Blade (1998) réalisé par Stephen Norrington avec Wesley Snipes, Kris Kristofferson & Stephen Dorff
En 1998, c’est Stephen Norrington qui hérite du premier film. Le générique fait bien mention de la référence au comic book, mais on ne parle pas encore des Studios Marvel (Incredible Hulk et Iron Man datent de 2006). Il propose un mélange stylé et assez fun, avec un Wesley Snipes complètement investi dans son personnage. On se délectera de quelques chorégraphies de combat très graphiques distribuées sur un rythme enlevé et qui font presque passer les aberrations du scénario, la médiocrité des dialogues, le jeu sans une once de finesse et un "finale" complètement raté, où les effets spéciaux atteignent vite leurs limites (surtout en HD où les décors font pâle figure et le sang numérique trahit le manque de moyens). Difficile en revanche de passer outre la vision ridicule de ce Cénacle vampire où les Anciens (les "Sangs Purs") se font proprement balayer par une bande de parvenus.
La bande son est évidemment un atout, saturée de
basses et multipliant les effets surround, alors que l’image est propre, peu soumise
aux filtres, ce qui contribue à rendre l’univers de Blade plus "réaliste" que celui d’Underworld, tout en le maintenant légèrement
à distance (l’expression "futur proche" convient à merveille). La
partition de Mark Isham, sans être inoubliable, a un style particulier
qui sied finalement bien à l’univers esquissé à partir du comic. Norrington fait
ce qu’on lui demande : en mettre plein la vue, même sans véritable
texture ou talent ; il a flingué en beauté la Ligue des
Gentlemen extraordinaires (trahissant l'esprit de l'œuvre de Moore, cf. cet article) et nous livre ici un pur produit
commercial à la gloire d’un héros charismatique sur la voie de l’iconisation.
Blade II (2002) réalisé par Guillermo Del Toro avec Wesley Snipes, Kris Kristofferson, Ron Perlman & Donnie Yen
Ainsi, si le scénario reste bancal (on a toujours Goyer à l’écriture), la réalisation parvient à trouver un équilibre idéal entre scènes d'action punchy, combats ultra stylisés (merci Donnie Yen, qui apparaît d’ailleurs dans le Bloodpack mais qu’on aurait aimé voir plus longtemps à l’écran) et répliques qui tuent. Snipes est plus poseur que jamais mais il trouve en Ron Perlman un rival mémorable en termes d'égo surdimensionné. Testostérone et hémoglobine inondent l’écran ; les adversaires se jaugent, se provoquent puis s’affrontent au sabre ou au poing : tous les arts martiaux sont passés en revue, sans oublier force explosions et gunfights mémorables. On frise souvent le ridicule mais pour une fois, et paradoxalement, ça sonne juste. C’est que l’amateur voit ici l’accomplissement de la plupart de ses vœux : des dialogues qui ne servent qu’à entretenir les statuts de chacun (pratiquement que des punchlines assassines, entre cynisme et humour bon enfant), à se ménager une pause avant de retourner tête baissée dans les combats. Et Del Toro de nous servir quelques plans hallucinants de plongeons acrobatiques et de rétablissements miraculeux, gérant plutôt finement l’utilisation des câbles, nous gratifiant de duels d’une lisibilité exemplaire, privilégiant les plans moyens tout en poussant dans ses retranchements les possibilités de sa L-cam nouvelle génération.
Délectable, pour les amateurs, jouissif même. On y trouvera bon nombre de plans et de séquences qui se voient propulsés au rang de "culte" et jetteront les bases des futures exigences des producteurs du genre. Notons aussi que le film semble une sorte de répétition générale de l’un des chefs-d’œuvre de Del Toro : Hellboy II. Les connaisseurs reconnaîtront sans trop de peine (malgré le maquillage) l’acteur Luke Goss dans le rôle de Nomak, le même qui devait, six ans plus tard, incarnera brillamment le très charismatique Prince Nuada.
Un mot sur cette race mutante de vampires : si l’essentiel du mythe initié dans le premier volet demeure intact, on aura la surprise de croiser ces Reapers, êtres répugnants, d’une sauvagerie inouïe et qui s’avèrent bien plus proches des créatures qu'il a imaginées pour la Lignée (cf. cet article) que de Dracula (lequel sera au cœur du troisième volet).
Blade Trinity (2004) réalisé par David S. Goyer avec Wesley Snipes, Kris Kristofferson, Jessica Biel & Ryan Reynolds
La réussite du second volet, malgré ses faiblesses
scénaristiques, augurait du meilleur pour la suite de la franchise. Toutefois, Guillermo
Del Toro déclina l’offre, préférant se consacrer désormais à son projet chéri :
Hellboy (et on le comprend, l’avenir lui donnera finalement raison). Le
scénariste David S. Goyer, maître de son sujet, décida de franchir le pas et
passa à la réalisation (l’avenir lui donnera finalement tort).Changeant encore une fois de style visuel (on s’éloigne des teintes chaudes, très "comics", du précédent pour des tons plus froids, plus contemporains), la franchise cherche à se réinventer en introduisant également un nouveau compositeur susceptible de lui conférer une réelle signature sonore : c’est RZA qui est choisi, et qui bénéficiera d’un gros coup de main de Ramin Djawadi, encore débutant. Le tournage a lieu à Vancouver et bénéficie de décors et d'un casting impressionnants.
Voyons le résumé. Continuant sa croisade vengeresse contre les vampires, Blade se retrouve piégé : un coup astucieusement monté le dévoile en train d’assassiner un humain. Dès lors, le voilà traqué par les forces de l’ordre, tandis que les vampires partent en quête de leur arme ultime, le premier et le plus puissant d’entre eux…
Le troisième volet a tout de l’apothéose et les fans de comics voyaient déjà apparaître le fameux défilant d'images préfigurant les génériques des films du MCU. Néanmoins le résultat est tout sauf une réussite : l’intrigue faussement complexe reprend finalement les mêmes thèmes que les précédents films, avec un Blade chasseur devenant la proie de ses victimes. Ici, on n’a finalement plus besoin de son sang, les vampires survivants allant chercher leur sauveur dans une vieille tombe au Moyen-Orient : le premier de leur race, qui piquait un roupillon de plusieurs siècles (il a traversé les âges sans laisser de traces dans les livres d’Histoire, quel gentleman !) et se vante d’avoir assisté à la Crucifixion, se retrouve donc à devoir redorer le blason de son engeance qui est en bien mauvaise posture. À force, le gars Blade a fini par considérablement amoindrir la puissance des suceurs de sang qui se retrouvent à chasser des vieilles dames dans les couloirs du métro – et se prennent des branlées par d’autres chasseurs de vampires, dont Hannibal King, le trublion échappé d’un comic book pour ados.Pour du renouvellement, c’est râpé : chaque suspense est bidon et les retournements se devinent longtemps à l’avance. Dans le II, il y avait le Bloodpack incarné par des mercenaires vampires tout en muscles et en testostérone ; ici, on a plutôt un groupe de jeunes un peu geeks qui aurait pu dynamiser la franchise mais ne parviennent qu’à proférer quelques blagues bien senties, inventer des armes futuristes et occasionnellement savater l’ennemi.
Ça ne vole pas haut mais réussit à divertir, tout en arrachant quelques soupirs de frustration. Il faut dire que l’interprétation des méchants vampires est assez pathétique, et Parker Posey en Danica Talos est proprement insupportable. Quant au duel final, même s’il manque cruellement de style, il parvient à faire suffisamment monter la tension jusqu’à ce constat amer, prononcé par Drake :
+ | Les points positifs | - | Les points négatifs |
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