Publié le
17.1.24
Par
Nolt
Après 12 tomes, il est temps de dresser un état des lieux de l'ambitieuse Saison 2 de la série Michel Vaillant.
Rappelez-vous, nous vous avions présenté le premier tome dans ce First Look. Cette fois, c'est une analyse des qualités (nombreuses !) et défauts de cette saga que nous allons vous proposer.
Attention, l'intégralité des événements importants concernant l'histoire développée dans les tomes #1 à #12 sera dévoilée dans ce qui suit. Si vous poursuivez la lecture de cet article, vous avez donc supposément déjà lus les BD en question.
Une reprise d'une série mythique, on l'a déjà vu (avec Astérix notamment), peut s'avérer très délicate. Il faut notamment composer avec les attentes du lectorat (dont les souvenirs sont souvent embellis par la nostalgie) et parvenir, sans dénaturer le personnage, à installer un ton propre. Dans l'idéal en tout cas. Et c'est ce qu'est parvenue à faire l'équipe en charge des nouvelles aventures du pilote. L'on parle bien d'équipe car entre le scénario (Philippe Graton, Denis Lapière), les dessins (Marc Bourgne, Olivier Marin, Benjamin Bénéteau, Vincent Dutreuil, Tomas Moron), la colorisation (Sébastien Gérard, Christian Lerolle, Antoine Lapasset, Bruno Tatti, Luan Kodra, Thomas Levadoux) et le lettrage (Claude Hauwaert), il y a pas mal de monde sur ce projet (dont les publications sont régulières, avec un album par an depuis le lancement).
La grande idée, à la base de ce nouveau départ, est simple mais cruciale : l'abandon des récits en un seul album au profit d'une grande saga mêlant courses, politique, économie, sentiments et affaires criminelles. Le tout bien entendu en conservant les personnages emblématiques.
Mais encore faut-il une certaine qualité d'écriture et un brin d'audace pour permettre à ce brave Michel Vaillant d'aborder le XXIe siècle avec une certaine fraîcheur. Et il faut dire que les auteurs n'ont pas lésiné sur les scènes chocs et les sous-intrigues en tout genre. Voyons ce qui a parfaitement fonctionné et ce qui s'est révélé un poil décevant.
Le premier gros événement de cette série, c'est bien entendu la descente aux enfers de Jean-Pierre Vaillant (le frère de Michel) et son... suicide spectaculaire. En fait, ce passage est très bien géré. On assiste à l'acte à la fin d'un album, puis on retrouve Jean-Pierre à l'hôpital, dans le coma, au début du suivant. Là on se dit "bon, OK, ils n'ont pas osé aller au bout, c'est compréhensible, ça serait assez violent, c'est un personnage important, etc." Mais en réalité, un album plus tard, exit le frangin ! Non seulement ils sont allés au bout, mais les scénaristes nous ont fait croire le contraire. D'un point de vue narratif, c'est brillant, puisque cela apporte deux scènes fortes (ou retournements de situation) avec un seul événement.
Le mélange entre saga familiale, courses (certaines étant très bien mises en scène), aspect économique, aventure pure et même politique est très bien dosé également. On a droit à quelques scènes marquantes, du suspense, de la tension, bref, c'est efficace. Surtout, l'on sait que tout est possible, même le pire. Cela installe une véritable dramatisation, de vrais enjeux et une maturité certaine.
C'est sans doute la plus grande qualité de la série : effectuer un virage plus sombre et réaliste. L'on a pu entendre certaines critiques (peu éclairées) à ce sujet, notamment en évoquant le départ de Michel, en pleine course, alors qu'il est inquiet pour son fils. D'une part, ce n'est en rien irréaliste, des gens qui font n'importe quoi sous l'effet de l'impulsion du moment ou de l'inquiétude, ça existe. D'autre part, il faut bien raconter quelque chose. On ne va pas dépeindre la vie sans aspérités d'un comptable histoire de pouvoir se targuer de "réalisme". Non, en réalité le réalisme (de par les aspects familiaux et économiques, ou la disparition de certains personnages) est bien présent. Surtout si l'on compare à la première série. Celle-ci est bien plus moderne et tendue (ce qui ne veut pas dire que la précédente était médiocre, elle n'avait juste pas le même ton).
Pour autant, tout n'est pas parfait, loin de là. L'on peut aisément passer sur certains défauts graphiques (des différences assez nettes, entre deux cases, au niveau des visages par exemple), d'autant que les décors sont, eux, en général fort jolis voire parfois spectaculaires.
Par contre, étonnamment, les scénaristes ont gâché de belles pistes d'intrigues qu'ils avaient pourtant patiemment mises en place. La première concerne Patrick, le fils de Michel. Ce dernier, en pension, connaît de nombreuses difficultés : ses notes sont mauvaises, il a un évident problème de comportement et finit même par fuguer. Là, on nous dit qu'il veut s'éloigner du clan Vaillant et s'émanciper de la lourde tradition familiale. Ce qui pourrait donner quelques scènes poignantes. Or, tout cela est vite bazardé un peu n'importe comment. En fait, alors que l'on pense que Patrick a vraiment mal tourné, on se rend compte qu'il bosse très sérieusement avec des petits génies sur un projet de... roues intelligentes et de bagnole du futur. Ah ben, pour quelqu'un qui voulait "s'éloigner" de la tradition familiale... c'est réussi !
Pire, alors qu'il croyait que son fils trempait dans un trafic de drogue, ce qui s'avère finalement faux, et qu'il se rend compte qu'il a non seulement un solide projet professionnel mais également une entreprise florissante entre les mains, Michel est quand même déçu car son fils est trop "terre-à-terre" et n'aborde pas le domaine automobile avec la même "passion" que lui. On frise le ridicule. D'autant que le gamin finira par rejoindre l'équipe Vaillante. Bref, un coup dans l'eau.
Pire, alors qu'il croyait que son fils trempait dans un trafic de drogue, ce qui s'avère finalement faux, et qu'il se rend compte qu'il a non seulement un solide projet professionnel mais également une entreprise florissante entre les mains, Michel est quand même déçu car son fils est trop "terre-à-terre" et n'aborde pas le domaine automobile avec la même "passion" que lui. On frise le ridicule. D'autant que le gamin finira par rejoindre l'équipe Vaillante. Bref, un coup dans l'eau.
La seconde intrigue gâchée concerne la vie amoureuse de Michel. Alors qu'il semble très heureux avec sa femme, Françoise, il fait la connaissance d'une jolie journaliste, Carole, dont il se rapproche. On sent venir la relation extraconjugale (et les soucis et rebondissements qui pourraient l'accompagner), mais en réalité, tout cela en reste à un chaste baiser et à quelques regrets et fantasmes.
Là encore, on a l'impression d'une longue mise en place qui, au final, n'aboutit à rien de bien palpitant.
En ce qui concerne les personnages secondaires, là encore, ils sont traités avec beaucoup (trop !) de tact et de prudence. Steve Warson semble s'écarter assez vite de la politique et des magouilles qui l'accompagnent, quant à Bob Cramer, il est aussi caricatural (et peu impressionnant) que par le passé. Bien entendu, tout cela peut évoluer dans les prochains albums, mais on ne peut s'empêcher de constater une certaine frilosité alors que le suicide de Jean-Pierre semblait au contraire annoncer une approche culottée et percutante.
Il n'est pas question de "buter" tous les personnages, bien entendu, ce serait stupide, mais de les malmener de manière osée, de les pousser dans leurs retranchements, de secouer un peu les anciennes règles pour que le lecteur puisse vraiment vibrer et se plonger dans un univers à la fois familier mais totalement revisité et parcouru de nouvelles menaces et passions.
Il n'est pas question de "buter" tous les personnages, bien entendu, ce serait stupide, mais de les malmener de manière osée, de les pousser dans leurs retranchements, de secouer un peu les anciennes règles pour que le lecteur puisse vraiment vibrer et se plonger dans un univers à la fois familier mais totalement revisité et parcouru de nouvelles menaces et passions.
Au final, ces 12 premiers albums s'avèrent globalement très bons, avec de belles planches, une approche moderne, de l'émotion, du suspense mais aussi, paradoxalement, une certaine timidité scénaristique qui empêche la série de passer un cap et d'atteindre l'excellence.
Une Saison 2 tout de même très conseillée.
+ | Les points positifs | - | Les points négatifs |
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Publié le
13.1.24
Par
Virgul
Dans les figurines Warhammer, vous avez bien entendu les figurines classiques Games Workshop, à monter et peindre, il y a également les figurines McFarlane, très grandes et déjà (pas très bien) peintes, et entre les deux, il existe la gamme Joytoy.
Ces figurines à l'échelle 1/18 font environ 12 à 14 cm de haut. Elles sont déjà peintes (avec un beau rendu), disposent de moult accessoires et sont articulées. Elles disposent d'un socle amovible, pour des poses dynamiques, mais sont déjà bien stables de base.
Les modèles disponibles sont légion (c'est le cas de le dire !). Space Marines (avec de nombreux chapitres, Black Templars, White Consuls, Space Wolves...), Humains, Dreadnoughts, Orks ou encore divers véhicules. Le modèle présenté ici est un Initié Primaris, du chapitre Black Templars. Il dispose d'une épée tronçonneuse, d'un bolter et d'un pyro-éclateur. Ah il n'est pas là pour faire des crêpes le gaillard !
Tout cela est donc bien sympa, ça a de la gueule, mais le gros bémol reste... le prix. 50 euros pour un space marine de base (il est possible d'en trouver parfois à moins de 40, mais c'est rare), plus de 70 pour un officier ou un maître de chapitre, de 140 à plus de 200 pour un dreadnought, bref, ce n'est pas donné.
Et comme l'intérêt, c'est d'avoir quand même une petite escouade, le budget peut vite devenir démesuré.
Jolies figurines, gros choix de modèles, mais des prix très élevés.
Publié le
5.1.24
Par
Virgul
Pour bien commencer 2024, je vous ai réservé une Parenthèse exceptionnelle, avec des Nazis, Kate Bush, une machine à faire pleuvoir et une bonne grosse injustice, bref, un conte tragique et merveilleux, à la frontière de la science et de la métaphysique. Mais réel. Ouep, rien que ça !
I still dream of Orgonon
Tout commence en 1897, dans l'ancien Empire austro-hongrois, par la naissance de Wilhelm Reich. Simple fils de fermier, il va connaître un destin plutôt inattendu. Il fuit son pays, une première fois, lors de l'arrivée de l'armée russe, en 1914. Il va combattre sur le front italien puis rejoindre Vienne où il deviendra docteur en médecine. Pas rien déjà, vu le point de départ, non ?
Wilhelm va s'intéresser à la psychiatrie naissante (suffisamment pour devenir lui-même psychiatre) mais aussi à la philosophie ou encore aux sciences naturelles. Il va rencontrer Freud et devenir un psychanalyste important, au point de diriger des séminaires et publier divers ouvrages. Il va créer un groupe de médecins et d'infirmières pour venir en aide aux plus démunis. Il va également créer un dispensaire psychanalytique gratuit. Retenez bien ça, c'est important pour la suite : ce mec n'a rien d'un vampire suceur de pognon. C'est un authentique philanthrope, faisant preuve d'abnégation et de bienveillance. Attention, pas la "bienveillance" à la woke, où des demeurés incultes chialent pour des conneries, non, lui c'est un type instruit, utile, qui œuvre sur le terrain.
Reich déménage en 1930 à Berlin, où il se dit "tiens, si je devenais communiste ?". Déjà pas une bonne idée à la base, mais à cette époque et en Allemagne, tu n'as pas le sens du timing mon Wilhelm !
Il se lance dans diverses recherches, assez étonnantes mais prometteuses.
Surtout, à partir de là, il va se mettre le monde entier à dos. Parce que les mondanités et la diplomatie, ce n'est définitivement pas son truc.
En 1933, il est radié de l'Association Psychanalytique Internationale (probablement à cause d'un désaccord avec Freud). Il est aussi viré du Parti Communiste Allemand (ah...) mais, comme il est communiste et juif (bon là, il n'y met pas du sien, il faut bien l'admettre), et que l'on est en 1933, ben... il fuit l'Allemagne et son nouveau régime (quand ça veut pas...). Les Nazis vont alors cramer ses bouquins. Pas juste les siens, mais ils seront dans le lot.
Le gaillard passe par l'Autriche, le Danemark, la Suède, la Norvège, l'Angleterre (il aurait pu fonder le Guide du Routard à l'époque) avant d'atterrir aux... États-Unis. De nouveau une très mauvaise idée. Vous allez voir.
Il commence par enseigner la psychiatrie à New York. Il est encore, à ce moment, considéré comme un médecin consciencieux et un grand spécialiste de la psychanalyse. Ça ne l'empêchera pas d'être arrêté après l'attaque de Pearl Harbor par les Japonais, parce que Hoover (déjà à la tête du FBI) le soupçonnait d'être un espion nazi. Pour que vous soyez dans le collimateur de Hoover, il faut quand même que vous vous soyez fait un nom. Wilhelm passe Noël 1941 en taule mais ressort rapidement.
Il achète, en 1945, une propriété dans le Maine qu'il nomme Orgonon. Ah, j'ai oublié de vous parler de l'orgone ! Wilhelm Reich se targue d'avoir découvert une forme d'énergie primordiale, qu'il appelle l'orgone. Cela se rapproche en fait du ki des Japonais par exemple, ou du chi des Chinois. Il va mener de nombreuses expériences, plutôt encourageantes, sur le sujet et commencer à inventer divers dispositifs afin de soigner certains patients, en rééquilibrant leurs énergies internes.
Tout ce qu'il tente n'est pas concluant, bien entendu (il essaiera même de voir si l'orgone protège des irradiations (pas sur des humains hein, sur des objets) : la réponse est non), mais en tout cas, il tente, il cherche, c'est un scientifique à l'ancienne, bien plus animé par la soif de connaissance que par le désir de plaire aux pontes du milieu ou d'obtenir des subventions.
Il va également concevoir une étrange machine, le cloudbuster, censée pouvoir faire pleuvoir sur commande (déclencher préventivement la pluie n'est plus aujourd'hui si fou, mais à l'époque, l'idée est considérée comme farfelue). Souhaitant toujours exploiter sa découverte, il développe également des "accumulateurs d'orgone", des sortes de cabines dans lesquelles les patients peuvent venir se rééquilibrer. Même certains de ses détracteurs les plus véhéments seront obligés d'admettre que ces machines avaient un véritable effet.
Reich ose, il fait des suppositions, il rêve, il se fiche du "qu'en-dira-t-on ?" et... il obtient des résultats. Parfois confirmés par la science moderne. Mais à l'époque, tout cela dérange et ne fait pas très sérieux.
Il va susciter de nombreuses critiques, être accusé de ne pas se soucier de ses patients (rappelons qu'alors qu'il débutait, il les soignait gratuitement, on peut difficilement faire mieux en termes d'abnégation), d'être un charlatan... Ses confrères, grands courageux mordant en meute un homme déjà à terre, le raillent.
Après quelque temps, la FDA (Food and Drug Administration) s'en mêle et lui ordonne de ne pas développer ses accumulateurs dans d'autres États et de ne pas en faire la "promotion" dans ses écrits (tout cela est assez long et complexe, mais en gros, l'administration US commence à tenter de le museler et à le harceler judiciairement). Mais Wilhelm, ce n'est pas le genre à se laisser démonter parce qu'un fonctionnaire tousse un peu fort. Il considère notamment qu'un tribunal civil n'a pas la compétence pour juger de l'intérêt scientifique de ses découvertes et l'envoie donc copieusement se faire mettre. Il ne se rend pas à une des convocations du tribunal et est alors arrêté, chez lui, en pleine nuit, devant Peter, son fils de 12 ans.
Il est condamné à deux ans d'emprisonnement pour "outrage à la cour" (c'est un outrage apparemment de considérer qu'un fonctionnaire inculte n'a pas de formation scientifique) et... il va mourir en détention, d'une crise cardiaque. Le gouvernement ordonne alors la destruction de ses machines et de ses écrits.
Wilhelm Reich devient le seul auteur et scientifique a avoir fait l'objet d'autodafés à la fois par le Troisième Reich et le gouvernement américain.
Tout cela ne s'arrête pas là. Vous vous souvenez du petit Peter ? Le fiston ? Eh bien, il va écrire un livre, A Book of Dreams, dans lequel il évoque ses souvenirs et le destin fou et tragique de son père. Et ce livre, il va faire son chemin et aboutir entre les mains d'une certaine Kate Bush. La chanteuse dévore l'œuvre et en ressort profondément affectée. Qu'est-ce que c'est que ce truc ? Un gamin dont le père invente des machines à faire pleuvoir les nuages, qui échappe aux nazis mais vient se faire persécuter aux États-Unis et y mourir ? Elle va alors écrire une chanson restée célèbre, mais dont peu de gens comprennent le sens : Cloudbusting. Cette chanson commence par... I still dream of Orgonon.
Les travaux de Wilhelm Reich font appel à la médecine traditionnelle occidentale mais explorent également des domaines plus ésotériques, qui sont bien connus aujourd'hui, notamment dans la médecine traditionnelle chinoise ou hindouiste. Si cet homme avait pu poursuivre ses recherches, il aurait peut-être été le lien entre les avancées occidentales stupéfiantes (et utiles) et le savoir ancestral (et tout aussi indispensable) venu d'Orient. Il en a été empêché par tous les gouvernements dont il soignait pourtant le peuple. Sa mort a finalement été précipitée par des gens "très bien", qui pensaient défendre la liberté et la justice.
Les travaux de Wilhelm Reich font appel à la médecine traditionnelle occidentale mais explorent également des domaines plus ésotériques, qui sont bien connus aujourd'hui, notamment dans la médecine traditionnelle chinoise ou hindouiste. Si cet homme avait pu poursuivre ses recherches, il aurait peut-être été le lien entre les avancées occidentales stupéfiantes (et utiles) et le savoir ancestral (et tout aussi indispensable) venu d'Orient. Il en a été empêché par tous les gouvernements dont il soignait pourtant le peuple. Sa mort a finalement été précipitée par des gens "très bien", qui pensaient défendre la liberté et la justice.
Il ne reste aujourd'hui de lui que quelques orgonites symboliques et une entêtante mélodie.
De l’irréel résulte l’impuissance ; ce que nous ne pouvons concevoir, nous ne pouvons le maîtriser.
Wilhelm Reich
Lorsqu’il n’y aura plus d’amants heureux, le ciel perdra sa couleur.
Wilhelm Reich
Publié le
4.1.24
Par
Virgul
Présentation de deux classiques de l'épouvante, anciens mais bénéficiant de rééditions absolument superbes.
Le Roi en Jaune, de Robert W. Chambers, est un recueil de nouvelles dont certaines flirtent avec l'horreur et le fantastique. Appréciés en son temps par Lovecraft lui-même, ces récits évoquent notamment une pièce de théâtre maudite, en deux actes, dont la lecture rend fou. Et bien entendu, l'on y fait la connaissance d'une entité effrayante, le fameux Roi en jaune.
Le Grand Dieu Pan, d'Arthur Machen, est un roman mettant en scène une jeune femme, Mary, qui voit le monde "tel qu'il est" après une opération chirurgicale. Elle fait notamment la connaissance du terrifiant Pan. Là encore Lovecraft a, à l'époque, souligné le suspense et l'horreur présents dans cet ouvrage.
Publiés à la fin du XIXe siècle, ces textes ont le charme des œuvres anciennes mais peuvent encore tout à fait se lire de nos jours avec intérêt. Mais si nous revenons aujourd'hui sur Le Roi en Jaune et Le Grand Dieu Pan, c'est surtout pour vous présenter les versions publiées (fin 2022 et fin 2023) par les éditions Callidor, dans leur bien nommée collection "collector".
C'est simple, à la rédac, cela fait bien longtemps que l'on n'avait pas vu un travail aussi soigné. Certains se sont évanouis, je crois même que Nolt a souri. Ces livres grand format (environ 17,5 x 24,6 cm) bénéficient tout d'abord de magnifiques couvertures en dur, joliment illustrées. Les pages intérieures (contrairement aux ouvrages de la Bibliothèque des Classiques) bénéficient du même soin. Mise en page élégante, papier de qualité, paragraphes en couleur, illustrations pleine page à l'atmosphère angoissante, le tout enrichi d'un sommaire détaillé et de préface, postface et addendum.
Alors, on serait dans un monde où un minimum de rigueur est la norme, on ne tomberait pas de notre chaise devant ce résultat, mais certains éditeurs nous ont tellement habitués au strict minimum (quand ce n'est pas à de gros ratages) que là, on est carrément ébahis devant la qualité de ces objets. Autant dire que nous vous les conseillons vivement. À 35 euros pièce, l'investissement n'est pas anodin, mais on en a clairement pour son argent.
Pour amateurs de fantastique sombre et de beaux livres.
Publié le
2.1.24
Par
Nolt
Nous avions déjà abordé le roman Conte de Fées, de Stephen King. Je vous invite d'ailleurs à lire le très bon article de Vance. Mais, bien que l'on partage certains points de vue, Vance et moi en avons une vision suffisamment différente pour justifier un second article sur le sujet.
Ce roman, dans son édition Albin Michel, fait environ 720 pages. Or, il en faut 200 pour arriver au cœur du sujet : cet autre monde que l'auteur nous fait miroiter. C'est un peu long. D'autant que King semble avoir ici démultiplié l'un de ses rares défauts : le côté "logistique", lorsqu'un personnage entreprend une tâche, souvent banale (nettoyer des vitres), et que King prend un étrange plaisir à tout surdécrire.
De plus, ce n'est tout de même pas la première fois que l'écrivain nous fait le coup du combo "descente aux enfers, alcooliques anonymes & rédemption" (cf. le James Gardener des Tommyknockers, mais c'est loin d'être le seul exemple). Car en effet, le héros du récit, un jeune garçon prénommé Charlie, doit au départ composé avec un père désespéré qui a noyé son chagrin dans la boisson.
Tout cela (la lenteur du développement et le côté déjà-vu) n'aide donc pas.
Le deuxième tiers du roman est plus enthousiasmant, puisque l'on découvre ce fameux monde magique dont on pressent l'existence (et qui est annoncé de toute façon par le titre lui-même), cependant, là encore, les événements s'étirent de manière assez douloureuse. Les premières rencontres, les repas, les voyages, les haltes, les bribes d'information, tout cela est relativement long et lent.
Attention, c'est fort bien écrit, ça reste très efficace, mais jusque-là, cela manque singulièrement de lyrisme et d'intensité dramatique. Alors que d'autres sagas, bien plus longues (cf. La Tour Sombre) ou plus ou moins équivalentes (Ça), se lisaient sans ressentir cette lourde mise en place, ici, l'on peut peiner à rentrer vraiment dans l'histoire. Et puis...
Et puis tout change dans le dernier tiers. Alors, bien sûr, ce qui se passe est prévisible, comme l'a justement souligné Vance. Mais ça n'en demeure pas moins poignant et terrible. Après tout, même si on voit le coup arriver, à partir du moment où on se le prend dans le bide, ça va faire mal. Là, c'est exactement pareil. Il y a des méchants monstrueux, des personnes admirables victimes d'une malédiction, des rites cruels, des élans héroïques, des visions de mondes étranges et, au final, une fin certes heureuse mais teintée d'amertume.
Vraiment, ce dernier tiers emporte tout sur son passage et vaut à lui seul la lecture de l'imposant ouvrage. On frissonne, on espère, on a la gorge serrée et les yeux humides, on sourit aussi, parfois, et on ressort heureux et... honteux. Honteux parce que j'avais oublié, l'espace d'un instant bien trop long, que j'étais entre les mains du plus puissant Mage du Maine. Car même lorsque l'on se dit "bof, ce n'est pas un grand King, c'est bon, mais pas excellent", en fait, ce fantastique bonhomme nous montre à quel point il maîtrise son art et parvient à vous émouvoir et vous enchanter.
Précisons également que si la magie opère, c'est aussi grâce à la traduction, de belle facture, de Jean Esch. On gueule suffisamment quand ça accroche, quand c'est fluide, autant le préciser.
Ce Conte de Fées, finalement, nous offre très largement ce que l'on est venu y chercher : un conte certes, mais un conte sombre, pour adultes désenchantés cherchant à retrouver la trace du merveilleux.
Les références (aux contes de notre enfance ou à Lovecraft) sont nombreuses mais parfaitement digérées et intégrées à une histoire percutante, teintée d'une douce mélancolie.
C'est à la fois joli et triste, humain et grandiose, merveilleux et tragique.
Bref, c'est du King. Et contrairement à ce que je pensais, ce n'est pas un "petit" King. Parce que les petits King, visiblement, ça n'existe pas.
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