Publié le
30.7.15
Par
jiji83
Chose promise, chose due !
(Iceberg m'a aidé à me revigorer, me sauvant de fait d'une malheureuse liquéfaction !)
Après ma review d'Uncanny X-Men, je m'attaque à une autre parution X qui était très attendue outre-Atlantique : Wolverine and the X-Men qui retrace la création de l'Institut Jean Grey par Wolverine suite à son conflit avec Cyclope. Ce premier tome qui regroupe les deux premiers volumes parus en VO (soit au total huit épisodes), est publié en France en mai 2015 dans un format Deluxe qui fait honneur à ses auteurs (Jason Aaron, Nick Bradshaw, Chris Bachalo) !
Wolverine and the X-Men : Bienvenue chez les X-Men est à situer après Schism donc, bien que la parution de ces derniers en Deluxe s'est faite seulement après Avengers vs X-Men, événement pourtant ultérieur dans la chronologie Marvel (c'est ici que l'on découvre par exemple, les prémices de la romance entre Kitty et Iceberg visible dans le tome 3 d'All-New X-Men)… Mais bon, inutile de s'attarder sur ce point. Place à la critique !
Les épisodes les plus agréables sont certainement les premiers (Wolverine and the X-Men #1-3 : Welcome to the X-Men ! Now Die !) où l'on suit, concomitamment aux inspecteurs, la visite de la nouvelle école Jean Grey (à l'instar d'Uncanny X-Men où les plans de l'Institut Xavier nous étaient dévoilés). Présentation des cours bien sympathique entre un cours d'Ethique où Kitty Pryde aura la rude tâche de faire oublier aux élèves "tout ce qu'Emma Frost leur a appris" et un cours d'autodéfense mentale laissant les inspecteurs perplexes face au comportement végétatif des élèves ("leur passivité mérite un 20/20") !
L'on découvre également les difficultés auxquelles Wolverine est confronté maintenant qu'il est à la tête de l'Institut : on y voit un Logan qui a du mal à s'accommoder de son nouveau rôle de directeur avec des problèmes de financement ("l'école explose à fréquence alarmante" disait Charles Xavier et cette prophétie s'est réalisée dès le premier jour de classe !), et d'autres plus personnels puisqu'il doit s'ériger en modèle pour une jeunesse mutante alors que son instinct lui dicte une conduite bestiale, qu'il tente tant bien que mal d'étouffer en attendant ses virées nocturnes avec ses potes d'X-Force.
Quant aux élèves (car il faut s'en soucier un tantinet, il s'agit tout de même du cœur de l'école), Wolverine en a embarqués pas mal (dont Kid Oméga, bien sympathique et au potentiel encore indéfini) lors de l'épisode Chacun son camp de Kieron Gillen et Billy Tan (cf. X-Men : Schism), mais des petits nouveaux font leur apparition : Kid Gladiator, fils de l'empereur Shi'ars à l'ego surdimensionné, Génesis, clone et réincarnation d'Apocalypse, qui risque d'avoir un rôle majeur dans la suite ou encore Angel qui a perdu a tête [1] et qui doit donc repasser par la case apprentissage. Les interactions entre les élèves sont ce qu'il y a de plus commun dans une école (vanne, harcèlement, flirt) et la fraîcheur de cette atmosphère scolaire ne manquera pas de rendre nombre de lecteurs nostalgiques des X-Men d'antan.
Quant aux élèves (car il faut s'en soucier un tantinet, il s'agit tout de même du cœur de l'école), Wolverine en a embarqués pas mal (dont Kid Oméga, bien sympathique et au potentiel encore indéfini) lors de l'épisode Chacun son camp de Kieron Gillen et Billy Tan (cf. X-Men : Schism), mais des petits nouveaux font leur apparition : Kid Gladiator, fils de l'empereur Shi'ars à l'ego surdimensionné, Génesis, clone et réincarnation d'Apocalypse, qui risque d'avoir un rôle majeur dans la suite ou encore Angel qui a perdu a tête [1] et qui doit donc repasser par la case apprentissage. Les interactions entre les élèves sont ce qu'il y a de plus commun dans une école (vanne, harcèlement, flirt) et la fraîcheur de cette atmosphère scolaire ne manquera pas de rendre nombre de lecteurs nostalgiques des X-Men d'antan.
Outre la présentation de l'école, les épisodes suivants Mutantis Mutandis suscitent moins d'intérêt : Kitty Pryde enceinte de mini-monstres (qui m'a rappelé, par association d'idées, cette affreuse scène de césarienne dans Prometheus) me fait horreur. Mais là encore, Aaron réussit en un tour de maître à rendre ces épisodes amusants comme lors de l'extraction des mini-broods de l'organisme de Kitty ou encore des déboires de Wolverine et de Kid Oméga sur la planète du péché.
Petit bémol cependant : la succession de mini-histoires, d'environ trois épisodes, due à un manque cruel de fil directeur pour l'instant (lien logique entre une invasion de broods et les difficultés pécuniaires de Wolvie, please ?!). Mais ceci est peut-être l'effet lancement du titre, une trame se dégagera surement après. Notons en effet que la série va être rattrapée par les événements qui touchent le Marvelverse : Avengers vs X-Men va frapper aux portes de l'Institut très prochainement (tome 2 prévu en septembre 2015).
Concernant le graphisme, Chris Bachalo et Nick Bradshaw se passent tour à tour le relais. Leur style est en soi peu différent et ils restent tous deux dans la même veine artistique avec des décors hauts en couleurs, des personnages expressifs (Wolvie est tout sourire grâce à Bachalo, c'en est presque mignon !) et une mise en page dynamique. Pas de "cassure" graphique donc, bien que les épisodes de Bachalo occupent une place particulière dans mon cœur. Mais là où Bachalo est brouillon durant ses scènes d'action notamment, rendant de fait la lecture difficile (l'attaque chthonienne de l'Institut planifiée par le Club des Damnés version nain m'a laissé en proie à des tensions musculaires), Bradshaw signe des décors plus soignés grâce à des contours plus appuyés et une colorisation plus vive (permise par le travail de Justin Ponsor et Matthew Wilson)
En bref. Wolverine and the X-Men crée un contraste avec les événements récents qui ont chamboulés l'univers mutant (quasi-disparition de l'espèce avec House of M, fortes répressions jusqu'à un exil forcé sur Utopia lors de Dark Reign, suivi d'une scission au sein des X-Men avec Schism) : d'abord grâce à un scénario qui tire profit d'un cadre scolaire où les élèves sont au centre de toutes les attentions, redonnant ainsi aux X-Men leur fraîcheur des premiers jours (qui m'avait rendue tant amoureuse de cet univers), mais également par un graphisme résolument coloré et dynamique.
C'est décidé : l'an prochain j'intègre l'institut Jean Grey, avec ou sans pouvoir (pour pouvoir faire les yeux doux à Gambit durant son cours d'éducation sexuelle eheh !)… je pourrais certainement obtenir un poste de concierge ou de femme de ménage à l'instar du Crapaud. Il n'y a pas de sot métier, après tout !
[1] A lire dans Uncanny X-Force de Rick Remender et Jerome Opena, dont le tome 1 paraîtra en septembre prochain dans la collection Panini Deluxe.
ATTENTION SPOILERS ! Wolverine et Angel ont besoin de recréer l'équipe X-Force alors dissoute par Cyclope lors de la saga Le retour du Messie pour combattre Apocalypse. Lorsque ce dernier est tué par Fantomex, Archangel, alter-ego maléfique d'Angel, revoie sa personnalité violente resurgir et se revendique comme héritier d'Apocalypse. En effet, dans le passé, les ailes d'Angel avait été restaurées par Apocalypse et il devait, en contrepartie, devenir un des quatre chevaliers d'Apocalypse, répondant au nom de Death. Pour l'arrêter dans sa frénésie, Psylocke le frappe en pleine poitrine avec la Graine de Vie. Cela a pour effet d'anéantir l'héritage d'Apocalypse et de rendre Warren Warthington totalement amnésique, se prenant ainsi pour un véritable ange capable de miracles. Anecdote intéressante : Angel et Génésis deviennent amis durant leur séjour à l'Institut. Alliance apocalyptique au tournant ?
+ | Les points positifs | - | Les points négatifs |
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Publié le
29.7.15
Par
Nolt
Nous sommes habitués aux critiques sur la BD en général ou le genre super-héroïque en particulier, mais le plus souvent, elles proviennent plutôt de parfaits béotiens qui connaissent mal le domaine qu'ils jugent pourtant si durement (ce réalisateur mexicain par exemple, certains élus ou la plupart des journalistes). Cette fois cependant, ce sont les propos d'Alan Moore en personne qui nous amènent à réfléchir un peu sur les fondements d'un genre de plus en plus populaire mais toujours décrié.
Les propos en question proviennent de cette interview fleuve, relayée par The Guardian puis ActuaBD. Et que nous assène-t-il ce brave Alan ? Eh bien, qu'il est inquiétant que le public des films de super-héros soit essentiellement composé d'adultes alors qu'il s'agit à la base de récits pour enfants. Selon lui, cela serait symptomatique d'un refus de la complexité (d'où le refuge vers le manichéisme supposé du genre). Le désastre viendrait du fait que le genre super-héroïque prend trop de place à l'heure actuelle sur la scène culturelle, ceci au détriment d'autres hypothétiques œuvres.
Bon, ça n'est pas très long comme déclaration, mais qu'est-ce qu'il y a comme conneries dedans !
Décortiquons un peu tout ça, point par point.
Accordons une chose à mister Moore, les adaptations cinématographiques tirées des comics sont en effet des films pour enfants, plutôt mal écrits et ennuyeux. D'ailleurs, le meilleur film super-héroïque à ce jour, Defendor, n'est pas issu d'une BD et est sorti directement en vidéo. Les grosses licences sont, elles, particulièrement plates et mal fichues (pour des raisons évidentes de ciblage, cf. cet article). Mais est-ce pour autant une fatalité ? On ne voit pas trop pourquoi un genre en particulier serait voué à la médiocrité. Après tout, il y a aussi de très mauvais polars ou de mauvais films de SF.
Le premier argument fallacieux de Moore tient à sa vision très limitée du genre. Qu'il considère que les super-héros étaient à la base destinés aux enfants, pas de souci, c'est tout à fait vrai. Mais le genre a un peu évolué depuis. Je sais bien qu'il estime que plus rien d'intéressant n'a été fait depuis son Watchmen, m'enfin tout de même, cela relève de la simple mauvaise foi (et d'une mégalomanie galopante).
Powers ou The Boys, par exemple, sont des comics super-héroïques modernes qui visent un public adulte. Même dans les séries mainstream, un virage radical a été pris dans les années 2000. Civil War (même si la série principale a été viandée par Millar qui n'a pas su tirer parti du potentiel de la thématique) proposait tout sauf l'affrontement traditionnel entre héros proprets et gros méchants.
Il n'y a rien dans l'ADN du genre super-héroïque qui le destine spécifiquement aux enfants. Le genre (et le support BD également) est un contenant, libre aux auteurs d'y mettre le contenu qu'ils souhaitent.
Pourtant, Moore est rejoint dans sa vision par d'autres auteurs. Chris Ware par exemple (un autre type à qui on a tellement dit qu'il était génial qu'il a fini par le croire) a notamment déclaré que le fait d'écrire des histoires super-héroïques pour adultes revenait à écrire de la pornographie pour enfants (cf. New Republic).
Autrement dit, Ware fait partie de ces gens qui lisent par exemple un Donald Duck et en déduisent que le canard est exclusivement un personnage pour enfant. Et Ware fait partie des auteurs considérés comme "intelligents" hein, ça vous donne une idée du niveau des plus cons.
Revenons au constat de Moore et notamment à ce qu'il appelle le refus de la complexité. On y a eu souvent droit à ça, c'est le fameux "ils refusent de grandir" que nous ont déjà servi Envoyé Spécial ou M6.
Que les films de super-héros soient majoritairement peu attrayants, soit, mais pourquoi diable un adulte n'aurait-il pas le droit de se divertir en regardant quelque chose qu'il apprécie ? C'est tout de même inquiétant ce discours sous-jacent que l'on s'obstine à nous servir. Comme si l'adulte devait se sentir coupable de s'amuser, s'évader un peu ou "perdre son temps" à jouer ou regarder une connerie.
Est-ce qu'un temps libre est mieux "dépensé" lorsqu'il est employé à regarder Plus Belle la Vie, à faire du tuning ou à lire des handicapés de la plume tels que Proust ou Angot ? Pas sûr. Et puis, dans "temps libre", il y a tout de même "libre".
On peut très bien jouer à cache-cache, regarder un Walt Disney ou lire du Batman sans pour autant être un demeuré qui fuit ses responsabilités. Ferait-on d'ailleurs les mêmes reproches aux fameux "tintinophiles" ? Bizarrement, être passionné par l'univers d'Hergé est considéré comme noble, alors que pourtant, ses BD visent spécifiquement un public enfantin (ce qui n'augure en rien de leurs réelles qualités, cf. notre dossier sur le sujet).
Et puis, Moore semble aussi (re)découvrir des évidences. Les gens s'intéressent à des conneries, la belle affaire ! Évidemment ! Ce n'est pas récent et ça n'est en rien propre au genre super-héroïque. Star Wars ou la série des Indiana Jones ont aussi, en leur temps, suscité un engouement. Et pourtant, même si l'univers dépeint peut avoir un réel intérêt, ce sont de mauvais films. Je ne parle même pas des séries AB qui ont fait des cartons d'audience sur TF1. Ni des records de vente de Voici. Oui, les gens n'ont pas bon goût, ça se saurait, mais les films de super-héros ne sont pas pires que le reste.
Là où l'on tombe dans le non-sens pur et simple, c'est quand Moore en vient à mettre en garde contre la place prise par le genre super-héroïque, comme si cela rognait sur autre chose. Après le goût de chiotte du public, Moore crache cette fois sur les auteurs en les accusant de verser dans la facilité sans chercher (sous-entendu, comme lui) à innover.
Les films ou les livres traitant de super-héros ne prennent pas la place d'autre chose. Quand la mode manga s'est installée en France, on a rajouté un rayon dans les librairies, on n'a rien viré.
Et surtout, qui peut prétendre qu'un fan de comics n'est QUE un fan de comics ? En quoi lire du Spider-Man ou aller voir Green Lantern empêche de se passionner pour d'autres genres ?
C'est là où j'en viens à conspuer le concept de "communauté" qui tend à faire croire des inepties aux gens. Les termes fourre-tout, comme geek (cf. cet article), ou les idées farfelues (il existerait une "communauté" de fans), ont donné une image sectaire et faussée de ce que peut être un lecteur de comics. Ou un spectateur de navets.
L'on peut très bien apprécier Straczynski, voire Moore himself à l'occasion, et lire Racine, Leblanc ou Orwell. Tout simplement parce que la fameuse communauté censée mettre la culture en danger n'existe pas. Il n'y a pas un petit village, dans un coin, peuplé d'abrutis décérébrés qui souhaitent uniquement regarder des films pourris. Un être humain est un peu plus complexe que ça, et il est étonnant que des "génies" tels que Moore ou Ware ne s'en rendent pas compte.
Le problème vient aussi du fait que Moore est effectivement devenu, comme le titre The Guardian, un "gourou" pour certains. Il a des qualités, c'est indéniable. C'est un bourreau de travail et un scénariste habile. Mais... mon boulanger aussi travaille beaucoup et connaît bien son métier. Je ne vais pas pour autant lui demander son avis sur les films que je vais voir ou pas. Ou sur les restaurants que je dois fréquenter, pour rester dans un domaine de compétences proche.
Il faut remettre un peu les choses en perspective. Alan Moore, même si l'on sent bien qu'il le souhaite ardemment, n'est pas un messie destiné à relever le niveau général. C'est là bien trop de prétention que penser que l'art, ou plus précisément la fiction, a un but sacré, un rôle à jouer au niveau des masses.
Une bonne histoire sert avant tout à divertir. Ce n'est déjà pas si mal. Si en plus elle élève l'individu, c'est un effet secondaire certes positif mais pas un but recherché. Après tout, d'immenses machineries comme l'éducation nationale, dont le but est d'éduquer, avec des moyens énormes, échouent régulièrement à remplir leur mission. Pourquoi diable un simple conteur en serait-il capable ?
Quant aux mauvaises histoires, elles peuvent parfois faire rager mais elles n'ont pas d'effets néfastes. Personne d'intelligent n'a encore jamais été rendu complètement con par un livre ou un film. Et je ne suis pas certain qu'un abruti risque grand-chose à regarder quelque chose d'idiot.
Cessons surtout de croire que quelqu'un est ce qu'il lit ou regarde. Ou qu'il n'est que ça.
Bien évidemment que les légumes et les fruits sont plus sains que les burgers, mais parfois, on bouffe des pizzas ou on va au Mac Do.
Cela ne fait pas de nous des abrutis.
Et ça ne met en danger ni la culture ni la gastronomie.
Les propos en question proviennent de cette interview fleuve, relayée par The Guardian puis ActuaBD. Et que nous assène-t-il ce brave Alan ? Eh bien, qu'il est inquiétant que le public des films de super-héros soit essentiellement composé d'adultes alors qu'il s'agit à la base de récits pour enfants. Selon lui, cela serait symptomatique d'un refus de la complexité (d'où le refuge vers le manichéisme supposé du genre). Le désastre viendrait du fait que le genre super-héroïque prend trop de place à l'heure actuelle sur la scène culturelle, ceci au détriment d'autres hypothétiques œuvres.
Bon, ça n'est pas très long comme déclaration, mais qu'est-ce qu'il y a comme conneries dedans !
Décortiquons un peu tout ça, point par point.
Accordons une chose à mister Moore, les adaptations cinématographiques tirées des comics sont en effet des films pour enfants, plutôt mal écrits et ennuyeux. D'ailleurs, le meilleur film super-héroïque à ce jour, Defendor, n'est pas issu d'une BD et est sorti directement en vidéo. Les grosses licences sont, elles, particulièrement plates et mal fichues (pour des raisons évidentes de ciblage, cf. cet article). Mais est-ce pour autant une fatalité ? On ne voit pas trop pourquoi un genre en particulier serait voué à la médiocrité. Après tout, il y a aussi de très mauvais polars ou de mauvais films de SF.
Le premier argument fallacieux de Moore tient à sa vision très limitée du genre. Qu'il considère que les super-héros étaient à la base destinés aux enfants, pas de souci, c'est tout à fait vrai. Mais le genre a un peu évolué depuis. Je sais bien qu'il estime que plus rien d'intéressant n'a été fait depuis son Watchmen, m'enfin tout de même, cela relève de la simple mauvaise foi (et d'une mégalomanie galopante).
Powers ou The Boys, par exemple, sont des comics super-héroïques modernes qui visent un public adulte. Même dans les séries mainstream, un virage radical a été pris dans les années 2000. Civil War (même si la série principale a été viandée par Millar qui n'a pas su tirer parti du potentiel de la thématique) proposait tout sauf l'affrontement traditionnel entre héros proprets et gros méchants.
Il n'y a rien dans l'ADN du genre super-héroïque qui le destine spécifiquement aux enfants. Le genre (et le support BD également) est un contenant, libre aux auteurs d'y mettre le contenu qu'ils souhaitent.
Pourtant, Moore est rejoint dans sa vision par d'autres auteurs. Chris Ware par exemple (un autre type à qui on a tellement dit qu'il était génial qu'il a fini par le croire) a notamment déclaré que le fait d'écrire des histoires super-héroïques pour adultes revenait à écrire de la pornographie pour enfants (cf. New Republic).
Autrement dit, Ware fait partie de ces gens qui lisent par exemple un Donald Duck et en déduisent que le canard est exclusivement un personnage pour enfant. Et Ware fait partie des auteurs considérés comme "intelligents" hein, ça vous donne une idée du niveau des plus cons.
Revenons au constat de Moore et notamment à ce qu'il appelle le refus de la complexité. On y a eu souvent droit à ça, c'est le fameux "ils refusent de grandir" que nous ont déjà servi Envoyé Spécial ou M6.
Que les films de super-héros soient majoritairement peu attrayants, soit, mais pourquoi diable un adulte n'aurait-il pas le droit de se divertir en regardant quelque chose qu'il apprécie ? C'est tout de même inquiétant ce discours sous-jacent que l'on s'obstine à nous servir. Comme si l'adulte devait se sentir coupable de s'amuser, s'évader un peu ou "perdre son temps" à jouer ou regarder une connerie.
Est-ce qu'un temps libre est mieux "dépensé" lorsqu'il est employé à regarder Plus Belle la Vie, à faire du tuning ou à lire des handicapés de la plume tels que Proust ou Angot ? Pas sûr. Et puis, dans "temps libre", il y a tout de même "libre".
On peut très bien jouer à cache-cache, regarder un Walt Disney ou lire du Batman sans pour autant être un demeuré qui fuit ses responsabilités. Ferait-on d'ailleurs les mêmes reproches aux fameux "tintinophiles" ? Bizarrement, être passionné par l'univers d'Hergé est considéré comme noble, alors que pourtant, ses BD visent spécifiquement un public enfantin (ce qui n'augure en rien de leurs réelles qualités, cf. notre dossier sur le sujet).
Et puis, Moore semble aussi (re)découvrir des évidences. Les gens s'intéressent à des conneries, la belle affaire ! Évidemment ! Ce n'est pas récent et ça n'est en rien propre au genre super-héroïque. Star Wars ou la série des Indiana Jones ont aussi, en leur temps, suscité un engouement. Et pourtant, même si l'univers dépeint peut avoir un réel intérêt, ce sont de mauvais films. Je ne parle même pas des séries AB qui ont fait des cartons d'audience sur TF1. Ni des records de vente de Voici. Oui, les gens n'ont pas bon goût, ça se saurait, mais les films de super-héros ne sont pas pires que le reste.
Là où l'on tombe dans le non-sens pur et simple, c'est quand Moore en vient à mettre en garde contre la place prise par le genre super-héroïque, comme si cela rognait sur autre chose. Après le goût de chiotte du public, Moore crache cette fois sur les auteurs en les accusant de verser dans la facilité sans chercher (sous-entendu, comme lui) à innover.
Les films ou les livres traitant de super-héros ne prennent pas la place d'autre chose. Quand la mode manga s'est installée en France, on a rajouté un rayon dans les librairies, on n'a rien viré.
Et surtout, qui peut prétendre qu'un fan de comics n'est QUE un fan de comics ? En quoi lire du Spider-Man ou aller voir Green Lantern empêche de se passionner pour d'autres genres ?
C'est là où j'en viens à conspuer le concept de "communauté" qui tend à faire croire des inepties aux gens. Les termes fourre-tout, comme geek (cf. cet article), ou les idées farfelues (il existerait une "communauté" de fans), ont donné une image sectaire et faussée de ce que peut être un lecteur de comics. Ou un spectateur de navets.
L'on peut très bien apprécier Straczynski, voire Moore himself à l'occasion, et lire Racine, Leblanc ou Orwell. Tout simplement parce que la fameuse communauté censée mettre la culture en danger n'existe pas. Il n'y a pas un petit village, dans un coin, peuplé d'abrutis décérébrés qui souhaitent uniquement regarder des films pourris. Un être humain est un peu plus complexe que ça, et il est étonnant que des "génies" tels que Moore ou Ware ne s'en rendent pas compte.
Le problème vient aussi du fait que Moore est effectivement devenu, comme le titre The Guardian, un "gourou" pour certains. Il a des qualités, c'est indéniable. C'est un bourreau de travail et un scénariste habile. Mais... mon boulanger aussi travaille beaucoup et connaît bien son métier. Je ne vais pas pour autant lui demander son avis sur les films que je vais voir ou pas. Ou sur les restaurants que je dois fréquenter, pour rester dans un domaine de compétences proche.
Il faut remettre un peu les choses en perspective. Alan Moore, même si l'on sent bien qu'il le souhaite ardemment, n'est pas un messie destiné à relever le niveau général. C'est là bien trop de prétention que penser que l'art, ou plus précisément la fiction, a un but sacré, un rôle à jouer au niveau des masses.
Une bonne histoire sert avant tout à divertir. Ce n'est déjà pas si mal. Si en plus elle élève l'individu, c'est un effet secondaire certes positif mais pas un but recherché. Après tout, d'immenses machineries comme l'éducation nationale, dont le but est d'éduquer, avec des moyens énormes, échouent régulièrement à remplir leur mission. Pourquoi diable un simple conteur en serait-il capable ?
Quant aux mauvaises histoires, elles peuvent parfois faire rager mais elles n'ont pas d'effets néfastes. Personne d'intelligent n'a encore jamais été rendu complètement con par un livre ou un film. Et je ne suis pas certain qu'un abruti risque grand-chose à regarder quelque chose d'idiot.
Cessons surtout de croire que quelqu'un est ce qu'il lit ou regarde. Ou qu'il n'est que ça.
Bien évidemment que les légumes et les fruits sont plus sains que les burgers, mais parfois, on bouffe des pizzas ou on va au Mac Do.
Cela ne fait pas de nous des abrutis.
Et ça ne met en danger ni la culture ni la gastronomie.
Publié le
27.7.15
Par
Nolt
On s'intéresse de nouveau à Ant-Man, cette fois côté kiosque.
Panini a décidé d'exploiter à fond le filon Ant-Man en ce mois de juillet. En plus d'une anthologie Je suis Ant-Man et d'un Marvel Monster en librairie, l'éditeur publie pas moins de trois revues kiosque consacrées à l'Homme Fourmi : un Marvel Classic, un hors-série et le premier numéro du bimestriel qui nous intéresse aujourd'hui.
Alors que le Monster évoqué plus haut mettait en scène Eric O'Grady, c'est cette fois Scott Lang que l'on retrouve dans le rôle principal. Il avait bien été vaporisé par le Valet de Cœur mais, depuis, il va mieux (on connaît le refrain).
La série est écrite par Nick Spencer (Ultimate X-Men, Morning Glory Academy, Superior Foes of Spider-Man) et dessinée par Ramon Rosanas.
L'on retrouve ici l'humour et les situations décalées auxquels Spencer nous avait habitués sur Superior Foes of Spider-Man. L'auteur excelle lorsqu'il s'agit de dévoiler l'envers du décor super-héroïque et la vie quotidienne des seconds couteaux. Il parvient également à présenter le personnage et ses pouvoirs d'une manière légère, sans que l'on ait l'impression de passer par les sempiternels impératifs de ce genre de numéro d'ouverture d'une nouvelle on-going.
Ce brave Scott Lang semble particulièrement prometteur sous la plume de Spencer. Sympathique loser d'une quarantaine d'années, divorcé, sans emploi, doté d'un casier judiciaire, il tente dans un premier temps de se trouver un job comme... responsable de la sécurité chez Tony Stark. Avant ensuite de tenter de monter sa propre entreprise.
En attendant des jours meilleurs, il vit dans un jouet (pouvoir rapetisser a certains avantages, ne serait-ce qu'au niveau des loyers) et tente de tirer un trait sur son passé de voleur.
Ces deux premiers épisodes sont clairement réussis et très agréables à lire. Loin des clichés et des menaces déjà vues cent fois, Spencer parvient à faire souffler un vent de fraîcheur sur un genre parfois presque sclérosé et coutumier du surplace narratif.
Un excellent découpage, de bons dialogues, un second degré bienvenu et quelques trouvailles visuelles intéressantes font de ce comic une vraie bonne surprise, au réel pouvoir addictif.
La revue, tout de même peu épaisse, est complétée par un court récit d'Iron Man, bien plus ancien (il date de 2010 et se déroule avant Civil War). Du côté rédactionnel, toujours la même avarice, bien que l'on trouve quelques informations - entrecoupées de pubs - sur le parcours des différents Ant-Men. Trois variant covers complètent l'ensemble.
Drôle, bien fichu et carrément conseillé.
Panini a décidé d'exploiter à fond le filon Ant-Man en ce mois de juillet. En plus d'une anthologie Je suis Ant-Man et d'un Marvel Monster en librairie, l'éditeur publie pas moins de trois revues kiosque consacrées à l'Homme Fourmi : un Marvel Classic, un hors-série et le premier numéro du bimestriel qui nous intéresse aujourd'hui.
Alors que le Monster évoqué plus haut mettait en scène Eric O'Grady, c'est cette fois Scott Lang que l'on retrouve dans le rôle principal. Il avait bien été vaporisé par le Valet de Cœur mais, depuis, il va mieux (on connaît le refrain).
La série est écrite par Nick Spencer (Ultimate X-Men, Morning Glory Academy, Superior Foes of Spider-Man) et dessinée par Ramon Rosanas.
L'on retrouve ici l'humour et les situations décalées auxquels Spencer nous avait habitués sur Superior Foes of Spider-Man. L'auteur excelle lorsqu'il s'agit de dévoiler l'envers du décor super-héroïque et la vie quotidienne des seconds couteaux. Il parvient également à présenter le personnage et ses pouvoirs d'une manière légère, sans que l'on ait l'impression de passer par les sempiternels impératifs de ce genre de numéro d'ouverture d'une nouvelle on-going.
Ce brave Scott Lang semble particulièrement prometteur sous la plume de Spencer. Sympathique loser d'une quarantaine d'années, divorcé, sans emploi, doté d'un casier judiciaire, il tente dans un premier temps de se trouver un job comme... responsable de la sécurité chez Tony Stark. Avant ensuite de tenter de monter sa propre entreprise.
En attendant des jours meilleurs, il vit dans un jouet (pouvoir rapetisser a certains avantages, ne serait-ce qu'au niveau des loyers) et tente de tirer un trait sur son passé de voleur.
Ces deux premiers épisodes sont clairement réussis et très agréables à lire. Loin des clichés et des menaces déjà vues cent fois, Spencer parvient à faire souffler un vent de fraîcheur sur un genre parfois presque sclérosé et coutumier du surplace narratif.
Un excellent découpage, de bons dialogues, un second degré bienvenu et quelques trouvailles visuelles intéressantes font de ce comic une vraie bonne surprise, au réel pouvoir addictif.
La revue, tout de même peu épaisse, est complétée par un court récit d'Iron Man, bien plus ancien (il date de 2010 et se déroule avant Civil War). Du côté rédactionnel, toujours la même avarice, bien que l'on trouve quelques informations - entrecoupées de pubs - sur le parcours des différents Ant-Men. Trois variant covers complètent l'ensemble.
Drôle, bien fichu et carrément conseillé.
+ | Les points positifs | - | Les points négatifs |
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Publié le
24.7.15
Par
Nolt
Cette semaine, j’ai rédigé le
texte le plus pénible que j’ai jamais eu à écrire.
On a beau aimer les mots,
parfois, ils semblent fades. Inopérants et pourtant douloureux, bancals,
inadéquats. Car, lorsqu’il s’agit de parler de la disparition d’un proche, de
la peine indicible que l’on éprouve, quels mots trouver ? En existe-t-il seulement d’assez
forts ?
Pourtant, pour que la
catharsis opère, il faut que l’encre coule.
Paul Eluard a écrit : « La
nuit n’est jamais complète. Il y a toujours, puisque je le dis, puisque je l’affirme,
au bout du chagrin, une fenêtre ouverte, une fenêtre éclairée… »
Dans ces ténèbres lourdes, c’est
cela je crois que l’on recherche, un mince halo de lumière, une lueur
vacillante, quelque chose qui pourra de nouveau, un jour, éclairer nos pas.
Quelque chose qui nous permette de croire que cette sinistre nuit ne sera effectivement jamais totale. Qu’il y a de l’espoir au bout des larmes et de l’amertume.
Paul Claudel affirmait, lui,
que la mort n’était rien. « Je suis juste passé de l’autre côté du chemin »,
disait-il. « Le fil n’est pas coupé. Pourquoi serais-je hors de vos
pensées ? Que mon nom soit prononcé à la maison comme il l’a toujours été,
sans emphase d’aucune sorte, sans aucune trace d’ombre. »
Pour l’ombre, je l’abandonnerai
volontiers lorsqu’elle daignera me quitter. L’emphase, c’est autre chose.
Certaines personnes méritent que l’on s’emballe pour elles. Surtout si elles
vous ont élevé, soutenu, transmis l’essentiel et aimé.
Il est vrai que cette personne
n’aurait pas apprécié que je fasse d’elle un portrait trop élogieux. Pourtant, à sa
manière, cet homme fut héroïque, surtout pendant ces derniers mois, où il s’est
battu avec un courage ahurissant et un humour constant contre une saloperie qui
le dévorait de l’intérieur. L’un de ces monstres du placard, l’un de ces
putains d’ogres à la con qui déboulent parfois dans notre réalité, a eu raison
de lui mais au prix de combien d’efforts ? Même à la fin, cet ogre s’est
fait mettre minable par un petit bonhomme tout maigre qui continuait à sourire
et à se foutre de lui. Alors, bien sûr, l’ogre a gagné, mais c’est l’une de ces
victoires ridicules qui terrassent de honte ceux qui s’en vantent.
Avant ce combat contre cet
ogre misérable, ce petit bonhomme était moins maigre. Il a mené une vie
honnête, a toujours travaillé dur, a toujours été là pour sa famille. Il était
discret, ne livrait pas facilement – pour ne pas dire jamais – ses sentiments,
mais était de bonne compagnie. Il était de cette époque ancienne où les actes
et le devoir comptaient plus que les mots. Où remplir l’assiette des siens
était la tâche essentielle d’un père. Où il fallait garder ses états d’âme pour
soi et bâtir des murs solides autour de ses émotions, surtout celles qui
pouvaient s’apparenter à de la faiblesse. Surtout, il ne voulait jamais
inquiéter personne. Souvent, des gens feignent cela. Moi aussi il m’arrive de
dire que tout va bien en espérant que l’on s’inquiète tout de même pour moi.
Mais lui n’était pas comme ça, il gardait vraiment les choses lourdes pour ses
seules épaules. C'est là une forme de radinerie très rare qu'il maniait à la perfection : garder tous les maux et les mauvaises choses pour lui afin de nous en préserver.
Je pourrais noircir des pages
et des pages sans pour autant parvenir à vous expliquer ce qu’il était
vraiment. Mais l’évoquer me fait du bien. Ça me parait… sain. Pas suffisant, certes, mais évident.
Toutefois, bien que j’accorde un
pouvoir magique aux Mots, ils ne pourront rien faire seuls cette fois. Il leur
faudra la compagnie et la lente efficacité des Horloges pour dissoudre le chagrin
et le profond sentiment d’injustice.
La nuit n’est jamais complète,
j’en suis certain. Peut-être pas demain, ni le jour suivant, mais elle finira
par reculer, par céder du terrain à la Lumière.
Quant à cet « autre côté
du chemin », j’espère sincèrement qu’il en vaut la peine. J’espère que c’est
un walhalla apaisé et triomphant, où l’on peut taquiner la walkyrie et se boire
une chope avec un Wotan rigolard. Voilà peut-être pourquoi les fantômes sont
si rares. C’est si bien là-bas qu’ils ne songent pas à nous prévenir. Ils se disent sans doute que l’on saura bien assez tôt.
En attendant, de ce côté-ci,
on continue de bricoler pour faire face. On chante, on pleure, on prie, on se
souvient, on se rassemble. Et l’on reste digne. Et debout. Et cette Nuit qui
voulait nous engloutir frémit à notre vue. Car cette lumière qu’elle voulait
étouffer commence déjà à renaître.
Ce sera dur. Ce sera
différent. Mais nous repousserons les ombres.
À mon père
"On and on, the rain will fall, like
tears from a star. On and on, the rain will say how fragile we are."
Fragile, Sting
"Dry all yours tears, come what may, and in the
end the sun will rise on one more day."
One more day, Sinead O’Connor
Publié le
20.7.15
Par
Vance
Greg Rucka, sans tapage ni esbroufe, fait depuis longtemps partie des auteurs les plus appréciés du monde des comic-books. Ses travaux, souvent présentés sur UMAC (ancienne et nouvelle formule), ont régulièrement suscité sinon des éloges, du moins une reconnaissance certaine de la part de la Rédaction : Gotham Central, Queen & Country ou encore Batwoman ont foncièrement plu à ceux qui les ont lus. Rucka séduit par son approche détaillée des personnages, privilégiant souvent leurs interactions aux affrontements physiques (même s'il laisse chaque fois s'installer une atmosphère oppressante et des élans de violence redoutables) et soignant surtout le déroulement des enquêtes et la progression des intrigues. Si on rajoute WhiteOut, on remarquera qu'il est particulièrement à l'aise lorsque le personnage principal est une femme, multipliant les problèmes inhérents au beau sexe lorsqu'il est confronté aux exigences d'un monde d'hommes et rehaussant davantage le courage et la détermination de l'héroïne.
Avec Lazarus, Rucka s'aventure avec des éléments similaires dans un univers différent, dystopique mais élaboré sur des bases peu banales. On n'est pas loin du post-apocalyptique dans cette Terre dominée par des clans, des "Familles" instaurant un système féodal très poussé sur une population reléguée au rang de serfs ou carrément de "déchets". Peu de détails viendront enrichir le background : Rucka, sans doute poussé par des impératifs de publication, a choisi dans ce premier tome rassemblant les quatre épisodes initiaux de mettre en place d'abord l'intrigue en laissant le décor de côté, qui ne se révèle que par petites touches. Cela peut frustrer, surtout les amateurs d'anticipation pessimiste, mais ça a le mérite de focaliser l'attention du lecteur sur les protagonistes. Très vite, on découvre la famille Carlyle, régnant sur ce qui semble être une bonne partie de l'Ouest des Etats-Unis, dont une cité de Los Angeles qui se relève difficilement d'un tremblement de terre : un patriarche et ses cinq enfants à la tête d'un territoire gigantesque, partagé entre des zones d'exploitation (notamment par la récolte de produits issus de semences développées en laboratoire) et des résidences ultra-luxueuses et ultra-protégées, dans un état de guerre froide permanente avec les autres familles, dont les Morray, leurs voisins méridionaux qui connaissent des difficultés pour alimenter leurs esclaves. Si quatre des enfants Carlyle gèrent tant bien que mal les fiefs qui leur sont attribués et les responsabilités inhérentes (en quelques cases, on apprend à reconnaître l'aîné raisonnable de l'oisif colérique, la bimbo calculatrice de la fille pondérée), le cinquième sort du lot : il s'agit du Lazare de la famille. Elle s'appelle Forever et constitue à la fois le chef de la sécurité des Carlyle et leur principale arme de dissuasion : humaine améliorée par des implants et des drogues, conçue par génie génétique, elle est capable de ressouder des os cassés, stopper des hémorragies, ignorer la douleur et les tissus lésés pour survivre à une fusillade ou même à l'explosion de son véhicule. Pas immortelle, certes, mais redoutable grâce à des réflexes amplifiés et un entraînement suivi dès le plus jeune âge. Or, si le père Carlyle tient à les traiter tous comme ses enfants, ses rejetons naturels ont nettement plus de mal à tisser des liens fraternels avec cette machine à tuer, constamment monitorée par James, un scientifique qui travaille pour eux.
C'est là qu'intervient l'un des deux points de départ du scénario : Forever commence à manifester des états d'âme. Certes, elle obéit sans hésiter aux ordres du père de famille, mais James comprend qu'elle désire plus que la simple fonction de gardien du temple ; ces sentiments naissants risquent d'entraîner un déséquilibre émotionnel néfaste à son efficacité au combat. D'autant que, et c'est là qu'intervient le second point, la rivalité avec les Morray atteint un palier supplémentaire dans l'escalade vers le conflit puisque l'un des centres de stockage des semences a été attaqué - et que les défenses du complexe ont été mystérieusement contournées. Carlyle estime donc fort logiquement qu'un traître est à l'oeuvre au sein de sa famille et met en place un protocole qui lui permettra non seulement de le démasquer, mais aussi d'éviter une guerre ouverte. Forever, son Lazare, sera l'instrument de sa volonté. Elle fera tout pour la famille, tant qu'elle estimera être aimée en retour.
S'appuyant sur les dessins de Michael Lark mettant en valeur les expressions des personnages, illustrés sans exagération, et magnifiant des séquences de combat souvent muettes et parfaitement découpées, Rucka instaure un réalisme de bon aloi dans son univers (on n'est pas loin des Captain America de Brubaker voire de Daredevil sur lequel il a travaillé). Cela a le don de créer une forme de paradoxe dans la perception de son histoire qu'il cherche à tout prix à imposer avec le moins d'artifices possible (on verra très peu d'infographie d'ailleurs, alors qu'on sait pourtant que la technologie de ce futur est en avance sur la nôtre). Son déroulement est d'une fluidité remarquable avec des individus au caractère très marqué, presqu'archétypaux, qui permettent à l'héroïne de se détacher au sein d'une narration scandée par des repères familiers rarement pollués par les dialogues. En revanche, on peut être frustré par la finalité de l'ouvrage, clairement créé dans l'objectif d'introduire la série, avec des épisodes conçus comme un gros préambule (à la manière des premiers films de chaque série Marvel au cinéma qui n'ont d'autre but que de présenter les personnages avant chaque Avengers). Toute fois on peut affirmer que Glénat, pour son retour sur la scène des comic-books, a fait un bon choix et propose aux acheteurs un album de qualité, avec une couverture rigide à la texture très agréable et des pages glacées donnant un cachet supérieur aux autres publications du même acabit. Dommage du coup qu'il n'y ait pas le moindre supplément outre une présentation des auteurs.
A suivre donc, pour voir où Rucka veut nous mener.
Les points positifs | - | Les points négatifs |
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Publié le
18.7.15
Par
Vance
C'est bien beau d'avoir créé un grand nombre de super-héros opérant plus ou moins en groupes dans un univers très proche du nôtre, des êtres capables de passer d'un souci de la vie quotidienne (trouver un travail, nourrir sa famille, aider ses pairs, poursuivre des études) à un cataclysme d'ampleur cosmique, qu'ils soient mutants, humains améliorés ou demi-dieux de panthéons antiques. Les séries Marvel se sont ainsi bâties, et c'est bien normal, sur ces personnages auxquels on a tous voulu s'identifier, du gentil ado un peu malhabile au surhomme surpuissant et incompris. Mais pour réaliser une bonne histoire héroïque, il faut souvent un antagoniste d'exception (A vaincre sans péril...). Et, si les scénaristes de la Maison des Idées ont su engendrer des méchants sublimes, aucun d'entre eux n'a acquis le charisme et le pouvoir de fascination de Thanos.
Ah, Thanos !
Je ne prétends pas avoir tout lu, mais, en dehors d'une mini-série récente sur ses origines (intéressante dans sa démarche, mais ratant son coup par une forme de démystification maladroite et indue), aucune des publications dans lesquelles il a joué un rôle ne s'est avérée médiocre ou inintéressante. Véritable plus-produit, il est capable de transcender les pages dans lesquelles il se dévoile. Vous aurez beau chercher (et ce serait d'ailleurs amusant de voir quel bad guy est pour vous le plus réussi de l'univers Marvel), aucun de ses pairs n'arrive à la cheville du Titan Fou. Plus retors que Galactus, plus puissant que Fatalis, plus complexe que Mephisto, plus ambitieux que Loki, il a passé son existence à tenter de séduire la Mort elle-même, jusqu'à devenir omnipotent en mettant la main sur les Gemmes de l'Infini, ce qui le plaçait au niveau le plus élevé de notre réalité. Il était tout, il pouvait tout : d'un hoquet de colère, il balayait la moitié de la Création et les entités telles Eternité ne pesaient plus bien lourd face à son pouvoir incommensurable.
Pourtant, il échoua. Comme il échoua précédemment, lorsqu'il réussit à acquérir le Cube cosmique. C'était, pour le lecteur assidu, il y a bien longtemps déjà. En France, les aventures de Captain Marvel (le premier, le vrai, le seul, le décédé) faisaient les beaux jours de la revue Strange éditée chez Lug : sous la houlette de Jim Starlin, ce héros messianique s'associait aux Avengers des premiers temps pour contrer les agissements de ce mystérieux Thanos, individu étrange né sur Titan dans une famille d'êtres extraordinaires. Thanos n'était pas de ces vilains de pacotille qui ne cherchent qu'à s'emparer de Fort Knox ou à éliminer les chefs de gangs rivaux : il voulait conquérir la Mort elle-même, et lui offrir l'univers entier pour preuve de son amour. Il lui fallait donc obtenir un pouvoir supérieur à celui de ses pairs, jusqu'à tutoyer les entités régissant les intérêts cosmiques. Bien que passionné, il procédait de manière méthodique, écartait ses adversaires dans un ordre donné (en commençant par son père) et rassemblait de véritables armées et des arsenaux impressionnants capables de raser un système solaire. A chacune de ses tentatives, il passa tout près d'un statut divin. Chaque fois, il échoua.
Certes, les héros qui l'affrontaient constituaient souvent bien plus qu'un grain de sable dans une opération ourdie depuis des lustres, au point qu'il leur rendait souvent hommage, à sa manière (n'est-il pas venu escorter son meilleur ennemi Mar-Vell alors qu'il rendait son dernier soupir - dans le magnifique et indispensable La Mort de Captain Marvel ?).
Lorsque Jim Starlin l'introduisit dans une aventure d'Iron Man - avec déjà son arc de la Quête du Cube cosmique en tête - il le fit avec une certaine délicatesse : on comprenait très vite qu'il ne s'agissait pas d'un méchant d'opérette, mais bien d'un personnage entier infiniment plus complexe et, donc, intéressant.
Le fait est que l'on pourrait presque envisager l'œuvre de Starlin à travers le prisme de Thanos : il a fait évoluer son Titan morbide au point de repousser les limites du Marvelverse et les grandes sagas cosmiques des années 2000 (je pense à Annihilation par exemple, mais n'oublions pas Infinity) doivent énormément au travail de cet artiste visionnaire et iconoclaste qui ne semble se plaire que dans l'immensité du vide spatial. La Terre est trop petite pour les récits de Starlin, et il lui faut des héros à la hauteur des enjeux qu'il avance. Après avoir (magistralement) servi la gloire de Mar-Vell, il a trouvé dans le Silver Surfer mais surtout chez Adam Warlock un caractère à sa (dé)mesure, puissant mais malléable, toujours déchiré entre le monde des mortels et les agissements des divinités. Néanmoins ces héros christiques n'ont été que des intermédiaires dans son processus créatif : Thanos est bien la clef de voûte du Grand œuvre de Starlin. Il suffit de voir quelle direction a été prise pour celui qui fut le plus grand criminel de l'univers : après avoir été dépossédé du Gant de l'Infini, n'a-t-il pas été quasiment absous de ses péchés par son ennemi d'antan ? Ne lui a-t-on pas confié la garde d'un des Joyaux ?
Thanos est de ces êtres qui ne peuvent être rangés dans une catégorie de personnages : paradoxe vivant, supérieurement intelligent mais cruellement laid, respectueux mais farouchement jaloux, il dépasse les notions de Bien ou de Mal pour s'approprier celles qui gouvernent la Réalité.
Avec la Révélation de l'Infini, Starlin met un énième point final à la trajectoire de Thanos, sans doute une autre étape (malgré son âge, l'auteur a de la ressource) : ancien dieu et déjà mort, Thanos est indissociable désormais de l'évolution de l'univers. Et quand, au début de ce graphic novel, Infini et Eternité sont convoqués par le Tribunal Vivant, c'est uniquement pour qu'ils apprennent que le grand bouleversement cosmique se déroulera sans leur intervention, et que le Titan en sera le point nodal. Ainsi donc, vous pourrez lire jusqu'où l'esprit torturé de Starlin a mené sa barque, quelle est la conclusion (forcément temporaire) de cette saga de quarante ans qui n'a pas pris la moindre ride. Si vous avez apprécié les précédents récits, vous retrouverez quelques-uns des "seconds rôles" habituels qui accompagnent Thanos, pour le pire et pour le meilleur : Warlock lui est intimement lié (et l'histoire insiste sur cette dualité singulière dont la dichotomie rythme l'évolution de la Réalité), tout comme la Mort, mais vous croiserez aussi la route des Gardiens de la Galaxie et des puissants Annihilateurs, dont Ronan l'Accusateur kree, Quasar et surtout le Silver Surfer.
La seconde moitié de l'ouvrage dépassera la simple quête et les combats pour une ascension irrésistible vers un nexus d'où devrait émerger un nouvel univers. Tel Néo face à l'Agent Smith, Thanos devra faire des choix et surtout s'assumer, enfin, pour dépasser ses échecs précédents (il a toujours consciemment ou non, laissé une faille dans ses plans qui a permis à l'adversité de le vaincre, parce qu'il a toujours douté de ses choix et, surtout, de lui-même) : épaulé/aiguillonné par un Warlock changeant auquel il ne peut faire (et qui ne lui fera jamais) confiance, il ne pourra trouver la force nécessaire à la conflagration finale que dans ce qui le motive depuis toujours, ce qui l'incite à repousser les barrières du néant et dépasser les limites de l'existence. Cette fois, c'est l'Univers lui-même qui l'a choisi, et il devra faire avec.
Lecture délassante et méta-lecture stimulante : Jim Starlin, parfaitement épaulé aux couleurs par Andy Smith, a de nouveau réussi un coup de maître, subtilement introduit dans une préface d'une rare érudition signée Douglas Wolk (un critique de comics écrivant pour le New York Times). Ce genre de littérature peut agacer, troubler ou ennuyer certains. Moi, j'ai adoré.
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Publié le
15.7.15
Par
Nolt
Sortie aujourd'hui en Marvel Monster de la série Irredeemable Ant-Man de Kirkman. On dissèque tout de suite la bestiole.
Faisons tout d'abord un point sur les différentes incarnations de l'Homme-Fourmi. Le plus connu est bien évidemment Hank Pym, membre fondateur des Vengeurs, qui a ensuite utilisé divers autres pseudos, comme Giant-Man ou YellowJacket. L'identité de Ant-Man est ensuite endossée par Scott Lang, qui fréquentera Jessica Jones (cf. Alias) avant de se faire dessouder par le Valet de Cœur.
La série qui nous intéresse ici met en scène un troisième larron, Eric O'grady.
Ce dernier est un agent du SHIELD, un simple sous-fifre en réalité, qui va tomber par hasard sur l'armure de Ant-Man et s'en emparer dans des conditions plutôt dramatiques puisqu'il cause involontairement la mort de son meilleur ami.
Au scénario, l'on retrouve donc Robert Kirkman, les dessins sont assurés par Phil Hester, Cory Walker et Khary Randolph. Ceux qui ne connaissent Kirkman qu'au travers de son œuvre culte The Walking Dead risquent d'être surpris puisque l'auteur retrouve ici son style plus habituel, à savoir du super-héros très second degré, plutôt humoristique (cf. cet article), proche de l'ambiance d'un Invincible.
Là où l'approche se révèle originale, c'est dans la construction du personnage principal. O'grady ne s'avère pas seulement inexpérimenté ou maladroit mais assez égoïste, voire parfois franchement odieux.
Ainsi, contrairement à la plupart des séries super-héroïques, où le protagoniste découvre ses pouvoirs et se met immédiatement au service du bien, Ant-Man explore une autre voie, beaucoup moins classique, dans laquelle O'grady n'hésite pas à voler, mentir et se livrer à son occupation préférée : observer en douce les filles sous la douche.
Car, bien entendu, son costume lui permet de contrôler sa taille et de devenir aussi discret qu'une fourmi.
O'grady se retrouve très vite en cavale, tentant d'échapper aux agents du SHIELD qui souhaitent retrouver la coûteuse armure qu'il a dérobée. Entre deux courses-poursuites, il aura le temps de rencontrer les Vengeurs, de se retrouver dans le sac à main de Ms. Marvel, de se lier d'amitié avec un cambrioleur fan de Nintendo et même de se faire embaucher sous une fausse identité chez Damage Control, une société spécialisée dans la réparation des dégâts après les affrontements entre surhumains.
Bien qu'elle contienne des moments drôles et décalés, la série s'aventure parfois dans le drame, donnant plus de relief à un personnage central qui pourrait être détestable, ou simplement clownesque, et qui s'avère plus complexe qu'il n'y paraît sur le long terme.
Les douze épisodes de l'on-going (datant de 2006/2007) se déroulent à différents moments importants, auxquels il est fait allusion de manière plus ou moins appuyée, que ce soit Wolverine : Ennemi d'Etat, House of M, Civil War ou World War Hulk. L'ensemble reste tout de même relativement accessible, puisque centré sur un personnage nouveau et un récit complet.
La série, malgré des qualités évidentes et un ton sympathique, a été arrêtée après le douzième numéro (qui contient tout de même une véritable conclusion, Kirkman ne manquant d'ailleurs pas d'ironie à ce sujet). Niveau guests, l'on peut citer essentiellement Iron Man et Hulk, bien que d'autres personnages fassent des apparitions éclairs.
Un titre agréable à lire, qui sort des sentiers battus en mettant en scène un personnage atypique.
Faisons tout d'abord un point sur les différentes incarnations de l'Homme-Fourmi. Le plus connu est bien évidemment Hank Pym, membre fondateur des Vengeurs, qui a ensuite utilisé divers autres pseudos, comme Giant-Man ou YellowJacket. L'identité de Ant-Man est ensuite endossée par Scott Lang, qui fréquentera Jessica Jones (cf. Alias) avant de se faire dessouder par le Valet de Cœur.
La série qui nous intéresse ici met en scène un troisième larron, Eric O'grady.
Ce dernier est un agent du SHIELD, un simple sous-fifre en réalité, qui va tomber par hasard sur l'armure de Ant-Man et s'en emparer dans des conditions plutôt dramatiques puisqu'il cause involontairement la mort de son meilleur ami.
Au scénario, l'on retrouve donc Robert Kirkman, les dessins sont assurés par Phil Hester, Cory Walker et Khary Randolph. Ceux qui ne connaissent Kirkman qu'au travers de son œuvre culte The Walking Dead risquent d'être surpris puisque l'auteur retrouve ici son style plus habituel, à savoir du super-héros très second degré, plutôt humoristique (cf. cet article), proche de l'ambiance d'un Invincible.
Là où l'approche se révèle originale, c'est dans la construction du personnage principal. O'grady ne s'avère pas seulement inexpérimenté ou maladroit mais assez égoïste, voire parfois franchement odieux.
Ainsi, contrairement à la plupart des séries super-héroïques, où le protagoniste découvre ses pouvoirs et se met immédiatement au service du bien, Ant-Man explore une autre voie, beaucoup moins classique, dans laquelle O'grady n'hésite pas à voler, mentir et se livrer à son occupation préférée : observer en douce les filles sous la douche.
Car, bien entendu, son costume lui permet de contrôler sa taille et de devenir aussi discret qu'une fourmi.
O'grady se retrouve très vite en cavale, tentant d'échapper aux agents du SHIELD qui souhaitent retrouver la coûteuse armure qu'il a dérobée. Entre deux courses-poursuites, il aura le temps de rencontrer les Vengeurs, de se retrouver dans le sac à main de Ms. Marvel, de se lier d'amitié avec un cambrioleur fan de Nintendo et même de se faire embaucher sous une fausse identité chez Damage Control, une société spécialisée dans la réparation des dégâts après les affrontements entre surhumains.
Bien qu'elle contienne des moments drôles et décalés, la série s'aventure parfois dans le drame, donnant plus de relief à un personnage central qui pourrait être détestable, ou simplement clownesque, et qui s'avère plus complexe qu'il n'y paraît sur le long terme.
Les douze épisodes de l'on-going (datant de 2006/2007) se déroulent à différents moments importants, auxquels il est fait allusion de manière plus ou moins appuyée, que ce soit Wolverine : Ennemi d'Etat, House of M, Civil War ou World War Hulk. L'ensemble reste tout de même relativement accessible, puisque centré sur un personnage nouveau et un récit complet.
La série, malgré des qualités évidentes et un ton sympathique, a été arrêtée après le douzième numéro (qui contient tout de même une véritable conclusion, Kirkman ne manquant d'ailleurs pas d'ironie à ce sujet). Niveau guests, l'on peut citer essentiellement Iron Man et Hulk, bien que d'autres personnages fassent des apparitions éclairs.
Un titre agréable à lire, qui sort des sentiers battus en mettant en scène un personnage atypique.
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Publié le
8.7.15
Par
Nolt
Je suis tombé aujourd'hui sur un magazine, en kiosque, intitulé Les Comics pour les débutants. Il ne s’agit pas d’un guide pour apprendre à dessiner ou à scénariser un récit, non, c’est un guide pour vous aider à… choisir ce que vous avez envie de lire.
J’ignore si je suis le seul à
saisir la profonde imbécilité du principe.
Cela revient, au restaurant, à
demander au type de la table d’à côté ce que vous devez manger. Et puis
surtout, c’est censé résoudre un problème inexistant.
Il y a vraiment des gens qui
se plaignent de ne pas savoir quoi lire ? Sérieusement ?
Bon, remarquez, quand une
civilisation en vient à inventer une profession destinée à écouter les gens se plaindre,
c’est déjà un peu un indice sur son degré d’inaptitude chronique. Pourtant, on
peut se plaindre gratuitement à des tas de gens, son conjoint, ses amis, mais
non, ce n’est pas suffisant ! Je veux un professionnel, je veux payer un
type avec un putain de diplôme certifié par l’état. Je veux faire chier quelqu’un
dont c’est le métier !
Là je serai
soulagé !
Bref, il
existe donc des gens apparemment dont l’un des problèmes est de ne pas savoir
choisir seuls leurs putains de comics. L’année dernière déjà, j’avais tenté de
faire une sorte d’anti-guide pour « débuter » dans les comics, en
expliquant (c’est déjà dingue qu’il faille l’expliquer) que la démarche était
personnelle et que les goûts d’un inconnu n’avaient que très peu de chances de
coller avec vos propres attentes.
Mais, c’est l’époque
qui veut ça, on a besoin de coachs, de guides, de gourous, de mecs qui nous
disent quoi penser, quoi lire, quoi bouffer, qui baiser et par quel(s) trou(s).
Regardez le
nombre hallucinant de livres parlant de régimes. En voilà une belle
escroquerie. Pourtant, ce n’est pas bien compliqué, pour perdre du poids, il
suffit d’arrêter de bouffer n’importe quelle merde et de bouger son cul. C’est
du simple putain de bon sens. Mais non, on veut acheter les conseils supposés
avisés d’un « spécialiste ».
Arrêtez de
vous goinfrer de pizzas et de Mac Do, faites du sport régulièrement, mangez des
légumes et du poisson, buvez de l’eau. Voilà la méthode (je précise que je ne
dis pas ça au hasard, il m’est déjà arrivé de perdre 18 kilos en trois mois
avec simplement un peu de logique, bon, je les ai repris, parce que je suis un connard, mais la méthode marche). Si par contre vous voulez l’effet
psychologique qui va avec, je vous file mon compte paypal et vous me faites un
versement, ça ne me dérange pas.
Bon, admettons
au moins que pour un régime, certains cas nécessitent l’appui d’un
professionnel de santé. Mais, bordel, choisir un bouquin ?! Oh, les mecs,
choisir un bouquin !!
Est-ce que
quelqu’un qui n’arrive pas à décider seul ce qu’il veut lire saura seulement
terminer seul sa lecture ? Ou il faut aussi lui dire quand il faut tourner
les pages ?
Surtout, est-ce
que quelqu’un qui a besoin d’aide pour une tâche aussi simple, personnelle et
amusante mérite vraiment de continuer à vivre ? Ben, ça serait plus simple
de le buter plutôt que de lui expliquer tout le temps la moindre connerie.
— Heu, c’est
bizarre, j’ai comme une drôle de sensation là, au niveau du ventre, et j’ai l’anus
qui se dilate…
— Ouais, ben t’inquiète
pas, t’as juste envie de chier. Va t’asseoir là-bas, pousse un bon coup et n’oublie
pas de t’essuyer après.
Même les
rencontres amoureuses sont maintenant régies par autrui. On s’inscrit sur un
site, on remplit un questionnaire à la con, et un logiciel ou une sorte de mère
maquerelle du net vous dit qui rencontrer.
Mais comment
diable une espèce aussi débile et assistée peut-elle encore exister ? Comment
a-t-on pu devenir aussi amorphe, lent et pitoyable ?
Et qu’est-ce
que ça veut dire d’ailleurs « débutant en comics » ?
Qu’est-ce qu’on
s’en fout de ne pas tout connaître ! Surtout quand on voit les soi-disant
spécialistes. Entre les opportunistes incultes, les ayatollahs imbus d’un
pouvoir qu’ils n’ont pas et les pseudo-pros qui publient des merdes à peine
lisibles, on se demande jusqu’à quel point il est préférable de n’être qu’un « débutant ».
« Débutant »,
comme s’il y avait des niveaux…
— Tu en es où
toi des romans de King ?
— Expert
deuxième dan. Je passe la troisième lundi prochain.
Et puis,
merde, choisir un livre, c’est comme rencontrer une nana. Il n’y a pas de
règles. Ça dépend de vous, des circonstances, de votre vécu, de vos
aspirations, de votre caractère…
Surtout, on ne
peut pas vivre éternellement en s’en remettant aux choix des autres, sous
prétexte qu’ils sont majoritaires, connus, faciles ou prometteurs.
Imaginez l’horreur
d’une vie dominée par les guides. « Comment être de bons parents », « Quoi
lire », « Comment perdre du poids », « Comment gérer sa
colère, son stress et sa grand-mère », « Comment se comporter avec
les chats », « Comment dire à mon patron que je l’emmerde », « Comment
arrêter la clope, le shit et l’ecsta », « Comment bien débuter dans
les guides »…
S’en remettre
à des professionnels dans des cas extrêmes, c’est une bonne idée. Se
documenter, accroître ses connaissances, c’est toujours une bonne chose. Mais
vivre une vie de mouton, entouré par des chiens vous guidant à droite ou à
gauche, au gré de leurs aboiements, ce n’est pas tout à fait une vie.
Je ne voudrais
pas que les auteurs du guide dont il est question se sentent spécialement
visés, je parle ici d’une dérive générale, d’une soumission dangereuse au « goût
des autres », pas de leur travail, plutôt honnête d’ailleurs.
Les raccourcis
vous privent de l’essentiel. Un trésor sans carte, sans péripéties, sans énigme
à résoudre, n’a finalement que peu de valeur.
La lecture n’est
pas un domaine de compétition. Il n’existe ni débutants ni maîtres. Juste des
candidats à l’envoûtement que procure un bon livre.Vous seul savez ce que vous avez envie de lire. Et c’est cette envie, cette petite étincelle, qui va faire en sorte que votre parcours dans le vaste domaine du Papier sera unique et rayonnant.
L’Everest d’un
autre est toujours beaucoup moins intéressant qu’une petite colline personnelle,
gravie lentement mais avec le fol espoir qu’elle offrira tout ce que vous êtes
venu chercher.
On peut faire
de belles rencontres sur les chemins de terre. Jamais sur les autoroutes.
Publié le
3.7.15
Par
jiji83
Chris Bachalo a si souvent côtoyé les X-Men au cours de sa carrière, qu'il semblait être l'élu pour illustrer les séries X post-Schism. En effet, depuis 2011, il est aux commandes de Wolverine and the X-Men (paru en mai 2015 chez Panini Deluxe) et depuis 2013 de la série Uncanny X-Men parue le mois dernier en France en format Marvel NOW!. Chacune de ces séries conte le quotidien de cette fratrie divisée, d'autant plus après Avengers vs X-Men pour le titre Uncanny X-Men. Elles permettent donc de se recentrer sur les personnages principaux et d'approfondir les motivations internes à chaque camp en marge de l'histoire principale.
Petite rétrospective pour éviter d'en perdre certains dès le second paragraphe : Avec l'event Schism de l'année 2011, Cyclope et Wolverine, deux figures motrices pour les mutants, alors décimés par le "No More Mutants" de House of M, rentrent en conflit suite à un différend sur le rôle des enfants dans cette guerre perpétuelle. Cyclope préfère les préparer au combat afin qu'ils deviennent des guerriers aptes à garantir leur survie au lieu de les bassiner avec un discours utopiste mensonger (dont il a lui-même fait les frais, il suffit de voir la déception du jeune Scott lorsqu'il arrive dans le futur), tandis que Wolverine se montre beaucoup plus paternel en ne voulant pas gâcher l'enfance de ses élèves. La rupture survient donc. Chacun va son chemin et Logan crée l'Institut Jean Grey, où les enfants suivront une éducation "normale" (cf Wolverine and the X-Men qui aura droit à une review plus tard, si je ne me suis pas transformée en limace déshydratée d'ici là). Puis la force du Phénix rase des galaxies pour atteindre Hope sur Terre. Cyclope s'en prend cette fois-ci aux Vengeurs pour protéger l'avenir de la mutanité (Avengers vs X-Men). Suite à une mauvaise manip' de Stark, la force cosmique se divise et trouve foyer chez Emma Frost, Colossus, Magie, Namor et Cyclope. Ce dernier finit par s'en accaparer de la totalité et, pris de folie, tue Charles Xavier. A cet instant, il devient aux yeux de tous un meurtrier et est incarcéré. Uncanny X-Men conte donc les aventures de ce fugitif qui tente tant bien que mal de recréer l'institut Xavier et de venir en aide aux nouveaux détenteurs du gène X suite au passage régénérant du Phénix.
J'étais assez réticente à l'idée de me procurer Uncanny X-Men, sachant que les All New X-Men de Bendis m'avaient laissé de marbre. Le scénario partait d'une bonne idée (même si je ne porte pas Jean Grey dans mon cœur), mais s'est finalement avéré sous exploité, creux et assez expéditif à mon gout. C'est donc bien Bachalo (♥) qui m'a fait sauter le pas. Ainsi, l'artiste reste fidèle à lui-même et prouve une fois de plus qu'il est maître de ses dessins, notamment au travers d'expressions faciales réussies et d'une colorisation qui déboîte ! On lui reproche fréquemment, et à juste titre, des scènes d'action assez brouillon qui donnent le vertige (cela est notamment valable pour Wolverine and the X-Men : torticolis assurés !), mais il s'en sort comme un pro sur ces quatre numéros (qui ne contiennent finalement qu'une faible dose de rencontres musclées, hourra !) : c'est beau, propre et maîtrisé, notamment lors de la confrontation avec les sentinelles... TADAA-A !
Et puis, on a eu droit à un caméo de Carol Danvers qui, dessinée par Bachalo, est juste top (et son interaction avec Cyclope tellement sensée par rapport aux Vengeurs décidément bornés) ! C'est malin, maintenant je souhaite qu'un jour Bachalo prenne les rennes de Captain Marvel pour assouvir mon fantasme de fangirl (mais il semblerait que ce ne soit pas pour demain la veille, puisque Bachalo devient l'artiste régulier de la série Strange pour All-New All-Different Marvel… Tristesse.). Petit bémol cependant : je suis relativement déçue du relooking de certains personnages, notamment Magnéto (chauve ?!) et Cyclope (qui nargue les tireurs d'élite comme Hawkeye avec sa cible au milieu du visage... c'est tout sauf malin ça, il signe son arrêt de mort).
Concernant le scénario, Uncanny X-Men se révèle, malgré ma réticence, être une belle surprise et suscite bien plus d'intérêt qu'All New X-Men, dans le sens où il approfondit plus les répercussions de la force du Phénix sur les pouvoirs de Scott, Emma, Magnéto et Magie et sur les relations entre les personnages et les différents clans, à jamais changées. La force du Phénix semble en effet les avoir consumés de l'intérieur, générant une instabilité de leurs pouvoirs et les rendant vulnérables, meurtris psychologiquement comme Frost qui ne cesse de se remémorer l'attaque virulente du Cyclope-Phénix qui lui a brisée ses pouvoirs, ou encore Magie, plus démoniaque que jamais (et qui parvient même à "foutre la trouille" à Emma, c'est pour dire !). Et, au vu des récents événements, il serait possible, qui sait, qu'elle refasse un séjour aux limbes, ou qu'elle ramène l'enfer sur terre (si ce n'est pas déjà le cas pour les mutants).
Brian Bendis prend donc le pari de nous dépeindre des personnages plus complexes qu'il n'y parait, s'éloignant d'une vision manichéenne, simpliste du monde mutant, entre le Bien (Wolverine et les Vengeurs) et le Mal (Cyclope entouré de deux criminels reconnus - Emma Frost, Magnéto). En effet, avec Avengers vs X-Men, on se rend compte de la complexité de la situation où la responsabilité est multiple : Emma Frost soulève à juste titre le fait qu'ils sont devenus les hôtes de la force du Phénix contre leur volonté à cause de l'ingérence des Vengeurs.
Brian Bendis prend donc le pari de nous dépeindre des personnages plus complexes qu'il n'y parait, s'éloignant d'une vision manichéenne, simpliste du monde mutant, entre le Bien (Wolverine et les Vengeurs) et le Mal (Cyclope entouré de deux criminels reconnus - Emma Frost, Magnéto). En effet, avec Avengers vs X-Men, on se rend compte de la complexité de la situation où la responsabilité est multiple : Emma Frost soulève à juste titre le fait qu'ils sont devenus les hôtes de la force du Phénix contre leur volonté à cause de l'ingérence des Vengeurs.
Bendis (cf. cet dossier) tente ainsi de façonner l'esprit critique du lecteur pour déceler les comportements condamnables qui résident au final dans les deux parties (cf. un agent double dans l'équipe de Cyclope), et soulève, comme souvent avec les X-Men, la question de la diversité et de la discrimination. Bien qu'étant l'auteur d'un homicide, le but de Cyclope reste noble en voulant réunir la race mutante et aider les nouveaux mutants où qu'ils soient. Et, bien que justice doit être faite pour le meurtre de Charles Xavier, les Vengeurs ne prennent pas assez en compte l'étendu du problème mutant, ni leur propre rôle dans cette affaire et, de fait, confortent paradoxalement les dires de Cyclope par leurs actions. Ce dernier profite de sa surmédiatisation pour gagner en popularité et montrer au monde que les mutants ne seront plus des parias et qu'il est temps qu'ils remplissent leur rôle d'homo superior.
Enfin, il est intéressant de voir que le scénariste sait où il nous mène avec des événements que l'on suit en parallèle sur les différents titres X comme, par exemple, la visite de Cyclope à l'Institut Jean Grey où il recrute les sœurs Cuckoos et le jeune Angel, ou encore ses différentes apparitions télévisées. Ainsi, une critique que l'on peut adresser à Panini est le manque de cohérence quant au rythme de parution des titres Uncanny X-Men et All New Marvel (qui en est déjà à son 3ème tome !), puisqu'il force le lecteur à se replonger dans les précédents tomes (rapidement mis aux oubliettes) pour se souvenir des faits.
En bref.
Uncanny X-Men se démarque des dernières parutions X-Men en librairie (avec Wolverine and the X-Men) en délaissant un trop plein d'actions (comme durant Avengers vs X-Men) au profit d'une exploration des stratégies individuelles et des relations au sein de l'équipe de Cyclope . Le tandem Bendis/Bachalo produit des merveilles avec un scénario bien ficelé et critique face aux positions "extrémistes" de Cyclope, et soutenu par un graphisme dynamique, vivant et coloré. Un petit bijou pour les yeux, malheureusement trop court : ce premier tome ne contient que quatre épisodes contre cinq dans le TPB en VO. Rendez-vous donc le mois prochain pour s'avoir ce qu'il advient de nos mutants hors la loi, avec de nouveaux artistes (Frazier Irving, Kris Anka) qui entrent dans la danse !
Et bonus : encore et toujours du Phil Noto !
Et bonus : encore et toujours du Phil Noto !
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