Odette, Jasmine et Gabrielle entrent en guerre contre le nucléaire.
Ça va péter ! Enfin non, le terme est mal choisi, là, mais vous avez compris...
Sébastien, Jean-Pierre et Piéric partent de chez eux pour aller travailler à la centrale nucléaire qui emploie une bonne partie de la population locale.
Cette BD, pour militante qu'elle semblait être initialement, verse bien vite dans la comédie qui n'épargne personne et, si l'on conserve une certaine tendresse pour le trio féminin autour duquel elle est construite, il faut bien avouer que tout le monde y passe, mêlant comédie satirique, de mœurs et de caractère.
C'est un tome 1 qui donne envie et c'est déjà très bien... mais ce ton de moins en moins existant en BD demande quelques planches d'adaptation ou de réadaptation, et l'on attend de voir si le tome 2 transformera l'essai en continuant à mener nos trois amies toujours plus loin dans leur opposition rigolote face à ces autorités globalement incompétentes et hypocrites.
Quand on pense que tout cela commence par trois décès, c'est quand même bien la preuve qu'entre gens intelligents, on peut rire de tout... et ça fait du bien ! Merci à Delcourt pour cet ouvrage quasi anachronique.
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L’homme qui prépare les onguents et les médecines a pour nom apothicaire. Lorsque c’est une femme qui exerce cette activité, on l’appelle sorcière. […] Les hommes aiment bien tuer une femme de temps en temps.
Elle ne voulait pas des contraintes dont s’accompagnait le mariage : elle ne voulait pas d’un seigneur et maître, elle voulait un amant ; elle ne voulait pas consacrer sa vie à un homme, mais vivre à ses côtés.
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Ainsi commence Le Bureau des atrocités de Charles Stross. Un livre déroutant, attachant, fascinant et déstabilisant à la fois. D’abord, ce n’est pas vraiment un roman : si vous avez entre les mains le volume de l'étincelante collection Ailleurs & Demain des éditions Robert Laffont (2004), traduit de l’anglais par Bernard Sigaud, vous constaterez immédiatement qu’il est composé de deux longues nouvelles (Les Archives de l’atrocité et La Jungle de béton) qui dépeignent un monde contemporain dans lequel toutes les menaces terroristes pourraient s’expliquer par une lutte permanente et invisible entre des organisations tentant d’avoir la mainmise sur la magie noire et une connaissance exhaustive de l’occultisme et d’autres arcanes millénaires, ainsi que des moyens d’action aussi improbables que terrifiants. Car tout est réaliste et l'auteur nous dépeint des groupes d’influence comme Al-Qaïda sous un angle encore plus effrayant. À l’heure où l’esprit humain se concentre sur les attentats à grande échelle en essayant d’oublier la menace nucléaire, les services de contre-espionnage travaillent d’arrache-pied pour contrer les invocations de créatures liées à des lignes de codes informatiques ou les sortilèges à large rayon d’action calculés sur la base d’équations nébuleuses.
Le monde de Charles Stross, c’est celui qui résulterait de la rencontre entre Ian Fleming et Howard P. Lovecraft, avec une pointe d’ironie pour l'amalgame. Les amateurs de L’Appel de Cthulhu (le jeu de rôle de Chaosium, cf. cet article, mais plutôt en version Delta Green) ou de X-Files (cf. cet article) lèvent déjà un sourcil à la manière de Spock : ce livre est fait pour eux. Mais d’autres pourront y prendre goût, surtout s’ils apprécient un cynisme omniprésent (celui de l’agent doué mais maladroit qui passe son temps à râler sur son sort) et des situations complètement délirantes, lesquelles rappellent parfois certains épisodes des romans de Brian Lumley, ce continuateur de Lovecraft qui racontait comment on pouvait déloger un Chthonien à coups de bombes A, ou encore le postulat à la base d'un film comme Iron Sky. Sauf que là, les perspectives de fin du monde sont occultes, dans le sens de "cachées du grand public" : que ce soit une entité cosmogonique se nourrissant d’énergie ou un dispositif grillant les cerveaux au travers des caméras de surveillance, seuls les agents spéciaux et quelques témoins malheureux seront au courant.
Bref, des histoires d’épouvante écrites sur une trame d’espionnage. Ou le contraire. L’auteur s’en justifie d’ailleurs, et cite ses sources et ses références, dans une postface particulièrement intéressante, où l’on apprend par exemple que le roman Les Puissances de l’Invisible de Tim Powers surfe sur les mêmes principes.
Ainsi, page 26 :
Voyez-vous, tout ce que vous savez sur la manière dont fonctionne l’univers est correct – seulement il y a un petit problème : ce n’est pas le seul univers dont nous ayons à nous soucier. De l’information peut s’infiltrer d’un univers à un autre. Il y a des choses qui écoutent, et qui répondent : voir Al-Hazred, Nietzsche, Lovecraft, Poe, etc. Ceux-aux-nombreux-angles, comme on dit, vivent au fond de l’ensemble de Mandelbrot, sauf lorsqu’une incantation convenable dans le domaine platonique des mathématiques – informatisées ou non – les attire. (Et vous qui croyiez que cet économiseur d’écran fractal faisait du bien à votre ordinateur…)
La nouvelle suivante (qui a obtenu le prix Hugo 2005 du meilleur roman court), très dense et plus cohérente, se suit à un rythme soutenu. Ce qu’elle implique fait froid dans le dos.
Visiblement satisfait de la tournure que prenait son univers décrit, Stross a par la suite rédigé de nombreux autres textes s'inscrivant dans une série sobrement intitulée La Laverie. Cet ouvrage peut donc être considéré comme une bonne entrée en matière et ceux qui ont apprécié seront ravis d'apprendre qu'ils pourront prolonger leur plaisir avec des récits du même acabit, certains ayant également été récompensés (The Apocalypse Codex, prix Locus en 2013, Equoïde, prix Hugo en 2014) mais tous ne sont pas encore traduits, même si les éditions 500 Nuances de Geek s'y attèlent activement.
À tenter.
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"J'avais atteint l'âge de mille kilomètres."
Helward vient donc d'avoir ses mille kilomètres : le voilà majeur et il choisit d'entrer dans la guilde des Topographes du Futur, suivant les traces de son père qu'il a à peine connu car élevé dans une crèche aseptisée au cœur de la Cité, loin des réalités extérieures du monde qui l'entoure. À présent, il lui faut participer à l'effort collectif et indispensable qui consiste à faire avancer la Cité, sans s'arrêter, vers le Nord, c'est-à-dire vers le Futur, en direction d'un Optimum qui semble proche mais qu'ils ne parviennent jamais à atteindre. Après avoir fait quelques stages parmi les ouvriers qui œuvrent laborieusement à cette avancée salvatrice, participé à des manœuvres in extremis dans le but d'éviter des endroits trop difficiles d'accès (comment faire franchir un canyon à la Cité tout en se protégeant des attaques incessantes de hordes de bandits ?), Helward apprendra pourquoi son entrée dans la Guilde était accompagnée d'un serment jurant de garder le secret sur leurs activités extérieures puis sera envoyé en mission, d'abord dans le Futur pour effectuer des relevés topographiques, puis dans le passé, vers ce Sud qu'ils ont laissé derrière eux. Dans quel but ? Ses supérieurs lui rétorquent qu'il faut en passer par là et qu'il comprendra une fois qu'il y sera ; lors de ce voyage initiatique, il devra escorter des indigènes jusqu'à leur village natal. Sauf que, chemin faisant, la géographie, le temps et la réalité elle-même vont commencer à s'altérer : ne pouvant plus se fier à ses perceptions, Helward aura alors un aperçu stupéfiant du monde sur lequel évoluent ses congénères et il en reviendra transfiguré. À moins qu'il ne puisse revenir ?Avec ce roman, Christopher Priest s’inscrivait durablement parmi les auteurs les plus prometteurs de la SF anglo-saxonne. Né à Manchester en 1943, l'écrivain anglais avait vaguement fait parler de lui avec entre autres un roman post-apocalyptique sombre et désespéré : Le Rat blanc (1972), quelque part entre Le Fléau de Stephen King (cf. cet article) et V pour Vendetta d'Alan Moore (cf. cet article sur l'auteur). Puis voilà qu'en 1974, son talent et son écriture visionnaire éclaboussent une SF qui se cherche encore de nouvelles références après l'impact de Dangereuses Visions, le recueil révolutionnaire d'Harlan Ellison. Désormais, le monde de la science-fiction sait qu'il va falloir compter sur cet écrivain sortant des sentiers battus, puisant dans la hard science à la Hal Clement tout en questionnant en permanence les concepts, les principes et les fondements de l'univers qu'il met minutieusement en place, faisant insensiblement glisser le lecteur dans un biotope mouvant aux perspectives floues, rongeant ses certitudes et lui offrant des perspectives à la manière d'un Philip K. Dick des grands jours (cf. cet article).
Étrangement, Priest n’a pas vraiment confirmé par la suite, même s’il a rédigé quelques œuvres très intéressantes et attiré plusieurs producteurs de cinéma (comme pour Le Prestige, que les frères Nolan ont mis en images dans une adaptation particulièrement réussie). Il faut dire qu’il semble souvent se mettre à la marge d’un genre qu’il fréquente depuis ses premiers écrits, critiquant ouvertement certaines tendances ou prises de position. Nettement moins prolifique que Dick, il a conservé dans sa carrière une propension à brouiller les perceptions du lecteur en multipliant les points de vue, déconstruisant ses intrigues et cultivant le secret pour des personnages qui évolueront au fil de la lecture jusqu’à découvrir ce qui renversera bien souvent leur propre conception de la réalité.
Le Monde inverti est donc incontestablement son chef-d’œuvre et prend aisément sa place dans tout Top 100 de la SF qui se respecte. En dévoilant très progressivement un univers à la fois étrange et familier tout en suivant l’initiation et l’évolution d’un personnage passe-partout (Helward n’est jamais vraiment sympathique et passe le plus clair de son temps à se poser des questions sur les motivations de ses supérieurs et la pertinence de ses actes), l’auteur joue constamment avec les attentes du lecteur, l’intriguant par les nombreux mystères environnant la ville dans laquelle grandit le héros et nourrissant le suspense par le recours à des recommandations paternalistes : "Tu comprendras plus tard", "tu n’es pas encore prêt pour cette révélation" ou encore "tu jugeras par toi-même quand le moment viendra". Ce qui fait que, malgré le manque patent de charisme de Helward, on ne peut que l’accompagner dans son parcours au sein des guildes qui régentent strictement la vie dans cette curieuse ville mouvante, condamnée à avancer sans cesse en traversant des contrées parfois hostiles, parfois bienveillantes, mais toujours éphémères.
Pendant la majeure partie de l’ouvrage, on se sent mal à l’aise du fait de fondations illusoires, de suppositions non avérées et d’une construction qui semble linéaire, mais qui introduit des éléments discordants : le prologue nous présente un personnage féminin vivant dans un village qu’on croirait tiré d’un western de Leone – mais aux deux tiers du roman, nulle mention n’en est faite ; la première partie est narrée par un Helward opiniâtre et décidé, puis la deuxième est racontée à la troisième personne. Quid ? Les interrogations succèdent aux frustrations avec l’espoir d’une révélation à la hauteur des attentes. Et lorsque cela survient, le vertige nous prend.
Avec une grande malice et beaucoup d’à-propos, Priest crée une œuvre intemporelle, un grand roman de SF qui parvient à surprendre sans paraître daté, insérant çà et là quelques éléments technologiques épars qu’on ne parvient pas réellement à rattacher à un véritable contexte temporel.
Certains épisodes stupéfient par des visions presque transcendantes tandis que d’autres nous font penser à ces histoires d’arches stellaires, avant de nous orienter vers le genre post-apocalyptique. Et on ne peut que saluer le talent de certains des artistes qui ont tenté de les traduire en images (pour les couvertures, dont certaines sont reproduites ici).
Quoique manquant cruellement d’émotion, la plupart du temps écrit avec une forme de détachement presque cruelle, le roman joue avec nos certitudes et intrigue sans relâche. Et en confrontant deux points de vue opposés sur la perception de cet univers aux lois indéfinies, Priest se permet de nous laisser dans une expectative aussi retorse que brillante.
Incontestablement fascinant.
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Quant au prochain Collector, il sera un peu plus ciblé (et onéreux) puisque nous nous intéresserons à divers produits dérivés concernant cette fois les mythiques Lantern Corps !
Paris sans une seule bagnole. Paris sans un seul flic. Paris livré à la violence et aux combats à l'arme blanche...
Ça aurait pu être le pitch d'un film de Luc Besson mais il n'en est heureusement rien !
Oui, heureusement ! Parce que Psykoparis ne peut assumer son délire décomplexé et sa débauche de violence, sa galerie de personnages et sa foultitude de situations que grâce à la qualité de sa narration offrant à chaque protagoniste principal assez de visibilité pour avoir son propre arc intéressant et à l'univers assez de tangibilité pour le rendre crédible. Ce que Besson, à mes yeux, ne sait pas faire. Oui, c'est juste un tacle gratuit, droit dans la jugulaire ! Ah mais c'est que la BD que l'on va aborder aujourd'hui s'y prête à merveille... Alors dégraissez votre lame, polissez-la, huilez-la, remettez-la au fourreau mais gardez une main sur son manche, parce que ça va trancher des membres façon ken justu... ou broyer des tronches en mode masse d'arme, chacun ses goûts, ne soyons pas sectaires.
N'attendez rien d'autre, à la lecture de cet ouvrage, que du fun : nulle contestation au sujet de l'organisation de nos sociétés, aucune critique de la violence urbaine, pas une seule réflexion sur quoi que ce soit... Libre à nous de gloser sur ces sujets mais Psykoparis ne s'en préoccupe pas, il se voit comme un défouloir, une sorte de jeu vidéo open world en BD laissant toute liberté à la fougue de son concept simplissime pour nous offrir des scènes improbables mais sympathiques aux yeux de notre génération ayant grandi avec les films de Tarantino et autres Rodriguez.
Liberté, fougue, concept simple, scènes improbables.... certes. Mais le chien fou est néanmoins tenu en laisse par une écriture (Tristan Roulot) intelligente maîtrisant parfaitement le rythme, toiletté par un dessin (Corentin Martinage) alliant la modernité à l'efficacité et nourri par une mise en couleurs (Jean-Noël Le Moal, Julie Poupart et Mikl) dynamique et esthétique.
Et, comme pour me donner raison dans mon analogie avec le monde vidéoludique, comme dans un jeu vidéo, un concept simple se vit, il ne s'explique pas : personne ne veut savoir pourquoi Sonic est bleu et court aussi vite, pourquoi Mario est entouré de tuyauteries tellement grandes qu'il peut s'y glisser, ce que représentent les blocs de Tetris, les vraies motivations et les états d'âme du Doomslayer, pourquoi le maire de Simcity a la possibilité de demander à Godzilla de ravager sa propre ville, si le pilote de Flight Simulator est bien syndiqué ou d'où sort la capacité de Chun Li de faire l'hélicoptère la tête en bas en faisant tournicoter ses énormes jambonneaux. On s'en fout. On veut juste qu'ils le fassent, on veut que ça arrive, on veut que le concept tout simple s'ébroue et entre en action...
D'ailleurs, regardez ce que ça donne quand un produit culturel essaie de répondre à ces interrogations... souvent, c'est assez pénible à voir (ne parlons pas des films Sonic, Super Mario ou Doom, par exemple... histoire de tâcher de rester polis).
On a une map : Paris. On a un gameplay : à l'arme blanche. Et on a une mission : survivre à la situation cataclysmique provoquée par la situation initiale qui, puisque l'on veut donner un ton humoristique à l'ensemble, sera un vulgaire quiproquo.
Eh oui... le carnet !
C'est de la lecture coupable mais rendue facile à assumer tant la qualité est au rendez-vous.
Et, en l'état, on peut trouver le scénario de Psykoparis débile... mais ce serait ne rien avoir compris au travail d'orfèvre du scénariste qui a rendu si limpide et passionnant ce qui aurait pu n'être qu'une bouillie insipide et chiante à la Banlieue 13.
On peut trouver le dessin racoleur et flashy mais ce serait ne pas en appréhender les qualités de caractérisation, de dynamisme, de lisibilité reléguant au rang de bonbons acidulés nombre de mangas, comics ou BD enchaînant les scènes d'action que l'on survole sans même les regarder.
On pourrait croire qu'il ne se passe pas grand-chose mais ce serait passer à côté du poids de l'histoire de chacun des personnages, qui change tellement et avec tant de bonheur des milliers d'histoires sans enjeux ni sans conséquences où l'on ressuscite à tour de bras des protagonistes usés jusqu'à la toile.
Alors voilà. Psykoparis sort en intégrale de 136 pages aux éditions Soleil.
Si vous voulez lire de la BD qui claque avec des combats qui giclent mais qui ne vous prend pas pour un attardé tout juste bon à avaler ce avec quoi on le gave, si vous voulez un défouloir bédéistique qui prend son travail et son lecteur au sérieux... Lâchez votre Naruto ou votre One Piece numéro 7987, laissez tomber les marvelleries aux personnages capables de boire du plomb en fusion et offrez-vous une BD où, quand un sabre tranche en deux, c'est "game over" et jamais, jamais "same player, shoot again".
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