbires du professeur Hell (un méchant qui veut conquérir le monde) à l'aide d'un robot géant, bien évidemment.
La série, parue en 1972 dans la célèbre revue Jump, est précurseur dans le genre mecha. Pour découvrir ce classique nippon, vous devrez vous délester de la somme de 76,30 euros. Ah oui, quand même...
#boîtesdeconserve
-- SEXE VIRTUEL --
L'engin, baptisé Illusion VR, ne coûte "que" 400 dollars et est équipé d'un casque de réalité virtuelle, d'une paire de faux nichons à malaxer et d'un étui (un sex toy en fait) où fourrer votre bi... enfin, votre sexe (oui, c'est une combinaison pour homme), le tout étant bardé de capteurs.
Aux dernières nouvelles, cette panoplie coquine a connu un tel succès que le produit a rapidement été épuisé. En France, certaines sociétés ont déjà annoncé qu'elles allaient sortir du contenu vidéo compatible, avec vue 3D à 360 degrés.
On imagine déjà l'application Tinder qui permettra de se faire gratouiller la zigounette à distance.
#jouetfrippon
-- LOOPING EN TANDEM --
Pour l'occasion, Buck et Michel sont associés dans une aventure inédite de 16 pages, présentée dans un cahier en noir et blanc. Pour l'anecdote, ce n'est pas la première fois que les deux hommes se croisent puisqu'ils s'étaient déjà rencontrés, en compagnie de Dan Cooper, dans l'album Les Anges Bleus de la série principale Buck Danny mais aussi dans Canon Bleu ne répond plus, issu de la série historique de ce brave Tanguy.
L'ensemble, vendu 32 euros, devrait faire le bonheur des passionnés d'aviation, d'autant que les dessins sont particulièrement soignés.
#danslesnuages
-- ON S'EN TAPE --
Sans aller jusqu'à dire qu'on s'en fout complètement, l'on peut sans crainte laisser subtilement sous-entendre que la nouvelle n'a pas eu le mérite de nous causer un émoi notable susceptible d'engendrer un mouvement testiculaire. En tout cas, on pourra au moins avouer notre admiration devant l'extrême inventivité de l'éditeur, embourbé depuis des années dans un surplace narratif suicidaire dont il semble se gargariser. RIP
#c'étaitmieuxavant
-- POURPRE --
Et ce n'est pas très onéreux puisque ce second volume clôt la série. Une conclusion épique portant sur un affrontement dantesque avec l'Homme Pourpre, un type assez malsain qui est ici employé d'une manière magistrale, sans vulgarité mais avec une délicieuse perfidie. Du très grand Bendis, au sommet de son art.
Plus de 300 (très bonnes) pages pour 18 euros, c'est clairement une affaire.
#supernana
-- PREACHER VERSION TV --
Le casting est plutôt sympathique si ce n'est la blonde Tulip qui, sans que l'on sache bien pourquoi, est devenue afro-américaine. Pas vraiment de surprises sinon pour ce premier opus qui présente les personnages, Custer et Cassidy en tête. Niveau violence et action, la production ne fait pas dans la demi-mesure, avec de l'hémoglobine en quantité et des combats en avion ou en bagnole. Quelques trouvailles amusantes (l'explosion de Tom Cruise) parsèment l'épisode. Seulement, voilà, Ennis ce n'est pas simplement de la violence et des gros mots, même si l'auteur manie le trash avec délectation, il tempère par l'intelligence du propos et une manière presque pudique d'aborder les sujets graves. Acide, oui, mais profond et habile. Or il sera sans doute compliqué de retranscrire pleinement ce côté pourtant essentiel, la réalisation s'orientant plutôt vers la démesure, comme si les scénaristes n'avaient retenu que la sauce piquante du portant très riche et sulfureux plat ennissien.
Et aussi bonne soit-elle, la sauce seule écœure vite. Il faudra voir ce que donne la suite (car ce début, même imparfait n'est pas mauvais pour autant), mais quel que soit le résultat de cette transposition, ne passez pas à côté du comic, il est exceptionnel.
#paperrules
Publié le
25.5.16
Par
Nolt
Gros plan sur Pierre Lemaitre, un auteur français talentueux qui a su réconcilier deux univers en apparence incompatibles : la littérature de genre et les prix prestigieux.
Pour bien parler d'un auteur, le mieux est encore d'évoquer son travail. Nous allons le faire aujourd'hui à travers trois de ses romans, tous brillants : Alex, Au-revoir là-haut, et Trois jours et une vie. Mais présenter un peu l'homme qui se cache derrière la plume n'est peut-être pas inutile. Lemaitre est psychologue de formation. Né en 1951, il publie son premier roman en 2006 et remporte dans la foulée le prix du festival de Cognac. Et un prix qui porte un nom d'alcool, voilà qui convient bien à l'univers du bonhomme, âpre, douloureux, piquant et addictif. Le style est direct, travaillé mais sans fioritures. Le type est un Conteur. Il privilégie l'intrigue et les personnages aux effets de manche. Il laisse les préciosités à d'autres. Pourtant il est habile. Et scrupuleux avec ça, puisqu'il cite à la fin de ses ouvrages, avec une grande rigueur, tous les auteurs à qui il pense devoir son inspiration et son savoir-faire. Mais malgré les influences, comme tous les grands, il est unique.
Allez, assez bavardé, il est temps de tourner les pages...
Alex
Alex, jolie célibataire d'une trentaine d'années, s'offre une petite virée au restaurant. La soirée va cependant rapidement mal tourner puisqu'un type la tabasse au détour d'une ruelle, la jette dans son fourgon et l'enlève. La jeune femme, terrorisée, est trainée dans un entrepôt où elle est enfermée dans une cage de bois, trop petite pour tenir debout, assis ou même s'étendre. Bientôt, la douleur est insoutenable, les articulations se soudent, les muscles se tétanisent... et que veut donc ce ravisseur ? C'est simple, il veut la regarder crever.
Ce roman, en trois parties bien distinctes, commence comme un polar bien écrit mais classique. Le psychopathe, l'enlèvement, la nana futé et malchanceuse, ok, on a déjà vu ça se dit-on. Et pourtant, l'auteur nous ménage pas moins de deux énormes retournements de situation. Alex, de victime, va devenir bourreau puis... victime de nouveau. Lorsque l'on croit avoir saisi la situation, Lemaitre nous entraîne, poliment mais fermement, dans la direction opposée. Tout cela avec l'aide d'une équipe de flics assez originale. Camille et sa petite taille, qui fait quasiment de lui un étrange enquêteur nain, Louis et ses bonnes manières, Armand et sa radinerie maladive. Et bien sûr toute une horde de personnages secondaires hauts en couleur, du juge agaçant au témoin trouillard en passant par une mère ignoble, la galerie est savoureuse.
Mais ce n'est là qu'une mise-en-bouche. Le meilleur est à venir.
Au revoir là-haut
Issu d'un extrait poignant de la dernière lettre d'un Poilu à son épouse, le titre, s'il ne faisait sens, pourrait être issu de cette mode ridicule qui a recouvert, ces dernières années, certains romans de titres fadasses et mièvres [1]. Pourtant, de la mièvrerie ici, il n'est point question. Même le jury du Goncourt ne s'y est pas trompé puisque Lemaitre va décrocher le prix en 2013 avec ce récit exceptionnel.
1918. Quelques jours seulement avant l'armistice. Les soldats n'en peuvent plus de ces combats stériles pour regagner une rigole sanglante dont tout le monde se fiche. Les officiers, eux, savent que ce sont les derniers moments pour se couvrir de gloire et rentrer en héros. Alors on part à l'assaut. Encore.
Alors qu'Albert tombe dans un trou d'obus puis est à moitié étouffé par une gerbe de terre qui s'abat sur lui, Édouard lui vient en aide et lui sauve la vie. Le geste est noble mais tragique, car dans l'action, Édouard est touché par un éclat d'obus. Son visage n'est plus qu'une plaie béante. Il n'a plus de mâchoire inférieure, plus de joues, il n'est plus que deux yeux hagards au dessus d'une fosse nauséabonde. Une gueule cassée...
Rendus (difficilement) à la vie civile, les deux hommes ne se quittent plus. Albert, ancien petit comptable timide, prend soin d'Édouard, le fils de bonne famille, défiguré, accro à la morphine. Seulement voilà, la morphine, ça coûte cher. Et dans l'esprit ravagé et désespéré d'Édouard nait alors une idée épouvantablement géniale. Il va mettre son talent de dessinateur au service d'une incroyable escroquerie. Lui et son ami vont arnaquer les mairies de France en vendant de faux monuments aux morts.
Certains ont pu reprocher à l'auteur l'aspect "caricatural" de certains personnages, en effet, pour les béotiens snobinards, dès que l'on ne s'emmerde pas à la lecture d'un roman, l'on tombe dans la "facilité". C'est pourtant une qualité que de divertir, surtout en alliant intelligence du propos et critique acide. Alors oui, l'on pourrait en rester à la surface des choses et se dire que le capitaine d'industrie implacable et sans cœur, l'homosexuel fantasque ou le salaud sans morale sont trop entiers pour être vraisemblables, mais ce serait mal connaître la nature humaine et passer à côté du sens même de ce récit.
Au-delà de l'arnaque, de l'intrigue habilement construite, des traits d'humour subtils et de l'émotion sous-jacente, presque pudique, il y a ce bilan sans concession de l'après-guerre. Le commerce des cadavres qu'il faut déplacer, enterrer, reconnaître. Les grandes déclarations et les symboles, censés remplacer les êtres chers. Le manque de considération pour les démobilisés qui ont parfois tout perdu, travail, épouse, même leur visage...
C'est de tout cela qu'il s'agit, de la peinture caustique d'une époque à la dureté inimaginable de nos jours. D'un brave type, un peu peureux, qui a fait son devoir et n'en a rien retiré, si ce n'est l'obligation, plus immense encore mais acquittée de bon cœur, de devoir s'occuper de son frère d'arme devenu un monstre.
On enrage, on s'attriste, on sourit parfois, car il reste un peu de lumière même au fond des ténèbres, et on en ressort heureux d'avoir lu un putain de bon roman qui, pour une fois, a réussi à mettre - presque - tout le monde d'accord.
Trois jours et une vie
Après le polar implacable et la fresque historique et tragique, Trois jours et une vie (sorti en mars dernier), pourrait apparaître au premier abord comme plus anecdotique mais s'avère, dans un autre genre, tout aussi riche et tendu que les précédents.
Antoine, douze ans, vit à Beauval. Il connait ses premiers émois amoureux mais en est encore à l'âge où l'on s'amuse follement en construisant une cabane dans les bois. Cabane qu'ils construit seul d'ailleurs, puisque la plupart de ses amis jouent aux jeux vidéo, or, la mère d'Antoine déteste ça et lui interdit donc de s'y adonner. C'est cette simple rigidité parentale (et la mort d'un chien) qui va précipiter le drame.
Après la disparition du petit Rémi, tout le village est en émoi. On organise une battue, on interroge les voisins. Antoine, lui, sait ce qu'il s'est passé. Il va alors vivre dans la hantise d'être découvert. Il imagine une fuite. Des aveux. Une fausse piste. Mais ce qu'ignore Antoine, c'est que ce petit moment de colère impulsive qui a fait de lui un meurtrier va impacter sa vie d'adulte et l'enraciner profondément à un Beauval qu'il voulait fuir.
Lemaitre, entre la tempête de 1999 et les réactions enfantines désespérées, décrit le chaos qui s'abat sur un jeune personnage sympathique, coupable mais loin d'être détestable. Il livre presque là une étude de mœurs avec son lot de mesquineries, d'hésitations, de non-dits, et le poids écrasant d'un destin qui se joue des projets et des vies.
Pas de guerre ici, ni de tueur ou de vengeance, juste les regrets, l'aléatoire et les illusions douces-amères qui tombent l'une après l'autre, comme les arbres couchés par la tempête.
La Magie du Conteur
Au final, voilà un auteur qui compte dans le paysage littéraire français. Non parce qu'il a obtenu un Goncourt mérité, mais parce que c'est le prototype même du véritable auteur, rusé, patient, étonnant. Le genre de type que l'on veut bien suivre sur ses chemins de papier, parce que l'on sait que l'on ne sera pas floué.
Et puis, obtenir la reconnaissance lorsque l'on est étiqueté "polar", voilà qui n'est pas simple. Car certains en sont encore à considérer qu'un roman de genre ne fait pas partie de la littérature. Comme si le fait de mettre un crime ou un extraterrestre entre les mots pouvaient les affadir ou leur voler leur noblesse.
1984 ne serait pas de la littérature parce qu'il s'agit d'un roman d'anticipation ? Le Maître du Haut Château ne serait pas respectable parce que c'est une uchronie ? Le talent d'un Leblanc serait contestable parce que le bonhomme était versé dans l'aventure et l'intrigue policière ?
Non décidément, la seule frontière valable qui sépare la littérature respectable des saloperies mal torchées, ce ne sont pas les genres ou les sujets, mais bien le travail ou son absence. Car même si beaucoup parlent encore avec pudeur de talent ou d'inspiration, l'on sait bien que derrière ces mots se cachent un labeur sur le long terme, certes prosaïque mais essentiel.
Finalement, un écrivain digne de ce nom, ce n'est que cela, un artisan qui manie ses outils avec une aisance et une efficacité que seule l'expérience procure. Et Lemaitre fait partie de ces artisans à qui l'on peut faire confiance, les yeux ouverts et avides de ces pages qui nous habitent encore longtemps après qu'elles sont tournées.
[1] Les exemples ne manquent pas : "Pars avec lui", "Avant toi", "Je suis là", "Parce que c'était nous", "Comme si c'était toi", "Elle et lui", "Seras-tu là ?". Le but étant de faire le plus ridicule possible, en adresse directe et avec des mots de moins de trois syllabes. C'est très amusant à faire : "Fuis-moi tout bas", "Lis ça sur moi", "Et si j'étais lui avant toi", etc.
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Publié le
22.5.16
Par
Vance
C'est que, comme il le (ré-)explique, l'auteur n'est pas complètement maître de son ouvrage, qui "s'écrit tout seul" pour l'essentiel - il nous faut donc admettre qu'il puisse s'achever comme il l'entend. Cette manière singulière d'envisager le travail d'écrivain semble encore davantage prégnante dans cette saga qui hante l'esprit de Stephen King, et lui permet certaines libertés qu'un roman one-shot n'autorise pas.
Prenez les personnages. D'abord Roland de Gilead, le Pistolero si magnétiquement fascinant dévoilé comme axe du projet et héros archétypal dès l'entame du premier tome. Rappelez-vous comment l'auteur nous l'avait proprement mutilé, presque sacrifié, dans les Trois Cartes, le handicapant tellement qu'il ne pouvait plus être capable d'intervenir physiquement dans le déroulement de la Quête. Un choix aussi inattendu que gagnant puisqu'il contribua à renforcer davantage le lien unissant le lecteur, définitivement fan, à son champion qui se montra capable de se relever et de faire face. On n'a pas affaire à un anti-héros, quand bien même, et à chaque fois, ce satané King se permet d'entacher notre admiration sans borne pour Roland en lui faisant prendre des décisions inacceptables : l'homme, endurci par des épreuves dont nous n'imaginons pas le dixième, est tout à fait capable d'abandonner ses compagnons si sa survie - et donc la poursuite de sa Quête de la Tour sombre - est en jeu. Il l'a déjà fait par le passé, dans le Pistolero, en laissant Jake sombrer dans un gouffre, Jake, ce petit New-Yorkais tombé en adoration devant ce cow-boy solitaire indestructible, et dont la disparition provoquée ne laissera pas notre héros indemne.
Et justement. Terres perdues enchaîne directement après les Trois Cartes (on n'a pas ce laps de temps incertain qui s'est écoulé entre les deux premiers romans). Le groupe de Roland est désormais riche de deux compagnons aussi fidèles qu'hétéroclites, avec cet Eddie qu'on aime de plus en plus (on ne peut que saluer le talent de l'auteur pour parvenir à nous rendre indispensable un garçon qui apparaissait au départ comme mou et sans charisme) et cette incroyable Susannah, la Femme d'Ombres, multiple et brillante, dont Eddie a fini par tomber amoureux. Ils ont accepté, bon an mal an, de demeurer dans cet Entre-Deux-Mondes afin d'aider Roland à poursuivre sa quête, à atteindre cette Tour qui habite ses pensées les plus intimes. Et ils voient, petit à petit, que le pistolero souffre, l'esprit tiraillé entre deux extrêmes, deux décisions, deux prises de position qui le culpabilisent. Hanté par le souvenir du petit Jake. Qu'il a sauvé. Perdu (sacrifié). Et sauvé encore, dans son "quand", dans son "où". Nos compagnons finissent par comprendre que leur groupe ne sera désormais complet que lorsque Roland retrouvera Jake - ou l'inverse, car Jake, mû par une intuition infaillible, poussé par ses rêves énigmatiques et les symboles qui parsèment son existence, est également parti à la recherche de son héros.
Terres perdues fait ainsi office d'épisode de transition, complétant le deuxième tome et entamant un nouveau périple sans l'achever, s'arrêtant presque à regret, comme s'il se trouvait dans l'incapacité d'aller plus loin tout en en ayant la volonté. Tandis que le style se rapproche de ce qu'on connaît de Stephen King actuellement, perdant de cette épure un peu expérimentale du premier tome, les personnages gagnent en épaisseur, s'étoffent d'envies et de réflexions singulières, un peu comme si on ajoutait des feuillets supplémentaires à une feuille de PJ dans un jeu de rôle. A l'instar de la série Twin Peaks, la résolution principale prend lieu au milieu du volume, qui ensuite se dirige vers un autre épisode sans aller au bout : Jake parviendra-t-il à trouver la voie pour rejoindre Roland dans son monde ? Ce dernier réussira-t-il à le guider, l'aiguiller jusqu'à lui ? Rien n'est moins sûr tant "le monde a changé", les certitudes s'effritent et les obstacles se multiplient. Ce qui se dresse sur la route du petit garçon semble incommensurable, infranchissable - et on retrouve cette forme de frénésie littéraire qui anime les meilleures œuvres de King, lorsqu'il plonge des garçons et des filles dans des tourments auxquels des adultes ne survivraient pas ou perdraient la raison.
Nos héros surmonteront l'épreuve mais - comme d'habitude - y laisseront une part de leur cœur, un fragment de leur âme, et scelleront leur destin. Encore une fois.
Et cela recommencera. Lorsque l'intégrité du groupe sera menacée alors même que leur épopée ne faisait que commencer. De nouveaux adversaires apparaîtront, redonnant un caractère plus science-fictionnesque au livre. Outre les personnages, Stephen King se fendra de quelques descriptions apocalyptiques, de visions dantesques et nous laissera entrevoir toute la densité de ce monde se précipitant lentement vers sa perte.
A suivre donc, évidemment.
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Publié le
19.5.16
Par
Nolt
Miaw !
Ces deux titres, auto-édités sous le label 2T2N, sont écrits et dessinés par Daniel Gattone. Le lettrage, la colorisation et les retouches graphiques sont assurés par Emmanuel Bonnet. Voyons tout d'abord la première de ces deux séries, très liées.
Dino de Léone est un antiquaire qui, au cours d'une de ses explorations, est tombé sur une divinité inca qui a eu la bonne idée de lui refiler quelques pouvoirs. Réflexes accrus, force augmentée, instinct aiguisé, voilà notre homme armé pour, dans la grande tradition super-héroïque, se confectionner un costume et traquer le scélérat.
Deux tomes sont déjà sortis : Red Cat et la graine de vie ainsi que Red Cat et le temple perdu. Tous les deux au prix de 4 euros pour 24 planches. L'action se situe dans les années 30, la narration s'inspirant très fortement des classiques du Golden Age. Le dessin, en noir et blanc, accentue le côté rétro de ce matou qui rend hommage aux héros patriotiques déjouant les pires machinations des nazis.
C'est toutefois surtout pour Gatto Rosso que Virgul (notre mascotte bien aimée) s'est enthousiasmé.
L'ambiance change ici radicalement : époque moderne, planches en couleur et un public visé clairement enfantin, ce qui n'est finalement pas si courant dans les comics gaulois.
Le personnage principal est cette fois Danny de Léone, petit-fils du Red Cat, qui a hérité de la même vocation et affronte la pègre de Central City.
Première trouvaille astucieuse, alors que les pouvoirs de son grand-père augmentaient en fonction du nombre de fidèles adorant la divinité inca évoquée plus haut, ceux de Danny fonctionnent un peu sur le même principe mais, en lieu et place de fidèles, celui-ci est tributaire de ses... lecteurs. En effet, Danny est auteur de BD et met en scène les exploits de son grand-père, bouclant ainsi la boucle d'une élégante manière.
Ce Gatto Rosso, d'inspiration très "parkerienne", se révèle très sympathique et parfaitement adapté aux enfants. Tout comme son illustre modèle, il doit mener de front ses activités de justicier et une vie privée qui en pâtit forcément, Danny se retrouvant coincé entre un éditeur exigeant et une petite amie qui le prend pour un trouillard.
Bref, un joli mélange d'action et d'humour, avec des adversaires "totémiques" hauts en couleur, comme l'Hirondelle ou le Zébu.
46 pages cette fois, pour 11,50 euros.
A découvrir.
Quelques planches sur le site d'Emmanuel Bonnet.
(à noter que les auteurs seront présents au festival de la BD de Basse-Ham, en Moselle, au mois d'octobre)
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Publié le
10.5.16
Par
Vance
Etre dieu est une des plus anciennes professions du monde.
A la glorieuse époque de ma boulimie littéraire (et sciencefictionnesque), Seigneur de lumière, le roman
multi-primé de Roger Zelazny (davantage connu dans l’hexagone pour sa saga sur
les Princes d’Ambre), avait su provoquer en moi cet enthousiasme teinté de
vénération pour l’œuvre dans son ensemble, qui avait su me fasciner tant par
les sujets abordés que par le style très riche et bondé de sentences
exaltantes.
Grand amateur de mythes, dans lesquels il puise abondamment la matière de
ses ouvrages principaux, Zelazny s’est cette fois penché sur le panthéon
hindou, et raconte une véritable saga haute en couleur naviguant entre space opera
et récit initiatique. L’action se passe sur un monde qui se prépare à une
révolte tant théologique que spirituelle : l’un des dieux régnant sur les
mentalités humaines décide qu’il est temps pour les mortels de partager les
secrets savoirs que ses pairs détiennent. Car ne sont-ils pas tous (de Brahma à
Vishnou ainsi que lui-même, qui a porté plusieurs noms, dont celui du Bouddha)
que de simples conquérants venus de l’espace dotés de moyens technologiques
impressionnants qui leur confèrent l’immortalité et des pouvoirs fantastiques ?
L’heure de la vérité a sonné et Sam se fait fort de la communiquer aux hommes,
quitte à trahir les siens, farouchement ancrés dans leur hégémonie - et notre dieu
renégat devra se trouver de puissantes alliances afin de tenter de renverser
cette théocratie, allant jusqu’à braver la mort elle-même.
Seigneur de lumière, malgré sa densité, son caractère parfois trop didactique, ses dialogues
vaguement philosophiques, s’est avéré un livre immédiatement palpitant,
foisonnant, riche en citations tirées des grands ouvrages fondateurs de la culture indienne, dans lequel on ne
peut que prendre fait et cause pour ce héros particulier, ancien conquérant
sous le nom de Siddharta,
respecté sous le nom de Bouddha,
adoré sous celui de Mahasamatman mais
qui préfère désormais, et plus humblement, se faire appeler Sam. A la manière d’un Prométhée équivoque, il va
provoquer le Panthéon,
persuadé que la chute des dieux doit être la condition nécessaire à l’amélioration
de la condition humaine. Certains sont prêts à le suivre, mais il lui faudra
déployer des trésors d’ingéniosité et de persévérance pour espérer vaincre ses
anciens associés qui tiennent toujours à leur statut divin, enfermés dans le
vaisseau qui leur sert d’Olympe inviolable.
Entre intrigues retorses, alliances contre-nature et combats dantesques où
les pouvoirs apocalyptiques des Attributs se
déchaînent, ce roman de fantasy sur fond de SF est une fresque baroque et stupéfiante
qui demande tout de même un gros appétit de lecture (Zelazny n’est pas avare de phrases alambiquées et se la joue un
peu Salaambô). Néanmoins l’œuvre procure
des moments d’une rare intensité, où les amours et les haines de ces super-héros cosmiques servent de toile
de fond à une épopée élégante
et maîtrisée. Sam, à l’instar du Richard
Francis Burton dépeint par Farmer dans le Monde du Fleuve, devient
instantanément un héros moderne,
puissant mais vulnérable, mû par une volonté inébranlable et doué d’un charme
irrésistible. Le titre n’aura pas volé son Prix Hugo en 1968.
J'arracherai ces étoiles au ciel et je les jetterai à la face des dieux, si c'est nécessaire.
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Publié le
6.5.16
Par
Nolt
A l'occasion du Free Comic Book Day, ce samedi 7 mai, j'aurai le plaisir de dédicacer The Gutter chez Hisler BD bis, à Thionville, de 14h00 à 18h00.
Pour l'occasion, nos libraires préférés, aux conseils sages, aux cheveux soyeux et à la gentillesse moult fois démontrée, vous ont concocté des tas de surprises, un concours de cosplay et un paquet de cadeaux !
N'hésitez pas à venir faire un tour !
Publié le
5.5.16
Par
Nolt
Ce ne sont pas moins de trois romans de Dan Simmons que nous abordons ici, avec ce qui constitue la saga d'Elm Haven.
Les récits de Simmons peuvent être rangés en gros dans trois catégories : la SF, avec notamment le célèbre Hyperion et ses suites, les polars, comprenant les enquêtes de Joe Kurtz, et les romans orientés fantastique/épouvante. Nous allons nous intéresser à ces derniers par le biais d'une trilogie ayant ses faiblesses mais possédant aussi un réel pouvoir attractif.
Été
C'est par Nuit d'Été (déjà chroniqué par Vance dans cet article) qu'il convient de commencer le voyage si l'on s'en tient à la chronologie. Ce premier roman de la saga est paru en 1991 et conte les aventures d'un petit groupe de gamins, en 1960, aux prises avec une menace terrifiante. Inutile de nous attarder sur l'intrigue que Vance a très bien abordée, mais il est intéressant d'approfondir un peu un aspect crucial : les énormes similitudes avec le Ça de Stephen King.
Que ce soit au niveau des éléments centraux du récit ou des petits détails, les ressemblances sont telles que l'on est en droit de se dire que l'on est exactement devant la même histoire. Un groupe de jeunes enfants (1), dans un petit village (2), confrontés à une menace paranormale (3), protéiforme (4), ne pouvant compter sur les adultes qui parfois sont également des menaces (5), à une époque similaire (6), affrontant également d'autres enfants parfois aussi effrayants que les pires monstres (7), le tout avec un lieu constituant à lui seul un personnage (8 : Derry pour King, Old Central pour Simmons). L'on est déjà à huit points communs importants, et l'on pourrait encore continuer : une scène de sexe un peu osée entre deux très jeunes enfants (9), une narration se déroulant sur plusieurs époques si l'on prend en compte l'ensemble de la trilogie (10), une amnésie concernant les évènements passés qui semble toucher les adultes (11), des lieux reculés, dans la nature, qui servent de refuges aux personnages principaux (12), une épique bataille de cailloux/mottes de terre (13), un des personnages principaux devenant écrivain (14), un personnage obèse (15), l'importance de certains lieux, comme la bibliothèque (16), etc.
C'est rigoureusement la même histoire, les mêmes ressorts, avec finalement des styles très proches, même si King s'en sort largement mieux (Ça étant sans doute son plus grand chef-d'œuvre et l'apogée de sa réflexion sur le monde de l'enfance, cf. cet article).
Nuit d'Été, pour peu que l'on aime la thématique, est cependant un vrai bon roman, réservant son lot de frissons et d'émotion. Paradoxalement, si Vance lui a reproché quelques lenteurs et un manque d'action, c'est surtout ces moments intimistes, tendus, patiemment construits, qui m'ont semblé les plus réussis. Le final au contraire, avec son débordement d'action chaotique, se révèle moins passionnant (au contraire de certaines scènes épiques, avec le monstre du placard ou la fusillade dans les bois).
Sans doute plus idyllique que King concernant la dureté du monde de l'enfance, Simmons livre tout de même une histoire touchante, non dénuée de suspense et d'une certaine forme de nostalgie élégante qui parvient à donner du lyrisme même à de simples virées en vélo.
Automne
Le deuxième roman, Les Fils des Ténèbres, est publié l'année suivante. Et il est clairement mauvais. Très mauvais. [1]
Voyons déjà un peu l'intrigue avant d'essayer de comprendre les raisons de ce naufrage.
L'action se déroule en grande partie dans une Roumanie qui vient à peine de se débarrasser de Ceausescu. Une américaine, médecin, y adopte un bébé gravement malade et le ramène aux États-unis avec l'aide d'un prêtre, Mike O'Rourke (l'un des gamins de l'histoire précédente, qui depuis a fait le Vietnam et est rentré dans les ordres). Il s'avère que le bébé va bientôt faire l'objet d'une tentative d'enlèvement qui va emmener les personnages sur les traces des strigoi, autrement dit, des vampires...
Si l'idée de départ (aborder le thème du vampire sous un angle réaliste) n'était pas mauvaise, Simmons s'est par contre complètement planté au niveau du traitement de ce récit, poussif, maladroit et ennuyeux au possible. Les rares moments intéressants sont dus aux flashbacks revenant sur la vie de Vlad Tepes, le véritable Dracula. Le reste se résume à de longs et interminables trajets (en ville, dans les montagnes, à pied ou en voiture...) qui sont totalement dénués d'intérêt et à un étalage comique de documentation mal digérée.
Il est intéressant ici d'ouvrir une parenthèse sur ce fameux travail de documentation, indispensable pour l'écrivain. Il est important de se renseigner sur un sujet avant de l'aborder, ne serait-ce que dans le but de préserver une certaine crédibilité (le lecteur se rend vite compte quand un auteur survole un domaine qu'il ne maîtrise pas). Pourtant, l'erreur à ne surtout pas commettre est de recracher cette documentation, comme un élève ayant bien fait ses devoirs (ou un auteur voulant "rentabiliser" le temps perdu). En général, un écrivain se sert d'une partie infime des renseignements glanés. Ici, Simmons tombe dans ce piège grossier en nous bombardant de dialogues techniques abscons (les discussions entre spécialistes des rétrovirus flirtent presque avec la parodie tant elles sont incompréhensibles pour qui n'est pas médecin, voire chercheur) et de trajets sans doute précis (avec noms des rues et moult détails) mais assommants et fades. L'auteur évoque des tonnes de termes mais on ne sait jamais s'il s'agit de rues, de places, de monuments, de parcs ou d'autre chose... il passe complètement à côté d'une description qui aurait pu être vivante et contribuer à l'ambiance mais qui s'avère terne et absconse.
Au final, ce qui aurait dû être effrayant est surtout insipide, les vampires et leur organisation se révélant aussi fascinants qu'un séminaire sur les techniques de vente pour appareils ménagers. L'on avait eu les vampires chochottes grâce à Anne Rice (cf. notre dossier spécial vampires), Simmons invente le dentu sinistre (et pas dans le bon sens du terme). Heureusement, à part O'Rourke et quelques mentions de personnages qui n'ont qu'un rôle très secondaire (Harlen notamment, devenu sénateur), ce titre n'a pas vraiment de rapport avec Nuit d'Été et peut donc être laissé de côté sans regret.
Hiver
Et pour cause, c'est le troisième roman, Les Chiens de l'Hiver, qui constitue la suite directe de Nuit d'Été. Cette fois, Simmons, au contraire du laborieux Les Fils des Ténèbres, y est brillant. La différence est telle que sans le nom de l'auteur sur la couverture, il serait difficile de deviner qu'il s'agit de la même plume. Pour prendre une métaphore culinaire, l'on passe d'un steak gras, trop cuit et indigeste à une mousse au chocolat légère, aérienne et délicieusement sucrée.
C'est cette fois Dale, devenu écrivain, que l'on suit. Celui-ci, après une séparation douloureuse, revient dans la ville de son enfance. Il s'installe même dans l'ancienne ferme de son ami Duane pour se mettre à l'écriture de son nouveau roman.
Et très rapidement, les ennuis commencent pour ce pauvre Dale. Tout d'abord d'étranges messages qui apparaissent sur son ordinateur. Une odeur épouvantable qui disparait aussi vite qu'elle était apparue. Un étrange chien noir qui semble suivre Dale partout où il va. Et pour ne rien arranger, la rencontre avec une ancienne brute qui le terrorisait devenue... shérif !
Ce roman, assez court et particulièrement nerveux, est d'une grande habileté. Cette fois, pas de temps mort ou de longues descriptions inutiles, l'on est plongé dès le début dans un cauchemar infernal qui mènera Dale aux portes de la folie.
La tension est constante, certaines scènes vraiment efficaces (même si l'on devine parfois un peu vite vers quoi nous entraîne l'auteur), et l'on a le plaisir de retrouver des lieux connus et des personnages ayant joué un rôle important dans Nuit d'Été.
La bande n'est pas pour autant réunie, mais Simmons trouve une manière astucieuse de boucler la boucle, de remettre en perspective les évènements de 1960, et de nous livrer une réflexion amère, froide, un peu dure, sur les chimères de l'enfance, les renoncements de l'âge adulte et les égarements de l'écrivain. Pour l'anecdote, il égratignera au passage les français, les critiques et les gens qui chroniquent des livres. Comment lui en vouloir ? Les trois sont détestables.
Véritables Saisons
Plutôt qu'une saga en trois volets (voire quatre si l'on compte Les Feux de l'Eden, livre dans lequel apparait Cordie, la petite fille pauvre, étrange et quelque peu obsédée de Nuit d'Été), il serait plus sage de considérer le cycle d'Elm Haven comme un diptyque composé de Nuit d'Été et Les Chiens de l'Hiver. Ces deux romans sont particulièrement complémentaires, bien pensés, sans défauts majeurs et d'une construction implacable.
Simmons se montre suffisamment inventif en matière de hantise et de spectre pour parvenir à créer un sentiment de malaise, d'étrangeté, voire presque de peur, ce qui est d'une rare difficulté en littérature (un auteur pas trop manchot peut facilement émouvoir ou dégouter, mais créer une atmosphère tendue et rendre le lecteur nerveux n'est pas si aisé (cf. cet article), même King, abusivement considérer comme le "maître de l'épouvante", est en réalité un auteur qui joue essentiellement sur l'émotion, pas la peur).
À savourer à la nuit tombée, ce moment où quelque chose d'enfoui et ancien, tout au fond de nous, fait inexorablement se fissurer ce verni de croyances cartésiennes qui tient les monstres à une distance respectable de nos préoccupations quotidiennes.
[1] Ce qui ne l'a pas empêché de remporter le prix Locus du meilleur roman d'horreur, tout comme Nuit d'Été qui lui le méritait, ce qui donne une bonne idée de la "valeur" de ce genre de récompenses, attribuées par des amateurs.
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Publié le
3.5.16
Par
Tacgnol
Difficile de ne pas être attiré par Crystal sky of yesterday. Les couvertures, agréables, les couleurs à l’intérieur convient le lecteur à se plonger dans cette bande dessinée de Pocket Chocolat, paru en 2015 aux éditions Kotoji. L’ensemble est intrigant à bien des égards, laissant présager une expérience visuelle forte, intensifiée par le ton employé.
Chine, de nos jours. Tu Xiaoyi reçoit un appel sur son téléphone mobile. Un ex-copain de lycée l’invite à son mariage dans leur ville natale. Cette courte conversation immerge le jeune homme dans ses souvenirs et plus particulièrement lors de la terminale, cette dernière année fatidique, symbole du passage entre l’adolescence et le monde des adultes.
Dans la commune provinciale de Lanxi, durant les années 90, Tu Xiaoyi est un adolescent comme il en existe tant d’autres : rêveur, amateur de jeux vidéo, lecteur de manga, et des résultats scolaires dans la moyenne. Son quotidien, des plus banals, est un mélange de pression de ses professeurs pour qu’il s’applique dans ses études, de ses premiers émois pour la svelte Yao Zhetian, des rires avec son ami surnommé Peanut. L’arrivée d’un redoublant, Qi JingXuan va lui ouvrir de nouvelles perspectives sur l’univers qui l’entoure.
Crystal sky of yesterday est un manhua [1] intimiste, complet en deux volumes, publié par les éditions Kotoji. Cette œuvre n’est pas spécialement ce qu’il y a de plus révolutionnaire, mais le ton adopté tout le long du récit réussi à captiver, malgré la banalité des situations. La narration, qui suit les pensées de Tu Xiaoyi, tisse des liens entre diverses anecdotes, douloureuses ou non. Peu de personnes côtoient les héros, peu de lieux sont présents : les souvenirs ne sont que fragments issus de la mémoire sélective. Chaque étudiant possède ses tourments : le rebelle, Qi JingXuan, rejeton de l’inspecteur de l’académie refuse d’être un fils à papa ; l’unique jeune fille du manhua, Yao Zhetian, est écrasée par sa famille qui contrôle jusqu’à ses lectures… Les introspections de Tu Xiaoyi, les non dits appuient sur cette ambiance douce amère. Le chagrin d’amour n’est pas l’enjeu principal du récit, il fait partie d’un tout où les mal-être des adolescents se confrontent, se lient et s’explorent.
Cette bande dessinée chinoise possède un graphisme indéniablement influencé par les mangas, parfois vaporeux et éthéré, qui sied à l’évocation des souvenirs. La mise en couleur numérique maitrisée propose de magnifiques ambiances, teintées de mélancolie. Le dessin agréable oscille entre du croquis et des illustrations plus abouties. Quelques petits défauts au niveau des proportions des mains et des visages demeurent, mais les protagonistes sont expressifs et les émotions transparaissent dans leur attitude. Le découpage dynamique escamote au besoin le cadre des cases. Certains détails sont typiquement chinois : les uniformes scolaires (un survêtement), les bureaux des élèves dans les classes, encombrés de livres, qui laissent penser que ceux-ci restent à leurs places et ne changent pas souvent de salle, l’arrivée en gare d’un train à vapeur...
Le travail de l’éditeur est de très bonne facture : outre un papier qui fait ressortir les couleurs, la traduction est très fluide, le texte intégré dans les images, tout en conservant des onomatopées en chinois. Il est juste dommage que ces deux tomes, pas très épais, n’en soient pas devenus un seul et que le titre demeure en anglais. Quelques pages supplémentaires autour du système scolaire local auraient été un plus non négligeable pour découvrir une autre culture. Dans les livres, l’emploi de mots tels que "terminale", "bac", nous renvoi à notre propre culture. Mais qu’en est-il vraiment là bas ? Pourquoi ce type d’uniforme ? Comment se déroulent leurs études ?
Crystal sky of yesterday propose le temps de sa lecture une pause, un retour sur soi. Ce touchant manhua en huit chapitres invite à se remémorer les doux instants et les moments plus douloureux. Il montre qu’il faut apprendre à avoir du recul, à faire le deuil du passé, à l’accepter tel qu’il est pour aller de l’avant. Cette histoire ne critique pas le modèle chinois en lui-même ni ne le confronte au modèle occidental, ils exposent des faits universels.
Avec un concept simple, Pocket Chocolat (déjà publié chez nous aux feues éditions Xiao Pan avec Butterfly in the Air et Le Mont du Sud) nous offre des souvenirs teintés d’une douce mélancolie. Il s’interroge sur ce passage entre deux mondes, celui de l’adolescence — fin de l’enfance — et celui des adultes — une nouvelle vie, un saut vers l’inconnu.
Série en 2 tomes, 11 €, 122 pages, éditions Kotoji.
Site officiel
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[1] Terme chinois désignant la bande dessinée. Un article plus complet pour en savoir plus sur Umac.
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