Captain Swing & les Pirates électriques de Cindery Island
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Londres, 1830. Le jeune flic Charles Gravel ne cesse d’être témoin de choses qu’il ne devrait pas voir : un navire volant, des pirates armés d’étranges artefacts électriques… et un individu rebelle qui nargue la police, un révolutionnaire qui défie la loi pour remettre au peuple la science et ses miracles afin de le libérer du joug des puissants. Dans les rues, on murmure le nom de Spring-Heeled Jack… mais il préfère qu’on l’appelle Captain Swing.
Voici son histoire.

Captain Swing & les Pirates électriques de Cindery Island est un album paru aux éditions Bragelonne en janvier 2012 dans la collection Milady comics, illustré par Raulo Caceres & scénarisé par Warren Ellis. Cette fois, le grand auteur britannique (nous vous conseillons de jeter un œil sur le dossier qui lui est consacré) se frotte au steampunk, après avoir longtemps écrit sur la condition de super-héros (voir No Hero ou Black Summer présentés dans le dossier sus-cité mais aussi Supergod). 
 
Le résultat est surprenant. 

Loin d’être mauvais, il est surtout frustrant tant on a l’impression que l’on est face à un projet avorté contenant en germe toute la virulence d’un Ellis réfractaire au système. C’est que le monde qui nous est présenté ressemble à un mélange improbable entre Rex Mundi et From Hell : les rues de Londres, façon gaslight, sont glauques et sombres, et les forces de l’ordre peinent à en contenir les ombres. Seulement, l’irruption de la « magie technologique » se fait par le biais de l’électricité, cette énergie encore mal maîtrisée et trop méconnue. Sa variété d’utilisation en fait une arme terrifiante pour qui sait comment la canaliser. Encore faut-il aussi décider de ce qu’il convient de faire avec cette source de puissance : la dispenser gratuitement au peuple en souffrance (1830 est une année charnière dans les revendications sociales en Europe, et l’Angleterre connut alors quelques émeutes de mineurs qui firent date) ou la réserver à une élite désireuse de conserver la mainmise sur une société obscurantiste ? 
Captain Swing, c’est un peu le Terrible Pirate Roberts [1] de ce conte philosophique moderne, à mi-chemin entre Robin des Bois et Rorschach : peu importe son identité, ce sont les idées véhiculées qui comptent.




Ainsi, difficile de s’attacher aux personnages, si ce n’est à ce Charlie Gravel, un « Peeler » - c'est-à-dire un officier de la Metropolitan Police de Londres fondée par Sir Robert Peel - gardien de la paix sans arme chargé d’agir comme il peut contre une criminalité galopante à laquelle les « Bow Street Runners » (précurseurs des policiers londoniens, des hommes armés sous la houlette des magistrats) ajoutaient leur grain de sel en s’opposant constamment à eux. Charlie, à la fois respectueux des règlements et fougueux, n’écoute que son courage pour partir à la poursuite de ce bandit capable de sauter par-dessus un immeuble et de s’enfuir dans un bateau volant. Mais est-ce vraiment cet homme étrange adepte de la science philosophique qui est responsable du meurtre d’un policier ?
Charlie se retrouvera sans le savoir au cœur d’une conspiration touchant jusqu’aux plus hauts responsables du gouvernement.




Les dessins de Caceres ont cet agréable aspect des comics vintage, bourrés de détails et d'expressions faciales exagérées. Il y ajoute de nombreuses planches de machines pré-technologiques qui, avec les tonalités sombres choisies, confèrent une ambiance oppressante bienvenue.
L’ensemble va néanmoins bien trop vite et pose beaucoup plus de questions qu’il n’en résout, s’attardant sur une péripétie alors que le mystère reste entier. Warren Ellis a toutefois le mérite de rattacher ce récit à l’Histoire par le biais d’anecdotes bien réelles, qui donnent un éclairage nouveau à cette aventure. Un peu comme un V pour Vendetta à l’envers.




[1] : un personnage légendaire du film (et du livre) Princess Bride, pirate sanguinaire ayant la réputation de ne jamais laisser de survivant, mais dont on découvre qu'en fait il est régulièrement incarné par de nouveaux individus.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Warren Ellis, gage de qualité.
  • Un comic dans la mouvance steampunk.
  • Une époque méconnue et peu exploitée.
  • Une ambiance sombre bien rendue par l'encrage.
  • Une édition française classieuse.
  • Une intrigue qui fourmille de détails pas toujours exploités.
  • Des personnages souvent juste esquissés.
  • Des visages grimaçants, un style archaïque.