Super Dark Times
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Voilà un mélange des genres étonnant et réussi, oscillant entre drame et thriller, un film à ne pas rater : Super Dark Times.

Premier long-métrage de Kevin Phillips, qui a déjà pourtant de nombreux films à son actif, notamment comme directeur de la photographie, Super Dark Times, présenté comme un "Stand By Me des années 90", est une excellente surprise explorant le thème des adolescents confrontés à la mort.
L'histoire se déroule dans une petite ville américaine, où les journées semblent s'étirer, sans fin, pour Josh et Zach, des adolescents banals. Les deux amis passent le temps comme ils le peuvent, entre balades, jeux innocents et longues discussions sur les filles, notamment la jolie Allison.
Un jour pourtant, survient un accident. Stupide. Tragique. Inacceptable. Seulement, maintenant, il va falloir vivre avec...

Ce qui frappe en premier lieu est le soin tout particulier apporté à la photographie, magnifique, qui permet d'installer dès les premières minutes une atmosphère onirique à la fois douce et vaguement inquiétante. C'est donc visuellement chiadé. Le casting est lui aussi très bon. Les jeunes acteurs, que ce soit Owen Campbell, Charlie Tahan ou Elizabeth Cappuccino, sont parfaits en gamins tour à tour maladroits, drôles ou menaçants.
Et si les personnages sont bien écrits, c'est surtout l'intrigue qui se révèle surprenante. En effet, alors que Super Dark Times commence comme une sorte de drame intimiste un peu intello, le récit bascule brutalement dans le film de genre horrifique. Cette ambivalence est sans doute la principale qualité du film mais aussi son "défaut" majeur car cette approche atypique semble dérouter plus d'un spectateur si l'on en croit les réactions vues sur le net.


Maintenant, deux solutions. Soit pour vous un bon film c'est Fast and Furious 42 ou Les Tuches 17, et effectivement, ça risque de ne pas vous convenir, soit vous estimez que l'action insipide et les vannes de beauf écrites en cinq minutes sur un coin de table après le digestif, ça ne suffit pas pour bâtir un bon scénario, et vous pouvez alors sans crainte donner une chance à cet OVNI cinématographique.
La critique qui semble revenir le plus souvent dans le camp de ceux qui n'ont pas aimé concerne la supposée "lenteur" du début. Alors, oui, le réalisateur prend le temps d'installer les personnages, de créer une certaine ambiance, de soigner sa mise en place, mais ça n'est en aucun cas trop long ou ennuyeux. Au contraire, Phillips parvient à accrocher l'attention dès le départ, à intriguer, à créer de l'empathie, ce qui permet de rendre la suite efficace.

Et quelle suite ! Ce film démontre que l'on peut tenir un propos intelligent sans être chiant, mais aussi que l'on peut divertir sans tomber dans la facilité. Les auteurs, Ben Collins et Luke Piotrowski, peignent un tableau juste et contrasté de l'adolescence, avec ses craintes, sa violence et ses espoirs. L'allégorie, évidente, n'en reste pas moins habile. Ce passage de l'enfance à l'âge adulte ne s'effectuera pas sans heurts, tous changeront, tous évolueront, en bien ou en mal. Personne n'en ressortira totalement indemne. Des amitiés que l'on pensait éternelles se dissoudront dans le temps, la confiance que l'on pensait totale se parera de doute, les sentiments les plus purs se lézarderont telles des pierres soutenant depuis trop longtemps un poids trop lourd. Et si tous les enfants ne passent pas par cette étape mouvementée et glauque décrite dans le film, tous garderont des cicatrices, profondes, douloureuses, de cette période magique et terrible où... l'innocence s'en est allée.

Bref, un putain de bon film !



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un parti pris assez novateur, entre film de genre et film "d'auteur".
  • La prestation des acteurs.
  • La photographie, soignée et envoûtante.
  • Une écriture intelligente, notamment en ce qui concerne les personnages.

  • Un basculement dans la paranoïa et l'horreur que l'on aurait souhaité plus progressif.
Initiation au Pilotage
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On embarque aujourd'hui à bord d'un Robin DR400 pour une petite Initiation au Pilotage.

Qui n'a jamais rêvé d'échapper à l'attraction terrestre pour évoluer librement parmi les nuages, tout en observant notre bonne vieille Terre d'un peu plus haut ? Si vous faites partie de ces gens que le ciel passionne, deux solutions s'offrent à vous : soit vous venez de Krypton et vous avez uniquement besoin d'une tenue ridicule (c'est le cas le plus rare tout de même), soit vous pouvez vous habiller normalement (enfin, ça dépend des gens) et apprendre à piloter.
C'est cette deuxième hypothèse que l'on aborde avec l'ouvrage du jour, écrit et dessiné par Jean Nicolas.
L'auteur s'adresse ici à de parfaits débutants, et même aux adeptes de simulateurs de vol sur ordinateur, en reprenant les principes fondamentaux liés au pilotage sous forme de petites séquences graphiques (un peu comme un McCloud qui aborderait le domaine du vol).

L'on commence par la présentation et les caractéristiques de l'avion de référence utilisé dans le livre : un Robin DR400. Le choix est plutôt sensé puisqu'il s'agit d'un petit monomoteur français, fiable, relativement simple à piloter, que l'on peut trouver sur de nombreux aérodromes. Mais bon, évidemment les bases sont identiques pour tout type d'appareil.
Après une rapide introduction et quelques notions sur la structure de l'avion, l'on aborde les forces qui agissent sur l'appareil, à savoir la portance, le poids, la trainée et la traction. L'on pourrait presque s'en passer, mais autant savoir pourquoi et comment un avion vole, ne serait-ce que pour rassurer les plus anxieux.
Ce sont les commandes qui sont ensuite décrites, de manière très didactique et ludique. Les dessins permettent de bien visualiser les axes d'inertie, l'action du pilote sur les commandes, l'effet sur les gouvernes et enfin la réaction de l'avion. La plupart des manuels traitant de pilotage emploient de petits schémas, mais aucun à ma connaissance n'avait encore utilisé le dessin de manière aussi efficace.


L'on passe rapidement sur les instruments de bord pour passer au pilotage lui-même. Les checklists, la mise en route, le roulage, l'alignement, le décollage, le contrôle des trajectoires, le tour de piste, l'atterrissage, tout est passé en revue point par point, avec la vue du cockpit, l'affichage des instruments et une vue "extérieure" montrant l'évolution de l'appareil.
Attention, pas question évidemment de faire des loopings ou d'apprendre à voler sur le dos (un Robin n'est de toute façon pas prévu pour ça), il s'agit de manoeuvres de base, destinées à acquérir le savoir minimum pour faire une petite balade locale, en vol VFR (visual flight rules = vol à vue).
L'ouvrage se poursuit avec des chapitres dédiés à la navigation, à l'altimétrie et à la météorologie (cette dernière partie étant complétée par quelques photos, un peu petites, mais permettant de se faire une idée plus précise des différentes formations nuageuses). C'est ici un peu plus technique, mais clairement indispensable, et toujours compréhensible.
Enfin, l'on termine par les règles de vol à vue et la prévention des abordages.

Le bilan s'avère très positif. En 132 pages (pour 20 euros), malgré un aspect un peu naïf et enfantin, ce manuel remplit parfaitement son rôle et permet d'aborder facilement les différentes notions qu'un pilote se doit de maîtriser. Surtout, contrairement à certains ouvrages un peu "arides" et d'aspect peu engageant, ce livre parvient à dédramatiser la plupart des sujets en les expliquant de manière simple et amusante.
L'éditeur, Cépaduès, publie également des manuels plus détaillés (et classiques), sans doute indispensables pour s'embarquer vers l'obtention d'un brevet de pilote privé, mais cette initiation, tout en douceur, est idéale pour ne pas se décourager avant même d'avoir commencé. À lire même avant un baptême de l'air, histoire de comprendre un peu ce qu'il se passe.


Un excellent exemple de l'efficacité du dessin dans le domaine de l'enseignement technique.
À conseiller, quel que soit l'âge, à ceux que l'aviation fascine.


Dès lors que vous aurez goûté au vol, vous marcherez à jamais sur terre les yeux tournés vers le ciel.
Léonard de Vinci.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un ouvrage d'initiation dense et couvrant l'essentiel des domaines abordés avant l'obtention du brevet de pilote privé.
  • L'approche dessinée qui permet de rendre la masse d'informations plus digeste.
  • Un découpage clair et pratique.

  • Manque peut-être une partie sur la phraséologie.
La Parenthèse de Virgul #3
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Rêves déments, cités cyclopéennes, cultes impies et entités terrifiantes, voilà de quoi passionner les lecteurs et alimenter l'imagination de générations entières de rôlistes. C'est donc avec enthousiasme – et quelques frissons ! – que nous abordons aujourd'hui le mythe de Cthulhu mais aussi l'impitoyable Conan le barbare.
Gratouillous les Matous !

Quand Conan rencontre Cthulhu
Saviez-vous que Conan, célèbre guerrier cimmérien créé par Robert E. Howard, évoluait dans le même univers que celui des Grands Anciens du fantastique panthéon inventé par H.P. Lovecraft ?
En effet, les deux écrivains se connaissaient bien. En plus de partager les pages de la revue Weird Tales, ceux-ci ont entretenu une longue correspondance (abordant de vastes sujets, comme les mérites respectifs de la civilisation et du barbarisme), d'ailleurs de nos jours éditée en recueil (cf. illustration ci-dessous).
Il n'est donc pas surprenant que les deux hommes en soient venus à s'emprunter diverses créations et à s'adresser des clins d'œil par fiction interposée. Une pratique d'autant moins étonnante que le Mythe de Cthulhu est très tôt devenu une œuvre collective, enrichie par les apports d'August Derleth, Clarck Asthon Smith, Robert Bloch (qui mit en scène Lovecraft en personne dans l'une de ses histoires : The Shambler from the Stars) et Howard lui-même.
Ainsi, en plus de Crom, Mithra et des nombreuses divinités évoquées dans les pages de Conan, l'on peut trouver aussi des mentions de Cthulhu, Dagon ou encore Nyarlathotep dans la bouche des sorciers et guerriers de l'Âge Hyborien,  notamment sous la plume de Lyon Sprague de Camp et Lin Carter.
Les emprunts et hommages étaient relativement courants au sein de ce cercle d'auteurs et amis, dotant chaque univers de frontières poreuses. Howard mentionnera notamment le Necronomicon dans The Children of the Night (1931), alors que le moins célèbre Unaussprechlichen Kulten, un ouvrage fictif qui apparait dans deux récits d'Howard, The Children of the Night et The Black Stone (1931), sera employé par Lovecraft dans plusieurs de ses nouvelles, comme The Dreams in the Witch House (1933) ou The Haunter of the Dark (1936). Howard fera également une allusion explicite à un barbare cimmérien dans sa nouvelle The Shadow out of Time (1936).
Un échange de bons procédés en quelque sorte, qui a permis de bâtir des ponts entre des mondes en apparence bien éloignés.
Miaw !

A Means to Freedom, deux recueils regroupant la correspondance entre Howard et Lovecraft.


Conan affronte un sorcier adepte de Nyarlathotep dans Conan le Libérateur (Hachette),
de Roy Thomas et John Buscema, adapté du roman de L. Sprague de Camp et Lin Carter.

Les Batailles de Moselle
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Trois batailles historiques sont au cœur de l'album Les Batailles de Moselle, publié fin 2017 chez Casterman.

Nous avions déjà évoqué le reporter Lefranc, personnage créé par Jacques Martin, dans ce First Look lui étant consacré. Mais, outre ces aventures classiques, il existe également une collection intitulée Les reportages de Lefranc, qui revient, avec force illustrations et documentation, sur divers faits historiques guerriers, comme la chute du Reich, la guerre du Pacifique ou encore la bataille des Ardennes.
Le dernier album en date se concentre plutôt sur un lieu, la Moselle, et décrit trois grandes batailles qui ont marqué cette terre où se mélangent les cultures allemandes et françaises. L'ensemble est graphiquement soigné, avec de superbes dessins, fort bien réalisés, d'Olivier Weinberg et une très belle colorisation d'Emmanuel Bonnet (cf. entre autres cet article sur Red Cat aindi que le Digest #33). Les textes sont quant à eux signés Marc Houver et Jean-François Patricola.

La première partie est consacrée à la bataille de Gravelotte, en 1870. Puis, les auteurs s'intéressent à la bataille de Morhange, dans les premiers temps de la Première Guerre mondiale. Enfin, la sanglante bataille de Dornot-Corny (surnommée le "Omaha Beach lorrain"), se penche sur la confrontation entre l'armée de Patton et les soldats allemands, alors que la Deuxième Guerre mondiale touche à sa fin.
Chaque section commence par un rappel du contexte politique et géostratégique de l'époque, avant de passer aux forces en présence et au déroulé de l'affrontement. Les textes sont agrémentés de cartes et de photos, mais aussi de nombreuses et magnifiques illustrations, parfois sur une double page.
La grande Histoire est rythmée également par des anecdotes (Jack Kirby participe aux combats en Moselle en 1944) ou encore des encarts présentant des témoignages parfois étonnants (comment être épargné d'un tir potentiellement fatal grâce à... du papier toilette !).
Enfin, l'on peut aussi découvrir une présentation, visuelle et technique, des armes, véhicules et uniformes. De quoi faire vraiment un large tour de la question !

Une petite réserve toutefois quant à la vision parfois quelque peu trop "franco-française" qui aurait mérité d'être nuancée, sur la "germanisation forcée" de la Moselle et de l'Alsace par exemple, un concept que l'on est en droit de remettre en question lorsqu'il concerne des terres historiquement de culture allemande. Mais l'on rentre là dans des considérations plus larges qui demanderaient de se pencher sur le destin de cette région bien avant 1870, ce qui n'est pas le but de ce livre.

Un bel ouvrage qui pourrait donner l'envie aux plus jeunes (ou aux moins jeunes d'ailleurs) d'en savoir plus sur ce passé troublé et finalement pas si lointain.
Vivement conseillé.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une valeur didactique indéniable.
  • De fort belles illustrations.
  • Un contenu riche et varié.
  • Une intéressante partie "militaria".

  • Quelques coquilles.
Zombie Cherry
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Tel le minuscule flacon rose fluo qui contient la potion miracle autour de laquelle tourne le récit, Zombie Cherry s’avère une décoction d’humour, de romance et d’un soupçon d’horreur, le tout maîtrisé et tenant en 3 volumes. L’histoire ne traîne pas, les idées s’enchaînent, les clichés sont battus en brèches et la mangaka, Shoko Conami [1], offre une conclusion des plus satisfaisantes à son intrigue tout en faisant la part belle à des questions fondamentales sur l’amitié, l’amour, la maladie, la vie et le trépas, via la métaphore du zombie.
Comme tous les manga de l’éditeur Akata, Zombie Cherry allie le fond et la forme. Une lecture attentive permet d’en déceler toutes les subtilités.

Les réveils s’avèrent difficiles pour Miu. Adoratrice des films et des revues traitant d’horreur, elle passe ses nuits les yeux rivés sur l’écran ou les bouquins. Son ami d’enfance et voisin, Haru, chimiste amateur, ne supporte plus de la voir se traîner à la manière d'un mollusque en cours. Il la force à ingurgiter quelques gouttes d’un remontant de sa fabrication, la cherry soup : une potion régénératrice de cellules, efficace durant une journée.
Miu, pleine de peps, va retourner au lycée et, telle une tornade, enfin arriver à lier une amitié avec le beau et peu loquace ténébreux de son cœur, grâce à leur passion commune pour l’horreur, surtout nipponne [2]. Lui qui passe son temps à décliner toutes les demandes de rendez-vous des lycéennes débordant d’œstrogènes, il invite Miu à l’accompagner voir un film d’épouvante. Mais pour être en forme ledit jour, elle abuse de la potion, en engloutissant l’intégralité du liquide douteux. Sur le trajet de son premier rencard, elle se tue bêtement, termine à la morgue et se relève... sans pouls. Elle retrouve son élu au cinéma avant, le soir même, de confier à Haru le problème qui étreint son palpitant : il ne bat ni pour vivre ni pour l’être aimé. Son voisin réalise qu’elle est devenue un zombie, tenant encore debout grâce aux effets de la cherry soup, et ne respirant plus que par habitude. Pour combien de temps ?

Miu doit dissimuler son statut de cadavre ambulant et poursuivre son existence de jeune fille en pleine bluette, car un second problème apparaît. En effet, Tôno ne déteste qu’une chose, dans le genre horrifique : les zombies. L’étrangeté de la situation va faire son chemin dans le cerveau de l’héroïne, qui après s’être découverte une rivale amoureuse dans la belle et douce Rio Hasegawa, percute enfin sur l’imminence de son trépas. Cette situation la perturbe profondément et les liens de son entourage lui seront d’un grand secours pour le reste de son existence.

La mangaka Shoko Conami recycle avec humour et malice les ficelles typiques des comédies romantiques lycéennes : le triangle amoureux, avec le beau ténébreux, l’ami d’enfance, la naïve, une rivale, une bande de filles prêtes à tous les coups bas pour empêcher le rapprochement entre l’héroïne et le séduisant garçon, la fête de l’école... Elle montre une adolescente qui assume d’être attirée par le physique d’un jeune homme, plus que par sa personnalité. Elle exploite aussi la quête d’identité propre à cette période charnière de la vie avec la belle Rio Hasegawa. Tout cela permet d’aborder des sujets plus délicats, dont le trépas, questionnant le temps qu’il reste et dont il faut profiter de la meilleure manière avant la fin. La fin de l’existence de l’héroïne, mais aussi, la fin de l’adolescence, la fin de l’enfance et des rêves, même horrifiques. Métaphore d’un changement d’état qui s’accomplit. Un zombie, c’est un cadavre, un corps malade en plein trépas, un monstre. Miu a côtoyé la mort. Son regard sur le monde est modifié par la conscience de son altérité. Se sachant en sursit, elle ne doit sa survie qu’à la prévenance de son ami Haru.

Zombie Cherry est une œuvre cathartique, métaphore d’une maladie, d’une malformation honteuse. Dans nos sociétés occidentales où domine une vision de l’impossible perfection du corps, où priment la performance et le paraître sur l’être, la mort même est perçue comme échec.
L’image de l’enveloppe humaine dégradée constitue un problème, facteur d’exclusion (psychologique et sociale) et de stigmatisation. Pourtant, la dessinatrice se refuse de représenter l’état d’entre-deux sur le mode de la faiblesse, de la déviance. Sur son blog, en 2012, l’artiste expliquait les retards de parutions de Zombie Cherry [3] par un enchaînement de problèmes de santé : violente anémie, opération suivant un infarctus, cancer de l’utérus...
L’auteur tisse des liens étroits et fins entre ses personnages, où les apparences s’avèrent trompeuses. Tôno, jeune homme taciturne a honte d’être jugé sur sa passion — l’horreur — alors que son physique fait craquer les filles à tour de bras ; il est heureux d’offrir une amitié sincère à Miu basé sur un point commun culturel ; Haru, très intelligent, protecteur et attentif à Miu, voit son rôle osciller entre le meilleur ami, l’ami d’enfance et le confident, le mettant dans une position peu enviable : il connaît par cœur sa voisine, mais il sait qu’il ne sera rien de plus pour elle. Il boude souvent, culpabilisant devant l’effet inattendu de sa cherry soup. Rio Hasegawa montre que son masque de beauté et de douceur dissimule la voix de la sagesse autant que le langage vipérin, et que son apparence n’est que construction ; elle n’est pas ce qu’elle parait au premier regard. Elle veut devenir autre et pour cela, le vit à sa manière contre l’avis de son père.
Le ton général, malgré une situation désespérée, demeure enjoué, loufoque grâce à son attachante héroïne maladroite, pétillante et pleine de bons sentiments. Miu ne remarque pas les brimades que lui font subir les filles jalouses, elle devient amie avec sa rivale, car elle interprète le monde par le prisme de ses yeux positifs.

Sous des couvertures pop et adorables, la dessinatrice gère une mise en scène efficace, alternant les moments loufoques et graves avec nuance et doigté. Certaines péripéties sont grand-guignolesques, à coups de perte de tête ou de bras, rendant les situations absurdes. Les expressions de Miu sont exagérées et participent au comique. Plus surprenant, la stylisation des yeux : simples, ils sont pourvus en leur centre d’un carré, ce qui déroute au premier abord. Le trait est propre, démonstratif. Grâce à l'utilisation de trames pétillantes, la bonne humeur rayonne et permet de ne pas faire tomber l’histoire dans un pathos malvenu, faisant passer la gravité de la situation avec tact.

Zombie Cherry n’est pas un récit centré autour des zombies tels qu’on les connaît, surgissant des tombes ou naissant suite à une infection bactériologique et dévorant les cerveaux des vivants. Ce manga traite de l’éclosion et de l’acceptation d’un amour dans des conditions difficiles. L’héroïne acquiert un autre état malgré elle, avec tout ce que cela comporte de prise de conscience sur sa mortalité.
Shoko Conami mélange la comédie, la romance et le drame grâce à son humour décapent et à son écriture subtile. l’emploi de la culture horrifique n’empêche pas l’œuvre d’être accessible à tous, usant de ce thème comme d’une métaphore brillante. Pour lire ce titre, il faudra un peu farfouiller dans les étagères des libraires, car il est paru entre 2016 et 2017.


[1] Shoko Conami, déjà connue en France pour Shinobi Life, publiée aux éditions Kaze, une série en 8 volumes où une lycéenne est protégée par un ninja venu du passé.
[2] La mangaka connaît ses classiques : dans le premier volume se trouve une case dessinée à la manière d'Umezu, auteur principalement édité en français par le Lézard Noir.
[3] Les mangas sont publiés en feuilleton dans des magazines et, depuis peu, sur internet, avant que les différents chapitres soient compilés en recueils.

+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Mort de l’héroïne.
  • Des rebondissements qui s’enchaînent bien.
  • Graphisme assez personnel de l’artiste, adapté au ton comique, surtout pour le traitement des yeux.
  • Édition française soignée.
  • Des questionnements universels amenés avec intelligence.
  • Complet en 3 tomes, avec une vraie conclusion .

  • Personnages masculins assez classiques.
La Parenthèse de Virgul #2
Par

Pour cette nouvelle parenthèse, je suis maintenant installé plus confortablement, dans un fauteuil moelleux au coin du feu. Si vous avez raté ma petite présentation et ma première digression sur les origines des Tortues Ninja, n'hésitez pas à aller jeter un œil, mais pour aujourd'hui, c'est de science-fiction old school et de confusion dont il va être question.
Gratouillous les matous !

La confusion des Flash
Les fans de The Big Bang Theory, qui ont la mauvaise idée de regarder cette série en version française, se sont peut-être rendu compte que les traducteurs ont fait une bourde en parlant de Flash Gordon lorsque Sheldon est déguisé en Flash, le super-héros de DC Comics. Dans ce cas précis, il est un peu étrange de rajouter ce "Gordon" qui n'apparait pas en VO, d'autant que visiblement, ni les traducteurs ni les doubleurs ne connaissent le personnage, mais il est vrai que le grand public fait souvent la confusion également. Nous allons faire un petit point pour éviter toute erreur à l'avenir.
Flash, certainement le plus connu des deux de nos jours, est un collègue de Batman, Superman ou Green Lantern. C'est un super-héros qui, grâce à la Force Véloce, peut se déplacer à des vitesses phénoménales (cf. entre autres cet article).
Flash Gordon, lui, est un personnage de science-fiction qui fait ses débuts en comics en 1934, sous la plume (et les crayons) d'Alex Raymond. Le personnage va surtout lutter contre le cruel empereur Ming, despote de la planète Mongo, qui a des vues sur la Terre. Aux États-Unis, Gordon se baladera chez divers éditeurs (dont DC Comics). En France, il sera dans un premier temps publié sous le nom de Guy l'Éclair, dont on retrouvera les aventures périodiques dans le Journal de Mickey. Les récits de Flash Gordon ont été souvent adaptés et déclinés en films, téléfilms ou séries. L'on peut citer notamment Flash Gordon : The Greatest Adventure of All, un long-métrage d'animation de 1982, qui bénéficie d'une atmosphère inquiétante, l'histoire se déroulant alors que la Deuxième Guerre mondiale fait rage sur Terre et que Ming fournit des armes aux nazis. Une série TV (une seule saison), avec Eric Johnson dans le rôle-titre, a également été produite en 2007 et diffusée sur SyFy.
Bref, difficile de confondre le Flash (les Flash en fait, puisque plusieurs personnages ont incarné le héros) de la Justice League, bolide écarlate de Central City, et ce Flash Gordon quelque peu oublié des plus jeunes, héros d'aventures exotiques sur de lointaines planètes... en tout cas, maintenant, ces deux protagonistes devraient être à vos yeux aussi différents qu'un Maine Coon et un Peterbald.
Miaw !


Quelques covers de la série de comics Flash Gordon.


L'évolution à travers le temps du Flash de DC Comics.

UMAC's Digest #46
Par
Les sélections UMAC dans l'actu de la pop culture



-- WOMEN --

Fer-de-lance du catalogue des éditions Black Box lors de leurs débuts, la mangaka Masako Yoshi revient dès le mois de février avec trois recueils d’histoires courtes, entièrement en couleur : Histoires de femme.
La dessinatrice s’amuse à mélanger des techniques comme l’aquarelle et le crayon, à jouer sur les ajouts de trames, tout en variant les situations sur un thème pourtant convenu : les relations entre les hommes et les femmes. Ainsi la piscine, la promenade du chien, le travail, le quai de la gare... sont des lieux du quotidien propices à l’éclosion ou l’évaporation des sentiments. Il n’y a plus qu’à espérer que Masako Yoshi ne tombe pas dans la mièvrerie et l’anecdotique.
Ces trois volumes bénéficieront des dernières modifications opérées par Black Box sur ses livres : la couverture avec vernis et rabats, et le papier souple, non bouffant.
#relationnel






-- ENGLISH HORROR --

Les éditions Delirium persistent dans la publication d’œuvres horrifiques (aux dessins gracieux, détaillés et tortueux) qui méritent d’être découvertes et partagées.
Dès le mois de février, Misty, anthologie de l’horreur anglaise, montrera que les Anglais n’ont rien à envier à leurs cousins américains. Les récits publiés à la fin des années 70 – pour un lectorat à la base féminin – se parent de mises en pages éclatées, d’encrages soignés, et de jeunes filles épouvantées, rappelant les œuvres du japonais Umezu.
La terreur se tapit n’importe où dans le quotidien... et emprunte le chemin cérébral pour un effroi total, proche d’Ambrose Bierce et de ses Contes Noirs.
#frissons






-- MONSTER II --

Le premier tome du manga King of Eden est sorti il y a quelques jours en France chez Ki-oon. Difficile de se démarquer dans un marché saturé qui publie chaque semaine des dizaines de titres, celui-ci est pourtant fièrement mis en avant grâce au nom de son scénariste : Takashi Nagasaki. Ce dernier est le co-auteur de la plupart des œuvres, souvent excellentes, de Naoki Urasawa, comme Monster, 20th Century Boys, Billy Bat, Pluto et Master Keaton.
L'histoire, simpliste pour l'instant, se concentre sur une souche virale transformant ses victimes en démons, le tout sur fond de mythologie (chrétienne, égyptienne...) et de complots plus ou moins terroristes. Un mélange des genres (thriller, fantastique, horreur…) qui permet la comparaison avec le grand Urasawa, bien que King of Eden n'en sorte pas grandi.
Cette introduction sympathique manque cruellement d'intérêt tant tout est prévisible et peu attirant. On note tout de même quelques bons points, comme un rythme efficace et une intrigue « un peu » mystérieuse (mais pas non plus des masses convaincante ou passionnante). Par ailleurs, les personnages ne sont pas assez fouillés et peu attachants, les traits de l'inconnu « IGNITO » (Sang-Cheol Lee de son vrai nom) sont parfois complètement bâclés (digne d'un brouillon ou dessin d'un mauvais imitateur), parfois remarquables de réalisme (les visages rappellent le style d'Urasawa). En découle un déséquilibre artistique et qualitatif flagrant.
À chaud on déconseille donc, mais à froid on attendra le deuxième tome pour laisser une seconde chance (comme souvent avec les mangas). On en reparlera à ce moment-là…
#n'estpasUrasawaquiveut






-- CARAPACES & NINJUTSU --

Si vous avez suivi la première parenthèse de Virgul, vous êtes au courant : les Teenage Mutant Ninja Turtles seront de retour en mars chez Hi Comics, nouveau label des éditions Bragelonne.
Deux ouvrages sont prévus, d'une part La Guerre de Krang, par Tom Waltz et Ben Bates, d'autre part L'histoire secrète du clan Foot, par Erik Burnham et Mateus Santolouco.
Les titres de ces deux tomes sont assez explicites quant à leur contenu. Au menu, du Tortues Ninja classique et efficace, parsemé d'un soupçon d'humour, avec rappel des origines et grosses bastons.
L'ensemble est plutôt agréable à lire. Et on s'est laissé dire que le studio Makma avait bossé sur la VF, ce qui est un gage de qualité.
#amateursdepizzas







-- SIDEKICKS --

Que se passe-t-il lorsque les jeunes compagnons de super-héros expérimentés décident de s'en prendre seuls aux super-vilains afin d'attirer un peu plus l'attention du public et des médias ?
C'est ce que l'on découvre dans Project Superpowers : HeroKillers, de Ryan Browne et Pete Woods. Le TPB, contenant les cinq premiers épisodes, sort en VO début février, chez Dynamite Entertainment.
C'est à la fois drôle, surprenant, violent, et ça lorgne un peu (toute proportion gardée) vers le côté transgressif d'un The Boys, en dévoilant l'envers du décor de la scène super-héroïque.
Conseillé. Et très attendu en VF.
#jeunesloups



TRUE DETECTIVE • Le jour et la nuit
Par
Tandis qu'une troisième saison de la série True Detective vient d'être officiellement confirmée, revenons sur les deux premières. Format d’anthologie, casting de rêve, mise en scène soignée, scénario fascinant… En 2014, True Detective se hisse en tête des meilleures productions télévisées. Sa première saison est unanimement saluée par la critique et le public. La seconde, plus mitigée, lui enlève aussitôt son statut de fiction culte. 



En huit épisodes seulement, la création originale de Nic Pizzolatto pour HBO (Oz, Game of Thrones…), a réussi à bousculer les codes des séries, s'établissant comme une référence. Pizzolatto, écrivain américain, situe son récit en Lousiane en 2012. Deux flics sont interrogés par leurs confrères. Ils se remémorent une enquête datant d’une petite vingtaine d’années, d’un meurtre a priori résolu, après qu’un assassinat similaire a été commis. C'est l’occasion de suivre la double investigation (celle du passé en flash-back et la nouvelle) mais, surtout, l’évolution du parcours psychologique et sentimental des deux hommes.

Le duo est campé par deux pointures du cinéma : Woody Harrelson est Martin Hart, garçon bourru et sympathique, Matthew McConaughey joue l’hypnotisant et solitaire Rust Cohle. Le second est alors en pleine reconnaissance dans le monde du septième art après un virage indépendant (Killer Joe, Dallas Buyer Club) habilement équilibré avec des blockbusters intelligents (Le Loup de Wall Street, Interstellar).

L’alchimie du binôme séduit d’emblée et on se passionne pour son histoire. La justesse des dialogues et l’interprétation de McConaughey prennent le dessus sur l’enquête, qui se conclut sans twist mais avec une légère envolée mystique — chute décevante pour certains.

Derrière la caméra, Cary Joji Fukunaga, réalisateur des films Sin Nombre et Jane Eyre, propose un travail digne du grand écran : un génial plan séquence d’action de six minutes, de nombreuses scènes contemplatives, aériennes… le tout sublimé par une excellente direction de la photographie. L’ensemble fait des merveilles, la série est qualifiée, à juste titre, de « culte ».


Le saviez-vous ?

Le Roi en jaune (The King in Yellow en VO), recueil de nouvelles de l'écrivain américain Robert W. Chambers, publié en 1985, est l'une des sources d'inspiration de Pizzolatto, avec entre autres les œuvres de Stephen King et Raymond Chandler.

Il a connu un puissant regain de vente lors de la première diffusion de la série. Les lecteurs pensaient y trouver des indices sur l’identité du meurtrier. En vain !


L’exploit n'est pas réitéré l’an suivant puisque la deuxième saison de True Detective, diffusée mi-2015, accumule les défauts et les lourdeurs. Toujours écrite par Pizzolatto, elle tente une nouvelle incursion policière, en Californie contemporaine cette fois. Au casting, un flic corrompu (Colin Farrell, qui peine à convaincre), un plus jeune (Taylor Kitsch, plutôt fade) et une dernière plus intéressante (parfaite Rachel McAdams).

Face à eux, un couple en pleine rédemption (Vince Vaughn,  excellent, et  Kelly Reilly, sous-exploitée), plus attachant. L’histoire se perd dans un flot d’incompréhensions et d’enjeux troubles. La réalisation passe de main en main, des scènes sortent du lot mais on oublie aisément ces nouveaux épisodes. Il faut toutefois relativiser, si la barre n’avait pas été placée aussi haut, nul doute que cette seconde salve aurait été plus appréciée. HBO a tout de même prolongé le contrat du créateur jusqu'en 2018, année où l'on devrait découvrir une troisième saison. Sans se précipiter cette fois et en ayant un recul nécessaire pour ne pas commettre les erreurs de la deuxième.

Si vous ne connaissez pas True Detective, on ne peut que vous conseiller de regarder sa première saison, puissante et passionnante. Un engagement de huit épisodes seulement pour un plaisir cinéphile et "sériephile", ça ne se refuse pas !

(Cet article a initialement été publié dans Séries Saga #2 en juin 2016.)
La Parenthèse de Virgul #1
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Eh bien, il était temps que j'obtienne enfin ma propre rubrique ! Brandir des pancartes en fin d'article, c'est bien beau, mais moi aussi j'ai des choses à dire... je vous propose donc de vous retrouver régulièrement pour diverses digressions et anecdotes. Et puisque je suis un animal anthropomorphique, il était logique que je commence cette série de parenthèses par de drôles de bestioles.
Gratouillous les matous !

Tortues Géniales
Tout le monde ou presque connaît les célèbres Teenage Mutant Ninja Turtles, ou Tortues Ninja. Popularisé par divers dessins animés, le quatuor a vu le jour dans une série de comics assez sombre et violente, plutôt axée vers un public adulte. Mais saviez-vous que, bien que ne faisant pas partie de l'univers Marvel, les Tortues Ninja ont des points communs avec... Daredevil ?
Les créateurs des personnages, Peter Laird et Kevin Eastman, se sont en effet grandement inspirés du justicier de Hell's Kitchen pour planter le décor quelque peu parodique de leur univers. Ainsi, le produit mutagène qui a donné naissance à Michelangelo, Donatello, Raphael et Leonardo est en fait issu du camion impliqué dans l'accident qui a doté un certain Matt Murdock de pouvoirs fort utiles.
Ce n'est pas tout. Si Daredevil combat régulièrement les sbires d'une organisation appelée La Main, les Tortues, elles, doivent faire face au clan Foot (Pied, en anglais). Même le maître des Tortues, Splinter (écharde), est une allusion au personnage de Stick (bâton), mentor de Daredevil.
Les amateurs de pizzas ont depuis fait une belle carrière, à la grande surprise de leurs auteurs, qui estimaient au départ leur idée invendable et bien trop "barrée".
Si tout cela vous a donné envie de (re)découvrir les Tortues Ninja, deux albums, accessibles et plutôt bien écrits (dixit Nolt), sortent en mars chez Hi Comics, nouveau label de Bragelonne : Krang War et L'histoire secrète du clan Foot. Et si vous êtes vraiment impatients, vous pouvez aussi vous rabattre sur ce crossover entre les porteurs de carapace et Batman.
Miaw !

Death Sentence : sexe, drogue, rock n' roll et super-pouvoirs
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On pourrait aisément prendre Death Sentence comme une énième variation sur le statut de super-héros, voire le pouvoir lui-même - et cela le mettrait ainsi dans la même catégorie que A god somewhere, No hero ou encore Supergod de Warren Ellis. Ce serait d'ailleurs un excellent argument pour pousser à lire ce one-shot de Montynero & Mike Dowling, deux autres Britanniques sortant volontairement des sentiers battus. On y évoque en effet des super-pouvoirs qui seraient acquis par le biais d'un virus transmis par voie sexuelle : les infectés voient leurs capacités physiques et psychiques décuplées, deviennent capables de créer des chefs-d'œuvre extraordinaires avant de mourir dans un délai de 6 mois (il n'existe aucun remède). On y suit plus particulièrement trois personnages, déjà marginaux : Weasel, ancien leader d'un rock-band, chanteur décadent ; Monty, humoriste grandiloquent et don juan patenté ; et enfin, Verity, jeune fille un peu paumée et artiste refoulée.

C'est bien entendu avec à propos que le script met en lumière trois individus plus ou moins issus du (ou y évoluant) monde artistique : le virus G+ confère non seulement certains dons exceptionnels (certains spécimens atteints vont phaser, projeter de l'acide, léviter ou manipuler esprits et objets par la pensée) mais permet aussi de sublimer les facultés créatrices de son porteur. Alors que l'un d'eux échappe à tout contrôle et recensement et développe de manière exponentielle ses pouvoirs en assouvissant ses désirs les plus pervers, les deux autres se retrouvent poursuivis puis capturés par une unité secrète visant à analyser en profondeur le potentiel du virus.


Volontairement trash et agressif (on y baise beaucoup, on s'y shoote avec tout et n'importe quoi et les décès sont innombrables - rappelant fortement dans certaines scènes le finale de Kingsman), le comic book se permet pourtant d'insérer quelques réflexions intéressantes, sans véritablement apporter de réponses, mais qui donnent une profondeur supplémentaire au destin de trois êtres décalés que le virus G+ va transcender jusqu'à un inévitable (et un peu téléphoné) affrontement fratricide. Il faut pour cela accepter l'acidité tonique des dessins de Mike Dowling qui sacrifie l'esthétique au fonctionnel : malgré quelques jolis gros plans et des points de vue déroutants, c'est souvent assez laid et les rares séquences de combat sont pratiquement inintelligibles.


On navigue un peu entre agacement, dégoût et fascination pour les excès ultra-narcissiques de Monty, la névrose et le côté junkie nihiliste de Weasel et les divagations mélancoliques de Verity sur fond de troisième guerre mondiale. Aucun respect pour la monarchie britannique et ses institutions politiques (quand l'un de ces super-camés décide de s'en prendre au gouvernement, la monarchie et le gouvernement en prennent pour leur grade), et il en va de même pour les militaires, les savants et autres intellectuels : les élites ne valent pas tripette face à des personnages capables de voir derrière la réalité des choses, de distinguer la structure quantique de l'univers, de créer des œuvres fantasmagoriques à partir d'émotions brutes et de s'en battre glorieusement les couilles... ou pas.
Une expérience à tenter.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un script osé et trash, refusant le politiquement correct.
  • Des réflexions intéressantes sur la notion de pouvoir, l'expression artistique et l'intérêt même de l'existence.
  • Les chapitres sont ponctués de brillantes citations en exergue, de quoi enrichir vos conversations de salon.
  • Un one-shot complet et cohérent pour un prix honnête, incluant quelques couvertures originales ou non publiées.

  • Un rythme parfois languissant avec des dialogues pénibles.
  • Des dessins manquant de finesse et de précision.
  • Un finale légèrement décevant.
Tops et Flops 2017
Par
Petite sélection subjective et personnelle des réussites et échecs (critiques !) de 2017.

Pour l'occasion, me voilà avec un tas de Virgul d'or à remettre virtuellement. Dont mon préféré : le Virgul d'or des scénaristes qui sodomisent la logique et la vraisemblance. Oui, on s'est lâché un peu sur les dénominations. Mais commençons par les bonnes choses avec une série TV, un roman et un jeu de rôle.

-- Tops --

WestWorld
Dans la catégorie "adaptation d'un vieux film poussif qui se transforme en série originale et bien écrite", le Virgul d'or revient à WestWorld, un nouveau hit de HBO.
L'essentiel a été dit dans cet article, tout est excellent, que ce soit le casting, l'écriture, les décors, le concept passionnant flirtant avec la philosophie, et de vrais beaux moments d'émotion. Impossible de ne pas s'enthousiasmer pour ce parc fantastique (que l'on aimerait visiter pour de bon !) et pour les hôtes et leur destin romantique et cruel.
Une tuerie. Dans le bon sens du terme.
Si vous l'avez ratée, foncez, cette série est à découvrir absolument !




Blacksad - le JdR
Dans la catégorie "je fais un jeu de rôle à partir d'une BD anthropomorphique et j'exploite merveilleusement le concept pourtant pas évident", le Virgul d'or revient à Blacksad, édité par La Loutre Rôliste.
Bon, il existe deux écoles pour les JdR. Les joueurs qui privilégient la simulation, et ceux qui mettent plutôt en avant le roleplay et l'ambiance. Blacksad enchantera certainement les amateurs de la deuxième catégorie, tant son système de jeu est bien foutu et sert l'immersion. Le côté animal surtout, qui semblait être un peu superflu à première vue pour un JdR axé polar, permet au jeu de gagner en originalité, en "âme" et en fluidité.
En plus c'est joliment illustré et accessible. Un must.
Plus de détails ici.




La Nuit des Cannibales
Dans la catégorie "j'ai un titre qui fait penser à un truc gore mais en fait je suis un excellent roman fantastique et drôle", le Virgul d'or revient au très jouissif La Nuit des Cannibales, de Gabriel Katz.
Si l'on a l'impression au départ que l'on part dans un trip un peu dégueulasse, en réalité, l'auteur exploite très habilement le thème du changement de corps, installant rapidement une petite mythologie bien sympa et des personnages attachants (cf. la chronique complète).
C'est fluide, très bien construit et marrant.
Et on rappelle qu'être divertissant n'est pas une tare en littérature. C'est une compétence supplémentaire.





-- Flops --

Allez, on ne va pas se le cacher, si vous êtes là, c'est aussi pour la partie Flops, vous voulez du sang, des noms d'oiseaux, des grenades dans le slibard des nuisibles... eh bien, vous allez être un peu déçus, sauf pour le dernier, où vraiment, je me suis lâché. Mais gardons le meilleur pour la fin et commençons par...


Astérix et la Transitalique
Dans la catégorie "je suis une BD légendaire sous assistance respiratoire", le Virgul d'or revient à Astérix et la Transitalique. Pour être honnête, c'est un "petit" flop, parce que c'est tout de même en bonne voie et que tout n'est pas à jeter (cf. cet article), mais ça manque vraiment d'enjeux, le côté aventure est totalement absent, et la conclusion est naze. Ça fait quand même beaucoup.
Et en plus (oubli ou politiquement correct de merde ?), la page de présentation du village gaulois résistant face à l'envahisseur a été supprimée de la version papier (elle figure étrangement sur la version numérique).
Arf. Décidément, la tyrannie des "humanistes tolérants" est celle qu'il faut redouter le plus, il n'est de violence plus destructive que celle qui est exercée au nom du Bien. Ah ça dénonce grave, hein mon gaillard ?




Grave
Dans la catégorie "film de genre français qui veut tout de même jouer les films d'auteur avec des scènes inutiles et prétentieuses", le Virgul d'or revient à Grave, de Julia Ducournau.
Là encore, un "petit" flop, parce que ce long-métrage possède des qualités évidentes, avec une ambiance malsaine assez rare dans le cinéma français et des actrices livrant de belles prestations, mais que de défauts également !
Cadre mal employé, conclusion bâclée, scénario bien trop creux, trop d'éléments sont (largement) perfectibles pour que l'on ne soit pas déçu, d'autant que le côté scabreux et transgressif paraît parfois bien artificiel.
Topo complet ici.




Nintendo
Ah, on rentre déjà plus dans le dur là, avec, dans la catégorie "je suis une marque qui a fait rêver des générations de players du coup je crois que j'ai le droit de les enculer sans vaseline", la Mini SNES de Nintendo.
Seulement 21 jeux, avec des RPG en anglais, pas de possibilité d'en rajouter, des câbles trop courts, un système de retour au menu à la con, franchement, la liste des couilles est bien trop longue pour du Nintendo.
À savoir que la version crackée permet de résoudre les principaux problèmes. Mais c'est illégal. Mais en même temps, comme on l'a vu dans cet article, c'est un peu comme si le géant nippon avait collé un "crackez-moi !" sur le capot de son émulateur, bien trop radin en contenu pour pleinement profiter de l'effet nostalgie procuré par le retrogaming.




The Walking Dead - saison 8
Aah... on en arrive à la petite sucrerie de l'article, à sa raison d'être presque. Dans la catégorie "je sodomise la logique et la vraisemblance", le Virgul d'or revient au début de saison 8 de The Walking Dead.
Et là... on va la faire un peu longue. Parce que ça mérite qu'on s'y attarde. Sisi.

The Walking Dead en comics, ce fut le grand écart (cf. cet article), Kirkman réalisant l’exploit de passer du niveau chef-d’œuvre (les 60 premiers épisodes) à étron. Entre les invraisemblances, les idées gâchées, les répétitions et les inepties, la série était devenue l’ombre d’elle-même.
Par contre, la série TV se laissait regarder. Avec des hauts et des bas, bien sûr, tout n’étant pas parfait (cf. cet article sur les véritables et fausses incohérences, ce qui montre bien qu'il n'est pas question d'ergoter sur des détails), mais aussi avec de vrais bons moments, comme le début d’histoire d’amour (tragique) entre Daryl et Beth. Et puis la saison 8 est arrivée…

Je ne vais rien spoiler, je ne vais qu’évoquer rapidement deux ou trois scènes.
La plus merveilleuse est celle de l’épisode 1. 
Rick et ses troupes déboulent devant le repaire de Negan. Ils sont nombreux, bien armés, "protégés" (on y reviendra) derrière des boucliers, bref, quelle va être la réaction de Negan ? Il ouvre la porte et se pavane devant eux, à découvert, avec tous ses lieutenants. C’est déjà bien absurde. Quand des mecs arrivent pour te lyncher, tu ne sors pas le sourire aux lèvres et les mains dans les poches.
Mais le meilleur est pour la suite. Quand enfin, après des palabres interminables, Rick et sa petite armée décident d’ouvrir le feu, ils ratent tout le monde !
Ils sont une centaine, avec des fusils d’assaut, ils tirent sur des mecs à dix mètres, et ils n’en touchent pas un ?? On passe d’un extrême à l’autre entre les ahurissants tirs de précision à la Lucky Luke du comic (je déconne pas, regardez ça) et le feu d’artifice (qui ferait passer la scène dans Predator, où l’équipe de Dutch "déboise" la forêt, pour quelques déflagrations de pétards inoffensifs) qui épargne tous les méchants dans la série TV.


Negan et l'un de ses gentils lieutenants.

— Tiens, Negan, tu vas où ?
— Oh, il y a tout un régiment de types surarmés qui veulent me trouer la panse, je vais aller me pavaner devant eux la bite à l’air.
— Heu… t’es sûr que c’est vraiment une bonne idée ça ?
— Oh oui, j’éviterai les balles avec mon super-pouvoir : les scénaristes. 


Pareil ensuite lors d’une escarmouche entre le groupe d’Ezekiel et des Sauveurs. Ce putain de combat dure des plombes, alors que les mecs sont à cinq saloperies de mètres les uns des autres. Et alors que du 5.56 (la munition standard des fusils d’assaut occidentaux) ou du 7.62 (utilisée dans les Kalachnikov) transpercent facilement plusieurs millimètres d’acier, les mecs se protègent derrière… de la tôle ondulée et des tables !!
Mais… meeeeeeerde !!!!!
Et putain, pour l’éventuel abruti fini à la pisse qui est en train de se dire derrière son écran « meuuuh, mais c’est pas grave, il y a bien des morts-vivants, c’est pas réaliste de toute façon… », qu’il aille s’acheter un costume de cochon et se faire sodomiser par des péquenots consanguins dans les Appalaches !! Non ce n’est pas une insulte, c’est un conseil amical doublé d’une référence cinématographique.

C’est exactement comme pour le problème de téléportation idiote dans Game of Thrones, ce n’est pas parce que l’on est dans un univers fantastique, avec des éléments surnaturels, qu’on peut chier sur toutes les règles et vomir sur la logique. Si je suis à pied, à cheval ou en vélo, j’ai beau être dans un univers de fiction, je ne peux pas faire Brest-Strasbourg en cinq minutes (sauf si j’établis une règle permettant de le faire). Et je ne peux pas non plus me protéger des tirs nourris de dizaines de trous du cul armés de M-16, d’AK-47 ou de HK-53 en me planquant derrière un ours en peluche ou une glace à la pistache !! 
Merde et merde !!
Ces scènes sont tellement à chier qu’elles cassent toute l’intrigue. On ne peut pas s’intéresser à l’histoire ou ressentir une quelconque empathie si, à la place des personnages crédibles, on a l’impression de regarder les gesticulations pathétiques des auteurs qui se torchent le fion avec le scénario et pensent plus à ce qu’ils vont bouffer le soir en rentrant à la maison qu’à bâtir une intrigue qui tient debout !
Le pire c'est que ce qui ne va pas ne demande aucune compétence spéciale pour être corrigé, ni budget, ni talent, juste un peu de rigueur et de logique. Si tu tombes d'une falaise de 300 mètres, tu ne te relèves pas en faisant "aïe". Et si 150 mecs te tirent dessus avec des armes de guerre alors que tu es à 10 mètres en train de faire ton numéro avec ta batte, ben c'est pareil, tu as le bon goût de te faire transpercer la couenne et tu ne slalomes pas entre les balles comme si tu étais dans la Matrice ou dans un épisode de Walker, Texas Ranger ! Rhaa, putain !

Ah... ça fait du bien.