Collection Marvel Transatlantique
Publié le
13.10.18
Par
Nolt
La collection Marvel Transatlantique part d'un principe très intéressant à la base : confier, le temps d'un récit, les personnages de la Maison des Idées à des auteurs européens. Dans les faits, ce seront surtout des italiens qui s'y colleront (et un duo de frenchies), pour des résultats allant du calamiteux au franchement sympa.
Nous vous présentons aujourd'hui les ouvrages parus dans cette collection.
Spider-Man : Le Secret du Verre
C'est le Tisseur qui inaugure, en 2004, le premier album du label.
Ce premier essai est l'œuvre de Tito Faraci, au scénario, et Giorgio Cavazzano, au dessin.
En ce qui concerne l’aspect graphique, c'est assez réussi. Si l'on a un peu de mal à reconnaître immédiatement Peter Parker, Spidey, lui, conserve son apparence classique. Le style est plutôt cartoony, certains décors sont fort jolis et la colorisation donne à l'ensemble une touche d'élégance.
L'on va voir cependant que, niveau intrigue, c'est déjà beaucoup moins bon.
Parker est envoyé en Italie couvrir le carnaval de Venise, il y rencontre un type qui lui parle de la légende du Comte Alvise Gianus, un alchimiste qui détenait autrefois le secret de la fabrication du verre. Flashback sur son histoire au XVIIe siècle. Plus tard Spidey va se balader nuitamment comme il en a l’habitude et il tombe justement sur le fameux Comte avec qui il se castagne avant d’être expédié à la flotte. Il rumine un peu et le retrouve plus tard pour lui régler son compte.
Le tout en 22 planches.
Forcément, c’est court, très court même. Trop court en tout cas pour développer suffisamment une telle histoire (Venise n’est pas très bien exploitée) et pour présenter un nouveau vilain (le Comte est d’ailleurs particulièrement ridicule et peine à constituer une menace crédible). Il n'y a pas vraiment de montée de tension ou d'enquête, tout s'enchaîne de manière précipitée, sans jamais exploiter réellement le cadre ou la thématique de l'alchimie.
Pour combler ce livre désespérément peu épais, quelques pages bonus, pompeusement intitulées « les dessous de l’histoire », ont été rajoutées. En fait de dessous, c’est surtout la même histoire qui est présentée cette fois avec le scénario d’un côté et des crayonnés de l’autre. Plus quelques croquis et de vagues et courts commentaires. L'intention est louable, mais ces quelques pages supplémentaires auraient pu être utilisées pour étoffer un peu l'histoire.
Voilà donc un "comic" italo-italien, dans un style très franco-belge, et au scénario insipide et mal fichu. C’est si étrange que cela fera un bel ovni sur votre bibliothèque si jamais vous cédez à la curiosité !
Wolverine : Saudade
Le deuxième essai de la collection Marvel Transatlantique, en 2006, est cette fois entre les mains d'une team française. Si logiquement Tito Faraci avait situé les aventures de "son" Spider-Man en Italie, les français, eux, ont envoyé Wolverine... au Brésil !
Jean-David Morvan se charge du scénario alors que Philippe Buchet est aux crayons.
Et ils ne s'en sortent pas si mal dans ce grand format (plus grand que l'album précédent, ne vous attendez pas à une collection homogène) de 46 planches.
Logan, parti prendre quelques vacances au Brésil, va faire la rencontre d'un jeune mutant, d'une bande de gamins des rues, des escadrons de la mort et même d'un guérisseur opérant à main nue, largement inspiré par un célèbre imposteur tout à fait réel.
Graphiquement, bien que les décors soient assez dépouillés sur certaines planches, le résultat est très correct, avec des scènes de combat dynamiques et un rendu de la violence assez gore qui tranche franchement avec l'ambiance enfantine du Secret du Verre. Les auteurs se sont même fait un petit plaisir avec une scène où le Griffu se fait cribler de balles et traîner par une bagnole avant d'être jeté à la flotte. Après tout, quand on dispose d'un héros ayant un facteur auto-guérisseur, autant en profiter pour lui en mettre plein la tronche !
L'histoire tient la route et s'inspire de la dure réalité brésilienne, avec gangs, pauvreté mais aussi quelques éléments plus poétiques, comme le terme portugais "saudade", dont le final de l'album donne une jolie définition, et un moment d'accalmie où Wolvie s'essaiera à la samba.
Plus anecdotique que vraiment indispensable, mais dépaysant et pas désagréable.
Daredevil & Captain America : Deuxième Mort
Après les français, retour de la team italienne en 2007 pour, cette fois, un désastre complet.
Nous retrouvons dans ce "récit" deux têtes d'affiche de la Maison des Idées, à savoir Daredevil et Captain America.
Au scénario, le fameux Tito Faraci (qui s'était si bien illustré sur Le Secret du Verre) et un autre dessinateur puisque Cavazzano est remplacé par Claudio Villa. Malheureusement, dans le duo, ce qui continue à ne pas aller... c'est Faraci.
Ne soyons pas trop dur car, visiblement, il a pigé qu'il ne s'agissait pas de réaliser une histoire pour les 5-7 ans (quelqu'un a dû lui expliquer entre-temps). Du coup, ça se veut plus adulte que sa tentative précédente. Voilà, on a fait le tour des points positifs. Passons à ce qui ne va pas maintenant.
D'une part, on a la nette impression qu'il ne connaît absolument pas (ou très vaguement) les personnages qu'il met en scène. On pourrait aussi bien prendre Moon Knight et Iron Man à la place, rien ne changerait, même pas une scène ou une ligne de dialogue. L'histoire en elle-même ne casse rien et s'avère étonnamment ennuyeuse (Daredevil doit faire face à un ennemi qui revient de l'au-delà pour se venger et le menace de buter des otages s'il ne se sacrifie pas, Cap l'en empêche...).
Ce n'est plus une question de place cette fois, puisque, ici, Faraci disposait de 46 planches (plus du double que pour son précédent ratage).
Enfin, les dialogues sont d'une platitude telle que même un épisode d'Hélène et les Garçons paraît, à côté, le sommet de l'inspiration éclairée. Un exemple ?
— Approche Daredevil. À moins que tu aies peur ?
— Pas du tout.
Wow. Magnifique réplique qui transpire le travail, l'imagination et le talent. Les amateurs de punchlines se régalent.
Tout le reste est du même acabit, c'est lent, poussif, plat, bref, si mauvais que l'on se demande bien quel intérêt Faraci a pu trouver dans ce projet. On se demande d'ailleurs également pourquoi on continue à lui proposer du travail tant il est visible qu'il n'est absolument pas à l'aise dans ce domaine. Rien n'est en place, il n'y a pas d'ambiance, pas d'âme, pas de parti pris, tout est mou, tiède et insipide. Aussi vibrant qu'une notice Ikea. Peut-être même moins.
Voilà donc un format classique, cartonné et sans intérêt, pour 12,80 €.
La cerise sur le gâteau : quand on lit les crédits, on se rend compte que Faraci a bien scénarisé le tout mais d'après une idée (on la cherche encore) de Marco Marcello Lupoi. C'est presque un gag, il n'y a rien dans cette histoire mais Faraci n'est même pas l'auteur réel du "vide". Hallucinant qu'un tel... truc soit jugé publiable alors que ce serait déjà limite dans le cadre d'un fanzine (si l'on excepte les dessins).
Cette tentative de comic (avec un travail très correct du dessinateur et du coloriste, certaines planches sont même vraiment bien foutues voire carrément impressionnantes) s'intitule Deuxième Mort, très sincèrement, pour ce pauvre Faraci, c'est une de trop, on avait déjà compris sur Le Secret du Verre que son statut de scénariste sentait un peu le cadavre pas frais. Infliger à cet homme la réalisation d'un troisième opus serait presque une atteinte à sa dignité.
X-Campus
Il faut attendre 2008 pour enfin voir débarquer un excellent titre dans la collection.
On peut craindre le pire au départ puisque ce X-Campus a également été confié à une équipe italienne, mais heureusement, cette fois, sans Faraci. Et quand il n'est pas là, ben ça va tout de suite mieux.
Le scénario est de Francesco Artibani. L'histoire met en scène des personnages très connus (Malicia, Wolverine, Cyclope, Emma Frost, Xavier, Magneto, etc.) mais dans un contexte totalement différent. Ils sont en fait tous très jeunes (ou professeurs pour Magnus ou Jean Grey) et étudient à l'institut Worthington. Évidemment, tous ces gamins ont des pouvoirs, mais plus de noms de code ou de costumes, tout le folklore habituel étant remisé au placard pour faire place à un cadre scolaire (presque) normal.
Dans l'ombre, des complots déjà se trament et certains professeurs malintentionnés vont tenter de rallier les élèves à leur sinistre cause. L'on va suivre notamment les premiers pas d'Anna Raven, une adolescente qui peut absorber les souvenirs et même l'énergie vitale des personnes qu'elle touche.
Anna pensait trouver un endroit tranquille où étudier, elle va cependant vite se rendre compte qu'au sein de l'école, d'autres élèves possèdent également des pouvoirs étranges. Certains le vivent comme un don, d'autres ont peur de ces bouleversements incroyables qui affectent leur vie quotidienne.
Et il faudra également faire avec les professeurs, qui ne sont pas tous des mentors impartiaux et bienveillants...
Les dessins, eux, sont l'œuvre de Denis Medri, fort bien secondé à la colorisation par Sergio Algozzino. Le graphisme, moderne et très doux, fait un peu penser à celui de NYX, en plus enfantin. On est d'ailleurs, d'un point de vue narratif, à mi-chemin entre cette œuvre et un titre Marvel Age (comme Emma Frost ou Spider-Man loves Mary Jane). Malgré tout, si le public visé semble jeune, ces premiers épisodes sont suffisamment bien réalisés pour intéresser un lecteur avide de changement, quel que soit son âge.
Et si des éléments importants de la mythologie X-Men sont conservés, le ton est, lui, plus léger et s'adapte au jeune âge des héros.
Pour une fois qu'un titre Transatlantique est vraiment innovant et en tous points réussi, on ne va pas s'en priver, surtout pour 10,50 €.
Par contre, pour ceux qui souhaitaient lire l'intégralité de cette mini-série, il a fallu attendre 2011 et la publication du X-Men hors série #2.
Les lecteurs français ont alors pu bénéficier de huit épisodes a un prix deux fois moins élevé que les deux premiers chapitres en Transatlantique. Bon, outre le fait que ceux qui s'étaient procurés la version librairie se sont fait méchamment pigeonner (difficile de le dire autrement, ou alors il faut être plus vulgaire), Panini trouva le moyen d'être encore très limite sur cette édition. En effet, sur la cover de cet hors série, l'on pouvait lire, en rouge bien voyant : "découvrez les origines des super-héros du cinéma".
Ah.
Heu... sauf qu'en fait, X-Campus, c'est tout sauf les origines des X-Men que les gens ont découvert sur grand écran. En plus de l'impéritie chronique, il y a donc mensonge flagrant. Tout ça pour vendre quelques exemplaires de plus en mentant aux pauvres bougres qui auront le malheur de faire confiance aux vendeurs d'autocollants... c'est pas joli-joli, c'est sûr. Mais bon, on sait depuis longtemps que Panini, c'est plus "je pète, je rote, je te fous la main au cul" que "je t'offre un dîner aux chandelles".
Question de style quoi. Et de morale.
En tout cas, avec l'intro de 2008, l'on sentait un certain potentiel. Ici, avec l'histoire complète, l'on est vraiment transporté dans une sorte de what if? intéressant, prenant en compte l'âge des protagonistes et employant des héros reconnaissables mais subtilement adaptés à une situation de départ bien éloignée de ce que l'on connaissait (en comics ou au cinéma).
Jean, Bobby, Hank, Logan, tous sont familiers mais trouvent, dans ce contexte particulier, une manière différente d'exister. À tel point que l'on ne serait pas contre une suite.
À découvrir (si possible en se procurant plutôt le X-Men HS du coup).