Panic
Publié le
28.6.21
Par
Nolt
On se penche aujourd'hui sur une série disponible sur Amazon Prime : Panic.
Beaucoup de choses à dire sur cette série TV qui était prometteuse sur le papier mais regorge de maladresses. Le scénario, confondant de bêtise, est écrit par Lauren Oliver, à partir de son propre roman.
Ce récit est censé être, à la base, classé dans la catégorie "young adult". Rien que ça, c'est stupéfiant de connerie. Soit c'est bien écrit, et ça devrait intéresser tout le monde, soit ce n'est pas terrible, et pourquoi infliger ça à des adolescents ou de "jeunes" adultes ? Peut-être que c'est simplement le (supposé) jeune âge des protagonistes qui fait tomber le roman et la série dans ce classement peu enviable, mais là encore ça n'a aucun sens. On ne cible pas le public par rapport à l'âge des protagonistes, cela réduirait d'une manière épouvantable l'horizon des lecteurs. Bref, on part sur du bancal.
Niveau intrigue, l'on suit de jeunes gens (censés avoir terminé l'équivalent du lycée) participant à un jeu (intitulé "panic"). Ledit jeu est franchement dangereux (il a d'ailleurs déjà causé des morts), ce qui ne dissuade nullement les "jeunes adultes" d'y participer. Ce qui en dit long sur leur niveau intellectuel. Car en fait, ce qui les motive, ce sont les 50 000 dollars que remporte le vainqueur. Certes, c'est une somme non négligeable, mais ridicule en comparaison des risques qu'ils prennent. Rien ne justifie qu'ils mettent leur vie en jeu aussi stupidement, ce qui déjà en fait des benêts peu sympathiques.
Mais les problèmes de fond ne s'arrêtent pas là. Tous ces jeunes gens sont censés habiter dans ce qu'ils décrivent comme un trou paumé. Bon, déjà, ils peuvent suivre toute leur scolarité avant l'université dans ce bled, preuve que ce n'est pas tant que ça un "trou". Mieux, dans ce genre de "petit village", normalement, le shérif est secondé par deux ou trois adjoints. Ici, le poste de police regorge d'agents (facile une vingtaine), ce qui ne correspond en rien à la description du "village".
S'il ne s'agissait que d'une réplique balancée à la va-vite, on s'en foutrait un peu, le problème, c'est que l'état supposé de ce "trou perdu" est la base de la motivation des personnages principaux, qui veulent à tout prix le quitter.
Problème, il y a tout ce qu'il faut : belles demeures, restaurants, une bibliothèque, etc. Et, contrairement aux trous véritables que l'on peut voir parfois dans les films ou séries américaines, ici, tout est neuf, bien entretenu, moderne et joli. Le cadre est même magnifique. Les rues sont agréables et verdoyantes, la campagne environnante idyllique. En fait, ce soi-disant trou dispose des infrastructures d'une ville moyenne (et bien gérée) mais de la fréquentation et de la circulation d'une minuscule bourgade ! Tous les avantages sans les inconvénients. Même quand Heather perd son boulot et quitte le domicile de sa mère, elle trouve immédiatement un job de rêve et reçoit une proposition d'hébergement dans une magnifique propriété.
Ouais, ça vaut vraiment le coup de risquer sa vie pour quitter cet horrible endroit...
Les jeunes, traumatisés par le "trou" dans lequel ils vivent. On en a les larmes aux yeux... |
Du coup, la motivation des personnages (pas seulement Heather mais Natalie par exemple) devient grotesque et en fait de désagréables nantis insatisfaits. Car, à moins d'être un drogué du sur-urbanisme, style Manhattan ou... heurk... Paris, qui se plaindrait d'un tel lieu frisant la perfection ? Ils ont accès à la culture, dans un cadre agréable, ils bénéficient de la modernité et de la nature, mais non, ce n'est pas suffisant. Ahurissant.
Il aurait donc fallu présenter un véritable trou paumé au lieu de cette bourgade paradisiaque, mais cela aurait sans doute donné un ton un peu trop glauque à la série. Rappelons que c'est destiné à des "adultes pas terminés" (je suppose que c'est ce que signifie le terme "young adult"), américains de surcroit (ils ne vivent pas pour rien dans le pays qui a inventé la peur de la fiction et le traumatisme imaginaire).
Et ce n'est pas fini... le jeu en lui-même, qui est quand même au centre de l'histoire, se révèle aussi invraisemblable que décevant. Un groupe d'amateurs n'a clairement pas les moyens d'organiser quelque chose d'aussi complexe, pendant aussi longtemps. Je veux bien faire un effort, mais la suspension de l'incrédulité ne peut pas se substituer aux incohérences crasses du scénario.
En ce qui concerne le côté spectaculaire, si ça commence bien avec deux premières épreuves un peu tendues et générant un certain suspense, on en vient vite à des défis trop longs, fades et sans intérêt.
Ça fait déjà beaucoup de défauts, non ? Passons maintenant aux protagonistes. Outre un jeu d'acteur parfois peu convaincant et un casting malhabile (on n'avait plus vu de "jeunes" aussi vieux depuis Les Sous-doués et un Daniel Auteuil de 30 balais incarnant un lycéen), l'on est encore une fois face à des réactions incompréhensibles et des psychologies de personnages à géométrie variable. Prenons un exemple concret avec Heather et Ray. Ray, au moins au départ, est le prototype pur du connard de service. Arrogant, menaçant, agressif, il maltraite même le meilleur ami d'Heather. Or, qu'est-ce qu'elle fait, alors qu'elle dit le détester ? Elle lui tombe dans les bras.
Ce n'est pas une mauvaise idée en soi, notamment parce que le fameux Ray se révèle plus complexe et sympathique qu'on pouvait le penser (ce qui est la seule bonne idée de la série). Mais, le problème, c'est que le mec s'humanise seulement une fois qu'Heather s'est intéressée (c'est un euphémisme) à lui. Du coup, elle craque pour un connard et découvre par hasard qu'il ne peut être jugé sur ses seuls et nombreux défauts. Putain que c'est maladroit ! Pourquoi la protagoniste principale, censée avoir un peu de jugeotte, irait fondre pour un mec brutal, qui se tape en plus des poignées de gonzesses devant elle ? C'est évidemment l'inverse qu'il fallait faire : elle découvre qu'il n'est pas juste un gros bully décérébré, ce qui montre sa perspicacité, puis sort avec, ce qui montre son refus de céder à la pression sociale et aux apparences. L'héroïne en sortait grandie au lieu de passer pour une idiote (je ne comprends pas ce que je fais) doublée d'une connasse (je me moque que ce type maltraite mon meilleur pote).
Vous l'avez sans doute compris, on pourrait passer des heures sur tout ce qui ne va pas dans cette histoire écrite sans doute avec passion mais sans aucune once de réflexion ou de savoir-faire. Ne pensez pas pour autant que ce soit représentatif du "young adult" qui, pour autant que soit ridicule cette appellation, renferme parfois quelques ouvrages intéressants (du style Re-Made ou Gone par exemple), écrits par des auteurs qui respectent l'intelligence du public.
Un exemple parfait de la fiction de seconde zone lorsqu'elle est aux mains d'incapables.
+ | Les points positifs | - | Les points négatifs |
|
|
|