Le Sanctuaire des Hérétiques - 2/2
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Suite et fin de ce diptyque narrant la première aventure du journaliste Angel... 


Il y a un an de cela, je prenais la défense du premier tome du Sanctuaire des hérétiques alors que d'autres sites l'égratignaient davantage. Cette fois, il va me falloir être moins complaisant envers cette BD Soleil, je le crains.
Le dessin est toujours agréable à regarder, même si le héros semble parfois avoir le don de changer de visage (et non, désolé, ce n'est pas un des éléments du scénario), mais l'histoire, pour cohérente qu'elle soit, est d'une telle simplicité qu'elle en semble souvent maladroite.
J'ai espéré, tout au long du tome 1, voir les bases d'un récit policier ou d'un récit fantastique vraiment bien construit mais mettant son temps pour s'installer (ce que j'aurais adoré). Malheureusement, on nous gratifie ici d'une conclusion hâtive et bâclée au point d'en être un peu ridicule par moments. Hésitant entre récit de malédiction mal assumé et récit de vengeance tellement improbable que seule la folie d'une protagoniste peut le justifier, ce tome 2 est à mes yeux une déception.

Si je vous dis, par exemple, que l'antagoniste principal, une fois découvert, avoue son plan dans tous les détails à notre héros journaliste et endosse sans frémir la culpabilité de nombre de crimes et délits pour la seule raison apparente de... eh bien... d'expliquer les raisons de son geste au lecteur ? Honnêtement, je ne vois que ça.
Ça donne l'impression d'une fin précipitée. Comme si un triptyque avait été prévu mais que les auteurs sur le projet avaient fini par se dire : "Oh mais attends, il y a un autre truc sympa sur lequel je voulais bosser, là... Tu sais quoi ? La famille avec sept enfants qui est la cible de la vengeance, là... ben je vais expédier ça en n'appliquant la vengeance que sur certains d'entre eux et ça va raccourcir le truc, non ? Et j'ai une idée : on va écrire leur comportement comme ceux d'un groupe de PNJ dans un jeu de rôles avec un leader et des suiveurs. Oh, et puis le journaliste, il est tellement sympa que l'antagoniste lui avoue ses crimes dès qu'il le voit, ça évitera qu'il y ait une enquête à raconter. Allez zou, c'est devenu un diptyque, coco, on est trop des petits malins, nous !"
D'ailleurs, j'ai sur mon bureau le premier album de la nouvelle série de bande dessinée Bob Morane (cf. cet article sur les romans originaux) qui sort elle aussi dans les jours à venir et qui, elle aussi, est signée Bec... J'espère qu'il ne s'agit là que d'un hasard de calendrier et que le pauvre Angel ne s'est pas fait couper les ailes parce que Bob avait hâte de voir le jour... Nul ne le saura sans doute jamais.
Mais on parlera de Bob d'ici quelques jours, revenons au Sanctuaire des hérétiques... Ce qui, en plus, était un bon titre, je trouve !

Mais désolé, livre... On a un problème, toi et moi.
Livre, tu m'as pris pour un con. Je n'aime pas ça.
Livre, tu as été fainéant. Je n'aime pas ça.
Si, livre : tu es malhonnête et fainéant. Et je vais, en montrant trois de tes planches, en faire la démonstration. Attention, je ne juge pas l'album à ces trois cases, je juge juste ces trois cases révélatrices de la paresse de cet album. Voici les cases en question :


Oui, ça cause d'escalade.
Dès que j'ai vu ça, ayant des contacts dans le milieu de la grimpe, je me suis dit que le machin sentait l'oignon quand même, et c'est ce que me confirma malheureusement un animateur de stages de grimpe que je connais bien. En gros, on pourrait résumer ses critiques ainsi :
"Whouhouuu ! Il est chaud, le gars ! Non parce que l’escalade de façade, ça existe bel et bien en tant que pratique de grimpe... mais là, on a un gars qui te fait ça avec ses chaussures de ville, avec un point d’accroche qui sort de nulle part et une corde végétale qui brise le dos à la moindre chute. C'est plutôt... yolo comme façon de faire.
Et le gars a beau être journaliste, il doit avoir des touches hyper dures sur sa machine à écrire parce qu'il a les doigts tout musclés d’un grimpeur olympique. Il a fait des compétitions étant jeune ? Super. Mais quand tu vois la dégringolade de performances qu'on a tous eu rien qu'en un an de covid... certains d'entre nous en sont à déprimer tellement ils ont régressé. Mais lui, okay, après des années, il a encore des mains comme des crochets en adamantium, c'est cool. Parce qu'en plus, les joints dessinés ici ne sont même pas en creux, hein : c'est Spider-Man, quoi !
Mais attends, ce n'est pas le pire : je viens de remarquer un truc tellement gros que mon cerveau n'avait même pas osé l'intégrer dans un premier temps ! Le gars grimpe avec une corde végétale. Okay, c'est déjà une idée un peu moisie… mais il n’est même pas assuré ; elle ne sert à rien, sa foutue corde ! Regarde la corde qui est accrochée au grimpeur ; elle devrait être reliée au gars au sol pour l’assurer. Alors que là, la corde est bien enroulée pour faire joli mais si jamais il tombe, elle va juste filer vers le haut et lui... vers le bas ! Parce que c’est bien de mettre une corde accrochée a un piton mais si la corde n’est pas retenue par quelqu’un ou quelque chose, comme un grigri par exemple, autant grimper sans !"

Vous trouvez ça mesquin, de m'acharner sur trois cases ? Je trouve ça insultant d'être à ce point pris pour un con. Le truc, c'est que ça vous renseigne sur l'état d'esprit dans lequel la BD semble avoir été réalisée : une bonne grosse flemme des familles !
Le net regorge d'images d'escalade prises sous tous les angles, sans déconner ! Et la communauté des grimpeurs est tellement passionnée que, si vous lui posez deux questions sur un forum, elle vous écrira six romans pour vous répondre sur le moindre nœud qu'ils utilisent ! Mais non. On est dans l'esprit "Bah, ça fera l'affaire". Eh bien non. Ça ne fait pas l'affaire !

Et le type à droite, là. Il est au cœur d'un flashback qui fait partie de l'explication que fournit l'antagoniste principal pour ses actes... Et cette histoire-là aurait pu surprendre, elle contient un twist plutôt étonnant et assez inédit... mais c'est mouché en deux cases ! Puis on aborde dans ce flashback une secte hérétique visiblement d'inspiration chrétienne mais croyant apparemment en la réincarnation. C'est hyper intéressant ! Mais on ne s'en sert que pour justifier le twist : ça sort de nulle part et ça y retourne aussi sec ! Mais purin de bord d'aile de merle de sacre et nom d'odieux, c'est du gâchis !

Vraiment, j'en suis marri mais si le tome 1 avait de quoi lancer un récit vraiment surprenant et astucieux, on lui a préféré la facilité et les raccourcis narratifs de toutes sortes, les clichés et les facilités.
Je ne suis pas content. Du tout !
Alors du coup, notre mascotte Virgul fait la tête en bas d'article. Ce qui est exagéré... ce n'est pas nul, loin de là. Mais c'est décevant au possible ! 
Si vous avez acheté le tome 1, lisez le 2, histoire de voir si la fin vous plaît. Si tel est le cas, grand bien vous fasse. Elle n'est pas indigne mais elle est d'une indigence que je n'ai pas supportée.
Si vous attendiez le tome 2 pour vous offrir le 1... je vous conseillerais d'économiser vos 30 euros. Et je déteste écrire ce genre de choses, pourtant.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Plein de promesses dans le tome 1...
  • Un dessin agréable...
  • Une mise en couleur soignée... qui le reste. C'est même la seule chose qui s'améliore dans le tome 2.
  • Ça pourrait plaire à des gens peu habitués à ce genre de récits.
  • ... auxquelles le tome 2 donne des allures de mensonges.
  • ... mais parfois inconstant.