Publié le
30.9.19
Par
Nolt
Dans la famille des symbiotes Marvel, nous vous présentons Toxin.
On entend parler pour la première fois de Toxin et de son hôte, Patrick Mulligan, dans la saga A child is born, publiée en France en 2005 dans le Spider-Man Hors Série #18. L'histoire est dessinée par Clayton Crain (qui a œuvré, entre autres, sur Ghost Rider) et elle nous conte l'affrontement entre Venom et Carnage qui se disputent leur nouvelle progéniture. Il faut savoir que le système de reproduction est beaucoup moins fun chez les symbiotes que chez les humains, mais disons que Carnage est plus ou moins le "père" de Toxin, alors que Venom est son "grand-père". Le petit Toxin est ainsi le 1000ème symbiote de la lignée (il en existe un paquet de ses saloperies-là, heureusement, ils ne sévissent pas tous sur la Terre-616).
Le personnage va avoir droit par la suite à sa propre mini-série de six épisodes, intitulée The devil you know. Le récit a été publié en VF dans le tome #6 des 100% Marvel consacrés à Spider-Man (le Tisseur jouant un rôle non négligeable dans cette histoire en tant que "mentor" de Mulligan). Cette fois, c'est Darick Robertson (Nick Fury, The Boys) qui est aux crayons, alors que le scénario est écrit par Peter Milligan. Malheureusement, sauf coup de chance, le comic est vendu aujourd'hui d'occasion à des prix relativement élevés.
Mais voyons un peu de quoi il retourne.
On le sait, les symbiotes ont tendance à se comporter violemment, pourtant, leur attitude dépend en grande partie de la personnalité de leurs hôtes. Venom a ainsi, pendant un temps, été plus un anti-héros qu'un véritable "vilain". De son côté, Carnage, boosté par son serial-killer d'hôte, a vite donné libre cours à une folie meurtrière assez épouvantable. Pour Toxin, c'est très différent. Essentiellement parce que son hôte est un brave type, flic de surcroît, du nom de Patrick Mulligan.
Toxin se range donc du côté des Héros, non sans quelques conséquences malheureuses sur la vie de Mulligan. Celui-ci doit notamment abandonner sa femme et sa petite fille afin de les préserver. Mais surtout, un symbiote ne se contrôle pas comme la première Twingo venue et, plus que d'une symbiose harmonieuse et pacifique, il s'agit, entre le parasite extraterrestre et l'humain, d'une cohabitation agitée, faite de compromis et d'âpres négociations, ce qui va donner tout son sel au récit.
Les deux êtres sont liés, ils ont besoin l'un de l'autre, mais sont loin d'être les meilleurs amis du monde. Et si Toxin aide Mulligan lorsqu'il s'agit de mettre une raclée à un Razorfist (cf. la scène #9 de notre Bêtisier Marvel), il exige en retour des plages horaires où il sera "seul aux commandes" et pourra agir à sa guise. Et on se doute bien que ce n'est pas pour aller se balader bien gentiment dans Central Park ou manger des crêpes...
Si être un super-héros n'est pas toujours facile, rarement surhumain aura eu à endurer plus que Patrick Mulligan. Outre les sacrifices personnels qu'il a su s'imposer, la présence en lui d'une entité particulièrement envahissante le plonge presque aux limites de la folie. Il songera même un temps au suicide. Cela en fait un personnage complexe et attachant, non dénué d'ailleurs d'un humour noir propre à la confrontation entre ses deux personnalités opposées.
Le côté sombre de cette mini-série est encore rehaussé par le choix de l'adversaire principal de Toxin, à savoir Razorfist, qui se révèle ici relativement inquiétant et, surtout, très violent. Les scènes sanglantes sont d'ailleurs nombreuses, même si le choix des plans et la colorisation parviennent à éviter qu'elles ne soient trop gore.
Graphiquement, si Robertson ne s'en sort pas trop mal avec les personnages costumés, ce n'est pas vraiment son meilleur travail en ce qui concerne les visages et les décors, quelque peu simplistes voire même parfois malhabiles. Les scènes d'action, souvent bien glauques, sont par contre bien plus réussies.
En résumé, voilà donc un comic bien écrit et plutôt haletant, disposant en prime d'un personnage principal réussi, au fort potentiel. Il est d'ailleurs un peu dommage qu'il n'ait pas été plus employé depuis par la Maison des Idées, même si l'on ne doute pas qu'il fera son retour un jour.
+ | Les points positifs | - | Les points négatifs |
|
|
|
Publié le
27.9.19
Par
GriZZly
"Tu ne tueras point, ou du moins... pas tout de suite.
Laisse ta proie s'épuiser... Laisse-lui respirer l'odeur âcre de la peur qui suinte par les pores de sa peau ruisselante...
Car l'homme sait. L'animal n'a pas conscience de sa propre mort, contrairement à l'homme. L'homme, lui, sait qu'il va mourir.
Il te tourne le dos, mais tu l'imagines hagard. Il te fuit et tu le devines terrorisé... car il sait. Il sait qu'il est maudit !
Dans l’œil de la bête, il y a l'innocence. Mais le regard de l'homme devenu proie révèle cette vérité : « Je suis moribond ».
Si l'animal meurt, l'homme, lui, périt. Nul n'y échappe..."
Le titre du premier tome de cette trilogie ne laisse que peu de doutes quant au sujet de cet album : c'est le comte Zaroff qui va ici nous intéresser.
Pour ceux qui l'ignorent, Zaroff est une figure emblématique du cinéma de genre depuis Les chasse du comte Zaroff tourné en 1932 et inspiré d'un roman de Richard Connell.
Ce film décrit un homme pervers, fasciné par la chasse à l'homme, allant jusqu'à présenter à ses futures victimes sa salle des trophées (comptant nombre de têtes de ses précédentes proies humaines) et ne montrant à leur égard aucune forme de pitié.
N'hésitez pas à regarder ce film en passant outre les décors en carton et le surjeu de certains comédiens : non seulement le propos est dérangeant au possible pour l'époque mais, en plus, cela donne une idée de l'audace dont le cinéma d'alors était capable. À notre époque où les réalisateurs pensent un peu trop souvent qu'il nous faut des monstres en CGI à l'écran pour que l'on frissonne (alors que je ne pense pas être le seul à m'être bidonné comme un gamin devant un Bugs Bunny en regardant le remake de Ça), ça fait du bien de se rappeler que la vraie horreur, l'authentique frisson innommable n'est pas le fait d'un monstre mais plus certainement d'un humain se conduisant monstrueusement. La bête hors de nous ne sera jamais aussi terrifiante que celle que chacun de nous pourrait bien porter en lui (et non, je ne parle pas de femmes enceintes, faites un effort !).
Pour ceux qui l'ignorent, Zaroff est une figure emblématique du cinéma de genre depuis Les chasse du comte Zaroff tourné en 1932 et inspiré d'un roman de Richard Connell.
Ce film décrit un homme pervers, fasciné par la chasse à l'homme, allant jusqu'à présenter à ses futures victimes sa salle des trophées (comptant nombre de têtes de ses précédentes proies humaines) et ne montrant à leur égard aucune forme de pitié.
N'hésitez pas à regarder ce film en passant outre les décors en carton et le surjeu de certains comédiens : non seulement le propos est dérangeant au possible pour l'époque mais, en plus, cela donne une idée de l'audace dont le cinéma d'alors était capable. À notre époque où les réalisateurs pensent un peu trop souvent qu'il nous faut des monstres en CGI à l'écran pour que l'on frissonne (alors que je ne pense pas être le seul à m'être bidonné comme un gamin devant un Bugs Bunny en regardant le remake de Ça), ça fait du bien de se rappeler que la vraie horreur, l'authentique frisson innommable n'est pas le fait d'un monstre mais plus certainement d'un humain se conduisant monstrueusement. La bête hors de nous ne sera jamais aussi terrifiante que celle que chacun de nous pourrait bien porter en lui (et non, je ne parle pas de femmes enceintes, faites un effort !).
Mais c'est bien d'une BD que nous allons parler : le premier tome de la prometteuse trilogie Maudit sois-tu, imaginée par Philippe Peleas, dessinée par Carlos Puerta, et dores et déjà disponible aux éditions Ankama.
Un, dos, tres
Cette trilogie prend le pari de réunir en une seule histoire trois icônes romanesques : ledit Comte Zaroff, le docteur Moreau (oui,celui qui recrée la vie, sur son île) et la romancière, ayant bel et bien existé, Mary Shelley.
Le projet présent, faisant fi de ce que l'on sait de ces personnages, les réemploie dans une chronologie alternative et les lie scénaristiquement pour en faire les trois protagonistes d'une histoire originale contée à rebours. Nous commençons donc ici avec ce qui est vraisemblablement la conclusion de la malédiction touchant les protagonistes qui ont pour point commun évident une forme du "complexe de Dieu", tantôt destructeur, tantôt créateur mais toujours sacrilège.
Le scénario global de la trilogie devrait receler bien des surprises déjà amorcées ici mais ce premier tome n'est, pour sa part, "que" le récit de la traque vengeresse de Zaroff visant à mettre fin aux lignées des quatre personnes selon lui responsables de la malédiction des Zaroff, vieille de plusieurs siècles.
C'est bien écrit, tant au niveau de la trame que des dialogues et il est agréable de voir à quel point les mots que Peleas met dans la bouche des protagonistes trouvent échos dans la moindre mimique tracée par un Puerta dont le travail impressionne par son style si particulier.
Et Zaroff de nous énumérer les victimes de son plan à venir... |
Sombres dessins pour sombres desseins
N'hésitant pas à flirter avec le photoréalisme, le dessin et la mise en couleurs de cet album m'ont presque parfois donné une sensation de roman-photo... Le style des expressions faciales et la gestion de la lumière fait de chaque case une sorte de mini-tableau et, parfois, seules quelques hachures bienvenues nous rappellent encore, à ce stade, que tout cela est le fruit du travail d'un dessinateur.
L'aspect visuel vous fera immanquablement penser au style des affiches de ces vieux films où l'on peignait les visages des comédiens au lieu d'utiliser des photographies (dès que j'ai vu le dessin de Zaroff, je n'ai pu m'empêcher de penser à la représentation de Clark Gable sur l'affiche de Autant en emporte le vent).
Dire que cet album est beau serait un euphémisme, même si je sais pertinemment que ce style ne saurait plaire à tout le monde (mais si même moi qui suis initialement un lecteur de BD "à gros nez" admire ce genre d'ouvrage, c'est que le travail des auteurs a quand même quelque chose de remarquable).
Méticuleusement choisies, les proies de Zaroff doivent lui permettre de prendre sa revanche sur le passé. |
Écriture à l'encre noire
Scénariste et dessinateur se sont bien trouvés. Tous deux semblent soucieux du détail, avides de recherches et méticuleux. Les images que je joins ici doivent vous convaincre de la qualité du travail graphique mais sachez également que la psychologie des personnages est travaillée et crédible.
C'est bien simple... elle semble même plus réaliste que celle de certains de nos contemporains dont la personnalité semble être le énième calque d'un PNJ ("personnage non joueur", c'est un terme de jeux de rôles... vous faites pitié si vous ne savez pas ça, les amis !) écrit sur un coin de table branlante.
C'est bien simple... elle semble même plus réaliste que celle de certains de nos contemporains dont la personnalité semble être le énième calque d'un PNJ ("personnage non joueur", c'est un terme de jeux de rôles... vous faites pitié si vous ne savez pas ça, les amis !) écrit sur un coin de table branlante.
Qu'il s'agisse des personnages empruntés à la culture populaire ou de ceux inventés pour ce seul récit, aucun ne semble creux ou incohérent. Et ça, les amis, après des mois de consommation de séries Netflix parfois peu reluisantes, ça fait du bien.
Ici, c'est noir parce que c'est fantastique, c'est noir parce que c'est une histoire de vengeance, c'est noir parce que c'est une enquête portant sur des meurtres horribles... ce n'est pas juste "noir parce que ça fait stylé, t'as vu ?".
Ces proies n'ont souvent rien de bien reluisant et cela nous amène, en tant que lecteurs, à souvent accepter le point de vue de Zaroff... Oui, le point de vue du chasseur d'hommes ! |
Générosité
En plus d'être déjà bien foutu à la base, cet album a le bon goût de partager avec vous sa passion et sa culture puisqu'il s'achève sur quatre pages intéressantes au sujet de Zaroff, de ses adaptations au cinéma et de leur contexte historique.
Et, comble de générosité, il se termine sur trois planches préfigurant à n'en pas douter le tome suivant, consacré, lui, à Moreau.
Quatre proies, pour une seule partie de chasse. "Si l'animal meurt, l'homme, lui, périt." |
La complexité du complexe
C'est un peu capillotracté, je l'admets, mais je trouve ironique (et flatteur pour les auteurs) qu'une BD traitant d'êtres d'exception, tentant chacun à leur façon de supplanter Dieu (en copiant son œuvre, en voulant la surpasser ou en s'arrogeant le droit de la détruire), aille elle aussi jusqu'à ce niveau de réalisme dans les traits de crayons et les traits de caractère.
Cette mise en abîme des auteurs traitant du complexe de dieu et s'adonnant au plaisir de créer une œuvre réaliste au possible est d'une grande élégance et, rien que pour cela, cet album est une découverte à conseiller.
Cette mise en abîme des auteurs traitant du complexe de dieu et s'adonnant au plaisir de créer une œuvre réaliste au possible est d'une grande élégance et, rien que pour cela, cet album est une découverte à conseiller.
J'espère que cet humble avis aura titillé votre curiosité ; Maudit sois-tu vaut le détour !
Prenez l'objet en mains, ouvrez-le et, si le style graphique ne vous déplaît pas (ça peut arriver, c'est particulier), foncez !
+ | Les points positifs | - | Les points négatifs |
|
|
|
Publié le
24.9.19
Par
GriZZly
"DoggyBack" !
Tel un macchabée sorti de terre après une macération trop longue pour en faire un figurant potable dans un film de zombie, DoggyBags (du label 619) ressuscite et vomit ses tripes à nouveau, au plus grand mépris de la symbolique puissante que sa disparition au tome 13 avait pu générer dans vos cerveaux féconds (et fait cons aussi, d'ailleurs, par excès de consommation de nouvelles horrifiques à l'humour noir foncé).
Alors oui, je vois d'ici le Jean-Kévin du fond de la classe me demander de sa voix de puceau tardif voulant se donner le genre d'un sample humain de PNL en parlant à deux syllabes par minute :
" C'est quoi, ça, DoggyBags ?"
Mais fais-toi pousser de la virilité et apprends à lire, Jean-Kévin. Même ta copine Samantha dont la culture a paumé son "ture" à tes yeux depuis que ses t-shirts lui vont comme des brassières de sport a lu l'excellente critique que Nolt (que sa semence soit bénie jusqu'à ce qu'il féconde le sol de son être entier) a écrit sur ce sujet en 2011 déjà. Je ne répéterai rien de ce qui y était déjà dit... alors bouge ta flemme et va donc lire cet article ; clique sur ton nom si tu es un Jean-Kévin.
Pour tous les autres, ou pour les Jean-Kévin enfin instruits, oui : la série de recueils de nouvelles graphiques horrifico-violento-fantastico-rigolotes DoggyBags est bien de retour et comme son créateur, Run (Mutafukaz), se fout pas mal de ce que tu en penseras, Jean-Kévin, il pose d'emblée tout son mépris sur la table d'autopsie de tes remarques à base de "Tiens, c'était pas censé être fini ?" en présentant ce quatorzième tome comme le premier de la... "saison 2".
Dans tes dents.
Et t'es prié de dire merci quand Run te met un coup de pelle derrière la nuque, s'il-te-plaît : c'est de la clémence de sa part ; moi, je t'enterrerais sans t'estourbir !
Vu qu'on ne change pas les recettes qui marchent issues des vieilles marmites qui font la meilleure des soupes, la formule reste inchangée : trois histoires sanglantes pour lecteurs avertis inspirées de tout ce que la culture populaire, le cinéma, les traditions et le reste peuvent engendrer de macabre, cynique et dérangeant.
Si rien ne vous fait davantage prendre votre pied que relire les Achille Talon ou que seul Snoopy a grâce à vos yeux en terme de bande dessinée, passez votre chemin ou vous risquez fort de finir roulé en boule sous les jupes de votre mère, pris de spasmes nerveux malheureusement susceptibles de rappeler à maman ce jour maudit de votre arrivée en ce bas monde de douleurs.
Pour les autres détraqués qui aiment se gaver de fantastique, de films d'horreur, de documentaires sur le paranormal et de vidéos de chatons (c'est bon, on le fait tous, arrêtez de vous la jouer !), welcome back, vous allez vous sentir comme chez vous : rien n'a changé et c'est tant mieux.
Première histoire : DA SMYERT (de Armand Brard et Prozeet)
Et évidemment, Jean-Kévin se demande ce que ça veut dire, hein oui ?
Mais qu'est-ce que j'en sais, moi ? En bulgare, "da smert" signifie "la mort"... j'ignore d'où sort le "y" alors je suppose que ça signifie "la couscous party" en russe... non ?
La Mort himself (ouais, depuis Sir Pratchett, je me refuser à envisager La Mort comme étant féminine, je fais ce que je veux !) vous y raconte une histoire prenant place dans une ville déserte du Kazakhstan où une bande de blaireaux se lancent dans des chasses à l'homme jusqu'à y être pris pour gibiers à leur tour par un chasseur aussi improbable que déterminé.
Ça fume, ça jure, ça shoote, ça bute, ça gicle, c'est tout sauf snowflakes-compatible et c'est très bien ainsi...
C'est sympa mais c'est à mon sens l'histoire la plus dispensable des trois : le côté Tales of the crypt où la mort raconte un de ses souvenirs pose bien l'ambiance, le dessin est rude et efficace mais le degré de lecture unique rend le truc un peu plat.
Ça reste agréable mais je suis content d'avoir davantage apprécié la suite parce que cette entrée en matière manquait de profondeur.
La BD est suivie d'une nouvelle écrite par Tanguy Mandias, intitulée "Ceux qui vont mourir te MP", qui vaut le détour. Elle m'a fait penser à une réactualisation de "Le veston ensorcelé" de Dino Buzatti... et si Jean-Kévin n'a pas ma référence, c'est sa faute, pas la mienne !
Deuxième histoire : GLASGOW (de Mud et Ivan Shavrin)
Ouais, Glasgow, comme la ville d’Écosse, ouais...
Tu vas en poser beaucoup des questions comme ça ou on peut imaginer que tu vas prendre quelques congés, là, Jean-Kévin ? T'as pas mal donné, jusque-là.
Sauf qu'ici, on cause en réalité de "l'échelle de Glasgow" qui sert à mesurer l'état de conscience d'un patient dans le coma pour permettre aux médecins de choisir une stratégie de soins en fonction de réponses physiques (comme l'ouverture des yeux), verbales et motrices.
Mud, dans une interview à glacer le sang, nous explique que, en dehors de la fin, la nouvelle graphique raconte son vécu...
Sachant que le récit nous présente les tortures que le cerveau d'un comateux imagine être la réalité à chaque fois que le corps inerte souffre, vous comprendrez que l'auteur a dû bien morfler. Si tirer une fiction de cette qualité de son expérience est admirable, j'en arrive quand même à regretter pour lui qu'il ait eu matière à trouver de l'inspiration tant ce qu'il décrit avoir imaginé durant son coma est horrible. Glaçant et effroyablement intime, servi par un dessin acéré... une sorte de récit de Hellspawn en pire, pour ceux qui situent. Et oui, Jean-Kévin, c'est encore une référence que tu n'auras jamais.
Troisième histoire : SHADOW OF DEATH (de Run et Neyef)
Ce titre en anglais pourrait donner à l'histoire une dimension nanardesque mais ce serait la sous-estimer.
Du coup, ce titre est bien sa seule faiblesse.
Amateurs de tortures médiévales, d'exécutions ; fans de têtes tranchées, de vertèbres brisées, de poumons noyés... accueillez votre fournisseur officiel en sentences capitales : Chris Denfer, officier des basses œuvres au XVIème siècle mais actuellement attaché, de nos jours, à une table où il va sous peu recevoir son injection létale des mains d'un confrère.
En suivant la longue vie de 400 ans de ce bourreau maudit, le lecteur apprend, au fil des pages, l'évolution de cette fonction. Chargé tout autant de faire avouer tout suspect par les moyens les plus originaux et ingénieux que l'Homme a malheureusement pu imaginer, que de se faire le bras mortel de la justice, Chris Denfer traversera les siècles après avoir conclu un pacte lui offrant autant de longévité supplémentaire que ce qu'il ôtera d'espérance de vie à chacune de ses victimes.
Bien traitée, bien dessinée, quasi uniquement narrée en voix off, cette nouvelle est ma préférée par bien des aspects dont, entre autre, son ironie finale...
Dans une flaque de sang séché, DoggyBags renoue sans peine avec son ADN et nous offre une fois de plus un objet intrigant, dérangeant et de bonne qualité.
Puisqu'il semblerait que cette saison 2 soit supposée compter elle aussi 13 tomes si elle trouve son lectorat, je ne peux que vous suggérer vivement de faire partie de celui-ci : en cette période où l'on ne peut plus rien dire, rien écrire... cette collection fait un bien fou !
+ | Les points positifs | - | Les points négatifs |
|
|
|
Publié le
22.9.19
Par
Nolt
Western post-apocalyptique bien corsé à la sauce Ennis : Just a Pilgrim.
Après la Brûlure, le monde a changé.
Les forêts ont brûlé, les océans se sont asséchés, découvrant leurs fonds plein de trésors et de monstres... la population a été décimée et les survivants errent dans un monde sans loi.
Parmi les rescapés de cette époque maudite : le Pèlerin. Un ancien soldat. Un ancien criminel. Un cannibale aussi. Il est aujourd'hui repenti et voue sa vie au Seigneur. Il parcourt l'Atlantique pour accomplir son destin. Pour anéantir l'œuvre du démon et servir le dessein du Tout-Puissant.
Mais pour les innocents qu'il rencontre, il s’avérera peut-être pire encore que les Hyènes, ces pillards fanatiques à la solde d'un monstrueux chef de guerre.
Sur cette terre de poussière et de rocaille, le bras armé de Dieu est encore là. Et il est encore plus dur que l'époque.
Lorsque l'on voit le nom de Garth Ennis sur une couverture, on sait en général à quoi s'en tenir. Le scénariste a prouvé, à travers diverses œuvres telles que Preacher, The Boys, La Pro ou encore son run, chez Marvel, sur la série Punisher, qu'il n'avait pas peur d'aller dans l'extrême et de coucher sur le papier les pires horreurs imaginables. Là encore, dans Just a Pilgrim, l'on va retrouver l'ultra-violence dont il est coutumier ainsi que certaines transgressions parfois difficilement supportables. Cannibalisme, rapports sexuels avec les animaux (qui ne sont ici qu'évoqués mais de quelle manière !), mutations horribles jusqu'au ridicule (qui font penser un peu à l'univers des romans Ranger), rien ne sera épargné au lecteur. L'on retrouve également quelques-uns des tics propres à Ennis, comme le fait de malmener la religion. Un style trash donc mais qui, encore une fois, sert le récit.
Just a Pilgrim a été publié par Semic en 2002 et 2003. Ces tomes, facilement trouvables d'occasion à prix raisonnable, regroupent en fait deux mini-séries de 5 et 4 épisodes.
Le cadre de l'histoire est à mi-chemin du western classique et de la SF post-apocalyptique à la Mad Max, avec des cinglés enfourchant d'improbables machines bricolées à partir d'on ne sait trop quoi. Et au milieu de tout cela, le Pèlerin. Large chapeau, cache-poussière dégueulasse, yeux à jamais plissés, visage fermé et buriné, une sorte de Clint Eastwood, un peu cliché, mais fort bien dessiné par Carlos Ezquerra, dans un style rugueux et brutal.
Les deux volumes sont relativement différents sur le fond. Si le premier raconte le passé du Pèlerin et montre son intransigeance, le second, tout aussi jusqu'au-boutiste dans la forme, nous dévoile la sensibilité sous le roc ainsi que l'existence, peut-être, d'un chemin vers la véritable rédemption. Deux livres vont prendre une importance capitale dans l'existence du Pèlerin. La Bible, à laquelle il se rattache lorsqu'il est à la dérive, privé du cadre militaire qui était toute sa vie. Il l'interprète de la seule façon qu'il connaisse : d'une manière stricte et rigoureuse. Le second, qui viendra plus tard, sera le journal d'un petit gamin de dix ans dont il a sacrifié la famille pour accomplir ce qui lui semblait juste.
Comme souvent, l'on retrouve ici ce qui justifie pleinement les excès apparents d'Ennis : l'intelligence et la grande humilité qu'il met dans ses histoires. Intelligence car il se sert ici de deux textes fort différents pour montrer l'effet que les mots peuvent avoir sur les individus, en bien ou en mal, et dénoncer l'importance parfois trop grande que l'on peut leur accorder si l'on oublie de garder contact avec la réalité. Humilité car, là où certains auteurs bien connus utilisent des engins de terrassement pour imposer leur point de vue au lecteur, Ennis, lui, travaille à la serpette. C'est un artisan, rusé, rieur, qui accepte de passer pour un bourrin aux yeux de ceux qui ne s'attachent qu'à l'apparence mais qui n'oublie pas de s'adresser aussi aux patients aventureux qui vont gratter un peu la surface pour découvrir le véritable sens de ses récits ainsi que l'émotion, immense, qui s'en dégage.
Des cérémonies initiatiques à base de boucs, des calmars géants qui se servent de vous comme réceptacle pour leur progéniture, des gros flingues et des repas à base de types à peine refroidis, il y a tout ça dans Just A Pilgrim. Et un peu plus aussi...
Pour lecteurs avertis, dans tous les sens du terme.
+ | Les points positifs | - | Les points négatifs |
|
|
|
Publié le
20.9.19
Par
Nolt
Plongée dans l'ésotérisme et les Arts Mystiques avec la série Doctor Strange.
Un magicien surpuissant n'est clairement pas un personnage aisé à manier tant il peut rapidement sembler invulnérable. Probablement pas autant anachronique qu'un Thor, Stephen Strange demeure tout de même un héros à part (cf. encadré ci-dessous), important dans l'univers Marvel mais ne rivalisant certainement pas, sur le plan éditorial, avec les têtes d'affiche de la Maison des Idées.
Aussi, se lancer dans l'écriture d'une on-going lui étant consacrée peut s'avérer risqué. Brian K. Vaughan, par exemple, pourtant brillant scénariste de titres tels que Y, the Last Man ou Runaways, s'était cassé les dents sur l'exercice il y a quelques années, en tombant dans le kitsch, les clichés et l'ennui profond. Pourtant, il arrive que certains auteurs parviennent à s'approprier l'univers étrange du Docteur et même à le sublimer en y apportant leur touche personnelle.
C'est le cas de Jason Aaron (Scalped, Southern Bastards) dans le quatrième volume de la série Doctor Strange, publiée en version française dans quatre 100% Marvel (20 épisodes), tous encore disponibles en neuf (le premier tome datant de 2016, c'est très inhabituel chez Panini, signe probablement que la série ne s'est pas très bien vendue en France).
Voyons tout d'abord l'idée de départ.
Après avoir aidé un enfant à se débarrasser d'une tribu nomade de dévoreurs d'âmes qui avait élu domicile dans son esprit, Strange commence à constater diverses anomalies dans les forces mystiques qu'il perçoit. Certains sorts ne fonctionnent plus. Il croise une sangsue psychique, collée à un passant et qui n'a rien à faire là. Une jeune fille, victime de parasites assez épouvantables, vient lui demander son aide. Un grimoire ancien se vide subitement de toute sa puissance. Les signes s'accumulent.
Finalement, Strange va découvrir que la cause de tous ces troubles est une grave menace qui pèse non seulement sur les utilisateurs de la magie, mais sur la magie elle-même ! Dans tous les univers, quelque chose traque et massacre les Sorciers Suprêmes. Et purge les livres, les lieux, les artefacts de toute énergie mystique.
Un monde sans magie est un monde qui se meurt. Strange le sait fort bien. C'est donc l'un de ses plus importants combats qu'il s'apprête à mener... contre l'Empirikul.
Le monde est bien différent quand on le voit à travers les yeux du Docteur Strange ! |
Aaron se lance, dès le début de son run, dans une intrigue ambitieuse qui va lui permettre d'explorer la thématique de la magie, et notamment du prix qu'il faut payer lorsqu'on la manipule. En effet, l'auteur part du principe qu'à chaque fois que Strange lance un sort, il est victime d'un effet "boomerang" et subit un choc physique et psychique en retour. Et depuis le temps que Strange balance des incantations, autant dire qu'il a accumulé les contrecoups est qu'il est plutôt dans un sale état.
C'est là que se situe l'idée de génie d'Aaron. Pour éviter que la magie apparaisse comme un élément trop puissant, sorte de deus ex machina un peu trop pratique, il en fait une force certes efficace mais aux conséquences terribles. Le scénariste laisse donc de côté l'aspect facile ou kitsch des arts mystiques pour installer une atmosphère assez glauque voire gore.
La magie et les entités surnaturelles auront en effet rarement été mises en scène de la sorte. L'on découvre peu à peu les créatures, toutes plus bizarres les unes que les autres, qui peuplent le monde et qui élisent domicile, pour certaines, sur ou dans les humains, comme des saloperies d'acariens géants mais invisibles.
Du côté de Strange, le pauvre n'est guère mieux loti. La liste de ce qu'il doit endurer pour continuer à protéger le monde et employer ses sorts est ahurissante. Comme il le décrit lui-même de manière peu ragoutante, il "ne dort que trois heures par nuit, a des ulcères gros comme des rats d’égout, et expectore des morceaux de son âme deux fois par jour". Ce n'est pas tout, le Docteur ne peut se nourrir que de plats très... spéciaux, préparés par Wong, car son estomac ne supporte plus la nourriture normale. Et il peut lui arriver de saigner des yeux ou de vomir trois jours de suite. Ouais, la magie, c'est vraiment rock n'roll.
Outre la magie et Strange, le lieu d'habitation du Sorcier Suprême est lui aussi habilement décrit et revisité, l'endroit regorgeant de dangers et de merveilles. Il faut d'ailleurs à ce sujet souligner le travail de Chris Bachalo (Uncanny X-Men, Amazing Spider-Man), qui parvient à retranscrire toute l'étrangeté du manoir à travers un style adapté et en jouant sur la géométrie des lieux (confusion entre haut et bas, lignes de fuite tordues...).
En ce qui concerne la magie elle-même, les entités, les sorts, voire la nourriture de Strange, là aussi le dessinateur excelle. Les planches sont parsemées d'éléments bizarres, de tentacules, de choses qui rampent ou dégoulinent, le tout étant renforcé par des effets de contraste, des passages en noir & blanc ou encore des éléments se répandant sur les planches.
D'un point de vue graphique, c'est donc là aussi une belle réussite.
Au final, voilà une excellente série (au moins tant que Aaron est resté aux commandes), accessible et originale, permettant de (re)découvrir le personnage de Strange et d'explorer le côté sombre de son art.
Stephen se nourrit d'aliments vraiment très... exotiques. |
WHO'S THE DOCTOR ?
Le docteur Stephen Vincent Strange fait partie de ces personnages récurrents qui, sans être l'une des têtes d'affiche les plus populaires de la Maison des Idées, ont acquis au fil du temps le statut particulier de pilier, certes discret mais inébranlable, du vaste univers Marvel.
Tout comme les héros ont tendance à se tourner vers Reed Richards lorsqu'ils sont confrontés à un problème nécessitant de sérieuses connaissances scientifiques, c'est au Sorcier Suprême de la Terre qu'ils font appel lorsque la menace est de nature paranormale.
Strange tire ses pouvoirs de trois sources : ses propres capacités psychiques, l'invocation d'entités et la manipulation de l'énergie magique ambiante de l'univers. Il possède également divers objets magiques comme sa cape de lévitation ou encore l’œil d'Agamotto, une amulette lui permettant, entre autres, de sonder les esprits ou d'ouvrir des portes dimensionnelles. Adepte de la méditation, il peut aussi se projeter sur le plan astral, un mode de déplacement quand même plus sympa que le métro.
Voilà donc un sorcier puissant et manipulant des forces occultes et immenses ! Il reste néanmoins discret, humble, conscient de la charge qui pèse sur lui, tout le contraire de ce qu'il était lorsqu'il exerçait encore la profession de neurochirurgien. Son influence sur l'univers de la Terre-616 est plus grande qu'il n'y paraît, même si elle demeure souvent discrète. Il fut l'un des membres des Illuminati, puis, pendant Civil War, des Secret Avengers, deux groupes qui ont comme point commun la clandestinité. Stephen a également fait partie des plus folkloriques Defenders aux côtés de Namor, du Silver Surfer ou encore de Hulk. Cette dernière équipe, sans réels règlements ou charte, lui permettant de conserver une grande liberté personnelle.
Le docteur Strange vit dans un manoir (le "sanctum sanctorum", lieu le plus étrange de New York) qu'il partage avec son fidèle serviteur Wong (c'est un peu son "Kato" à lui, sauf que là, il n'essaie pas sans cesse de le surprendre en l'attaquant), dans le quartier de Greenwich Village.
Le personnage joue souvent un rôle important dans les grands events Marvel. C'est notamment lui qui identifia la menace que représentait Wanda Maximoff lors des événements qui ont abouti à la séparation des Avengers et qui donneront lieu à House of M, c'est également lui qui se tiendra aux côtés de l'Empereur-Dieu Fatalis lorsque le multivers sera réduit au seul monde de Battleworld, constitué de territoires issus de différentes réalités (cf. Secret Wars).
Sans doute aussi mystérieux que les forces qu'il manipule, Stephen Strange s'impose comme une sorte de sage voué entièrement à sa mission, véritable rempart contre les entités malfaisantes qui menacent le monde.
+ | Les points positifs | - | Les points négatifs |
|
|
|
Publié le
20.9.19
Par
Vance
Lire Le Fléau de nos jours, c’est s’exposer à une déception inévitable : le roman date déjà, que ce soit la version de 1978, que l’éditeur de Stephen King avait demandé d’alléger ou cette nouvelle édition, de 1990, qui réincorpore les passages coupés ainsi que quelques modifications afin de mieux coller à l’actualité (la fin est également modifiée avec un épilogue qui n’existe pas dans la première édition). En 2019, quand bien même on n’aurait pas pris connaissance des versions comics ou télévisées, le sujet du livre n’a rien de bien original : il s’agit, après tout, d’un script post-apocalyptique construit à partir d’une sélection de personnages distincts que le destin se chargera de rassembler. On reconstruit un monde sur les ruines de l’ancien en tirant (ou non) les leçons du passé tragique qui a conduit au drame.
Ce pourraient être des zombies, une guerre totale, une succession de séismes cataclysmiques, voire une invasion extraterrestre. Ici, on a droit à un virus, échappé d’un laboratoire militaire. Une forme extrêmement virulente de grippe dévaste le pays (on ne sait absolument rien de ce qui se passe hors du continent nord-américain), mal gérée par les forces gouvernementales qui s’appliquent dans un premier temps à dissimuler leur bévue, avant d’être totalement dépassées - car rien ne semble arrêter le fléau. Les cadavres s’amoncellent, les villes se dépeuplent, les routes s’encombrent de voitures abandonnées ; des incendies éclatent, des centrales explosent, le monde se vide de ses habitants (car certaines espèces animales, comme les chiens, sont également touchées).
Mais...
Mais des individus s’avèrent résister à la maladie. Miracle génétique ou choix divin, peu leur importe car il faut tout d’abord s’organiser, affronter la solitude et la folie qui les guettent avant de trouver un nouveau sens à leur existence désormais fragile. Petit à petit, des couples se forment, des petits groupes cherchent leur salut, espérant trouver qui des renforts, qui des explications, qui un havre ayant échappé au Mal. Un jeune et habile sourd-muet s’associe à un attardé, un chanteur de rock en pleine ascension se lie avec une fascinante institutrice revêche, un Texan flegmatique tombe amoureux d’une jeune célibataire enceinte… L'existence de ces êtres à part recommence enfin à s'écouler paisiblement.
C’est alors que surviennent les rêves.
Dans certains, une vieille afro-américaine les convie au Nebraska dans le but de leur expliquer la volonté de Dieu ; dans d’autres, un homme sans visage les terrorise, s’apprêtant à monter une armée de l’autre côté des Rocheuses. L’éternelle lutte entre le Bien et le Mal, la Lumière et l’Ombre, la Loi et le Chaos est sur le point de se jouer, par le biais de pions plus ou moins conscients de leur statut, plus ou moins optimistes quant à leur avenir dans une Amérique désormais déserte où les machines se sont tues.
On le voit, rien d’original, et même à l’époque (Je suis une légende de Richard Matheson date de 1954). D’ailleurs, Stephen King ne cherchait pas vraiment à raconter du nouveau, mais plutôt à introduire de l’épique dans un monde dévasté, en passant par trois moments-clefs : la survie, le rassemblement et l’affrontement final.
Ceux qui connaissent l’auteur remarqueront également que le style possède encore les scories décelables dans le Pistolero (le premier volume de la Tour sombre), bien que l’écriture soit plus dynamique et la tournure des phrases moins ampoulée. Toutefois, ce qui tire le Fléau vers le haut, c’est avant tout cette formidable faculté qu’a King de donner naissance et surtout faire vivre, par le biais de ses mots, des personnages aussi exceptionnels qu’anodins. Aucun super-héros ici, même si quelques-uns jouissent de facultés hors du commun : sans que le pouvoir soit nommé autrement que par « une forme de télépathie », on retrouve par exemple des enfants dotés du shining. Les survivants ne sont pas des êtres d’exception, les « bons » étant soumis aux mêmes affres, aux mêmes tentations que n’importe qui – et c’est bien de la manière dont ils gèrent leur faiblesse que se dégage leur statut de héros. Fran sait parfaitement qu’Harold est follement épris d’elle et jouera habilement de ce sentiment à son avantage, ce qui lui vaudra la terrible rancœur du garçon éconduit ; le gentil Larry qui s’en voulait déjà de ne pas s’être assez occupé de sa mère ruminera tout le long du roman sa terrible expérience avec Rita qui a fini par se suicider alors qu’il avait promis de l’aider.
Reste l’élément central, articulé autour du pivot qu’est Randall Flagg, l’Homme sans visage, individu sans scrupule ni remords dans lequel s’est incarné le Mal et qui sent, alors que le fléau se propage, venue l’heure de son apothéose démoniaque. Lui se découvre des pouvoirs et se met à rassembler des adeptes qu’il dompte par la terreur, afin de constituer une armée capable de détruire la communauté de la Zone libre, constituée autour de la vieille du Nebraska qui semble l’Élue de Dieu. Dieu, le Diable : on peut faire la fine bouche face à ce genre de mentions. Après tout, pour autant, ce ne sont que des vocables aisément identifiables servant à désigner des forces antagonistes. Le manichéisme primaire structurant l’œuvre n’est pas critiquable en soi, tant qu’il ne se reflète pas dans l’exposition des personnages, lesquels sont suffisamment riches et complexes pour qu’on prenne plaisir à les suivre, à les aimer ou les détester. Des éléments de leur passé resurgiront par moments afin de mieux étayer leurs réflexions, leurs doutes, leur désarroi face aux inévitables interrogations éthiques qu’engendrera leur mission. Est-ce Dieu qui parle à travers Mère Abagail ? Qui leur envoie ces rêves ? Le fait est qu’ils ont tous rêvé des mêmes êtres, ils sont au moins forcés de se rendre à l’évidence : quelque chose de « supérieur » les a choisis, et quelque chose de malfaisant est à l’œuvre dans l’Ouest. Le petit monde tranquille qu’ils ont rebâti, réinventant les principes démocratiques des Pères de leur nation défunte, risque d’être éphémère et nul doute qu’ils devront combattre, peut-être même se sacrifier pour la sauvegarde et de leurs proches et d’un idéal manifestement fragile. Il est amusant de voir dans leurs réflexions, leurs discussions, leurs atermoiements, la volonté de l’auteur de ne pas sombrer dans les travers ésotériques d’un discours trop religieusement orienté : après tout, des milliards ont péri, où était Dieu à ce moment ? À moins que ce ne fut là un châtiment divin…
Dans ses deux premiers tiers, le Fléau fonctionne à merveille, même si on sent par moments une certaine frilosité dans la description de certains actes pervers suscités par la disparition d’un ordre établi et par le désœuvrement d’individus se livrant à leurs plus bas instincts. L’écrivain semble plus disert sur les intentions des créatures les plus viles que sur leurs agissements, comme s’il s’apercevait au dernier moment de l’inanité d’un tel voyeurisme. Peut-être les passages rétablis (dont au moins un avait été proprement censuré à l’époque) vont-ils plus loin dans le glauque, le gore ou la violence ? Stephen King, en revanche, fait la part belle aux émotions, aux sentiments, à tout ce qui sourd de l’âme humaine : bons ou mauvais, ses personnages n’agissent jamais sans réfléchir et l’auteur n’hésite guère à traduire les pensées de tel pyromane dégénéré, tel attardé mental ou tel sourd-muet suspicieux.
La fin, du coup, laisse à désirer. L’accélération est patente, les ellipses temporelles se multiplient, délayant la tension, ralentissant le tempo : la conclusion inévitable, le duel ultime, le Gran Finale se précipitent doucement, et on se demande quelle pirouette pourra bien se produire pour nous surprendre, quelle surprise nous réserve l'auteur de Ça à la fin. Conclusion qui sera, forcément, décevante, presque ridicule par sa tiédeur et ses coups de théâtre, tant les enjeux et le potentiel étaient immenses. On est presque étonnés par l’absence d’étonnement.
Mais qu’importe. Considéré comme l’une des œuvres majeures du Maître de l’Horreur, le Fléau vaut le coup, ne serait-ce que pour faire connaissance avec l’Ombre qui hante nombre de ses écrits, celui que le Pistolero poursuit depuis (et jusque) la nuit des temps et afin d'y voir concrétisée la persistante méfiance de l’auteur envers les agissements de son propre gouvernement.
+ | Les points positifs | - | Les points négatifs |
|
|
|
Publié le
18.9.19
Par
Virgul
Connaissez-vous Edward "Eddie" the Head, la mascotte d'Iron Maiden ?
Le personnage, créé par Derek Riggs (cf. notre grand dossier abordant les textes et l'univers graphique du groupe), est présent sur la couverture de tous les albums, dans diverses incarnations correspondant à la thématique des différents titres.
On peut le retrouver sur un tas de machins, allant du mug au t-shirt, mais évidemment aussi en figurines. Et justement, quatre nouvelles figurines articulées, dont la sortie est prévue en février 2020, sont disponibles en pré-commande.
Au menu : la version très british de The Trooper, un classique ; le fameux Eddie de l'album Killers, avec sa hache ! ; la version "doomsday" de 2 minutes to midnight ; et enfin, un Eddie futuriste issu de Somewhere in Time.
Bon, c'est pas donné (27,16 euros l'unité, quand même), mais c'est clairement collector et si jouissif qu'on en frétille de joie. On a même dû attacher Nolt et le bâillonner quand il s'est mis à chanter.
Si ça vous tente d'obtenir un peu de metal en plastique, c'est ici que ça se passe.
Happy wEDnesday !