Publié le
3.9.25
Par
Nolt
Une réédition de Je suis Légion est sortie en début d'année, une bonne occasion de se pencher sur cette saga alliant espionnage et fantastique.
1942. L'obergruppenführer Heyzig, chef du renseignement nazi en Europe de l'Est, dirige un projet spécial appelé Légion. La petite fille, qui en est l'élément central, pourrait tout simplement changer l'issue de la guerre.
Parallèlement, à Londres, l'inspecteur Pilgrim enquête sur la mort d'un notable. Ses investigations vont le mener jusqu'au cœur des services secrets britanniques. Dans l'ombre, quelque chose se trame. Les anglais préparent une opération coup de poing en Roumanie, des millions de livres disparaissent, les cadavres s'accumulent...
Et puis il y a ce nom de code. Walkyrie. Peut-être la dernière chance pour le général Canaris, patron de l'Abwehr, de sauver le Reich en éliminant Hitler et en négociant avec les alliés.
Au milieu de ce jeu d'échec diplomatique, une menace bien pire que la guerre va se révéler. Elle n'a pas d'âge, n'est pas humaine et est... légion.
Je suis Légion est à la base un récit en trois parties qui est ici réédité en un volume par Les Humanoïdes Associés. Le format 24 x 32 cm et les 184 pages vont justifier le prix, assez élevé, de 35 euros (on est loin de la précédente intégrale, en petit format, sortie il y a quelques années au prix de... 13,25 euros !).
Le scénario est de Fabien Nury, les dessins de John Cassaday. Graphiquement, le style est réaliste, avec des visages expressifs et détaillés et des plans efficaces. Notons la colorisation de Laura Martin, qui avait déjà travaillé avec Cassaday sur Astonishing X-Men.
L'intrigue, elle, est complexe et fourmille de détails historiques. Nury se révèle particulièrement habile et met en place un ensemble de forces politiques qui s'affrontent à coups de complots et autres coups fourrés. À cette toile de fond, déjà intéressante en soi, le scénariste va incorporer des éléments surnaturels qui, finalement, s'intègrent très bien dans le décor, notamment lorsque l'on connaît la fascination bien réelle des nazis pour l'occulte et le mysticisme.
Le traitement de l'ensemble est très cinématographique et les références, volontaires ou non, à certains films (en particulier Le Témoin du Mal de Hoblit) sont nombreuses. Outre la manière originale de se servir du mythe vampirique (et du si sympathique Vlad l'Empaleur), l'on peut également souligner l'intelligence avec laquelle l'auteur s'inspire de l'Histoire, que ce soit en évoquant les premières tentatives d'attentat contre Hitler ou, de façon plus cynique, en "recyclant" les innocents déportés et condamnés par le régime nazi.
Au final, l'on obtient un récit subtil et bien construit, qui commence comme un polar et évolue peu à peu vers le fantastique, le tout dans le cadre dramatique de la Seconde Guerre mondiale. Seule réserve pouvant être avancée ; le peu d'émotion qui se dégage des protagonistes, ces derniers étant bien décrits mais d'une manière un peu froide. Les révélations sur le passé sentimental de Pilgrim, par exemple, lui donnent de la consistance mais font plus penser à des données brutes qu'à un véritable traumatisme qui façonne le personnage en l'égratignant. La fillette également peine à émouvoir vraiment. Ceci dit, l'on gagne probablement au niveau macroscopique (avec l'intervention de nombreux personnages, dont certains très connus) ce que l'on perd éventuellement du côté de la psychologie individuelle.
Une nouvelle édition pour une série bien écrite et documentée, à la frontière de plusieurs genres.
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