Publié le
31.5.20
Par
Vance
Fin 2004, Marvel balançait une bombe, usant d'une de ses armes de prédilection : Wolverine, personnage charismatique dont le potentiel, pas encore complètement exploité (on verra par la suite des scénaristes aller encore plus loin dans l'exploration des limites du mutant canadien), permet aux auteurs les plus ambitieux de développer des récits à la limite de la censure maios reposant également sur les inévitables quêtes d'humanité, de rédemption et de vengeance.
On associa Mark Millar, alors en plein boum avec l'éditeur des X-Men et des Avengers, avec ce vieux routier (et déjà partenaire sur Kick-Ass ! - cf. ce dossier) qu'était John Romita Jr à partir d'un pitch aussi évident qu'alléchant : Wolverine contre... eh bien, tous les super-héros !
Le genre de promesses que l’Écossais sait parfois tenir, habitué des propositions surprenantes, audacieuses, fascinantes, mais qui ne parviennent pas toujours à trouver une conclusion satisfaisante. Il n'empêche que ses Ultimates faisaient alors l'unanimité, et son travail sur Ultimate X-Men avait marqué les esprits (cf. cet article).
On savait donc le créateur de Wanted ou Superman : Red Son capable de démarrer tambour battant, et le moins que l'on puisse dire, c'est que Millar ne fait pas dans la dentelle puisqu'il parvient à se réapproprier le matériau de base avec une audace jouissive. Avec autant de respect que d'efficacité, limitant le temps d’exposition, il nous fait entrer dans cette intrigue sur des chapeaux de roues avec une idée de base rien moins que stimulante : faire du "gentil" Logan l'ennemi public numéro 1, recherché par toutes les agences gouvernementales et menaçant jusqu'à l'équilibre géopolitique du moment. Mais... comment a-t-il viré de bord ? Et surtout, pourquoi ? La faute à une organisation vieille comme le monde qui a vu beaucoup trop souvent ses projets funestes contrariés par les actions de notre héros au squelette d'adamantium : la Main, dont les membres semblent innombrables et qui se trouve capable de recruter des morts. La Main a déjà fait le coup avec Elektra, mais, sous l'impulsion de Gorgone, ses ambitions sont décuplées : créer une armée de méta-humains en les tuant et en les retournant contre leurs anciens alliés. Et voilà que le plus célèbre des mutants griffus tombe entre les mains de... la Main (oui, elle était facile !).
Il se trouve bien secondé par un John Romita Jr qui n’aime rien tant que les combats brutaux et les destructions massives, au détriment sans doute - c'est assez évident ici - de la science du combat et de l’agilité des protagonistes ; Logan y apparaît ainsi un peu trop pataud, massif, manquant de cette félinité que d'autres artistes ont su bien mieux rendre. Quant à Elektra, on se rend compte qu'elle y perd tant en féminité qu'en souplesse, deux de ses caractéristiques principales pourtant. Les affrontements s'enchaînent sans temps morts, la tension monte en même temps que les doutes des anciens alliés tandis que les stratégies mises au point pour stopper Logan s'effondrent les unes après les autres.Comme lorsqu'il incarnait l'un des Cavaliers d'Apocalypse, Wolverine s'avère la parfaite incarnation de l'inéluctabilité : implacable, incoercible.
La seconde partie (Agent of S.H.I.E.L.D.),
tout aussi réjouissante par son prétexte (s'il y a une chose que Logan ne supporte pas, c'est qu'on l'utilise contre son gré, et il y a bien peu de choses au monde capables de l'empêcher d'exercer des représailles), table sur quelques ficelles un poil
plus grossières, une conversion à l’envers beaucoup trop rapide et une croissance
exponentielle du nombre de victimes. L’ensemble fera date dans la série sur Wolverine, relançant Logan dans ce qu’on le préfère voir faire : se
venger.
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Publié le
30.5.20
Par
Nolt
C'est à une température de 451 degrés fahrenheit que le papier s'enflamme et se consume. Partent alors en fumée un peu de notre liberté, de notre réflexion et de nos rêves. Rejoignons tout de suite les étranges pompiers de l'une des œuvres les plus prophétiques de la science-fiction.
Guy Montag est pompier. Comme ses collègues, il n'éteint plus les incendies mais les provoque. Dans un monde où les livres sont interdits et les lecteurs des criminels, Montag traque les bibliothèques pour y mettre le feu.
Un jour pourtant, il sauve un ouvrage des flammes. Puis un autre. Alors qu'il rentre chez lui, il fait également une rencontre étrange. Une jeune fille qui ne regarde pas les écrans géants de la télévision et préfère se promener, seule, la nuit. Elle sait que l'herbe se couvre de rosée au matin. Elle goûte la pluie qui tombe. Elle reste parfois simplement assise, à réfléchir.
À son contact, Montag se rend compte qu'il n'est pas heureux. Il a envie d'aimer, de prendre des décisions par lui-même, de vivre vraiment.
De lire.
Mais, comme beaucoup, il n'a plus les outils pour comprendre les livres et leurs métaphores. Il sent qu'ils contiennent quelque chose d'essentiel mais serait bien en peine d'expliquer clairement quoi. Le pompier, attiré par le papier, va maintenant se chercher un professeur afin de pouvoir goûter pleinement ce qui se cache entre les lignes.
Adapter un classique aussi célèbre que Fahrenheit 451 n'est pas chose aisée. Aussi, c'est en étroite collaboration avec Ray Bradbury que Tim Hamilton s'est attelé à la tâche. La version française est sortie en 2010 chez Casterman, avec un billet d'introduction de Bradbury himself.
Le style graphique est assez épuré et joue sur d'importants contrastes. Si les visages manquent un peu de traits significatifs, certains effets astucieux viennent renforcer le propos. Une page d'un livre, utilisée en toile de fond, va ainsi accentuer l'impression d'étourdissement et de perdition ressenti par le personnage qui découvre l'immense richesse de ce qu'il détruisait auparavant. À un autre moment, de nombreux mots finissent par se fondre en une seule masse et former un visage, montrant ainsi à quel point leur influence et les immenses possibilités qu'ils contiennent sont vitales pour devenir un individu à part entière, libre et éclairé.
L'on regrettera cependant que les flammes, peut-être trop stylisées, n'aient pas l'impact dramatique qu'elles devraient pourtant susciter.
Si le dessin est important, c'est bien entendu la force de l'histoire qui fait ici tout l'intérêt de ce comic.
Le monde dépeint par Bradbury est terrifiant mais pas si différent du nôtre sur bien des aspects. Culte du divertissement, nivellement par le bas, abêtissement des masses, naufrage du système scolaire, règne sans partage de la télévision... le bilan présente tout de même quelques points communs avec notre époque, suffisamment en tout cas pour que ceux qui pensent qu'un film peut remplacer un livre puissent s'intéresser à ce récit et en saisir pleinement la mise en garde. Au cœur du papier réside une magie que l'on ne retrouve pas ailleurs. Elle peut embellir la réalité ou la décrire froidement, elle peut nous réjouir ou nous plonger dans la plus grande perplexité, mais elle est unique et essentielle.
L'un des passages les plus terribles réside d'ailleurs dans le sinistre constat que fait l'un des personnages : le gouvernement et les pompiers n'ont pas grand-chose à éradiquer puisque la population s'est majoritairement détournée volontairement des livres. Par paresse, par négligence, par méconnaissance, puis par habitude.
Les plus grands désastres sont ceux qui sont librement consentis.
L'auteur, dans ce qui restera, avec 1984, comme l'un des plus vibrants hommages aux mots et à la langue, nous montre à quel point il aime son métier mais surtout à quel point il est vital de ne jamais prendre la chose écrite à la légère. Car au final, c'est bien de nous qu'il est question entre les points et les virgules. Et maltraiter les mots, comme le font parfois certains éditeurs négligents, c'est maltraiter ce qu'ils représentent. Accepter sans broncher les fautes et les approximations, c'est se condamner à utiliser un outil qui sera moins incisif, plus émoussé, pour au final ne plus vraiment pouvoir en obtenir l'effet désiré.
Comme le dira Faber, le vieux professeur retraité sauvé par Montag, c'est aussi en ne dénonçant pas les premières dérives que les intellectuels ont précipité le désastre. Une situation que l'on n'aimerait pas voir se concrétiser de ce côté-ci des pages...
Une oeuvre d'une grande intelligence qui constitue à la fois un monument de la pop culture et un magnifique plaidoyer en faveur des mots et de leur si fragile support.
— Quel plaisir de mettre le feu. Ce plaisir tout particulier de voir les choses se faire dévorer... de les voir noircir et s'altérer.
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Publié le
29.5.20
Par
Nolt
On voit beaucoup de choses
très exagérées, en fiction, sur les armes, notamment les armes à feu. Et dans
la réalité, il y a énormément d’idées reçues absurdes également. On va tenter, du coup, de
clarifier un domaine qui reste, pour trop de gens, parfaitement flou.
Alors, pour le grand public,
en général, les idées reçues principales sur les armes, en schématisant, c’est
qu’elles sont en vente libre aux États-Unis et totalement interdites en France.
Et que la loi permet d’avoir un impact sur les morts par armes à feu. Hmm… non.
Ces trois idées reçues sont fausses.
Tout d’abord, on ne peut pas
parler des États-Unis comme on parlerait d’un pays comme la France. Les
États-Unis étant constitués de 50 États, il existe donc 50 législations.
Certaines très restrictives, d’autres plus permissives, mais aucune,
évidemment, ne permet d’acheter des armes de guerre. De plus, être autorisé à
détenir une arme ne signifie pas que l’on peut se balader avec.
Bien souvent, aux États-Unis,
un permis est nécessaire pour détenir une arme à feu. Pour l’obtenir, il faut
avoir un âge minimum (21 ans en général), fournir ses empreintes digitales,
avoir un casier vierge, payer une taxe et suivre une formation. Et vous allez
voir que, contrairement à ce qui se fait en France, c’est plutôt pas mal et
bien pensé !
Pour en terminer avec les
États-Unis (vu que ce n’est pas ce qui nous intéresse), il faut encore aborder
le nombre élevé de morts par armes à feu dans cette fédération. Cela pourrait
amener à penser que les simples citoyens ont trop d’armes et sont trop prompts
à s’en servir. Sauf que… évidemment, les morts par armes à feu sont principalement
causées par les gangs, la mafia, les criminels, et pas monsieur et madame tout
le monde.
Les membres, très violents,
des gangs de Los Angeles, par exemple, ne vont pas dans une armurerie pour
payer une taxe et déposer leurs empreintes. Ils piochent dans le marché
illégal, qui est, par nature, insensible au renforcement de la législation.
Même la tuerie de Columbine,
contrairement à ce que l’on croit, a été effectuée à l’aide d’armes qui n’ont
jamais été achetées légalement par ses auteurs.
Mais bref, laissons là la
lointaine Amérique et voyons un peu de quoi il retourne en France.
Les armes sont, chez nous,
divisées en 4 catégories (avec des sous-catégories, mais on va faire simple).
La catégorie A : ce sont
des armes de guerre. Elles sont interdites. Mais, pour autant, c’est évidemment
ce type d’armes, totalement interdites à la vente, qui sont saisies lors de
l’arrestation de membres de gang (braqueurs ou dealers). Les hors-la-loi, par
nature, ne sont pas affectés par la loi.
La catégorie B : ce sont
des armes autorisées à l’achat, mais sous autorisation. C’est assez chiant, il
faut pas mal de paperasse, à renouveler en plus. Typiquement, on va retrouver
dans cette catégorie des armes de poing par exemple (mais pas seulement).
Simple, basique. [1] |
La catégorie C : ce sont
des armes autorisés à l’achat, qui se déclarent mais ne nécessitent pas
d’autorisation. Il faut une licence FFT pour les acquérir (ou un permis de chasse), ce qui ressemble pas
mal à la taxe US évoquée plus haut. Là, on va trouver des armes de chasse, en
calibre 12, ou des carabines 22 long rifle par exemple. Par contre, aucune
formation n’est dispensée (pas dans les clubs en tout cas, et même lorsqu'elle existe, elle n'est pas nécessaire pour l’acquisition des armes). Ouille.
La catégorie D : vente
libre (mais sous conditions, souvent absurdes). Alors, il n’y a pas grand-chose
dans cette catégorie, évidemment. On va trouver par exemple des armes tirant
des munitions à blanc (ce qui ne veut pas dire qu’elles sont inoffensives, bien
des benêts se sont tués avec ça), des Gomm-Cognes (des armes à feu tirant des
munitions sublétales [0] en caoutchouc dur) et des armes à poudre noire (les Colt
et Remington des westerns par exemple).
Si vous voulez tout de suite
un exemple de législation complètement conne, en prenant la catégorie D, voilà
ce qui est nécessaire pour l’achat de deux armes, très différentes : pour
un Gomm-Cogne, un monocoup tirant des machins en caoutchouc, il faut une pièce
d’identité, une déclaration en préfecture et un certificat médical. Bon, c’est
bien, au moins, ça évite que des tarés achètent ça, même si ce n’est pas très
efficace en matière de neutralisation. Pour un revolver à poudre noire, donc un
six-coups, tirant de vraies balles, qui tuent, il faut… rien. Même pas une
pièce d’identité. Tu paies, tu repars avec. Oups.
Attention, je ne suis pas
en train de vous dire qu’il faudrait assouplir la législation existante, je dis qu’à mon avis, elle est débile et dangereuse. Et conçue, comme tout en
France, par des demeurés qui n’y connaissent rien.
Je pense (très sincèrement)
que 99 % de la population n’est pas capable de détenir une simple bagnole…
alors une arme, argh. Mais, bon, les choses étant ce qu’elles sont, il faut
faire avec. Ce qui ne veut pas dire, puisque la perfection est impossible, que
l’on ne peut pas améliorer la législation existante (ce qui n’aura donc aucun
impact sur la criminalité, on est d’accord).
Par exemple, comment se
fait-il que l’on puisse détenir une arme à feu aussi puissante qu’un calibre 12
sans formation minimale ? D’ailleurs, le problème se pose aussi avec du 22
LR, cette munition sous-estimée (qui ne convient certes pas aux militaires et aux forces de
l’ordre en général) mais qui reste efficace et mortelle pour des particuliers
qui, en plus, la considèrent à peine plus sérieusement qu’un Nerf.
En haut, un Colt .44, tout à fait fonctionnel. En bas, une réplique inoffensive. [2] |
Le problème vient du fait que
la législation, dans bien des domaines, est conçue sous l’impulsion de l’affect
momentané de la foule. Une tuerie et hop, le brave citoyen va vouloir durcir la
législation (et non l’améliorer). Et comme le déjà moins brave politique dépend
du vote de ce citoyen, il va le suivre, et rendre certains achats plus
complexes. Ce qui va emmerder le voisin du brave citoyen, un voisin qui ne bute
personne, mais ce qui ne va avoir aucun impact sur le criminel, qui achète son
AK-47 au marché noir.
Parlons-en un peu de ces
fusils d’assaut. Je vais prendre un exemple concret, parce que les films vous
ont habitués à des conneries. Si vous vous faites allumer par
du 7,62, bonne chance ! Si vous vous planquez derrière une bagnole
par exemple, ben… vous allez crever. Car, contrairement à ce que l’on voit dans
bien des fictions, cette munition ne se contente pas de faire des trous sur
l’un des flancs d’un véhicule. Elle le transperce de part en part, et le
couillon qui s’est abrité derrière avec.
Quand vous voyez par exemple,
dans The Walking Dead, que des mecs, à 10 mètres de distance, se
protègent de tirs de fusils d’assaut grâce à… de la tôle ondulée, c’est stupide.
On dirait un gun fight improbable des années 70.
Tant qu’on en est sur les
idioties de la fiction, autant préciser quelques points :
1. L’erreur la plus courante
faite par les auteurs ou traducteurs est la confusion entre revolver et
pistolet.
a. Un revolver est une arme à
barillet, que ce soit les revolvers de western, à poudre noire, ou des armes
utilisant des munitions modernes.
b. Un pistolet est une arme
moderne à chargeur ou un modèle ancien, monocoup, avec chargement par la
gueule.
c. Un pistolet a donc toujours
sa chambre unique alignée avec le canon. Dans un revolver, les différentes
chambres effectuent une rotation (d’où le nom).
2. Le "machin" sur
lequel on appuie pour tirer s’appelle une "queue de détente",
abrégée en "détente". On n’appuie donc pas sur la "gâchette", la gâchette étant un mécanisme interne de l’arme.
Évidemment, certaines
expressions fautives, comme "un fou de la gâchette", sont passées
dans les mœurs et ne peuvent pas être modifiées.
Le MP-40 en action. [3] |
Quelques
pistolets-mitrailleurs : le Thompson 1921 des films de gangsters période
Prohibition ; le MP 40 allemand de la Deuxième Guerre mondiale ; le
plus moderne Uzi, utilisé parfois par des services de protection rapprochée
pour son côté compact.
4. Il n’existe pas d’arme de
poing ou de fusil, quel que soit le calibre, capable d’arrêter la course d’un
véhicule ou de tuer par simple onde de choc (je te touche au bras et tu
meurs : FAUX ; je te frôle et tu meurs : FAUX), ce sont des
légendes colportées par des ignorants. De la même manière, un tir de fusil à
pompe ne projette pas un type 3 ou 4 mètres en arrière, c’est
physiquement impossible. Au cinéma par exemple, des considérations esthétiques
font que, bien souvent, les réalisateurs optent pour le spectaculaire plus que
le réalisme, ce qui se comprend tout à fait.
5. Certaines armes ayant une
belle carrière au cinéma, comme le Desert Eagle, sont en fait des armes "de merde" (présentant de nombreux défauts), qui ne sont employées
par aucun professionnel. Ce truc est bien trop lourd et encombrant (avec des
munitions hors de prix) pour intéresser la police, l’armée ou même les mafieux.
C’est, au mieux, une curiosité pour collectionneurs et tireurs sportifs (et
encore, à mon humble avis, c’est super moche).
6. Enfin, si l’on s’écarte des
armes à feu, la distinction entre sabre et épée ne provient pas du fait que la
lame soit ou non courbée (il existe des sabres droits) mais du tranchant. Le
sabre n’en possède qu’un, l’épée en a deux.
Que retirer de tout ça ?
Est-ce que ces précisions sont importantes ?
Bah, un peu, quand même.
Premier cas : tu es un
auteur (je te tutoie hein, mais en même temps, vu que tu es un individu
imaginaire, tu vas pas commencer à faire chier). Du coup, c’est pas plus mal de
te documenter (c’est très facile de nos jours) et d’éviter d’écrire des
énormités. Même si l’ultra-réalisme n’est pas le but d’une bonne fiction, il
convient tout de même de rester vraisemblable et de faire un effort en ce qui
concerne la maîtrise des sujets abordés. Sinon, t’as l’air d’un pignouf. Après,
c’est toi qui vois.
Deuxième cas : tu es
juste un citoyen, dans le monde réel. Évidemment que c’est important du coup, vu que
c’est toi qui vas gueuler pour faire bouger les incapables que tu as élus. Et
c’est sans doute mieux de savoir ce qui est incomplet, étrange ou carrément
dangereux dans une législation commentée par tous mais connue par peu.
Reste à aborder le côté
éthique, la morale. Car certaines personnes, et c’est leur droit, estiment
qu’une arme est par nature nocive et qu’il faudrait les interdire toutes pour
éradiquer la violence.
À cela, je réponds ceci :
lorsque les armes à feu n’existaient pas, les gens se tuaient déjà. En masse.
Et même lorsque les arbalètes, les sabres, les haches, n’existaient pas, la
violence et les meurtres étaient déjà présents.
En haut, un revolver tirant des munitions à blanc, en 9 mm. En bas, un Gomm-Cogne calibre 12. [5] |
L’arme, notamment l’arme à
feu, ne rend pas plus facile le passage à l’acte. Les gens tranquilles, sans
histoires, ne vont pas aller buter le facteur sous prétexte que leur colis est
en retard et qu'ils possèdent un flingue. Par contre, cela permet à des gens, inférieurs physiquement à certaines
brutes, de se défendre. Cela permet même à la police d’agir au mieux lors de
prises d’otages. Les armes ne sont, en réalité, ni bonnes ni mauvaises. Tout
dépend de l’utilisation que l’on en fait. Le parallèle avec la voiture reste
vrai : à ce jour, la bagnole est l’arme par destination qui tue le plus en
France. Chaque jour, des gens tuent avec ça. Parle-t-on pour autant d’interdire
les véhicules ? Ou de renforcer la législation concernant leur
usage ? Non, on a au contraire donné à des connards inconscients un crédit de
conneries, leur permettant de faire tourner le commerce (en payant des voitures
à crédit, en payant des assurances, des permis, des contrôles techniques, des péages, des stages de récupération de points, des
places de parking, des pneus, de l’essence…).
Voilà la triste réalité. Si une arme rapportait autant qu’une caisse, vous auriez déjà tous des
fusils d’assaut chez vous. Et vous trouveriez ça normal, parce qu’on vous
aurait habitués, dès l’enfance, à penser que c’est normal d’avoir un flingue et
de l’utiliser sans être parfaitement formé. Tout comme on vous a habitués à
penser que tuer des innocents sur la route était acceptable et relevait du
manque de chance, alors que la plupart des gens ne respectent pas les
limitations de vitesse et que l’État accepte ce comportement et encourage même
cette criminelle insouciance.
Les armes sont importantes
dans les œuvres de fiction. Et, dans les fictions, ce n’est pas grave de
n’avoir que peu de connaissances pour les condamner ou soutenir leur
utilisation.
Les armes sont importantes
aussi dans le réel. Et là, il vaut mieux les connaître un peu (nul besoin d'être un expert) pour
donner son avis sur leur usage, et il faudrait surtout avoir une véritable
formation pour les détenir [6]. Au lieu de cela, comme pour la plupart des sujets
vitaux, les gouvernements successifs réagissent suivant l’émotion de la masse,
et non le bon sens ou l’avis des spécialistes.
Allez, on va terminer par deux armes de fiction, mythiques, dont il existe des répliques malheureusement hors de prix. Et là, venez pas me dire qu'une arme c'est pas beau, bordel !
Le blaster de Deckard dans Blade Runner. Il existe même des modèles "faits maison" plus réussis. |
Le légendaire M-41 de Aliens. Il existe de véritables armes qui reprennent son design (et le compteur digital). |
[0] Une arme ou munition dite "sublétale" ne veut pas dire qu'on ne peut pas tuer quelqu'un avec. Juste que ce n'est pas conçu, à la base, pour tuer.
[1] Le fusil en calibre 12, par sa polyvalence et sa facilité d'emploi et d'entretien, est une excellente arme individuelle.
[2] L'on voit ici l'intérêt des mises en garde quant à l'utilisation de répliques lors de manifestations (festival ou n'importe quel binz permettant de faire un peu de cosplay) : il est impossible, si elles sont bien faites, de les distinguer des armes réelles.
[3] Parfaitement efficace en combat rapproché, le MP-40 était par contre inadapté aux tirs à longue distance. Les fusils et PM allemands furent (plus ou moins) remplacés par la suite par le Sturmgewehr 44, qui associait précision et puissance de feu. Il est considéré (à raison) par beaucoup comme le premier fusil d'assaut.
[4] Évidemment un minigun, dérivé de la célèbre Gatling, n'est pas une arme que l'on refile à un pauvre troufion (c'est un peu... lourd). Elle équipe par contre certains hélicoptères ou embarcations.
[5] Deux armes inefficaces en défense individuelle (car ne permettant pas de neutraliser un agresseur), mais suffisamment dangereuses pour causer de lourds dégâts à son propriétaire si celui-ci ne respecte pas les règles de sécurité.
[6] Il existe 4 règles de sécurité importantes concernant les armes à feu, il n'est pas inutile de les rappeler :
- Une arme est toujours chargée. Même si elle ne l'est pas. Ça a l'air bizarre, mais c'est très compréhensible. Si vous commencez à développer deux types de comportement, l'un avec des armes considérées chargées, l'autre avec des armes considérées non-chargées, vous allez, un jour, vous tromper. C'est juste une question de temps. Et les erreurs, avec les armes, ne pardonnent pas. Alors, même si vous êtes certains que votre flingue est déchargé, en fait, non, il est chargé. Toujours.
- On ne pointe pas une arme en direction de quelque chose que l'on ne veut pas détruire. Si votre canon se retrouve en face de votre télévision ou, pire, de l'un de vos proches, ou de votre foutu pied, alors vous ne savez pas la manipuler. Même dans le stress des combats, les soldats apprennent par exemple à effectuer leurs déplacements sans pour autant "viser" leurs collègues. Se retrouver avec une arme (considérée chargée) pointant vers quelqu'un dans un stand de tir devrait aboutir à une sanction immédiate et définitive.
- On ne se balade pas avec le doigt sur la queue de détente. L'index reste hors du pontet tant que la décision de tir n'est pas prise.
- Lorsque la décision de tir est prise, il faut être certain de sa cible et de son environnement immédiat. Il ne suffit pas de simplement viser un carton, il faut être certain que rien ne se trouve derrière, que la balle sera stoppée, que personne n'est en train de faire l'imbécile à côté (ou pas très loin), etc. Vous êtes responsable de tout ce qui se passe entre la décision de tir et l'impact.
Je termine par une anecdote personnelle. Je me trouvais un jour dans une armurerie, pour acquérir un couteau (je collectionne des tas d'armes différentes, pour de nombreux usages, il m'arrive même d'acheter des armes que je sais être "nazes"). L'armurier me met en garde en saisissant le couteau qui m'intéressait. Il me dit "attention, celui-ci, il faut être prudent, la lame coupe comme un rasoir". Et, en même temps qu'il me sort ça, il s'ouvre la main en le manipulant. Et effectivement, aucun doute sur l'aspect coupant, il a dû fermer boutique et partir aux urgences. Ce qui est important ici, c'est que le fait de connaître les règles ne suffit pas. Il faut les intégrer, les comprendre, respecter les armes et même les craindre. Si un professionnel se blesse alors qu'il récite une mise en garde, vous comprenez bien que non seulement le danger est réel pour l'utilisateur, mais aussi qu'il est très facile de se bercer d'illusions et de croire que l'on respecte une procédure que l'on applique en réalité imparfaitement. Si vous n'êtes pas suffisamment rigoureux, posséder et manipuler une arme restera toujours une mauvaise idée.
Publié le
29.5.20
Par
Nolt
Après Opération coup de poing, puis un détour par Henri, Porte des Lilas, on aborde
aujourd’hui, dans cette rubrique Rewind, le titre Smalltown Boy, des Bronski
Beat.
Smalltown Boy sort en 1984.
C’est un titre qui est aujourd’hui qualifié "d’ouvertement gay" (et
il est vrai que cela semble évident si l’on sait lire entre les lignes), mais
rien dans les paroles n’est réellement explicite. Elles évoquent un garçon incompris
par ses proches, maltraité par des gens difficilement identifiables, que l’on
peut imaginer être ses "camarades" de classe, ses collègues, ses
voisins.
Le narrateur, sans réellement
expliquer pourquoi, parle de s’enfuir, de quitter sa maison, quitte à affronter
la solitude (et en effet, son départ, sous la pluie, n’est pas très joyeux). Au
final, seule touche positive si l’on s’en tient aux paroles, on sent une
véritable délivrance et surtout une ténacité hors du commun :
And as hard as they would try
They’d hurt to make you cry
But you never cried to them
Just to your soul
En tout cas, on est en face
d’un petit gars qui n’emmerde personne et s’en prend plein la gueule. Et ça,
c’est universel, ça parle à tout le monde. Enfin, à tous les gens qui ne sont
pas des putains de psychopathes.
Mais c’est surtout le clip, réalisé
par Bernard Rose, qui va inscrire ce titre dans les mémoires.
Tout commence par des rails,
une musique lancinante, un visage collé à une vitre de train. Le paysage défile
pendant qu’un type, a priori banal, se remémore les raisons de son départ.
Une scène le montre regardant
un mec à la piscine. Une attirance qui semble partagée mais se
termine par un refus assez sec.
Une autre scène, dans une
ruelle, le montre poursuivi par un gang : celui des éternels abrutis, ivres de leur
nombre et de leurs certitudes. Ils vont le passer à tabac. Parce qu’il est
seul. Parce qu’il a une sexualité différente, qu’il n’affiche même pas.
Le jeune homme est ramené chez
lui, en piteux état, par un policier. Il est accueilli par ses parents, et là,
scène ahurissante, son père, au lieu de le soutenir, de le rassurer, de le
consoler, son père… l’engueule. Comme s’il était coupable.
La mère, elle, pleure.
Transition sur le visage du jeune
homme dans le train, qui se souvient, encore et encore, de ce qu’il fuit.
Cette fois, on voit la scène
des adieux. Il dit au revoir à sa mère, ils s’étreignent. Son père est là,
distant, le visage fermé. Pensant sans doute faire son "devoir", le
père tend un billet. Le gamin ne sait même pas quoi faire. Il tend la main à son tour,
pour remercier, pour dire au revoir. Mais cette main ne sera jamais saisie. Le
père tourne le dos et s’en retourne à ses occupations et ses principes trop
rigides pour être respectables.
Cette dernière scène est sans
doute la plus violente, le jeune homme perdant l’amour de son père non parce
qu’il a mal agi, mais pour ce qu’il est, pour ce qu’il subit. Évidemment, c'est très manichéen, on ne s'attarde pas sur ce qui pousse le père à agir ainsi (difficile de toute façon sur la durée d'un clip), mais c'est très efficace.
J’avoue que lorsque ce titre
sort, je suis loin de le comprendre (en même temps, à l’époque, j’ai 12 ans) et
la voix de Jimmy Somerville m’horripile. Aujourd’hui, je le trouve à la fois profond,
sobre et brillant. Les paroles peuvent s’appliquer à bien des adolescents étant
rejetés pour une raison plus ou moins bien définie, une batterie efficace
encadre une mélodie simple mais qui finit par devenir envoûtante, et l’histoire
tragique, racontée en quelques minutes dans ce clip frisant la perfection, se
termine sur une touche positive. Merde, c’est quand même sacrément bien fait !
Cette chanson sera un succès
mondial à l’époque. Engagé sans être stupidement militant, le titre est d’une
grande intelligence et touche à l’universalité tant ce qu’il décrit ne concerne
pas uniquement l’orientation sexuelle mais des rapports humains qui ne
devraient pas être faussés par des a priori absurdes ou des attentes qui ne
concernent nullement les parents.
Aujourd’hui agréablement
nostalgique si l’on s’en tient aux notes, Smalltown Boy reste d’actualité en ce
qui concerne les préjugés et la bêtise de certains qui continuent de juger,
même leurs proches, et d’agresser des innocents. Mieux encore, les paroles (et
la logique, imparable) de cette chanson peuvent aussi être retournées contre
les abrutis sectaires qui, sous couvert d’une appartenance à une minorité, tentent
d’imposer leur point de vue par la violence et la menace.
Au final, ce n’est pas la
cause ou l’individu qui font le salaud, mais bien souvent la bêtise engendrée par le nombre.
Publié le
27.5.20
Par
Thomas
Les aventures de Batman se suivent et se ressemblent parfois plus ou moins, au grand dam des lecteurs. Après le run décrié de Scott Snyder, c'est Tom King (The Vision) qui a repris en main le personnage du Chevalier Noir — en bénéficiant du Relaunch Rebirth de 2016 — durant une longévité exceptionnelle (une centaine de chapitres publiés pendant quatre ans, au rythme de deux par mois !). En France, c'est sous l’appellation Batman Rebirth que la série a été proposée par Urban Comics, en 12 tomes (le dernier sera en vente à partir du 5 juin prochain). Résumé et critique de l'ensemble (attention, l'article contient donc quelques révélations).
Une porte d'entrée moyenne… (tome 01)
Attirer de nouveaux lecteurs, proposer quelque chose de neuf pour les habitués. L'éternel relaunch, reboot ou autres fresh start. Ici, la nouveauté porte sur deux nouveaux personnages : Hank et Claire, alias Gotham et Gotham Girl. Un frère et une sœur avides de justice, voulant rejoindre la croisade de Batman grâce à des pouvoirs achetés sur le marché noir mais qui les détruisent à petit feu. Une idée de départ plus ou moins novatrice (dans le milieu de l'industrie), débouchant sur un énième comic-book "mainstream" simple et efficace mais non dénué de défauts et, surtout, peu mémorable niveau scénario.
Mon nom est Gotham (le titre de ce premier tome) est un semi-échec (ou semi-réussite c'est selon), avec un premier chapitre introductif déconnecté et inutile, et de superbes planches de David Finch (on parlera des dessins plus loin). Un départ moyen, ni réellement passionnant ni franchement déplaisant. Une production correcte qui est, de facto, un point d'entrée idéal pour de nouveau lecteurs, là-dessus ça fonctionne — malgré des allusions à diverses séries DC Comics, incluant le précédent run de Scott Snyder. Rétroactivement, on peut confirmer que Claire/Gotham Girl aura une certaine importance par la suite (notamment vers la fin) mais elle est écartée peu après et disparaît sans jamais être réellement mentionnée ou (re)mise en avant. De même pour le Psycho-Pirate, ennemi de seconde zone oubliable mais revêtant un certain intérêt tout le long de la fiction.
… puis des aventures fracassantes et originales (tomes 02 et 03) !
Mon nom est Suicide (titre du deuxième volume) peut limite se lire indépendamment et se démarque de son prédécesseur par de réelles qualités d'écriture (et de dessins — tout cet autre aspect, primordial dans une bande dessinée, sera évoqué plus bas). Le Chevalier Noir part en mission avec son propre escadron suicide (incluant Catwoman). L'ensemble est passionnant, très joli et original. On y retrouve un peu la patte Morrison tout en s'en émancipant habilement.
Mon nom est Bane (le troisième) dévoile un incroyablement affrontement entre Batman et Bane, Inversant presque le culte Knightfall (ici c'est l'ennemi qui combat les fous d'Arkham avant le justicier) et mettant en avant une longue galerie de personnages secondaires, notamment les alliés (les ennemis l'étaient dans le volume précédent). La conclusion du récit ? Une demande en mariage de Bruce à Selina ! Alléchant… mais (rétroactivement une fois de plus), ce mariage n'aura lieu que cinq tomes plus tard, pénible.
Le premier vrai loupé (tome 04)
La guerre des rires et des énigmes donne son nom à l'album et évidemment à l’événement éponyme. Plusieurs fois évoquée juste avant, souvent mentionnée ensuite, cette fameuse guerre est pourtant un ratage complet. Bruce partage son lourd secret avec Selina : il a failli dépasser sa limite et tuer un de ses ennemis… Ce qui était censé être un point d'orgue s'avère un pétard mouillé et surtout un conflit meurtrier entre les troupes du Sphinx et celles du Joker, complètement improbable et peu plausible.
Faussement violent et grotesque, le récrit se vautre dans un survol des personnages, perd en réalisme ce qu'il avait réussi à gagner jusqu'ici en authenticité, et ne sert absolument à rien. Le concept, bon au demeurant, est mal exploité et n'apporte pas grand-chose au passé, au présent ou au futur de Batman (surtout maintenant que la série est terminée). Clairement un volume qu'on peut ne pas lire.
Les égarements… (tomes 05, 06 et une bonne partie du 07)
Sans doute la partie la plus inégale du run. Si rien n'était à sauver dans le tome 04, on retrouve ensuite des choses très moyennes à de rares exceptions, avec donc du bon et du moins bon. Les tomes 05 et 06, En amour comme à la guerre et Tout le monde aime Ivy, proposent des bouts d'histoires en marge du fameux mariage entre Bruce et Selina. On y trouve pèle-mêle un combat entre Selina et Talia al Ghul, dans le but de déterminer qui "mérite" le milliardaire (pfiouh, on en est là…), une sortie amusante entre couples (Loïs et Clark accompagnant Selina et Bruce), Wonder Woman et Batman, piégés dans une dimension où le temps s'écoule plus lentement et devant faire face à des hordes de monstres, Poison Ivy contrôlant les plantes (original…) mais ayant éradiqué le crime, Booster Gold venant du futur, etc.
Ces chapitres sont tour à tour palpitants et ennuyants, parfois drôles, parfois invraisemblables. Presque hors-sujet aussi, tant l'ensemble stagne et n'avance pas vraiment. Heureusement, un aspect poétique et humaniste (servi par de jolis dessins toujours) contrebalance les défauts évoqués, auxquels on ajoute volontiers un côté parfois sexiste (tant dans la narration que dans les postures féminines hyper sexuées qui plombent des morceaux du run).
Le tome 07, Sur la route de l'autel, aurait gagné à être divisé en deux parties pour laisser la première dans le volume précédent et s'en passer aisément, la seconde dans le suivant pour le rendre culte voire indispensable même pour un lecteur qui ne lirait que celui-ci. Le titre est en effet composé de cinq chapitres montrant un affrontement entre un allié et un ennemi de Batman (Robin vs. Ra’s al Ghul, Nightwing vs. Hush, Batgirl vs. l’Homme-Mystère, Red Hood vs. Anarky, Harley Quinn vs. Joker) puis de deux épisodes classiques de la série. Les combats sont peu mémorables, ils permettent de mettre brièvement en avant la Bat-Family, peu vue jusqu'ici, et quelques adversaires emblématiques. La vraie force de ce septième volume réside dans ses deux derniers épisodes, d'une écriture magistrale, avec un Joker d'anthologie, au sommet de sa forme. Du grand art !
… avant l'apothéose (fin du tome 07, tome 08, 09 et un volume unique publié en marge)
Comme on vient de le voir, la fin du septième tome est une pépite. Le huitième, Noces Noires, est sans aucun doute le meilleur de tout le run. Le fameux mariage a enfin lieu, avec des conséquences inattendues. Pour l'occasion (et aussi car il s'agit du 50ème chapitre de la série, augmenté de plusieurs pages), une grande galerie de dessinateurs [1] clament leur amour pour les deux héros à travers des planches incroyables et des réflexions, signés Tom King évidemment, qui font mouchent, qui émeuvent ou touchent. C'est élégant, c'est incontournable pour la (nouvelle) mythologie de Batman. On peut lire en parallèle À la vie, à la mort, one-shot sur l'idylle entre les deux personnages dans un (trop) court récit qui se termine dans un futur plus ou moins lointain. Autre bijou mélancolique.
La suite de l'histoire n'est pas en reste puisque Bruce Wayne se retrouve juré dans un procès concernant Mister Freeze. Il doit convaincre les autres citoyens de l'innocence de l'accusé et pourquoi Batman n'est pas forcément la représentation idéale de la justice ! Une situation inédite qui se poursuit dans L'aile meurtrière. Ce neuvième tome marque aussi le retour de Nightwing et KGBeast (lui aussi pioché dans la saga Knightfall), un touchant hommage à Alfred et la "renaissance" de… Bane ! Grand absent depuis plusieurs volumes, il revient d'une façon très intéressante.
Tome 10 et 11 - Poursuite en demi-teinte
Après l'interminable partie sur la romance entre Bruce et Selina, la série tombe dans un travers classique du genre : les illusions et rêves déments qui prennent un temps fou au lieu de faire avancer l'intrigue. C'est le cas de Cauchemars, dixième tome qui, comme son titre l'indique, voit le justicier coincé dans une machine à cauchemars. On a connu King plus inspiré même s'il en profite pour mettre en avant, une fois de plus, les démons et la fragilité de l'homme (de Bruce Wayne donc).
Malgré de jolis moments d’écriture (des échanges entre Batman et Catwoman
notamment), il en résulte à nouveau un sentiment de surplace
narratif (l’histoire principale n’a quasiment pas avancé et l'on reste presque intégralement dans la psyché de Bruce/Batman tout le long du
titre). On retient la présence de Constantine dans ce volume qui pourrait lui aussi se lire comme un one-shot indépendant.
Le travail de déconstruction psychologique se poursuit dans La chute et les déchus, nettement meilleur mais non exempt de défauts. Bane est (vraiment) de retour cette fois ainsi que… Thomas Wayne ! La version Batman de Flashpoint, difficile de comprendre/suivre si l'on n'est pas familier de ces événements.
Un voyage initiatique avec le père et le fils s'avère particulièrement émouvant. Mieux : les pièces du puzzle de tout ce qu'on a lu depuis le premier tome commencent à se rassembler pour former un tout cohérent.
Tome 12 - Conclusion réussie, épique et émouvante
Tom King avait-il tout prévu depuis la mise en place de son univers ? Il faut croire que oui (au moins dans les grandes lignes) tant tout se recroise avec une étonnante fluidité. La douzaine de chapitres aurait (une fois de plus) pu être réduite, notamment dans sa première moitié qui s'attarde trop sur Selina et Bruce hors de Gotham City et pas assez sur cette dernière et son statu quo inédit.
La Cité de Bane (titre de cet ultime tome) enchaîne les séquences marquantes : une ville sous le joug de Bane, le Batman Flashpoint accompagné de Gotham Girl (rappelez-vous le tout premier volume) en guise de justiciers de l'extrême, les emblématiques ennemis incorporés aux forces de l'ordre (le GCPD est dirigé par Strange), une mort marquante par son exécution puis son testament romanesque touchant, une idylle renouée et une fin tout à fait satisfaisante, fermant ce qu'a instauré King et ouvrant habilement une suite [2].
En somme, une conclusion épique et émouvante, réussie en tous points, et qui permet de conserver une note positive de l'entièreté de l'arc malgré ses égarements narratifs et son côté inutilement étiré.
Des dessinateurs prestigieux et une épopée graphique soignée
On ne l'avait pas encore évoquée pour se concentrer dans un premier temps sur le scénario mais la partie visuelle est évidemment très importante. Un artiste revient régulièrement (impossible d'en avoir un seul vu le rythme de parution de toute façon — deux chapitres de 20 pages chaque mois !) : Mikel Janin. Il aura su apposer son style doux si particulier et ses visages marquants tout au long de la série. D'autres prestigieux noms l'ont accompagné, comme David Finch, Tony S. Daniel, Jorge Fornes, Joëlle Jones et Clay Mann pour les plus importants. Chacun apportant une touche graphique soignée, dans une jolie succession de planches sans réel faux pas. Bien sûr la non homogénéité des styles pourrait déplaire, mais on ne ressort pas choqué de ce mélange des genres.
Batman Rebirth joue donc sur deux tableaux principaux. Le très long plan de Bane, organisé dans l'ombre avec la complicité inédite du Batman Flashpoint. En ce sens, on est presque dans un remake de Knightfall et de la destruction physique et psychologique de Batman/Bruce. Rien de nouveau si ce n'est une modernité et crédibilité plus poussée, palpitante ! Second intérêt : la romance entre Bruce Wayne et Selina Kyle. Leur relation, particulièrement bien écrite, donne lieu à des scènes aussi touchantes qu'agaçantes. Le jeu du chat et de la (chauve) souris est parfois pénible, chacun se drapant derrière son masque au lieu de lâcher prise et savourer enfin un peu de répit et de bonheur. On retient le huitième tome, Noces Noires, qu'on peut même lire indépendamment du reste — comme les tomes 2 et 10 par exemple, une des forces de la série.
Tom King réussit où Scott Snyder échouait : son travail est moins clivant, il déconstruit moins le mythe du Chevalier Noir. Il (ré)écrit à sa manière des sujets et thématiques déjà abordés. Mais à l'inverse de son confrère scénariste, il réussit à produire d'authentiques pépites et, à l'opposé, des navets sans nom. Snyder séduisait ou dérangeait mais n'arrivait jamais vraiment à se hisser au sommet sans pour autant tomber non plus dans les égouts, il arrivait à proposer quelque chose au pire vaguement divertissant. Pour vulgariser grossièrement, Snyder a produit du bon et du moins bon là où King a produit de l'excellent et du médiocre. Les deux souffrent d'une qualité hétérogène évidente vu la longueur de leurs runs respectifs (9 tomes pour Snyder, 12 pour King).
Si Scott Snyder a marqué les esprits avec des créations qui occupent désormais une place plus ou moins importante dans la mythologie de Batman (sa fameuse et surestimée Cour des Hiboux, leurs ergots, la figure singulière du Joker…) ce ne sera pas forcément le cas du travail de Tom King, pourtant meilleur, paradoxalement. Un énième plan de Bane contre un Batman brisé et déchu ? Une idylle avec Selina Kyle, certes détaillée et enrichie ? Tout cela n'est, in fine, pas réellement nouveau, seul son traitement l'est. Même
s'il y a bien sûr des passages marquants et — on le répète — de
superbes tomes.
Les conséquences pour la suite seront probablement
minimes. Il y a bien sûr la mort d'un personnage principal historique à
prendre en compte. Mais on le sait (et on en a déjà parlé) il y a de
fortes chances pour que ce dernier revive d'une manière ou d'une autre…
Il y a par contre un élément crucial qui sera l'héritier de Batman
Rebirth mais… celui-ci n'est bizarrement pas évoqué dans les derniers tomes de la
série mais dans une autre production à venir, toujours signée par Tom
King. Difficile d'en dire plus sans dévoiler un élément crucial pour cette œuvre à venir. Finalement, c'est le nouvel ennemi, le Batman Flashpoint,
Thomas Wayne donc, qui saura peut-être revenir dans un futur proche en
tant qu'allié ou vilain de qualité, qui marquera davantage les esprits.
En synthèse, pour ceux souhaitant sélectionner un peu (l'intégralité revient tout de même à presque 230 €, un investissement important donc !), on conseillera d'acheter les tomes 01, 02, 03, 08, 09, 11 et 12 (éventuellement le 07 pour sa dernière partie remarquable et À la vie, à la mort). On se plaît à imaginer une réédition supprimant les chapitres anecdotiques et tout le surplace narratif peu palpitant. Malgré les défauts et égarements divers, la tendance globale reste sur une note plutôt positive. Bravo donc à Tom King d'avoir réussi à mettre de jolis mots sur des maux particulièrement humains. Un travail appréciable, parfois clivant, parfois passionnant, qui laisse rarement indifférent. L'avenir nous dira si tout cela n'aura pas été vain…
[1] Jason Fabok, Frank Miller, Lee Bermejo, Neal Adams, Tony S. Daniel, Paul
Pope, Tim Sale, Andy Kubert, David Finch, Jim Lee, Greg Capullo... parmi les plus connus de l'industrie !
[2] L'épilogue ouvre sur une autre histoire, qui sera écrite par James
Tynion IV, habitué depuis une petite dizaine d'année à signer ou
co-signer diverses bandes dessinées sur le Chevalier Noir. Tout cela
sera à découvrir dès septembre dans Batman : Joker War.
Les critiques nettement plus détaillées de tous ces tomes sont disponibles sur mon site www.comicsbatman.fr, cet article se voulant être un bon complément, analysant avec le recul l'entièreté du run et le présentant de manière plus synthétique.
+ | Les points positifs | - | Les points négatifs |
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Publié le
25.5.20
Par
Virgul
The Gutter, la bande dessinée parodique de nos amis Cyril Durr et Sergio Yolfa, sort en Édition Collector chez Nats Édition !
Voyons tout de suite ce que cette version propose.
- tirage limité à 200 exemplaires, numérotés
- hardcover (ce qui devrait faire plaisir à ceux qui n'étaient pas fans de la couverture souple)
- un cahier de croquis supplémentaire dans la partie bonus, contenant 10 crayonnés de scènes inédites
- des goodies (liés à la thématique du bar The Gutter) : 4 dessous de verre et un ouvre-bouteille exclusifs floqués aux couleurs de The Gutter, de quoi accueillir convenablement vos amis, chez vous, pour l'apéro !
- et un concours (jusqu'au 30 juin) permettant à chaque acquéreur de cette édition d'avoir une chance de remporter une superbe bierkrug (une chope, quoi) The Gutter ! (voir illustrations ci-dessous)
L'édition collector est exclusivement disponible sur le site de l'éditeur, dès aujourd'hui.
88 pages - format 21,5 x 30,2 cm - 18,50 € (frais de port offerts)
Si vous souhaitez découvrir plus en détail ce bar agité où se rencontrent les personnages de vos comics préférés, vous pouvez également vous rendre sur le tout nouveau site officiel de la BD !
On termine avec deux dessins inédits issus des bonus, ainsi que quelques visuels des goodies, histoire de vous donner un avant-goût de ce que vous pourrez découvrir dans cette superbe édition. Vous trouverez également plusieurs planches complètes ici.